V. CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL
DE LA RECHERCHE
Toute pratique est informée par une théorie, que
celle-ci soit consciente ou non (Fragnière, 1986, p.23). C'est pourquoi
nous avons préféré rédiger cette partie
théorique pour mieux mettre en contexte notre recherche.
V.1. De la durabilité de l'agriculture urbaine
La définition la plus usuelle du développement
durable est celle qu'en a donnée la commission Brundtland en 1987 et
reprise en 1992 à la Conférence de Rio : "Un
développement qui répond aux besoins du présent
sans compromettre la capacité des générations futures de
répondre à leurs propres besoins". C'est une notion qui a
fortement émergé depuis quelques décennies du
fait de la prise de conscience de la limitation des ressources à notre
disposition (matières premières, biodiversité, espace
disponible, eau, etc.) et des problèmes environnementaux
provoqués par les activités humaines. Cette notion se situe
à la croisée de trois piliers ou objectifs fondamentaux :
- un pilier économique qui vise à continuer
à produire des richesses pour satisfaire les besoins de la population
mondiale ;
- un pilier social qui veille à réduire les
inégalités à travers le monde ;
- un pilier environnemental qui cherche à
préserver l'environnement que les générations futures
recevront en héritage.
Quelque soit l'option retenue, l'optique d'un
développement durable amène inévitablement à
respecter les règles suivantes (Pearce-Turner-1990, cité par
Monédiaire, 1999) :
- puiser dans les ressources renouvelables à un taux de
cueillette inférieur au taux de renouvellement ;
- rejeter dans l'environnement des déchets à un
taux inférieur à la capacité d'assimilation du milieu.
A ces conditions le développement sera durable,
à la nuance près du stock de ressources épuisables, et il
sera limité à la durée de vie de ce stock. Pour
acquérir des degrés de liberté supplémentaires,
plusieurs solutions sont possibles (Monédiaire, 1999) :
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- substituer des ressources renouvelables
aux ressources épuisables, ce qui en milieu urbain concerne les
politiques de transports, d'énergie, de construction...Il s'agit ensuite
de substituer du capital artificiel au capital naturel quand cela est
justifié4
- efficacité : le but est techniquement et
économiquement accessible ;
- durabilité : la durée d'utilisation des
produits détermine le rythme auquel ceux-ci sont remplacés, et
par conséquent le montant des ressources utilisées ainsi que la
quantité de déchets rejetés. Si on passait à un
système de remplacement lent, on diviserait par deux la consommation des
ressources et le montant de déchets. Pour ce faire, plusieurs
stratégies complémentaires sont envisageables sans restreindre le
niveau de vie des populations : réutilisation des produits,
réparation, remise en état, recyclage. C'est dans cette
perspective qu'il faudrait voir le rôle que pourrait jouer l'agriculture
urbaine.
Appliqué à l'agriculture, le terme durable
intègre, tout comme lorsqu'il est rapporté au
développement, des dimensions à la fois économiques,
sociales et environnementales, sur diverses échelles, spatiales et
temporelles. En agriculture, les différentes voies
développées en direction de la durabilité visent à
atteindre des rendements acceptables tout en réduisant les impacts
environnementaux négatifs. Ce sont des approches systémiques qui
considèrent l'activité agricole dans ses interactions avec le
milieu naturel l'environnant. Elles s'appuient à des niveaux
variés sur la prise en compte des équilibres écologiques,
voire tentent de reproduire le fonctionnement des systèmes naturels pour
améliorer la productivité à long terme du système
agricole (François Laurent, 2006).
Dans le contexte urbain, la notion d'agriculture durable fait
écho aux liens entre agriculture et ville (AWA BA et AUBRY, 2010). Deux
types de durabilité des exploitations de l'agriculture urbaine sont
distingués par Awa et Aubry (2010):
- une durabilité appréhendée par les
facteurs internes : la viabilité économique, la vivabilité
de l'exploitation, dont témoignent la transmissibilité et la
reproductibilité de l'exploitation elle-même, ainsi que ses
impacts environnementaux.
- Une durabilité externe: vision que les
décideurs urbains et les résidents ont sur le futur de cette
agriculture comparativement à d'autres utilisations possibles de
l'espace (logements, industries, espaces verts, etc.).
4 C'est-à-dire quand le surcroit de
productivité du capital artificiel est supérieur au surcroit de
ressources naturelles qu'il a fallu pour le produire.
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Le croisement de ces deux
durabilités semble approprié pour le contexte urbain (idem):
durable « intrinsèquement », une exploitation agricole urbaine
peut être condamnée par l'existence de projets urbains
(d'infrastructures par exemple) jugés prioritaires ; a
contrario, les urbains peuvent souhaiter conserver, par exemple pour des
raisons d'aménités paysagères (Donadieu et Fleury, 2005),
des exploitations agricoles dont la viabilité économique ou la
vivabilité sociale ne sont pas assurées.
Pour Godard et Hubert (2002) cités par BA et AUBRY, la
durabilité de l'agriculture s'entend, d'une part, par la
durabilité autocentrée de l'exploitation, d'autre part, par sa
contribution à la durabilité du territoire qui l'inclut. Le
concept de durabilité de l'agriculture5, dans le contexte
urbain, renvoie pour beaucoup, d'une part, aux conditions de
pérennisation in situ de l'occupation agricole de l'espace,
étant donné que la construction sur un espace agricole
est un phénomène largement irréversible ; d'autre part,
à la contribution de l'agriculture au développement durable de la
ville (Dabat, Aubry et Ramamonjisoa, 2006).
La durabilité à long terme de l'agriculture
urbaine et périurbaine est conditionnée par la capacité
des agriculteurs et des fonctionnaires urbains à exploiter les avantages
de l'environnement tout en réduisant les problèmes et en trouvant
les moyens de garantir aux producteurs l'accès à la terre
(FAO-Comité de l'agriculture, 1999).
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