Le devoir de diligence du transporteur maritime de marchandises en droit CEMAC( Télécharger le fichier original )par OUSMANOU HADIDJATOU FSJP UNIVERSITE DE NGAOUNDERE - MASTER EN DROIT PRIVE GENERAL 2014 |
PARAGRAPHE II- UNE EXCLUSION DECOULANT DE LA FAUTE D'UNE EXCEPTIONNELLE GRAVITELe Lexique des Termes Juridiques de Serge GUINCHARD définit la faute civile comme l'attitude d'une personne qui par négligence, imprudence ou malveillance ne respecte pas ses engagements contractuels (faute contractuelle) ou son dommage de ne causer aucun dommage à autrui (faute délictuelle)101(*). Autrement dit, au-delà de l'inexécution ou du retard à l'exécution proprement dit, il s'agirait de ressortir le fait quelconque, ou l'acte de négligence du transporteur ayant généré le dommage. Il a été démontré que le manquement à son devoir de diligence raisonnable par le transporteur était de nature à réintroduire sa responsabilité notamment en neutralisant le cas excepté allégué. A ce niveau, peut-on tenir compte de la gravité de la faute du transport pour pouvoir lui refuser le bénéfice du cas excepté invoqué, mieux pour pouvoir exclure définitivement ce cas excepté (B). Il faut auparavant préciser que ladite faute lorsqu'elle est grave est de nature à impacter sur les clauses d'irresponsabilité ou plus globalement les clauses contractuelles opposant le transporteur au chargeur (A). A- LA GRAVITE DE LA FAUTE DU TRANSPORTEUR : OBSTACLE AUX CLAUSES D'IRRESPONSABILITE L'on peut être surpris qu'on fasse allusion aux « clauses d'irresponsabilité » dans le domaine du droit des transports. En effet, suites aux conséquences dramatiques des « négligence clauses » d'antan, le législateur est intervenu aux fins de rééquilibrer le déséquilibre ancestral entre les chargeurs et les transporteurs. Initialement, du fait que le droit maritime était maîtrisé par les grands États maritimes, ceux-ci à travers les institutions maritimes comme l'Organisation Maritime Internationale (OMI), l'Organisation Internationale du Travail (OIT) favorisaient des Règles qui leurs étaient profitables. C'est au demeurant avec l'implication de la CNUCED et de la CNUDCI que l'on assiste dorénavant à des règles plus équilibrées. Quoi qu'il en soit c'est pour faire face aux nombreuses clauses d'irresponsabilité insérées dans le connaissement par le transporteur que la communauté internationale et même le législateur communautaire ont rendu impératif les règles liées au régime de responsabilité du transporteur excluant toute clause limitative ou élusive de responsabilité102(*). Néanmoins, dans certains domaines spéciaux il est encore possible d'insérer de telles clauses. La Section VI intitulée : « Règles spéciales concernant les contrats de volume, les animaux vivants et certaines autres marchandises » prévoit, aux articles 569 et suivants du CMM, certaines règles qui dérogent pour la plus part au caractère impératif de la Convention en permettant au transporteur s'agissant des contrats de volumes, des contrats portant sur les animaux vivants et certaines autres marchandises, d'inclure au contrat des clauses qui lui sont favorables. S'agissant du contrat de volume, il y a lieu de rappeler que celui-ci a intégré la liberté contractuelle dans le contrat de transport, toute chose qui n'existe jusque-là que dans les contrats d'affrètement. Il s'agit du transport de grande quantité de marchandises. Pour l'article 2 al. 25 du Code de la Marine Marchande CEMAC, il s'agit du « contrat qui prévoit le déplacement d'une quantité significative de marchandises, en plusieurs expéditions, pendant une durée convenue. La quantité peut être exprimée sous la forme d'un minimum, d'un maximum ou d'une fourchette ». L'article 570 CMM permet l'insertion dans le contrat des clauses limitatives ou exclusives des obligations ou de la responsabilité du transporteur conformément à l'alinéa a s'il s'agit d'animaux vivants. L'on peut également évoquer le transport en ponté qui se fait notamment dans le respect des dispositions légales, et en accord avec les usages, coutumes et pratiques du commerce. Ici, l'accord du chargeur à travers les clauses contractuelles doit être clairement déterminé. Dans ces transports spéciaux, la gravité de la faute du transporteur est de nature à éluder la clause. En effet, l'article 570 al. a in