Conclusion
Face à une offre exogène contrôlée
par les autorités monétaires, la demande de monnaie constitue une
entité beaucoup plus complexe à analyser.
L'apport des théories économiques peut nous
éclairer sur ce point, car elles permettent de mieux comprendre ce qui
détermine les besoins de la monnaie et la façon dont ceux-ci
s'insèrent dans le fonctionnement de l'économie. L'aperçu
passé en revue au cours de ce chapitre nous a permis de mieux cerner les
déterminants clés de la demande de monnaie à savoir: le
taux d'intérêt et d'inflation, niveau de revenu, mais aussi
anticipations sur les cours de change, si on songe que l'internationalisation
des économies a fait de la demande de monnaie une demande
internationale.
La prime attendue sur le cours de change d'une monnaie
intervient dans l'estimation du coût d'opportunité de la
détention d'encaisses, quant à l'anticipation de taux des titres
(considérés comme actifs financiers alternatifs), elle intervient
dans le choix des agents entre la détention de ces actifs et
détention d'encaisses. Parce qu'il détermine le montant des
transactions à
effectuer, le niveau de revenu apparait également come
déterminant de la demande de monnaie. Cette dernière se
modifié pour chaque variation des prix, les fluctuations des prix
modifie la valeur réelle des encaisses. Pour maintenir cette valeur, la
demande va devoir compenser la variation des prix.
Notre choix a porté sur un modèle ayant comme
principale préoccupation la prise en compte des principaux
déterminants de la demande de monnaie en Algérie qui sont le
produit intérieur brut, l'inflation, le taux d'intérêt et
le cours de change. Le choix d'un tel modèle nous a été
imposé par la disponibilité et la nature des données
statistiques existantes.
CHAPITRE 04
Méthodologie d'estimation et
présentation des résultats
Introduction
Après avoir exposé les différents
éléments théoriques et empiriques expliquant la relation
entre la demande de monnaie et les agrégats économiques : PIB
réel, taux d'escompte, taux d'inflation et taux de change, nous allons
essayer de faire une application empirique. Il s'agit de déterminer
d'éventuelles relations entre la demande de monnaie et les
différentes variables explicatives retenues, sur une période
allant de 1970 jusqu'à 2014.
L'économétrie des séries non
stationnaires a connu de nombreux développements à travers le
temps, notamment la théorie de la cointégration, proposée
par Granger et Weiss [1983], formulée par Granger [1981] et
développée par la suite par Engel et Granger [1987] et Johansen
[1988, 1991]71. L'intérêt croissant de ce concept
réside dans le fait qu'il autorise l'estimation et les tests de
relations d'équilibre de long terme entres les variables.
De nombreux économistes considèrent que certains
évènements tels que les guerres et les politiques
monétaires peuvent affecter les différentes variables
macroéconomiques d'où la prise en compte des ruptures
(breaks) structurelles dans les séries temporelles est devenu
une nécessité. A titre d'exemple, on peut citer les travaux de
Lumsdaine et Papell [1997], Wang et Zivot [2000] qui considèrent le test
de racine unitaire en présence de break dans la tendance du
processus. D'autre part, Marriot et Newbold [2000]72 traitent le cas
de présence de break dans la moyenne du processus.
Ainsi, notre présent chapitre se compose de deux
parties. Dans la première, nous présentons la démarche
méthodologique que nous allons suivre pour déterminer les
principales variables explicatives de la demande de monnaie en Algérie,
et l'estimation des différentes variables des données
recueillies. La deuxième partie rend compte des résultats
empiriques et à leur discussions et les interprétations des
différentes relations estimées. Sur la base des résultats
obtenus, il sera envisagé des propositions en matière
d'orientation de la politique monétaire nationale.
1. Méthodologie d'estimation
Afin d'éviter le problème de la
régression fallacieuse, l'ordre d'intégration des variables est
étudié en utilisant les tests de racine unitaire de Dickey Fuller
(ADF) et Phillips-Perron (PP). Nous étudions l'existence d'une relation
coïntégrante de demande de monnaie en tenant compte
71 Jean Paul K. et al. (2013),
«Cointégration et modèle à correction d'erreur»,
LAREQ publications, vol. 8, n0 3.
72 Khorsi R. (2011). Inférences
bayésiennes en séries chronologiques, Mémoire de Magister,
université de Tizi Ouzou.
