INTRODUCTION
L'objectif de cette partie est de présenter les liens
éventuels entre l'aménagement du territoire et la croissance
urbaine. La méthodologie déployée est la recherche
documentaire.
La partie s'organise autour de deux chapitres :
- Le premier met en exergue l'influence de
l'aménagement du territoire sur la croissance urbaine ;
- Le deuxième met en exergue l'influence de la
croissance urbaine sur l'aménagement du territoire.
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Aménagement du territoire et croissance urbaine au
Cameroun
CHAPITRE I : LA CROISSANCE URBAINE, UNE CONSEQUENCE DE
L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE
L'objectif de ce chapitre est d'analyser l'influence de
l'aménagement du territoire sur la croissance urbaine. La
littérature laisse penser que cette influence peut être positive
ou négative. Notre chapitre s'organise autour de deux principales
sections :
- la première section met en exergue l'influence
positive de l'aménagement du territoire sur la croissance urbaine ;
- la seconde section met en exergue l'influence
négative de l'aménagement du territoire sur la croissance
urbaine.
Section I : L'influence positive de
l'aménagement du territoire sur la croissance urbaine.
Diverses théories tentent de mettre en exergue
l'influence positive de l'aménagement du territoire sur la croissance
urbaine. Nous nous intéresserons aux théories liées aux
modèles de croissance endogène (A) et celles liées aux
économies d'agglomération (B).
A. Aménagement du territoire et croissance
endogène
Les politiques publiques d'aménagement du territoire
présentent des atouts indéniables lorsqu'elles sont
véritablement mises en oeuvre. Leurs succès passent par la
réalisation des infrastructures importantes, les services publics, la
maîtrise du foncier ainsi qu'une différenciation du territoire.
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Aménagement du territoire et croissance urbaine au
Cameroun
A.1. Dépenses publiques et croissance
urbaine
SCHEMA 1 : DU BUDGET DES DEPENSES PUBLIQUES AUX SERVICES
PUBLICS.
BUDGET DES DEPENSES PUBLIQUES
BUDGET
D'INVESTISSEMENT
BUDGET D'INVESTISSEMENTS COURANTS
CAPITAL PUBLIC
INFRASTRUCTURES PUBLIQUES
TARIFICATION UNIFORMISEE
SERVICES PUBLICS GRATUITS
SERVICES PUBLICS
SERVICES PUBLICS
SERVICES PUBLICS AVEC CONGESTION
Source : Charlot (1996) et traitement de l'auteur
SERVICES PUBLICS PAYANTS
Le schéma ci-dessus décrit le budget des
dépenses publiques. Il montre l'importance de ces dépenses dans
la relance des activités économiques grâce à la mise
en oeuvre des infrastructures et des équipements indispensables pour les
agents économiques.
Meade (1952) considère que le capital public a deux
rôles dans la sphère économique : il peut être un
facteur de production non-rémunéré mais, aussi, une
variable d'environnement qui
Aménagement du territoire et croissance urbaine au
Cameroun
contribue à augmenter la productivité du capital
privé et du travail. Ceci peut être traduit en termes
d'externalités. Les services publics sont à la base de deux
grandes catégories d'externalités technologiques.
Ils sont tout d'abord source d'externalités
technologiques directes. Ils sont en effet des facteurs de production
non-rémunérés (Barro, 1990) ou
rémunérés à un taux inférieur à leur
productivité marginale. Les services tels l'utilisation de
réseaux électriques ou de canalisations rentrent dans la fonction
de production des entreprises sans engendrer de coût
supplémentaire.
Outre cette externalité directe, les services publics
engendrent des externalités technologiques indirectes. L'existence de
services de transport et communication, même s'ils sont payants,
améliore la circulation des sources de progrès technique comme
les innovations, la connaissance. Les produits joints de la production
circuleront plus rapidement entre les agents, si les infrastructures sont
développées. Les infrastructures de transport et communication
constituent un support de transmission des externalités directes
procurées par le capital humain, les innovations, le progrès
technique. Elles favorisent donc les externalités de "spillover" (Artus
et Kaabi, 1993) et développent les organisations de type
réseaux.
Que l'externalité soit directe ou indirecte, les
services publics sont complémentaires aux facteurs privés. Ils
accroissent en effet la productivité du capital privé et du
travail, et améliorent les combinaisons productives. Ils peuvent
accroître le nombre de combinaisons productives possibles et modifier les
complémentarités et/ou substitutions existant entre les autres
facteurs. Par exemple, dans l'analyse de la croissance de Kaldor (1959), la
substitution entre travail et capital n'est pas élevée pour un
processus donné mais varie avec les infrastructures qui transforment ce
processus de production.
