2.12.11. Les parties
comestibles des AST d'origine animale
Passés maîtres dans les techniques de survie, les
Autochtones utilisent toutes les parties de l'animal, y compris les intestins,
les viscères ou abats et les oeufs. Les ruminants comme l'orignal, le
wapiti, le caribou, le chevreuil, l'antilope et le bison font souvent partie du
régime autochtone traditionnel. La pratique autochtone consiste à
se servir de l'animal entier pour la nourriture et d'autres fonctions
utilitaires.
La viande musculaire est mangée crue, bouillie
ou rôtie; le coeur, la cervelle, le foie et les rognons sont
mangés crus; les intestins sont habituellement séchés.
Parfois, le sang est mélangé à de la farine ou sert
à faire de la saucisse. La moelle, une riche source de gras, peut se
manger crue. Si les recherches montrent que la consommation d'abats peut
être une source importante d'éléments nutritifs dans le
régime des Autochtones (surtout le calcium et la vitamine A), on manque
de données détaillées sur la consommation d'abats dans le
régime traditionnel pour en évaluer les avantages et les risques
potentiels (Batal et al. 2005).
La pratique de manger l'animal entier peut poser des
risques de salubrité alimentaire. Par exemple, le foie et le rein de
nombreux d'animaux chassés par les Inuits du Nord
québécois ont une teneur élevée en cadmium, un
contaminant chimique (Fontaine et al. 2008).
Le savoir traditionnel détenu par les habitants des
communautés nordiques, cumulé grâce aux observations
effectuées tout au long de l'année par des
générations successives, et allié à une
connaissance intime de l'environnement local, a dicté l'évitement
du foie d'ours polaire et des poumons de caribou. Les chasseurs ont
été d'une aide irremplaçable pour focaliser
l'enquête scientifique sur les contaminants nordiques en proposant des
endroits propices au prélèvement d'échantillons (Furgal et
Keith 1998).
2.12.12. Partage d'aliments en
famille
La tradition de partage des aliments figure parmi les
pratiques alimentaires les plus intéressantes des trois groupes
d'Autochtones. Il s'agit d'une valeur fondamentale qui vise à
prévenir le gaspillage de nourriture, mais ce partage dénote
aussi un autre principe : celui de la responsabilité envers la
collectivité.
La mise en commun des aliments traditionnels sert
à maintenir les liens sociaux au sein du groupe, grâce au partage
du produit de la chasse ou de la récolte et au banquet communautaire
(Deutch 2003). Parmi les avantages des aliments traditionnels soulignés
par les Autochtones euxmêmes, citons le bien-être, la santé,
les loisirs, le contact avec la nature, la spiritualité, le partage,
l'esprit communautaire, la fierté et l'estime de soi, l'économie
et l'éducation des enfants (Van Oostdam et al. 1999, Van Oostdam et
al.2003). D'après Kuhnlein et al (2004), plus de 80 % des participants
inuits conviennent que la récolte et l'utilisation des aliments
traditionnels par la famille offre un large éventail d'avantages sur le
plan social, culturel, spirituel, économique et nutritionnel.
Généralement, après une chasse,
une pêche ou une récolte, les aliments sont partagés
d'abord avec les enfants mariés et les parents, les personnes
âgées et d'autres dans le besoin, puis d'autres familles et
membres de la communauté (DeLormier, Kuhnlein et Penn 1993).
Des abats recherchés comme le foie, le rein et
le coeur sont offerts aux personnes âgées en signe de respect. Le
repas est le point culminant d'une série d'activités culturelles
chargées de sens entourant la récolte, le traitement, la
distribution et la préparation de la nourriture (Willows 2005). La
récolte aide aussi les jeunes à acquérir des
qualités comme la responsabilité, la patience et le respect; elle
développe les compétences nécessaires pour vivre de la
terre (Van Oostdam et al. 2003). Dans le Nord québécois, 30,3 %
des Cris ont dit pêcher ou chasser pour eux-mêmes, tandis que
d'autres obtenaient du poisson, du gibier à plume ou du gibier de
membres de leur famille (64 %), de leurs parents (52 %) et d'amis (31 %)
(Dewailly et Niebour 2005).
La manipulation sécuritaire des aliments
partagés revêt une importance particulière.
Récemment, on a assisté à quelques initiatives de
commercialisation de spécialités des régions nordiques,
comme l'omble chevalier, le boeuf musqué et le caribou, par des
détaillants, en gros et en ligne, comme Kivalliq Arctic Foods Ltd
(Mason, Dana et Anderson 2009).
Cette nouvelle entreprise fournit non seulement un
revenu stable pour les Autochtones du Nord, mais peut rendre les aliments
traditionnels plus accessibles aux Autochtones urbanisés, si leur revenu
est suffisant. De plus, cela a pour effet d'uniformiser les
procédés de préparation/transformation des aliments qui
assurent la salubrité alimentaire.
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