XXI. II-6-1-3.
Enchevêtrement des logiques sociales
L'un des intérêts de l'anthropologie est son
approche à la fois holiste (transversale) et individualiste (en
profondeur). Le chercheur en anthropologie doit se situer entre ces deux
modèles types. La posture individualiste permet de ne pas sombrer dans
le culturalisme. L'anthropologie appliquée du développement.
Selon M. CERNEA (1986),depuis les années 1970, face au constat
d'échec des programmes de développement, les institutions
internationales intègrent de plus en plus de sociologue et les
anthropologues avec une volonté de repenser les politiques publiques
contre les approches classiques du développement dites trop technicistes
et économistes. Son approche est un plaidoyer en faveur de
l'intégration du savoir des sciences sociales dans les projets de
développement. Il prône plutôt les raisons de
l'importance des sciences sociales dans le monde du développement et la
façon dont elles peuvent contribuer à améliorer les
pratiques développementalistes.
Pour cet auteur, il ne s'agit pas d'élaborer de
grandes théories en anthropologie du développement mais
plutôt d'appliquer les multiples connaissances accumulées par les
sciences sociales fondamentales dans les projets et les politiques publiques de
développement. Pour M.CERNEA, l'anthropologie peut et doit se tourner
vers l'action. D'une part, l'anthropologue doit s'impliquer dans les
interventions de développement. D'autre part, il doit sortir du cadre
étroit de sa discipline pour introduire ses travaux dans le processus
même de l'élaboration des politiques publiques. L'anthropologue
doit apporter une contribution plus large au phénomène de
développement pour cela il doit identifier les multiples interventions
des sciences sociales dans un projet de développement.
XXII. II-6-2. Quelques dimensions du
développement
Si le concept de développement revêt un sens
spécifique à travers les différentes définitions
qui lui sont consacrées, il paraît impossible de définir
une frontière sémantique étanche entre lui et les autres
notions dont la diachronie de la pensée économique nous
révèle qu'il procède. C'est un cas archétypal de
système sémantique qui combine, entre autres, des concepts tels
que: «croissance économique», «satisfaction des besoins
fondamentaux» et «gouvernance» se rapportant chacun à une
variante dimensionnelle que la notion de développement a progressivement
intégrée au cours de son évolution.
XXIII. II-6-2-1. Dimension politique
Partant de l'idée que le développement implique
une politique systématique et cohérente de l'État dans le
but de promouvoir le progrès économique et social d'un peuple, il
devient clair que le contenu du concept ne saurait, en aucun cas, se dissocier
des impacts produits par l'intervention des pouvoirs publics dans le processus
de développement. L'histoire contemporaine témoigne de
l'importance du rôle joué par l'État dans les processus
économiques. Déjà, durant la décennie des
années 50, le débat sur le développement se centra autour
de problèmes dont la dimension politique était
déterminante : dégradation des termes de l'échange
extérieurs, inadéquation du système des prix dans
l'orientation des investissements, etc., mais ce complexe
thématique fut quasiment toujours abordé à partir de
cadres conceptuels totalement insuffisants. Avec l'analyse
macro-économique de J.M. KEYNES qui restitua au politique sa
primauté sur l'économique, la valorisation des centres de
décisions nationaux conduisit à mettre l'accent sur la dimension
politique de ce qui se présentait initialement comme problèmes
strictement économiques et à imaginer du même coup le
dépassement du sous-développement dans le cadre d'un projet
politique. Ainsi prend forme la dimension politique du concept de
développement cristallisé dans le rôle crucial que
l'État est appelé à jouer dans le processus de croissance
économique ainsi que dans les transformations sociales et
infrastructurelles qui lui sont liées.
Les luttes pour l'indépendance, et dans certains cas
des processus révolutionnaires, ont souvent donné à
l'État un rôle décisif pour promouvoir le
développement économique et créer des conditions
structurelles pour opérer les transformations sociales indispensables y
afférentes. Qui plus est, l'affirmation de l'indépendance
nationale et de lasouveraineté des choix de développement vers
lesquelles s'orientèrent les formations périphériques, et
surtout l'émergence de l'idée d'intérêtnationalont
généré dans la conception du développement la prise
en compte de l'approche globalisante des processus économiques qui
correspond à la prééminence de l'État comme agent
propulseur et orienteur des activités économiques et arbitre des
conflits de classe.
Même quand la plupart des projets, des politiques et
programmes de développement communs à des ensembles mondiaux sont
définis ou mis en oeuvre dans des cadres internationaux, force est de
reconnaître que dans tous les cas, le cadre d'application des politiques
de développement reste pour l'essentiel, national ou régional.
Cependant, il s'avère impératif de souligner que ces politiques
et programmes de développement, même conçus en dehors des
espaces nationaux dans lesquels ils sont destinés à être
appliqués, sont aussi porteurs de projets politiques spécifiques
qui s'inscrivent pour la plupart dans la mouvance d'un paradigme
idéologique dominant. Ils véhiculent, le plus souvent de
façon implicite, soit une réduction, soit un renforcement des
interventions de l'État dans le processus de développement.
A titre d'exemple, les décennies des années
soixante et soixante-dix, ont été, dans la mouvance du paradigme
de la modernisation, dominées par un économisme interventionniste
où les institutions et les décisions politiques étaient
présentées comme de simples instruments des stratégies de
développement. A l'inverse, les années quatre-vingt furent celles
des programmes d'ajustement structurelles véhiculant le respect de
l'autonomie de l'économie par rapport aux décisions politiques
à travers une séparation de l'État et du marché.
BOUTAUD et DEBLOCK (1986),nous rappellent que l'application des politiques
de développement dépend de la stabilité politique et
sociale d'un Etat.
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