L'évaluation de la performance de la recherche et de
l'innovation dans les laboratoires universitaires.
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L'évaluation de la performance de la recherche et de
l'innovation dans les laboratoires universitaires.
Au regard des conclusions établies à la fin de
chapitres et parties, notre conclusion générale sera davantage
tournée vers la description des éléments
déterminants de notre travail. En outre, il s'agira aussi
d'élargir le champ de l'étude vers des nouvelles perspectives non
seulement par rapport à des objectifs personnels, mais aussi pour des
chercheurs s'intéressant à des thématiques proches de la
notre.
Ainsi, notre recherche a consisté à comprendre
le lien entre critères d'évaluation de la performance et
les modalités de gestion de la recherche et de l'innovation dans un
laboratoire. Il en ressort que la production des connaissances
nouvelles pour les Etats est une source de richesse, et disposer d'un potentiel
de recherche et d'innovation pour maîtriser les capacités
technologiques est un outil primordial de puissance économique. De ce
fait dans le contexte de mondialisation actuel, il est clair que la
compétitivité qui en résulterait, n'est plus le fait
exclusif des Etats, il est davantage entre les institutions et des laboratoires
de recherche. Autrement, un Etat disposant des institutions de recherche de
meilleure qualité (université, cadre d'excellence) est capable
d'attirer les projets des grandes entreprises et même les cerveaux de
part le monde. Bien plus la visibilité des activités entreprises
par ces centres et institutions avec les supports de vulgarisation,
préoccupe de plus en plus les décideurs et surtout les acteurs de
la recherche. Ainsi des initiatives régionales, nationales et
mêmes internationales apparaissent de tout bord pour classer les
universités (au travers de leurs productions scientifiques) en mesurant
via certains critères bien polis, la performance de ces entités
en matière de recherche et d'innovation. Ces variables utilisées
sont choisies comme nous avons pu le constater de façon abusive,
fragilisant parfois la mesure de l' « excellence scientifique ». De
ce fait, l'évaluation de la performance est de nos jours un des outils
clés de l'orientation stratégique des laboratoires. Ils ont
nonobstant laissé transparaitre des failles pertinentes. Il est vrai que
tout outil de travail est perfectible, mais il faut reconnaitre que
l'évaluation est très souvent basée sur la production
d'indicateurs quantitatifs dont le choix, la construction et l'analyse sont
extrêmement délicats 87(Esterle, 2007).
Il faut admettre que tout est perfectible, cela signifie que
disposer d'une batterie d'indicateurs, qui peuvent être normalisés
et permettre des comparaisons à l'échelle
87 L.Esterle est directrice se l'observation des
sciences et des technologies, chercheurs au CERMES
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l'innovation dans les laboratoires universitaires.
nationale, voire internationale est nécessaire. Cela
permet de situer et de caractériser l'activité de recherche.
Toutefois, on sait par ailleurs qu'elles ne peuvent être restreintes
à la production de connaissances, encore moins à la seule
production d'articles scientifiques. Notons tout de même que les
institutions nationales et internationales ne peuvent s'affranchir d'un
débat sérieux sur l'usage et l'intérêt des
indicateurs pour expliquer la qualité d'un projet. Il est
nécessaire enfin de construire des outils (comme nous avons
essayé de faire au long de notre travail) fiables et appropriés.
Puisque la performance est difficile à cerner au moyen de quelques
variables. Autrement dit l'évaluation doit prendre en compte les
différences liées aux disciplines88. Finalement, il
doit en permanence s'agir d'un processus la construction des critères
d'évaluation. Et comme tout processus, il est caractérisé
par des essais et des erreurs qui font effectivement que la réflexion
progresse au sein des institutions, permettant notamment au laboratoire de
vibrer en permanence au diapason de la concurrence mondialisée par leurs
innovations continues.
En revanche nous pouvons nous interroger sur l'innovation en
permanence. C'est-à-dire : l'innovation
répétée et de la rationalisation quels
conséquences?
Notre société actuelle est une
société (Erkman, 1998) non pas post industrielle, mais
plutôt « hyper-industrielle », où les flux de
matière et d'énergie accroissent sans cesse. Ainsi, une
organisation innovante doit être capable de maintenir un flux persistant
et répété d'innovation (Le Masson et al, 2001, p280). Bien
que, tous les chercheurs soient au courant du fait que l'innovation permanente
entraine l'épuisement progressif des matières premières,
le mythe de l'innovation source de progrès perdure. Mais la recherche et
l'innovation sont pourtant comme toute chose, il en faut ni trop ni trop peu.
