IX. II-4-1.Éthique de
l'environnement
D'après BEAUCHAMP (1993) ; GANOCZY (1995) ;
DES JARDINS (1995) ; LARRERE (2006) et HUYBENS (2010), il est
généralement reconnu que trois modèles permettent
d'expliciter différentes conceptions de l'éthique des
interventions dans la nature.
Le modèle anthropocentriquesépare l'homme
(sujet) et la nature (objet) et met la nature au service de l'humain,
maître absolu ou intendant. Dans le modèle économique
classique, l'humain est maître absolu de la nature. Il peut la soumettre
à tous ses besoins sans contrepartie. Ce modèle a permis le
développement de l'agriculture, des sciences et des technologies et
laisse une empreinte environnementale démesurée parce que la
nature est un objet exclu du champ de l'éthique. Dans la pensée
du développement durable, l'humain devient plus un intendant qui doit
pouvoir satisfaire ses besoins dans la nature et laisser aux
générations futures des écosystèmes pourvoyeurs de
tout ce dont elles auront besoin. L'éthique en lien avec la nature est
utilitariste. Il s'agit de maximiser les conséquences positives pour
l'humain au moindre coût, parfois y compris pour la nature, mais de
manière récente seulement avec le développement durable.
Ce modèle éthique conduit à anthropociser la nature, la
rendre apte à répondre aux besoins humains.
Le modèle biocentriquevalorise le respect de toute vie.
Tous les êtres vivants ont une dignité propre intrinsèque,
quelle que soit leur utilité pour les humains. Il s'agit d'une remise en
question fondamentale de la vision anthropocentrique. Elle dénonce la
violence faite par les humains et ses techniques à la nature. Cette
vision est basée sur une écologie métaphysique,
l'éthique est déontologique : elle est faite de règles
morales et d'interdits. Ce modèle éthique conduit à
anthropomorphiser la nature : la nature a des facultés humaines comme le
suggère James LOVELOCK dans l'hypothèse Gaïa,
Terre-Mère se venge.
Le modèle écocentriquefait de l'humain un
élément de la nature, comme n'importe quel autre, qui doit
connaître et respecter les lois de la nature pour la maintenir dans
l'état où elle se met sans lui. Une grande importance est
accordée aux experts qui connaissent les lois de la nature pour prendre
des décisions qui imitent son fonctionnement ou dans des versions plus
édulcorées, s'en inspirent ou proposent « une gestion proche
de la nature ». Les écosystèmes et leurs fonctionnements
autorégulés sont centraux. Ce modèle éthique
conduit à naturaliser l'humain. L'éthique est
conséquentialiste (éviter les conséquences
négatives sur les écosystèmes) en élaborant des
bonnes pratiques basées sur les lois de la nature. Ces trois
modèles sont possibles dans le cadre de l'ontologie naturaliste
décrite par Descola.
Pour HUYBENS (2010),il faut métamorphoser
l'éthique de l'environnement en articulant ce que chaque
représentation a de mieux dans une forme renouvelée.Le
modèlemulticentriquearticule les complémentarités et
contradictions entre les différents modèles pour inventer une
réponse contemporaine pertinente permettant d'envisager «
l'économie verte » avec une nature partenaire. Elle a cependant
l'avantage de mettre l'accent sur la nécessité de
réfléchir les interventions humaines dans la nature en tenant
compte de la « réponse » de la nature. Le caractère
récursif de la relation ne s'arrête pas là cependant. Cette
rétroaction de la nature sur l'humain façonne à son tour
en partie l'action possible ou souhaitable de l'homme dans la nature.
Ce modèle éthique conduit à humaniser
l'humanité dans ses relations avec la nature et pour cela à
valoriser le dialogue entre les humains. Voir les forêts comme des «
partenaires » et pas seulement comme des « ressources » ou
seulement comme ayant une valeur intrinsèque ou sacrée permet de
réfléchir sur les interventions humaines dans la nature comme
s'il s'agissait de mettre en oeuvre une sorte de contrat qui devrait donner
satisfaction tant à l'humain qu'à la nature. Concevoir un
Co-pilotage, une influence réciproque entre les humains et la nature
permettrait de participer à un monde plus libre (démocratique,
diminue les inégalités), plus juste (création et
répartition des richesses surtout avec les plus démunis,
l'économie est un moyen et pas une fin), plus vert (partenariat avec la
nature) et plus responsable (en portant la responsabilité avec les
générations antérieures de la planète que nous
laisserons aux générations futures).
Somme toute, l'environnement en tant que milieu, est une des
bases de l'écologie qui privilégie les relations des êtres
vivants entre eux et avec le milieu. L'environnement est un pilier et son
respect est une condition sine qua non au développement durable. La plus
importante différence entre les trois domaines de l'écologie, de
l'environnement et du développement durable est la place et l'importance
croissante de l'homme et de ses activités.
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