I.3 OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
Notre thème qui porte sur la gouvernance d'entreprise
analyse l'effet et l'interaction des différents mécanismes
internes de gouvernance sur la performance de l'entreprise. Ainsi notre
objectif principal est d'analyser les interactions qui existent entre ces
mécanismes et la performance des entreprises. De cet objectif principal
découlent deux (02) objectifs spécifiques ou secondaires. Il sera
question pour nous :
y' De déterminer l'effet de l'interaction entre les
caractéristiques du conseil d'administration et la concentration de la
propriété sur la performance financière des entreprises
camerounaises;
y' Déterminer l'effet de l'interaction entre les
caractéristiques du conseil d'administration et la
propriété managériale sur la performance financière
des entreprises camerounaises ;
Après avoir déterminé les objectifs de
cette recherche, nous situerons l'importance et le bien-fondé de cette
étude en présentant l'intérêt théorique et
managériale de cette dernière.
I.4 INTERETS DE LA RECHERCHE
L'importance de cette recherche est à deux niveaux :
Sur le plan théorique : cette
recherche sera utilisée comme une base pour des études
empiriques, pour les recherches futures. Bien que l'étude des
interactions entre les différents mécanismes de gouvernance ait
été soulevée par différents chercheurs, notre
travail se démarque des autres recherches sur deux plans. La
première contribution de ce travail consiste à tester ces
relations dans le contexte camerounais. En effet, les recherches
antérieures ont été presque exclusivement
réalisées dans le contexte américain et canadien. La
deuxième contribution consiste à vérifier que la
combinaison des mécanismes internes de gouvernance a un effet sur la
performance.
Sur le plan pratique : les résultats
de cette étude nous permettront de proposer des recommandations
pertinentes pour les entreprises. En effet les entreprises sauront
désormais
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MECANISMES INTERNES DE GOUVERNANCE : EFFET ET
INTERACTIONS SUR LA PERFORMANCE FINANCIERE DES ENTREPRISES AU
CAMEROUN.
quelles combinaisons des mécanismes de gouvernance
utilisées de façon à minimiser au maximum les
coûts.
I.5 HYPOTHESES DE RECHERCHE
La littérature empirique sur la gouvernance
d'entreprise assume souvent l'indépendance des différents
mécanismes de contrôle. Cependant, différentes
études constatent que ces mécanismes sont inter-reliés.
Comme la littérature propose plusieurs mécanismes internes de
contrôle, il semble opportun de nous demander si des relations existent
entre ces différents instruments internes de contrôle.
Deux points de vue théoriques nous guident, dans notre
recherche, sur la façon dont les mécanismes internes de
gouvernement agissent les uns sur les autres. Le premier point de vue supporte
la substituabilité des mécanismes de contrôle en
considérant que ces mécanismes sont antagonistes et se relaient
dans le temps. Par contre, le deuxième point de vue affirme leur
complémentarité (ils coexistent et développent une
certaine synergie).
Nous nous contentons donc de prévoir l'existence d'une
interdépendance ou relation réciproque entre les
mécanismes de gouvernance et laissons le sens de cette relation
(négative ou positive) se dégager des données empiriques.
Pour ce faire, nous prévoyons deux hypothèses. La première
s'intéresse à l'effet de la combinaison de la concentration de
propriété et des caractéristiques disciplinaires du
conseil d'administration sur la performance financière. Au
départ, la gouvernance est associée au souci de sécuriser
l'investissement des actionnaires dans les grandes sociétés
cotées, d'éviter que les objectifs personnels des dirigeants ne
conduisent à une moins grande création de valeur actionnariale.
Dans la prolongation de cette version financière de la gouvernance, le
CA apparaît comme un mécanisme particulier contribuant à
atteindre cet objectif. La deuxième permet d'étudier l'effet de
la combinaison de la propriété managériale et des
caractéristiques disciplinaires du conseil d'administration sur la
performance financière.
H1 : L'interaction entre les caractéristiques
du conseil d'administration et la concentration de la propriété a
une influence significative sur la performance des entreprises.
