LXV. III-4-2.
Usages des essences exploitées
Les essences exploitées dans le cadre de la
déforestation sont soumises à des utilisations variées. Le
tableau ci-dessus fait une description de l'utilisation des différentes
essences exploitées dans le massif forestier de Lolodorf.
Noms scientifiques
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Noms commerciaux
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Usages
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Enantiachlorantha
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Enantia, moambe jaune
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Médecine (écorce)
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Entandrophragmacylindricum
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Sapelli
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Meuble menuiserie et sculpture
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Entandrophragma utile
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Sipo
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Meuble menuiserie et sculpture
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Baillonellatoxisperma
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Moabi
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Meuble, menuiserie, sculpture et Médecine
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Guirbourtiatesmanii
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Bubinga
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Médecine/industrie du bois
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Naucléadiderrichi
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Bilinga
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Médecine/Industrie du bois
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Pterocarpussoyauxii
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Padouk
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Médecine/Industrie du bois
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Miliciaexcelsa
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Iroko
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Industrie du bois
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Terminaliasuperba
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Fraké
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Bois de coffrage
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Triploclitonscleroxylon
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Ayous
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Bois de coffrage
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Irvingiagabonensis
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Mangue de brousse
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PNFL (fruit et culinaire)
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Coula edulis
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Arbre à noisette
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PNFL (fruit)
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Rincinodendronheudoltii
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PNFL (culinaire)
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Garcinia cola
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Bitter cola
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PNFL (aphrodisiaque)
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Tableau N° 2 :
Quelques types d'essences et leurs utilisations
Source : Nzie, 2013.
LXVI. III-5. DEFORESTATION ILLEGALE ET
TECHNOLOGIES MOBILISEES
Il s'agit de décrire la déforestation
pratiquée dans l'ignorance totale de l'ensemble des prérogatives
légales prévues par le gouvernement camerounais. Mais, notre
attention sera focalisée sur notre site d'étude.
LXVII. III-5-1. Déforestation
illégale
La corruption largement répandue et les rares
contrôles sur le terrain favorisent les activités illégales
dans le domaine de la foresterie.C'est un grave problème pour les
autorités camerounaises car il génère d'importantes pertes
de revenus. Ces pratiques constituent en même temps un grand obstacle
pour le passage à des méthodes de foresterie durable. Le respect
strict de la législation dans de telles circonstances est
considéré comme un désavantage concurrentiel. Et il ne
semble malheureusement pas que la situation soit près de changer.
En effet, la déforestation comme nous l'avons dit plus
haute est conditionnée dans un cadre légal. Celui-ci impose la
conduite à tenir pour être en commun accord avec l'administration.
Cette légalité sous-entend, la possession des titres
d'exploitation délivrée par l'administration centrale, les titres
de coupe, et les autorisations d'exploitation dans le cas des forêts
communautaires. Vient s'ajouter ici, le respect du payement des taxes fiscales
auprès des services financiers de tutelle.
Cependant, une autre forme de déforestation dite
illégale se produit dans l'ignorance totale de ces normes. Depuis
quelques décennies, elle est en vue au Cameroun en général
et à Lolodorf en particulier. Devant le silence conditionné des
autorités administratives, et la pauvreté qui ruine les
populations locales, l'accélération de cette pratique est le
quotidien que subissent les forêts de Lolodorf de nos jours.
D'après MBPILE Moise, notable à la chefferie de
groupement Ngoumba centre, « la coupe frauduleuse du bois a
commencé au niveau de Mougué dans la grande forêt de
Nkouambpoer I il y'a plus de dix ans. Le Chef de groupement a pris une
décision relative à l'arrêt de cette exploitation mais
celle-ci n'a pas connu grand effet compte tenu de la misère, la
corruption et la pauvreté qui sévissent dans sa zone de
compétence. Les populations autochtones font entrer dans leur
forêts, des gens venant de tous les horizons. Ces exploitants sont en
majoritaires composés des Anglophones avec leurs équipes de
scieurs et de transporteurs. Le processus consiste d'aller camper en brousse en
bande et puis passer à la prospection des essences importantes comme le
Bubinga, le Moabi et d'autres essences forestières économiquement
rentables. Après avoir localisé un arbre le Bantu à qui
revient la parcelle de forêt vend cet arbre à une valeur
très négligeable. Les produits issus de cette exploitation sont
transportés ensuite par camion vers Lolodorf.
