Presse congolaise et son financement( Télécharger le fichier original )par PASSI BIBENE Senghor dà¢â‚¬â„¢Alexandrie - Master 2013 |
L'affiliation des radiosEn ville comme en campagne, force est de constater que les radios sont en majorité la propriété des acteurs politiques : à Nkayi, Radio Solidarité de l'ancien Ministre Émile MABONZO, Radio Divouba du feu député de l'UPADS, Jacques MOUANDA MPASSI ; et à Dolisie, Radio Télévision Nouvelle Alliance appartient à Pierre Michel NGUIMBI (ancien ministre). Les collectivités décentralisées sont aussi propriétaires des stations radiophoniques : Radio communautaire du Conseil départemental du Niari, Radio Télé Nkayi, pour le Conseil municipal de Nkayi ou Radio Mossendjo placée sous le contrôle de la mairie. Dans certaines localités, le ministère de l'agriculture est également un important propriétaire et commanditaire de stations radiodiffusion (Radio rurale à Brazzaville et d'autres Radios rurales dans le département de la Bouenza), au même titre que les hommes d'affaires. Seulement, une tendance se dégage : la plupart des hommes d'affaires patrons d'une station de radio sont dans l'ensemble des gens proches du régime au pouvoir : DRTV du général Norbert DABIRA ou Ponton Fm de François NDOUNA à Pointe-Noire. Heureusement, la société civile marque progressivement sa présence dans le paysage radiophonique congolais à travers des initiatives telles que Forum Radio Télévision des Droits de l'Homme (FRTDH) à Brazzaville et les radios confessionnelles (Radio Magnificat à Brazzaville, Radio Maria à Ouesso et Pointe-Noire ont pour propriétaire l'Église catholique, Radio Louzolo, Radio Centenaire de l'Église évangélique du Congo...), ce qui pourrait, en cas de dérives sur les ondes des autres stations, dépassionner l'information. Les périodes de mise en placeCette variable aurait pu être passée sous silence et ne représenter que peu d'intérêt. Mais dans l'échantillon des radios dont les acteurs politiques sont commanditaires, la quasi-totalité des stations de radiodiffusion ont été implantées à l'orée des échéances électorales. On note par exemple : à Brazzaville, DRTV est créée en novembre 2002, soit quelque mois après l'élection présidentielle, mais en pleine période des élections législatives ; à Nkayi, Radio Solidarité est installée et lancée en juin 2012 à la veille des législatives ainsi que Radio Télé Nkayi (Avril 2012) ou Radio Divouba en Avril 2009, soit quelques mois avant les élections présidentielles tout comme la radio Canal Océan, lancée le 19 novembre 2011 à Pointe-Noire. Certes, un regard sur les dates de création des radios comme Magnificat (2006) ou Maria (2008) impose de la prudence avant de se livrer à toute extrapolation ou généralisation. Mais il ne paraît pas moins vrai que cette coïncidence avec les calendriers électoraux n'est pas le fruit de la providence comme nous le verrons par la suite pour les cas de la télévision et de la presse écrite. Toutefois, il sied de noter l'exemple de la première radio privée au Congo (Radio Liberté) et celui de la radio nationale dont l'histoire ne peut masquer la visée des médias de propagande politique. D'ailleurs, la propagande (politique, commerciale, religieuse) est vraisemblablement la motivation qui sous-tend l'implantation des radios au Congo. Les radios rurales pourraient constituer une exception. Mais n'en demeure que la promotion de l'agriculture soit une forme de propagande à des fins socio-économiques. C'est dire que les visées politiques ont sans doute convaincu les acteurs sociaux en général et les potentiels candidats aux différentes élections en particulier, de l'importance de la radio de proximité comme support par excellence pour mobiliser ou sensibiliser et rallier les communautés. Étant donné que la presse écrite est élitiste et urbaine. La faiblesse de la radio nationale, difficilement captée dans certaines localités situées dans le Congo profond, explique aussi cette nouvelle donne surtout si l'on considère que la grille des programmes de Radio Congo ne peut répondre aux attentes particulières des uns et des autres. C'est ainsi que la radio peut consolider, quand elle ne les fragilise pas, les liens sociaux. La référence aux communiqués radiodiffusés, depuis les origines de la radio au Congo, illustre bien le rôle que la radio peut ou a pu jouer dans le maintien des liens entre les familles et les communautés, mais aussi comme puissant moyen de communication à une époque où le téléphone était un luxe et la radio un instrument remplaçant le tam-tam. Autrefois, la radio a servi à la construction de la sociabilité grâce à « l'écoute collective », réel facteur de l'oralité qui caractérise les sociétés africaines. Aujourd'hui, cette expérience concluante, en dépit des pratiques individualistes entraînées par les technologies de l'information et de la communication dans la consommation des médias, paraît encore envisageable pour peu que les vocations des médias (informer, sensibiliser et divertir) gardent une visée pédagogique. Dans cette optique, le rôle du journaliste doit être, comme le pense Sophie MOIRAND, « celui d'un intermédiaire qui manifeste des intentions de didacticité »61(*). Dans son rôle de médiateur ou de prescripteur, le journaliste devrait faire appel au savoir, c'est-à-dire au rationnel et laisser l'émotion et la séduction aux communicants. Et dans un État démocratique, la presse incarne le « rôle de critique vis-à-vis des pouvoirs politique, économique, scientifique ». Cette péroraison tient de mise en garde contre toute intention de transformer tout média en instrument de combat politique : le rôle controversé des radios dans le génocide rwandais et dans la guerre civile au Congo-Brazzaville et les « guerres médiatiques » (Francis Balle, 2007) en cours depuis la Seconde Guerre mondiale interpelle au plus haut point journalistes, futurs journalistes et enseignants dans les écoles de journalisme. Mais comment mettre en garde contre toute confusion des entreprises médiatiques dont les ressources elles-mêmes sont sujettes à incertitude ? * 61 Sophie Moirand, Les discours de la presse quotidienne: Observer, analyser, comprendre; P.U.F, Paris, 2007; P.70 |
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