[les] vouloir à tout prix peut être aussi nocif que de [les]
refuser » (T.Gaudin ; 1998). Nous voyons dès lors que la
rationalité de l'homme soi-disant rationnel dans les théories
économiques est en réalité limitée (H.Simon). Pour
ce qui est du fonctionnement des organisations, M.Crozier et H.Friedberg (1992,
P41) estime que la rationalité est également
surévaluée. Ce qui n'ébranle pas la foi en la
rationalisation. Nous avons
88 On n'utilisera pas les mêmes
paramètres pour évaluer la performance en physiques, biologie,
chimie en sciences sociale etc. pour recourir aboutir à des
résultats significatifs à cause entre autres des
différentes représentations qui peuvent être faits du
projet.
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l'innovation dans les laboratoires universitaires.
montré dans notre travail les efforts de
rationalisation des projets d'innovation. Rationalisation qu'A.Hatchuel et Weil
(1992, P121) définissent comme un objet mythique, figure du
progrès des organisations, qui donne pour un temps « les moyens
conceptuels et pratiques d'un programme d'action » ; elle vise notamment
une efficacité accrue, ce qui incite à la réflexion pour
une réduction de certaines crises de l'action collective (ibid., 159).
Reconnaissons avec ces auteurs, que toute rationalisation constitue peu ou prou
une difficulté majeure pour les phénomènes auxquels elle
s'applique. Ainsi l'évaluation de la performance serait régit par
cette rationalisation qui consiste à couper tout ce qui n'obéit
pas à sa démarche89. Ainsi elle peut conduire à
négliger ce qui est vital (Ibid. P30). Alors un processus de
rationalisation de l'activité collective ne serait donc cohérent
et surtout créateur que s'il a pensé à la fois des
nouvelles représentations et de nouveaux rapports sociaux en
adéquation avec le contexte historique et plus acceptable pour des
acteurs (ibid. p32). Cette rationalisation de conception en Amont (soutenue par
Weil, Hatchuel, Lenfle, Midler ...) peut être perçue comme
dangereuse voire devenir une « fuite en avant » irresponsable de
l'activité intellectuelle. Ainsi E. Morin (1990, P144) présente
la rationalisation comme « une construction d'une vision cohérente,
totalisante de l'univers, à partir de données partielles, d'une
vision partielle ou d'un principe unique ». C'est finalement « une
pathologie de la raison (...) qui enferme le réel dans un système
d'idées cohérent, mais partiel et unilatéral90
» (E. Morin, 1996, p 23-24). Il faut par conséquent faire un
distinguo entre raison et rationalisation, puisque « la vraie »
rationalité doit être la lutte contre la rationalisation. Sans
vouloir assimiler l'approche de rationalisation d'Hatchuel et Weil à
celle de Morin nous pensons par contre que, si l'envie de maîtriser le
temps chez les acteurs de l'innovation, devenait un objectif absolu,
démesurément envahissant, cela signifierait à notre avis,
une restriction du réel, cohérent mais unilatérale. Ce qui
est dangereux pour la recherche car, « aussi judicieux que se
présente une idée, elle devient atroce si elle règne sans
partage » (Serres, 1991, 188, cité par Boldrini, 2001).
89 La phrase d'A. Hatchuel et Weil se rapproche de celle d'E.
Morin selon laquelle « la rationalisation est une logique close et
démentielle qui croit pouvoir s'appliquer sur le réel et, quand
le réel refuse de s'appliquer sur cette logique, on le nie ou bien on
lui met les forceps pour qu'il obéisse (Morin, 1990, p. 104).
90 C'est le cas également des
critères d'évaluation qui enferment la recherche et l'innovation
dans deux indicateurs.
L'évaluation de la performance de la recherche et de
l'innovation dans les laboratoires universitaires.
Quels prolongement ou pistes pour la recherche
?
Nous savons qu'il existe des sujets qui restent dans l'ombre,
il en est d'autres auxquels, il est indispensable de consacrer des recherches
complémentaires.
En examinant dans la troisième partie l'importance de
la construction des nouveaux critères d'évaluation de la
performance d'un laboratoire, et aussi, l'importance de l'évaluation de
l'activité (quand cela se fait) plutôt que le support. Nous
croyons fortement que cette étude enrichissante, ne sera davantage
enrichie que lorsqu'on aura de façon concrète testé le
modèle multicritère en l'adaptant aux représentations que
chaque laboratoire où se fait de l'activité de recherche.
En outre, nous avons constaté que les enseignants
chercheurs ne sont évalués que sur leur activité de
recherche. Et dans cette activité de recherche, on cible une seule
à savoir les publications scientifiques. Ce qui est sans doute
problématique, nous amenant ainsi à nous poser la question de
savoir : Quelle serait l'influence de l'évaluation de la performance des
enseignants chercheurs sur la compétitivité des
universités françaises ? Ceci nous semble fort explorable pour un
travail sur une période plus longue, en thèse si l'occasion nous
est donnée de poursuivre en doctorat.
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