73 Ibidem.
de la possibilité des ruptures structurelles sur la
dynamique des séries macroéconomiques utilisées.
Dans la littérature actuelle, on trouve un bon nombre
de travaux qui traitent les modèles de séries temporelles avec
changement structurel lié aux évènements
macroéconomiques majeurs tels que les chocs pétroliers, les
guerres, les crises financières et les changements de régime
politique, etc. L'analyse des changements structurels a suscité un grand
intérêt surtout après l'apparition de l'article de Perron
[1989].
Perron [1989]73, montre que l'évidence de
l'existence d'une racine unitaire dans plusieurs variables
macroéconomiques pourrait être due à la présence
d'un important changement structurel dans la tendance des séries qui est
ignoré. Dans ce cas, les tests habituels de racine unitaire (test ADF)
sont biaisés en faveur de l'hypothèse nulle. Les tests Phillips
et Perron s'appuient sur une approche non-paramétrique de correction des
erreurs qui tolère aussi bien
l'hétérogénéité qu'une certaine
dépendance temporelle au sein de la série résiduelle. De
plus, les statistiques de test qu'ils calculent ont la propriété
d'être tabulées selon les mêmes tables que celles d'ADF.
Dans notre étude, afin d'étudier efficacement
les propriétés statistiques des variables, nous recourrons
judicieusement au test de Zivot et Andrews [1992], qui permet d'accorder une
plus grande flexibilité à la modélisation de la composante
déterministe du processus générateur des données.
Ils considèrent que sous l'hypothèse nulle le processus temporel
étudié est I(1) sans changement structurel exogène, alors
que sous l'alternative, il peut être représenté par un
processus TS avec un unique changement structurel dans le niveau ou la
tendance. Le point de rupture survient à une date a priori inconnue,
date déterminée par la procédure de test. Le point de
rupture est choisi de telle sorte qu'il minimise la statistique de test ADF
associée. Puis, nous procédons à l'estimation de la
relation de long terme de la fonction de demande de monnaie avec prise en
compte des ruptures structurelles. Si les résidus issus de l'estimation
s'avèrent stationnaire, un modèle dynamique (court terme) sera
estimé.
Une série de tests statistiques est effectuée
afin de pouvoir valider le modèle : test de stationnarité des
résidus, test de normalité, et le test
d`hétéroscédasticité. Enfin, la stabilité
des paramètres du modèle est étudiée en utilisant
les tests de CUSUM et CUSUM of SQUARES. Le test de CUSUM
teste la présence ou non de l'instabilité
systématique et le test CUSUM of
SQUARES teste quant à lui la présence
ou non de l'instabilité aléatoire. Si notre modèle est
validé, il pourra ainsi être utilisé à des fins de
prévisions.
2. Analyse des propriétés statistiques
des données et estimation des paramètres
Avant tout traitement économétrique, il convient
de s'assurer de la stationnarité des variables retenues car la
stationnarité constitue une condition nécessaire pour
éviter les relations fallacieuses.
Une première idée sur le caractère
stationnaire ou non des variables est donné par l'analyse du
corrélogramme. On examine celui de la masse monétaire
réelle en niveau (annexe n0 2) puis en variation (annexe
n0 3). Le corrélogramme de la masse monétaire
réelle montre des autocorrélations lentement décroissantes
tandis que seule la première autocorrélation partielle est
significative. Cette forme de corrélogramme est typique des
séries non stationnaires. On peut donc supposer que la série log
RM est non stationnaire. Le corrélogramme de la série en
variation est d'une forme très différente. Il ne présente
pas d'allure particulière, on peut donc dire que la série en
différence est stationnaire. Le corrélogramme des séries
log PIB, log TCH, log TINT et log INF, donne les mêmes indications (voir
annexe n0 2 et 3). Pour confirmer ces suppositions, nous
procédons aux tests de racine unitaire.
Tableau n0 6 : Résultats des tests de
stationnarité d'ADF et PP
|
ADF
|
PP
|
Ordre
d'intégration
|
Variable
|
En niveau
|
1st diff.
|
En niveau
|
1st diff.
|
Log RM
|
4,864428
|
-2,819398
|
3.227294
|
-2.819398
|
I(1)
|
Log PIB
|
4.475461
|
-4.785113
|
4.475461
|
-5.299650
|
I(1)
|
Log INT
|
0.031989
|
-4.757178
|
-0.208405
|
-4.793485
|
I(1)
|
Log INF
|
-2.788521
|
-9.443371
|
-2.815550
|
-9.483791
|
I(1)
|
Log TCH
|
2.518361
|
-3.594629
|
1.316269
|
-3.703237
|
I(1)
|
Les valeurs critiques sont considérées au seuil
5%.
