§1. La naissance des deux blocs
La fin de l'année 1946, a
été caractérisée par des tensions croissantes dans
les rapports entre Washington et Moscou. La question de l'Allemagne, de
l'Autriche, de la Grèce, la rapide démobilisation militaire
américaine suivie par une rapide démobilisation des armées
soviétiques a déclenché une atmosphère
d'incertitude et accroître la méfiance réciproque entre les
deux blocs.
En Février 1947, le Président américain
Harry Truman allait exposer devant le congrès américain, sa
doctrine sur la politique étrangère, dans un contexte
international grave (la Grèce qui était en proie d'une guerre
civile, l'arrivée des régimes communistes en Europe centrale) qui
avait exigé une intervention américaine directe en Europe sous
forme d'un plan de réajustement de l'économie européenne,
via l'approbation du congrès d'une aide financière de 400
milliards de dollar, pour favoriser l'aide économique des pays de
l'Europe Ouest, susceptible de maîtriser leurs indépendances
économiques.
D'autre part, le pentagone s'engagera à fournir des
aides militaires pour les alliés des Etats-Unis, il s'agissait en somme
d'une aide qui avait une profonde signification politique.
Le discours de Truman fut prononcé au moment, où
venait de s'ouvrir à Moscou, la conférence des Ministres des
Affaires Etrangères des quatre grands alliés de la seconde guerre
mondiale (Etats-Unis, Grande Bretagne, U.R.S.S, France), qui fut très
influencée par les déclarations de Truman, car, les responsables
concernés avaient du mal, dans un tel climat de tension, d'arriver
à un accord sur le statut d'occupation de L'Allemagne.
L'échec de cette conférence a été
suivi par la décision du gouvernement français de révoquer
les Ministres communistes, dans le cadre d'une tentative qui visait de
s'approcher de plus en plus du camp occidental. Des semaines après, le
Secrétaire Général des Affaires Etrangères
américaines Marshall prononce à l'université de Harvard un
discours très important : (la situation mondiale est très
sérieuse, la deuxième guerre mondial avait laissé des
ruines, de telles sortes que les besoins de l'Europe sont plus grands que ces
capacités de payement, il est nécessaire d'envisager une aide
supplémentaire, qui sera gratuite, pour éviter une dislocation
économique, politique et social très grave)5, ici, il
est important d'évoquer les faits essentiels : l'Angleterre comblait
dans un déficit de payement, qui avait atteint 38 milliard de dollar, le
manque
5 Jean Baptiste Duroselle (Histoire des relations internationales
de 1945 jusqu'à nos jours - page58)
8
du charbon provoquait des coupures électroniques qui
entraînaient les plans de relèvement des activités
économiques.
En France, la hausse des prix avait atteint 80 pour cent
durant une année, le cycle des salaires et des prix reprit vite. Dans la
fin du discours, Truman nota que : (si les pays du continent européen
continuèrent de se laisser convaincre de chercher à
résoudre les problèmes économiques d'une Europe comme un
but, l'aide des Etats-Unis serait plus efficace)6 et ajouta (les
Etats-Unis feraient tout ce qui lui étaient nécessaire pour aider
le monde à retrouver sa santé économique, sans laquelle il
n'y aura pas de stabilité politique)7.
On comprend ainsi, que les Etats-Unis invitaient les pays de
l'Europe de l'Ouest à dresser le bilan de leurs ressources et leurs
possibilités, afin d'établir une coopération entre eux, en
proposant une construction politique d'ensemble, via des réalisations
concrètes reposant sur la solidarité en vue de piloter la
production européenne, et améliorer les conditions de vie de la
population européenne, pour réaliser une intégration
institutionnelle. Truman évoqua : (l'initiative doit venir de l'Europe,
puisque c'est leurs affaires, qui justifient la détermination de leurs
besoins)8.
La doctrine de Truman et le plan Marshall nous conduit
à la conclusion suivante : les Etats-Unis optaient pour l'Europe,
considérée par les dirigeants du White House Office comme
l'élément décisif de l'équilibre mondial, en
admettant que le réarmement ne devrait pas compromettre les efforts du
relèvement économique assuré par Marshall.
Mais derrière, il y avait d'autres significations de
nature stratégiques et géopolitiques qui expliquaient la position
de Washington sur le dossier européen, car elles devaient chercher
à établir une défense politico-économique solide
capable de stopper la montée en puissance du communisme, qui se
diffusait d'une vitesse rapide en Europe.
La réaction européenne sur le plan Marshall fut
vite accueillie, le Times britannique qualifia cette politique de courageuse et
de constructive, France Presse annonça qu'il s'agissait d'une
idée sympathique. Mais en contrepartie, la réaction de la presse
soviétique était trop nuancée, malgré cela, Moscou
accepta de participer dans la conférence de Paris en Septembre 1947 pour
discuter de l'offre américaine, durant cette conférence, Marshall
essaya de créer un environnement diplomatique favorable au consensus de
l'Europe pour son plan, en s'appuyant sur la réconciliation et la
coopération de toute l'Europe pour son bien commun.
