Les critères du procès administratif equitable en droit positif camerounais( Télécharger le fichier original )par Jean Duclos Ngon a moulong Universités de Yaoundé 2 soa - Master 2 2012 |
B- Les sanctions contre la partialité du jugeEn droit positif camerounais, lorsque le dispositif préventif n'a pas joué, il ne reste plus que deux possibilités offertes contre la partialité du juge. Ainsi, le requérant qui a soupçonné la partialité du juge peut soit rechercher l'annulation du jugement(1) prononcé au mépris du principe d'impartialité, soit engager la responsabilité disciplinaire et civile(2) du juge partial. 1- L'annulation de la décision objet du jugement partialCette sanction n'est pas expressément prévue par une disposition légale, mais il va de soi que lorsqu'une partie au procès n'est pas satisfaite par un jugement, cettedernière a la possibilité de le faire annuler par une juridiction supérieure par l'exercice des voies de recours principalement par l'appel et la cassation. Par ailleurs, une autre possibilité consiste à engager la responsabilité disciplinaire et civile du juge partial. 2- La responsabilité disciplinaire et civile du juge partialLe juge qui a fait montre de partialité peut voir sa responsabilité engagée non seulement sur le plan disciplinaire (a) mais également sur le plan civil (b). a- La responsabilité disciplinaireEn droit positif camerounais, le juge qui a fait preuve de partialitédans l'exercice de son art, peut voir sa responsabilité engagée pour faute disciplinaire. Au Cameroun constitue une faute disciplinaire imputable à un magistrat : tout acte contraire au serment prêté par ce dernier donc la formule est énoncée dans l'article 23 de la manière suivante : « Moi .................., je jure devant Dieu et devant les hommes(...) de rendre justice avec impartialité à toute personne, conformément aux lois, règlements et coutumes du peuple camerounais, sans crainte ni faveur, ni rancune(...) ». Ainsi, le juge partial ou déloyal s'expose à des sanctions qui vont de la réprimande jusqu'à la révocation pararrêté ou par décret du Président de la République après avis du CSM selon la gravité de la faute et conformément à une procédure décrite dans la loi portant CSM. b- La responsabilité civileLa responsabilité civile du juge peut être engagée pour partialité.Dans ce cas, la procédure à mettre en oeuvre ici est la prise à partie du fait d'une faute personnelle du juge commise dans l'exercice de ses fonctions179(*).En effet,il s'agit d'une procédure axée sur un régime de responsabilité particulier, dérogeant au droit commun de la responsabilité civile180(*)qui s'applique aux magistrats. Elle est entendue comme étant une « action civile dirigée contre une juridiction, un juge ou un membre du ministère public, du fait d'une faute commise par ces magistrats lors d'un jugement ou d'un autre acte commis dans l'exercice de leurs fonctions et qui tend à réparer le dommage causé de ce fait, dans les cas et dans les conditions prévues par la loi »181(*). Ainsi, Lorsqu'un juge a commis des actes illicites autres qu'une infraction pénale, il peut voir sa responsabilité engagée dans les cas limitativement prévus par loi et suivant une procédure bien déterminée. En effet, d'après les articles 246 et suivants du Code de Procédure Civile et Commerciale, le juge peut être pris à partie dansles cas suivants : ü s'il y a dol, concussion ou faute lourde professionnelle qu'on prétendrait avoir étécommis, soit dans le cours de l'instruction, soit lors des jugements ; ü si la prise à partie est expressément prononcée par la loi ; ü si la loi déclare les juges responsables, à peine de dommages-intérêts ; ü s'il y a déni de justice. La partie demanderesse est appelée à démontrer l'existence d'une de ces causes pour déclencher la prise à partie. De même,elle doit prouver le dommage qu'elle a subi et la relation de cause à effet qui doit exister à cet effet. Si les faits sont avérés, c'est l'Etat qui est civilement responsable des condamnations en dommages-intérêts qui seront prononcées à raison de ces faits sus-énumérés contre les magistrats, sauf recours contre ces derniers. Concernant la procédure de la prise à partie, elle est de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire. Ainsi, lorsqu'elle est engagée contre les magistrats des tribunaux de Première et Grande Instance ou contre un conseiller de la Cour d'appel, elle est portée devant la Cour d'Appel. En revanche, lorsqu'elle concerne les magistrats des cours criminelles et des cours d'appel, elle ressort de la compétence de la cour suprême. La prise à partie contre les magistrats de la Cour Suprême est portée devant ladite cour et elle n'est possible qu'après autorisation du Président de la Cour Suprême, qui statue après avis du Procureur Général près ladite