L'offre publique de services aux entreprises permet
également d'obtenir des gains par l'allongement du détour de
production. Cet allongement stimule la division du travail et la
spécialisation des tâches (Kaldor, 1970). Il s'agit
également d'effets que les agents ne contrôlent pas
individuellement et qui vont pourtant accroître leur utilité
future, en transformant la structure des coûts de production. Ces effets
peuvent être décrits en termes d'externalités
pécuniaires (Charlot, 1996).
Les politiques de développement économique des
territoires peuvent permettre de tirer le meilleur parti de leurs atouts,
même s'ils sont modestes, et d'enrichir leur base productive. Au
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Cameroun
besoin, des politiques de redistribution sont susceptibles de
compenser partiellement les inégalités de revenus qui, dans
certains cas, sont même susceptibles de servir de moteur de croissance
par un effet de caractère keynésien (Prager et Thisse, 2009).
De même, les théories économiques modernes
ont élargi le paradigme de la croissance de façon à rendre
endogène la capacité d'innovation. Cette action s'est faite par
la mise en exergue de la relation entre la croissance et les composantes
institutionnelles au travers de la motivation à investir dans
l'innovation (Aghion, 2002). Ainsi, une meilleure protection des droits de
propriété intellectuelle, un contexte entrepreneurial favorable
aux activités innovantes et une plus grande efficacité
institutionnelle de la recherche sont perçus comme étant de
nature à stimuler la croissance.
Cette approche offre un solide cadre théorique
permettant d'expliquer les différences institutionnelles entre les pays
faisant l'expérience d'une croissance économique soutenue et ceux
qui stagnent. Les premiers sont ceux où le système juridique et
le système d'éducation permettent aux entrepreneurs de profiter
de la diffusion des connaissances, faisant ainsi évoluer le pays vers la
frontière technologique. Par contre, les pays manifestant une forte
instabilité dans les règles du jeu économique dissuadent
les élites d'investir dans des activités innovantes et les
orientent vers la lutte pour la capture de la rente publique
(«rent-seeking»). Cette lutte se fait alors au détriment de la
rente d'innovation (Baumol, 2002).
Les modèles de croissance endogène tiennent
compte de ces externalités positives dans l'analyse de
l'évolution de long terme des taux de croissance des économies.
Les premiers modèles se sont centrés sur la connaissance
(Römer, 1986, 1990) et la formation (Lucas, 1988), puis les
dépenses publiques au sens large ont été
évoquées (Barro, 1990 ; Artus et Kaabi, 1993). Ces derniers
travaux mettent en avant la nécessité de la production par l'Etat
de certains services source d'externalités. Le rôle
économique de l'Etat est alors clair: produire des services qui vont
accroître la productivité (Barro, 1990) et/ou accroître
l'utilité des ménages (Artus et Kaabi, 1993), sans être
directement financés par les agents mais par une taxe, et permettre
à l'économie de se positionner sur une trajectoire de croissance
optimale (Charlot, 1996).
Selon Lucas (1993), la formation et la croissance des villes
s'expliquent par la présence de rendements croissants liés
à la spécialisation industrielle et à la formation d'un
marché local du travail, mais également au potentiel de la
demande finale localisée, c'est-à-dire au potentiel de
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marché que représente une agglomération.
Il initie, par-là, un ensemble de modèles de croissance
endogène qui prennent en considération les dynamiques
d'agglomération engendrées par la formation d'un capital humain
localisé.
La théorie générale de l'emploi de
l'intérêt et de la monnaie a été popularisée
par John Maynard Keynes dans les années 30. Elle montre qu'on peut
stimuler la croissance économique par la consommation, l'investissement
ou les dépenses publiques.
Keynes stipule que le chômage est le résultat
d'une insuffisance de la demande effective. L'Etat peut agir sur les deux
composantes de la demande globale :
- sur la consommation : l'Etat peut augmenter les revenus
disponibles en réduisant la fiscalité. Plus directement, l'Etat
peut accroître sa propre consommation (la consommation publique).
- sur l'investissement : en réduisant les taux
d'intérêt, l'Etat va réduire le coût des emprunts
pour les ménages et le coût de financement des investissements
pour les entreprises.