Un autre modèle est lié au
prélèvement d'écorce de certains arbres. Celui-ci est
effectuée en général par les populations Bantu et les
jeunes Nkola/Ngyéli. Le principe consiste à localiser un arbre en
pleine forêt à l'abattre et puis à le débarrasser de
ses écorces.
Plusieurs exemples peuvent être ici
énumérés. A Nkouambpoer I, un certain MAFANG Simon aurait
bradé aux exploitants, un Bubinga qui servait à toute la
communauté pour des besoins thérapeutiques. A titre compensatif,
il aurait reçu une somme de 100000 F CFA. Convoqué par le chef du
village, ce dernier déclara que l'arbre en question lui appartenait et
qu'il était libre de le vendre afin de résoudre ses multiples
problèmes. L'absence de cet arbre cause de nos jours, des sérieux
problèmes aux populations Bantu et Nkola qui y vivent.
Au campement de Mougué situé à une
dizaine de kilomètres de Nkouambpoer I, le même scénario
s'était déroulé. Un exploitant serait venu corrompre les
Nkola en leur proposant d'acheter le Bubinga qui leur servait de culte des
ancêtres, de lieu de rites de purification et de consultations diverses.
Ceux-ci après consommation d'alcool frelaté auraient
accepté la transaction contre en plus de l'alcool, du tabac,d'un sac de
riz, une somme de 50000 F CFA. L'arbre fut coupé alors que les Nkola
étaient ivres. Le lendemain matin surpris par cet acte, ils durent
s'exposer à ce que l'arbre soit débité. La situation
entraina des conflits d'une ampleur inquiétante. Une fois
l'administration consultée, l'arbre avait été
débité et transporté vers la route. Mais face aux
multiples évènements malheureux qui suivirent l'exploitant en
question, celui-ci serait revenu présenter ses regrets aux Nkola. Peine
perdue dans la mesure où l'arbre avait causé plusieurs accidents
mortels avant d'atteindre sa destination finale.
Toutefois, il revient de souligner que Lolodorf devient de
plus en plus une cible pour des multiples exploitants forestiers
illégaux. Plusieurs agissent sous le couvert de certaines
autorités administratives et politiques. Cependant, cette exploitation
qui sévit sur les forêts sans aucune éthique des normes
environnementales est loin de respecter les prérogatives
inhérentes à la Loi N° 94 du 20 Janvier 1994
portant régime des forêts et de la faune au Cameroun.
Interrogé sur cette question, MABANG, un exploitant
sous-traitant nous a livré ces
informations : « Le Cameroun c'est le Cameroun
qu'est-ce que tu appelles documents administratifs liés à
l'exploitation forestière ? Toute cette paperasse ne nous sert
à rien on sait comment ça se passe. Avant de lancer ton chantier
dans un village, tu vas d'abord causer avec le Chef de terre, le Commandant de
brigade, le Commissaire de sécurité publique, le Commissaire
spécial et le Chef de poste forestier. Une fois l'arrangement
passé avec ces autorités, le reste tu négocies sur place
avec les villageois qui sont lessivés par la misère et les
problèmes de toute sorte. Pour les Pygmées tu leur donnes juste
un peu à manger, à boire et à fumer même s'ils se
plaindront plus tard. Toutes les promesses que tu leurs feras ne seront
totalement jamais tenues parce que tu sais que l'administration est à
tes cotés. Et pour convoyer mes planches par camion vers Douala
ou Yaoundé, je cause avec les autorités qui intiment l'ordre
à leurs subalternes de ne pas déranger mon camion dans leur zone
de compétence. Le reste se gère avec des arrangements sur les
barrières de contrôles en route.
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