Les valeurs des statistiques ADF et PP obtenues pour les
variables en niveau sont toutes supérieures à la valeur critique
au seuil critique de 5%. Les séries ne sont pas stationnaires en niveau.
Pour les rendre stationnaires nous avons procédé aux tests de
racine unitaire sur les variables exprimés en différence,
l'hypothèse nulle de non-stationnarité est rejetée de
façon significative. Les statistiques ADF calculées sur les
variables sont toutes inférieures à la valeur critique au seuil
de 5%. On en conclut donc que les séries sont toutes
intégrées d'ordre un I(1).
Néanmoins les tests ADF et PP peuvent être
suspects lorsque l'échantillon analysé comporte des
événements majeurs (crise financière, choc
pétrolier, etc.) qui sont susceptibles de créer des ruptures dans
les séries. Afin de vérifier ceci et donc de prendre en compte
les possibles changements de régimes, nous allons réaliser des
tests de racine unitaire avec rupture de Zivot et Andrews [1992]. Nous
présentons, dans le tableau n0 5, les résultats de ce
test.
Tableau n0 7 : Résultats du test de
stationnarité avec rupture Zivot Andrews [1992]
Variable
|
Modèle A
|
Modèle B
|
Modèle C
|
Ordre
d'intégration
|
t ZA
|
v. crit
|
t ZA
|
v. crit
|
t ZA
|
v. crit
|
Log RM
|
-3,91
(1989)
|
-4,93
|
-3,55(1996)
|
-4,42
|
-3,53
(1989)
|
-5,08
|
I(0)
|
Log PIB
|
-6,69
(1987)
|
-4,93
|
-5,02(2001)
|
-4,42
|
-5,19
(2003)
|
-5,08
|
I(0)
|
Log INT
|
-6,08
(1986)
|
-4,93
|
-4,33(1992)
|
-4,42
|
-6,26
(1986)
|
-5,08
|
I(0)
|
Log INF
|
-5,76
(1997)
|
-4,93
|
/
|
/
|
-5,64
(1997)
|
-5,08
|
I(0)
|
Log TCH
|
-4,95
(1991)
|
-4,93
|
-2,64(2001)
|
-4,42
|
-5,03
(1991)
|
-5,08
|
I(0)
|
Les valeurs critiques sont considérées au seuil 5%
; (.) : Date de rupture
Selon les résultats de ce test (tableau n0
7), toutes les variables sont intégrées d'ordre zéro I(0),
et donc stationnaires. Les valeurs de la statistique t ZA
sont supérieures aux valeurs critiques au seuil de 5% pour les
séries log RM, log PIB, log INF.
On retient pour les 3 séries le modèle A qui met
en évidence un point de rupture dans la constante en 1989 pour la
série log RM. Cette date correspond à la réforme du
système monétaire et fiscal qui allait dès lors s'appuyer
sur quelques mesures fortes destinées à enrayer l'inflation
monétaire et rééquilibrer les comptes des agents
économiques, et du Trésor en ménageant une transition de
l'économie d'endettement vers une économie s'appuyant davantage
sur les marchés monétaire et financier. Les dates de ruptures
retenues pour les séries log PIB et log INF sont 1987 et 1986
respectivement, elles correspondent au contre choc pétrolier de 1986 qui
avait des conséquences négatives sur la croissance et
l'inflation. (Pour combler le déficit budgétaire, les
autorités utilisaient la planche à billets, ce qui avait pour
effet mécanique d'alimenter l'inflation).
Pour ce qui est es série log TINT et log TCH, on
retient le modèle C qui présente une rupture dans la constante et
la tendance à la fois en 1986 et 1991 pour la série log TCH.
Cette dernière correspond à l'adoption du régime de change
flottant.
2.1. Estimation de la relation de long terme de la
fonction de demande de monnaie De l'équation (10), la fonction
de demande de monnaie à long terme estimée sans rupture
structurelle est sous la forme suivante :
Log RMt = -2,55 + 2,03 log PIBt - 0,26 log TINTt - 0,03 log
TCHt - 0,02 log INFt ... (11)
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