Dans les faits, l'action de l'Etat se traduira par une
politique budgétaire expansive. L'impact sur l'économie sera plus
que proportionnel, c'est ce que l'on appelle l'"effet multiplicateur".
La théorie de la base exportatrice est une
transposition territoriale des modèles post-keynésiens de
croissance par la demande. Les activités d'exportation sont
l'élément principal de la dynamique économique
régionale, alors que la croissance des branches productrices des biens
et services pour le marché local dépend des revenus
distribués par le secteur d'exportation. L'approche en termes de
clusters5 lui est associée et est devenue un
élément incontournable des doctrines de développement
régional, malgré sa fragilité aussi bien théorique
qu'empirique. C'est le bon mélange des clusters, aussi bien dans leur
nombre, et leur importance que dans leur variété qui fait la
richesse d'un territoire.
5 Un cluster est une concentration géographique
d'entreprises et d'organismes divers (associations, banques,
sociétés de conseil, infrastructures de formation,...) se
rattachant à une activité. Il permet donc à chacun de ses
membres de bénéficier d'économies d'échelles en
gardant la souplesse d'une PME (Porte 2001). Les clusters peuvent être
décrits et analysés de trois manières
complémentaires qui se réfèrent chacune à un «
type idéal » correspondant à une perspective
particulière de l'agglomération (Gordon et Mc Cann, 2000) :
· le modèle traditionnel du « complexe
industriel », concentration géographique d'activités
reliées dans une même chaîne de valeur, autour, en
général, d'une ou plusieurs grandes entreprises directrices
(automobile, aéronautique, chimie, ..) ;
· l'agglomération d'entreprises - le plus souvent
des PME -, relevant de la même activité, induite par la division
du travail et les avantages liés à la spécialisation
locale d'inputs humains, physiques ou immatériels, l'ensemble
étant le fruit d'arbitrages entre coûts de transaction et
économies d'échelle ;
· le modèle du tissu économique et social,
des réseaux sociaux, formels ou informels, qui contribuent à
renforcer la confiance et à faciliter la circulation des connaissances
dans une aire géographique déterminée, la proximité
géographique restant un facteur de réduction des incertitudes et
des coûts de transactions dans les activités innovantes.
Aménagement du territoire et croissance urbaine au
Cameroun
La théorie de la base inverse la théorie
traditionnelle faisant dépendre la croissance des variables internes
telles la croissance démographique ou l'accumulation du capital. Cette
théorie avait l'intuition majeure de faire dépendre la croissance
de petits ensembles territoriaux aux variables exogènes en l'occurrence
les exportations. Selon cette théorie, la croissance urbaine est due
principalement à des facteurs extérieurs à la ville, en
particulier par la demande d'exportations. Sa formulation la plus simple part
d'un constat clair : « seuls les ensembles économiques de grande
dimension, sont maîtres de leur développement au point que
celui-ci dépend de variables internes, de proportions qui leurs sont
propres. Si l'on considère des « morceaux d'espace »
infranationaux incomplets, spécialisés, ils ne peuvent plus tirer
de leurs efforts ni de leurs aptitudes propres les moyens de leur croissance.
Celle-ci dépend des signaux venus de l'extérieur». Cette
théorie d'inspiration mercantiliste, keynésienne et même
néoclassique (le modèle de l'échange international) a
inspiré un grand nombre de travaux (Hoyt, 1954 ; North, 1955). La
théorie a des racines mercantilistes puisqu'elle repose sur le
rôle primordial des échanges commerciaux de la ville avec le monde
extérieur; son appartenance au keynésianisme est apparente : la
théorie permet la définition du coefficient multiplicateur. Quant
à la filiation néoclassique; on peut établir le
coefficient de localisation à partir de la notion d'intensité
relative d'une activité dans l'espace.
Selon cette théorie, les activités d'exportation
sont l'élément principal de la dynamique économique
régionale, alors que la croissance des branches productrices des biens
et services pour le marché local dépend des revenus
distribués par le secteur d'exportation.
Des auteurs comme Czamanski (1964) ont essayé d'aboutir
à un schéma dynamique qui développe les propos de la
théorie ; ils ont proposé que le processus de
développement urbain se succède selon des phases au cours
desquelles certaines activités auront un rôle moteur de la
croissance et des phases où ces mêmes activités seront
liées par d'autres. Ces auteurs proposent d'expliquer les
différentes étapes de la croissance urbaine selon un
schéma d'ensemble qui n'est pas sans rappeler celui de Walt Rostow
(1963) pour le développement économique général.
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