Cour. En cas de refus qui doit être motivé, la partie plaignante pourra saisir la Cour Suprême. Si la requête est rejetée, le demandeur sera condamné à des dommages et intérêts envers les parties, s'il y a lieu182(*). Si elle est admise, elle sera signifiée dans les trois jours au magistrat pris à partie, qui sera tenu de fournir ses défenses dans la huitaine. À partir de ce moment, ce dernier s'abstiendra de la connaissance du différend ; il s'abstiendra même jusqu'au jugement définitif de la prise à partie de toutes les causes que la partieou ses parents en ligne directe ou son conjoint pourront avoir dans son tribunal, à peine de nullité du jugement183(*). La prise à partie sera portée à l'audience sur simple requête et sera jugée par une autre chambre que celle qui l'aura admise184(*).Si le demandeur est débouté, il sera condamné à des dommages et intérêts envers les parties s'il y a lieu185(*). D'une manière générale, les magistrats pris à partie ne peuvent être jugés que par des juridictions hiérarchiquement supérieures. Il s'agit là de la mise en oeuvre du privilège de jugement186(*).Et au demeurant, la responsabilité du juge administratif telle que décrite vient opérer sans risque de se tromper si la jurisprudence187(*) nous permet de l'affirmer, une reprise de l'arrêt préfet de la Guyane. Ce qui soumet le fonctionnement du service public de la justice à la distinction faute personnelle-faute de service188(*) consacrée parl'arrêt Pelletier189(*). * 179STORME (M), Rôle et organisation de magistrats et avocats dans les sociétés contemporaines. IXème congrès mondial de droit judiciaire, Belgique, éditions JURIDIQUES, 1992, p. 272.* 180Ibid. p. 274. * 181 GARSONNET (E.) et CEZAR-BRU (C.), Traité théorique et pratique de procédure civile et commerciale, en justice de paix et devant le conseil des prud'hommes VI, Paris, Sirey, 1915, n°565, p. 927, cité par STORME (M), op. cit., p. 272. * 182Article 254 du C.P.P. * 183 Voir article 255 du code de procédure civile et commerciale. * 184 Article 256, ibid. * 185 Article 257, ibid. * 186 Le privilège de jugement se présente comme une forme d'immunité pour les magistrats. Car, autant ils sont couverts par la loi en tant que citoyens, autant ils le sont davantage à l'égard des justiciables en tant que magistrats. * 187T C, 27 novembre 1952, Préfet de la Guyane. * 188 Le commissaire du gouvernement Edouard LAFERRIERE, dans ses conclusions à propos de l'arrêt Laumonier-Cariol (TC, Mai 1877) définissait la faute de service comme « l'acte dommageable impersonnel qui révèle un administrateur plus ou moins sujet à l'erreur ». La faute de service revêt deux dimensions et peut avoir des dimensions variées. Il peut avoir faute de service d'une part du fait de l'agent et d'autre part du fait de l'administration elle- même ; C'est la faute de service ou faute du service. Il y a faute de service de l'agent lorsque l'acte posé par ce dernier l'a été dans le service ou à l'occasion du service. À propos, voir l'Arrêt n°269 du 27 novembre 1953, conseil du contentieux administratif, Nama Gallus c/ Administration du territoire. Il y a faute anonyme ou faute du service lorsque le dommage n'est pas imputable à un agent en service ou dans le service. La faute du service intervient dans trois hypothèses au moins : · Lorsqu'il y a mauvaise organisation ou mauvais fonctionnement du service public. C'est l'exemple lorsque la voie publique est défectueuse. À propos, voir CA/CS, jugement N°45 du 27 novembre 1982, Dzietham Pierrecontre État du Cameroun. Ou encore lorsqu'il y a mauvaise organisation des services de la poste. Voir à propos, CS/CA, jugement n°13 du 23 novembre 1989, Enyegue DipokoBernard contre État du Cameroun ; · Lorsqu'il y a fonctionnement tardif du service de l'administration ; · Lorsqu'il y a inertie ou carence administrative ou alors acte illégal ; CS/AP·, Arrêt du 24 mars 1983, Njikiakam Towa Maurice contre État du Cameroun. Or la faute personnelle comme la définit toujours Edouard LAFERRIERE dans les conclusions précitées est différente de la faute de service et se distingue par ce fait. Elle est « la faute de l'agent avec ses passions, ses faiblesses » L'arrêt Pelletier (TC 30 juillet 1873) a opéré cette distinction entre faute de service et faute personnelle tout en déterminant les juridictions compétentes respectives. Lorsqu'il y a faute personnelle, le juge judiciaire est compétent et lorsqu'il y a faute de service, c'est le juge administratif qui est déclaré compétent. Voir DAYE WAYOUA (Carole), La distinction faute personnelle-faute de service dans la jurisprudence judiciaire au Cameroun. Mémoire de D.E.A en droit public, Université de Yaoundé II- Soa, année 2005-2006, 212p. 189 T.C, 30 juillet 1873 arrêt Pelletier. |
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