fine précise : « Cependant, une telle exclusion ou limitation ne s'applique pas lorsque l'ayant droit prouve que la perte, le dommage ou le retard de livraison subi par les marchandises résulte d'un acte ou d'une omission que le transporteur ou une personne mentionnée à l'article 547 a commis soit dans l'intention de provoquer cette perte ou ce dommage ou le préjudice dû au retard, soit témérairement et avec conscience que cette perte ou ce dommage, ou que ce préjudice dû au retard, en résulterait probablement ». D'ailleurs, pour cet auteur103(*), « la jurisprudence maritime s'est rangé du côté de la solution dominante, en ce qui concerne notamment le transport d'animaux vivants. Dans un arrêt du 12 février 1964, la Cour de Paris après avoir affirmée que la clause élusive de responsabilité devait être écartée en cas de dol ou de faute équivalente, reconnu qu'en l'espèce, le transporteur avait connu une faute lourde ». Pareillement, sera assimilé à une faute inexcusable le transport en ponté accompli sans le consentement de l'ayant droit à la cargaison104(*). Comme nous le voyons, le bénéfice de la clause d'irresponsabilité, de toute clause contractuelle favorable voire de tout cas excepté innomé sera écarté par le juge si d'aventure le transporteur causait une faute d'une exceptionnelle gravité, c'est également le cas lorsqu'un cas excepté nommé est visé. B- LA GRAVITE DE LA FAUTE DU TRANSPORTEUR : OBSTACLE AUX CAS EXCEPTES SERIAUX a semblé dire que le « droit des transports connaît ou a connu un certain nombre de dispositions qui rendent inopposables les causes d'exonération légalement prévues en faveur du transporteur lorsque celui-ci commet une faute qualifiée ». Il prétend que dans la très grande majorité des cas, bien que la faute légère suffit en principe à éliminer l'exonération du transporteur pour un cas excepté, la gravité de la faute du transporteur peut servir à exclure le cas excepté105(*). Mais nous nous devons de mettre un bémol à cette approche en ce sens que le Code de la Marine marchande CEMAC est allé en contradiction avec cette approche en précisant à l'article 546 al 4 a et 5 a, que la simple faute du transporteur, le manquement à ses obligations de diligence sont de nature à exclure le cas excepté qualifié. Les seules hypothèses ou la gravité de la faute est prise en compte sont celles impactant sur le quantum de la réparation, la faute dolosive ou intentionnelle du transporteur, de ses auxiliaires ou de ses préposés ainsi que leur faute inexcusable créant sine die un déplafonnement de la réparation. * 101GUINCHARD (S.), Lexique des Termes Juridiques, 17ème éd., Dalloz 2009, v° Faute. * 102L'article 571 du CMM dispose : « 1. Sauf disposition contraire du présent chapitre, toute clause d'un contrat de transport est réputée non écrite dans la mesure où elle : - écarte ou limite directement ou indirectement la responsabilité du transporteur ou d'une partie exécutante maritime pour manquement à une obligation prévue dans le présent chapitre ; ou - cède au transporteur ou à une personne mentionnée à l'article 547, personnes dont le transporteur répond, le bénéfice de l'assurance des marchandises. 2. Sauf disposition contraire du présent chapitre, une clause d'un contrat de transport est réputée non écrite dans la mesure où elle : - écarte, limite ou étend directement ou indirectement les obligations du chargeur, du destinataire, de la partie contrôlante, du porteur ou du chargeur documentaire prévues dans le présent chapitre ; ou - écarte, limite ou accroît directement ou indirectement la responsabilité du chargeur, du destinataire, de la partie contrôlante, du porteur ou du chargeur documentaire pour manquement à l'une quelconque de ses obligations prévues dans le présent article. 3. La nullité d'une telle stipulation n'affecte pas la validité des autres dispositions du contrat ou document où elles figurent. 4. Nonobstant les dispositions du paragraphe précédent, les personnes visées au paragraphe 1 et 2 du présent article peuvent assumer une responsabilité et des obligations plus étendues que celles qui sont prévues par le présent chapitre ». * 103SERIAUX (A.), Op. cit., p. 205. * 104BONASSIES (P.) & SCAPEL (C.), Op. cit., p. 689. * 105SERIAUX (A.), Op. cit., p. 206. |
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