Section 2 : Les modalités juridiques du rachat de
dette
Le rachat de dette est réalisé au moyen du
mécanisme juridique de la cession de créances non-échues
(1), dont le régime juridique est caractérisé par
l'assimilation pure et simple à une opération de crédit
(2) ce qui emporte, évidemment, des conséquences au regard du
monopole bancaire.
§1 : La cession de créances
non-échues, le mécanisme 62:
Le mécanisme de cession de créance
non-échue appliqué à la matière bancaire consiste
en le transfert de cette créance bancaire des livres de
l'établissement de crédit au bilan de l'entité d'accueil,
cessionnaire, qui doit préalablement être créée (le
véhicule) et doit être autorisé à recevoir de telles
créances au regard du monopole bancaire. Concrètement, ce
mécanisme est un mécanisme de titrisation de créance. La
titrisation a été introduite dans notre droit pour des raisons
tenant notamment à sa finalité : permettre le refinancement. La
cession de créance non-échues correspond à la forme
classique de titrisation : celle avec transfert de créance
60 Les organismes de titrisation, provenant du
monde de l'assurance ou non, ont procédé récemment
à des rachats massifs de prêts bancaires sur les ETI mais cela
représente un risque pour les entreprises cédées en ce
sens que leur capacité à obtenir la renégociation de leur
dette est douteuse car ce n'est pas le métier de ces organismes, ils ne
proposent pas de relation client.
61 Tel est le cas du fonds d'investissement Ardian,
ancien Axa Private Equity.
62 COURET A., et al, « Droit financier
», Précis Dalloz, 2ème édition
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effectif, contrairement à la titrisation dite
synthétique63. Il s'agit ici d'un véritable
transfert de propriété de la créance. Dès lors, un
choix est ouvert au cédant : soit la banque cédante reste unique
interlocuteur du débiteur cédé pour le recouvrement
(« dans le cadre d'une convention définie par
l'établissement cédant et la société de gestion
», art L214-46 CMF), soit elle confie le recouvrement à
l'entité cessionnaire, qui sera alors subrogée dans ses
droits.
§2 : La cession de créances
non-échues, le régime juridique :
Le régime juridique de cette titrisation est
allégé, en ce sens que l'article L214-43 al 9 CMF dispose que
seule la remise d'un bordereau permet de réaliser la titrisation. Le
débiteur n'est informé que dans les cas où le recouvrement
est confié au cessionnaire et ce par lettre simple.
Mais les développements les plus intéressants se
situent précisément autour des aspects du régime juridique
qui intéressent le monopole bancaire. En effet, la question de la
licéité de telles opérations vient à se poser en
fonction des entités cessionnaires de créances bancaires. La Cour
de cassation assimile, en effet, la cession de créance non-échue
à une opération de crédit64, interdisant de
facto aux entités non exemptées de réaliser de telles
opérations. Cette extension n'allait pas de soi, en ce sens que
l'opération de rachat de dette ne constitue pas directement «
l'origination » de crédit. Pour autant, la solution de la
Cour de cassation n'étonne guère dans la mesure où
l'opération aboutit à placer le cessionnaire en position de
fournisseur de crédit ayant consenti une avance de fonds au
débiteur, surtout du fait que la créance est
non-échue65. Ainsi, la cession de créance
non-échue entre pleinement dans le champ des opérations de
crédit de l'article L311-1 CMF et des interdictions de l'article L5115
al 1er CMF. Dès lors, et en l'état actuel du droit, le
véhicule de dette destiné à recueillir les créances
bancaires devra nécessairement être un organisme de titrisation au
sens de l'article L511-6 CMF66. Cela constitue une restriction
excessive dans la mesure où d'autres entités désireraient
investir sur ce segment du rachat de dette.
63 Seuls les risques sont transférés
: la créance originale reste dans le bilan de la banque, le
débiteur continue d'honorer ses échéances auprès de
cette banque, alors qu'un tiers (une entité externe) prend, quant
à elle, à sa charge, les risques de défaut du
débiteur. Ainsi en est-il avec les CDS (credit default swap)
qui sont une forme de titrisation synthétique.
64 Cass.crim 20 février 1984, 83-90.738,
Bull.crim n°62, RTD Com 1986, 316, obs. Cabrillac et Teyssié, D
1985 IR, 327, obs. Vasseur, mentionné aux tables du recueil Lebon.
65 CHVIKA E., « L'acquisitions de
créances bancaires à l'épreuve du monopole bancaire
», in Revue de droit bancaire et financier, n°5, septembre 2013,
étude 23.
66 SCHMIDT D., MOULIN F., « Les fonds de
dette : un environnement juridique et financier favorable à leur
développement ? » in Revue de droit bancaire et financier,
n°6, novembre 2012, prat. 6.
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Ces deux premières sections ont mis en exergue les
besoins de la pratique qui vont bien au-delà des contraintes que le
monopole bancaire continue de leur imposer, à tel point qu'on en vient
à s'interroger sur la pertinence économique du maintien de ce
dernier.
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