Selon la théorie d'agence, le conseil d'administration
constitue le principal mécanisme interne de contrôle des
dirigeants. Cette théorie suppose que les administrateurs internes ne
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MECANISMES INTERNES DE GOUVERNANCE : EFFET ET
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disposent pas de pouvoir suffisant pour s'opposer aux
décisions des dirigeants. En revanche, les administrateurs
indépendants3 sont recrutés pour leurs
compétences. Leur indépendance à l'égard des
dirigeants, leur permet de s'opposer aux décisions les plus contestables
(Weisbach, 1988; Rosenstein et Wyatt, 1997). En outre, cette théorie a
également tenu compte d'une deuxième caractéristique
primordiale du conseil d'administration à savoir la dualité et
suppose que la séparation des fonctions du président de conseil
d'administration et du directeur général permet de réduire
les coûts d'agence et améliorer ainsi la performance de
l'entreprise. De plus Fama et Jensen (1983) pensent que la séparation
entre les fonctions de décision (initiation et mise en oeuvre des
projets d'investissement) et du contrôle des décisions
(ratification et contrôle des investissements) réduit les
coûts d'agence et améliore donc la performance des entreprises. Ce
qui signifie que le niveau le plus élevé dans la structure du
contrôle des décisions (conseil d'administration) ne devrait pas
être occupé en même temps par le niveau le plus
élevé des décisions (le dirigeant). Pour ce qui est de la
taille, Jensen propose donc que, plus le nombre d'administrateurs est faible,
plus le mécanisme de contrôle est efficace et il affirme que la
taille optimale du conseil serait aux environs de sept ou huit.
Dans la structure de propriété
concentrée, les actionnaires dominants exercent leurs droits pour
contrôler facilement et directement le dirigeant. Cette structure permet
de diminuer les coûts d'agence provoqués par l'opportunisme
managérial et d'améliorer la performance de l'entreprise. Dans ce
cadre, Shleifer et Vishny (1986), Agrawal et Mandelker (1990) ainsi qu' Agrawal
et Knoeber (1996) montrent que plus la propriété est
concentrée, plus le contrôle de la gestion des dirigeants par les
actionnaires est rigoureux et efficace et plus l'entreprise est performante.
Cependant, Kraft et al., (2003) montrent que plus la propriété
est dispersée plus l'entreprise est engagée dans des
activités innovatrices. Cependant les études ont testé la
relation entre la concentration de l'actionnariat et performance de
l'entreprise. De même les premiers conduits aux Etats-Unis tendent
à indiquer qu'il n'existe pas de lien entre la concentration du capital
et la performance de l'entreprise (Demsetz et Lehn, 1985). Pour d'autres
travaux, on a observé une relation positive. Ainsi Claessens et al.
(2002) constatent ce lien en Asie mais observent aussi un effet d'enracinement
associé à la détention de droits de vote plus
élevé que la détention du capital. Kirchmaier et Grant
(2005) mettent en évidence une relation négative entre la
concentration du capital et la performance. Thomsen et al. (2006) constatent
que la relation négative entre la
3«Un administrateur est indépendant
lorsqu'il n'entretient aucune relation de quelque nature que ce soit avec
l'entreprise, qui puisse compromettre sa liberté de jugement»
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MECANISMES INTERNES DE GOUVERNANCE : EFFET ET
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concentration et la performance est surtout vraie lorsque le
premier actionnaire détient plus de 10% du capital. Le risque d'avoir
une duplication du contrôle étant grand, l'hypothèse de la
complémentarité ou la substituabilité4 de ces
mécanismes pourrait nous permettre de réduire les coûts
engendrés par ces mécanismes. Ainsi, nous formulons les
hypothèses suivantes :
H1a : l'interaction entre la taille du conseil
d'administration et la concentration de propriété a une
influence significative sur la performance financière des
entreprises.
H1b : l'interaction entre la dualité du
conseil d'administration et la concentration de la
propriété a une influence significative sur la performance
financière des entreprises.
Conformément à la théorie d'agence, la
présence des administrateurs indépendants dans la composition du
conseil d'administration cherche à aligner les décisions
managériales à la création de la valeur actionnariale.
Cette théorie ajoute que les administrateurs externes sont plus
performants que ceux internes en matière de résolution des
conflits et d'atténuation des coûts d'agence et les
problèmes d'aléa moral. De cette acception découle
l'hypothèse suivante :
H1c : l'interaction entre
l'indépendance5 du conseil d'administration et la
concentration de la propriété a une influence significative sur
la performance financière des entreprises.
H2 : L'interaction entre les caractéristiques
du conseil d'administration et la propriété managériale a
une influence significative sur la performance des entreprises.
Selon la théorie de l'agence, en ayant une
participation élevée dans le capital d'une entreprise, les
dirigeants ont tendance à aligner leurs intérêts avec ceux
des actionnaires (Leland et Pyle, 1977)6. C'est l'hypothèse
de la «convergence des intérêts» soutenue par
Jensen et Meckling (1976). En fait, toute tentative par les dirigeants d'une
mauvaise gestion des ressources de l'entreprise risque de nuire à la
performance de l'entreprise et mettre en conséquence en péril la
portion de leur richesse fortement liée à la valeur de
l'entreprise. Ainsi, la concentration de la propriété entre les
mains des
4Cette hypothèse a été
proposée pour première fois par Williamson (1983).
