I-1- Les fondements et modalités du transfert du
surplus vers l'industrie
Ce sous paragraphe est subdivisé en deux : d'une
part les fondements de la théorie du surplus ; et d'autre part, le
transfert du surplus vers l'industrie.
I-1-a- Les fondements de la théorie du
surplus
Cette théorie se fonde sur les travaux d'Arthur Lewis
(1954), inspirés par l'économie politique classique. A long
terme, l'accumulation de capital dépend de la part du profit par rapport
au salaire et à la rente foncière. Quand cette part augmente,
l'accumulation s'accélère et le pays se développe. Lewis
propose une théorie dans laquelle la mise au travail de
l'excédent de manoeuvre agricole permet d'engendrer des profits
croissants. L'analyse part du dualisme des économies, qui est le trait
central des économies en développement : un secteur agricole
traditionnel de subsistance disposant d'un excédent structurel de main
d'oeuvre coexistant avec le secteur moderne capitaliste en gestation. La
productivité marginale du travail est nulle dans le secteur
agricole : sa production ne se réduit pas quand on lui soustrait la
force du travail en excédent. L'excédent potentiel de main
d'oeuvre résulte de l'effet combiné de la croissance
démographique, du progrès technique dans le secteur agricole et
de l'extension de droit de propriété, et il doit être
impérativement libéré afin d'asseoir les bases de
l'industrialisation.
I-1-b- Les modalités du transfert du surplus vers
l'industrie
La transition agricole s'appuie sur les facteurs structurels
affectant la demande. L'amélioration de la productivité agricole
permet une baisse des coûts de productions agricoles, qui se traduit par
une baisse des prix relatifs agricoles. En effet, selon la loi d'Engel,
l'élasticité revenue de la demande des produits alimentaires
étant inférieure à l'amélioration de la
productivité, l'agriculture profite à l'industrie : la
baisse des prix agricoles n'est intégralement absorbée que par
une augmentation équivalente de la demande en produits agricoles, qui se
reportent sur les produits industriels. Une augmentation des revenus se traduit
alors par une augmentation de la demande des produits industriels et des
services et une diminution des prix relatifs des biens alimentaires. Ceci
facilite beaucoup la main d'oeuvre agricole excédentaire vers le secteur
industriel, dans lequel la productivité marginale de la main d'oeuvre
est positive.
La demande de la main d'oeuvre croit jusqu'à ce que la
productivité marginale égalise le taux de salaire courant
égal à un salaire de subsistance. Le sous-secteur agricole
engendre alors des profits croissants jusqu'à ce que tout le surplus de
la main d'oeuvre soit absorbé par le secteur industriel. Les profits
sont alors réinjectés dans le secteur, augmentant la demande de
main d'oeuvre. Le progrès technique, permettant d'augmenter la
productivité marginale du secteur capitalistique, aboutit
également à ce résultat. A partir de ce moment, l'offre de
la main d'oeuvre devient élastique au salaire courant : elle
s'accroit avec le salaire courant. L'économie est désormais
développée.
Si les profits n'atteignent pas un niveau suffisant, le
processus de transfert peut être bloqué. C'est le cas lorsque, par
exemple, la demande de biens de subsistance devient forte et qu'il faut
envisager d'introduire des méthodes capitalistiques dans l'agriculture.
Les deux secteurs doivent donc se partager les profits. Ou encore lorsque le
rapport prix des biens du secteur moderne par rapport aux biens de subsistance,
fixant le salaire courant, diminue. Cela augmente en effet le salaire de
subsistance et limite les transferts vers l'industrie.
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