5Ceci renvoi à la présence des
administrateurs indépendants : Administrateurs qui ne
représentent ni les actionnaires importants, ni les salariés, ni
la direction et qui n'entretiennent aucune relation d'affaires avec
l'entreprise dans laquelle ils sont administrateurs.
6Ces auteurs font partir des partisans de la
théorie d'intendance ou le « steward theory »
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MECANISMES INTERNES DE GOUVERNANCE : EFFET ET
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dirigeants, va rendre ces derniers plus soucieux des
conséquences de leurs actions sur leur richesse et va les conduire
à privilégier des stratégies qui permettent
d'accroître la performance de l'entreprise à long terme. Les
problèmes de conflits d'intérêts entre actionnaires et
dirigeants reliés à l'horizon temporel et à l'aversion au
risque s'en trouvent ainsi atténués.
Sur le plan empirique, les résultats des études
examinant la relation entre la propriété managériale et la
performance de l'entreprise sont très divergents. C'est ainsi que
Demsetz et Lehn (1985), Holderness et Sheehan (1988) rejettent l'existence de
toute relation entre la structure de propriété et la performance
de l'entreprise. Alors que Morck et al., (1988), Hermalin et Weisbach (1991)
trouvent une relation non linéaire entre la performance de l'entreprise
mesurée par le Q de Tobin et la propriété des dirigeants.
Morck et al., (1988) montrent que la valeur du Q de Tobin augmente si les
dirigeants possèdent entre 0% et 5%, diminue si les dirigeants
possèdent entre 5% et 25%, puis augmente si les dirigeants
possèdent plus que 25%. De même, Hermalin et Weisbach (1991)
trouvent qu'il existe une relation positive entre la valeur de l'entreprise et
la propriété du dirigeant à un niveau compris entre 0% et
1%, puis négative entre 1% et 5%, positive entre 5% et 20% et finalement
négative pour plus de 20%. Ces résultats attestant l'existence
d'une relation non linéaire entre la propriété
managériale et la performance de l'entreprise prouvent bien la
coexistence des deux thèses contradictoires à savoir la
thèse de « la convergence des intérêts » et celle
de « l'enracinement managérial ».
Le rôle central attribué au conseil
d'administration, dans la théorie de l'agence, est celui de
contrôler les dirigeants (Charreaux et Pitol-Belin, 1990). Il s'agit
d'abord, de ratifier les décisions de ces derniers et ensuite, de
contrôler leur mise en oeuvre. Ainsi, cet organe s'assure de la
`conformité' des décisions et actions de l'entreprise avec les
attentes de leurs principaux actionnaires ou parties prenantes. En effet, la
théorie de l'agence préconise la séparation des fonctions
de décision et de contrôle pour régler les conflits
d'agence. Dans la perspective de la théorie de l'agence, les conseils
d'administration agissent comme « des dispositifs de contrôle qui
aident à aligner les intérêts des actionnaires et ceux des
dirigeants»7 (Fama et Jensen, 1983). Jensen (1993)
précise que « le travail du conseil d'administration est
7 «Monitoring devices that help align CEO and
shareholders' interests»
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MECANISMES INTERNES DE GOUVERNANCE : EFFET ET
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d'embaucher, de licencier et de rémunérer les
D.G. et de fournir un « conseil »8 de haut niveau».
Ce rôle de contrôle s'applique bien dans les entreprises à
capital diffus et sans actionnaire majoritaire pouvant exercer le
contrôle. Alors que pour le cas des entreprises familiales, la
séparation propriété décision est très
atténuée, même si une partie du capital est détenue
par le public (Charreaux et Pitol-Belin, 1990). Au niveau de ces entreprises,
la famille détient une majeure proportion du capital et nomme un de ses
membres pour diriger l'entreprise. Le plus souvent, le dirigeant est un
actionnaire majoritaire.
De ce fait, Jensen (1993) affirme que le rôle
disciplinaire du conseil d'administration devient beaucoup important dans les
sociétés dont le capital est dominé par la famille. Face
aux différents rôles du conseil d'administration et au souci de
détecter des effets de synergie, les hypothèses suivantes peuvent
être formulées :
H2a : l'interaction entre la taille du conseil
d'administration et la propriété managériale
a une influence significative sur la performance financière des
entreprises.
H2b : l'interaction entre la dualité du
conseil d'administration et la propriété
managériale a une influence significative sur la performance
financière des entreprises.
H2c: l'interaction entre l'indépendance du
conseil d'administration et la propriété
managériale a une influence significative sur la performance
financière des entreprises.
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