6 André Fontaine (Histoire de la guerre froide - page
381)
7 André Fontaine (Histoire de la guerre froide - page
382)
8 André Fontaine (Histoire de la guerre froide - page
384)
9
Molotov (le Ministre des Affaires Etrangères
soviétiques) s'opposa totalement au plan Marshall, estimant d'une part
qu'il n'était pas de nature à satisfaire les immenses besoins de
l'Europe, et d'autre part qu'il violait la souveraineté nationale des
pays européens, puisque les questions du relèvement
économique relevaient de la compétence nationale des Etats
concernés, et ajouta que les pays de l'Europe de l'Est avaient
déjà mis en place des programmes de relèvement
économique. En effet, l'attitude de Moscou à l'égard du
plan Marshall était très agressive, car celle-ci, refusait de
remettre son influence exclusive sur ses satellites.
Le refus soviétique allait obliger les pays de l'Europe
de l'Ouest à tenir une réunion à Paris, qui se soldera par
le transfert d'un rapport vers Washington, contenant le consentement des pays
signataires de la déclaration de Paris au plan Marshall. Sur le plan
politique, l'élément le plus important est la réaction
immédiate,9 brutale et violente de l'U.RS.S à
l'égard du plan Marshall, considéré comme la manifestation
de l'impérialisme américain pour établir sa domination
économique et politique sur l'Europe.
Moscou décida de rompre ses relations politiques et
diplomatiques avec les pays signataires de la déclaration de Paris, en
les considérant comme (les valets de l'impérialisme
américain)10 qui cherchent à satisfaire les
désirs de Washington, au détriment des leurs souverainetés
politiques et économiques.
La véritable réaction soviétique à
l'égard du plan Marshall, fut la création du Kominform. Dans le
discours de la constitution, le représentant soviétique
annonça que le monde était divisé entre deux blocs
hostiles : un bloc capitaliste et impérialiste dirigé par les
Etats-Unis, et un autre bloc anticapitaliste et anti-impérialiste,
dirigé par U.RS.S ayant pour objectif de saper l'impérialisme et
de renforcer la démocratie.
Des jours après la constitution du Kominform, des
grèves communistes s'éclatèrent à Paris, ce qui
allait aboutir à la dislocation de la confédération
démocratique des travailleurs, ainsi que le rapatriement de certains
citoyens communistes, sous le prétexte d'aider les grévistes, en
leurs fournissant des aides financières et militaires.
En fin de 1947 s'était tenu à Londres une
conférence qui connut moins de succès que la première
conférence. En effet, les circonstances étaient moins favorables
(constitution du Kominform, dégradation des relations entre Washington
et Moscou...). En conclusion, Marshall ajouta (nous ne pouvons rien faire pour
l'Allemagne, nous devons faire notre possible dans les régions ou notre
intervention est sentie).11
9 Daniel Colard (Les relations internationales de 1945
jusqu'à nos jours - page 42)
10 Jean Baptiste Duroselle (Histoire des relations
internationales de 1945 jusqu'à nos jours - page 61)
11 Jean Baptiste Duroselle (Histoire des relations
internationales de 1945 jusqu'à nos jours - page 61)
10
Cette déclaration constitua la gage irréfutable
que le monde était bien divisé entre deux blocs hostiles : un
bloc occidental qui croyait aux valeurs du libéralisme politique et
économique, et un bloc communiste qui prévalait
l'idéologie de son existence dans tous les pays où la lutte des
classes existait, et cela jusqu'au triomphe du prolétariat.
§2. L'évolution de la guerre froide et les conflits
localisés :
En effet, le terme (guerre froide) signifie la confrontation
politico-idéologique entre deux blocs hostiles et contradictoires.
L'expression a été utilisée pour la première fois
par le journaliste du New York Times (Walter Lippmann). Reymont Arrond quant
à lui avait défini la guerre froide comme « étant une
guerre limitée dans un espace mondial bipolaire, où les deux
grands parties du conflit évitaient de se confronter directement »
Laguerre froide était surnommé (l'équilibre de la terreur)
qui fait référence au danger que courrait la planète
à cause de la compétition nucléaire entre les deux grands
géants (U.SA. et U.RS.S). Ainsi, on comprend que la guerre froide
n'était que le synonyme de la polarisation du système
international, autour de deux puissances majeures, et dont le produit des blocs
n'était que la manifestation de la révolution nucléaire
qu'avaient connue les relations internationales.
L'évolution de la guerre froide généra
deux périodes : la première période qui allait
débuter avec la crise de Berlin et s'achèvera avec la
résolution de la question cubaine en 1962, alors que la deuxième
période durera de 1962 jusqu'à la chute du mur de Berlin en
1989
§3. La première phase de la guerre froide :
Cette période allait commencer avec l'échec de
la conférence de Londres, il s'agissait d'une période de tension
au cours de laquelle le monde entier a pu craindre le déclenchement
d'une troisième guerre mondiale sous le danger nucléaire. Il
s'agissait d'une période qui reflétait la dégradation des
relations entre les Etats-Unis et l'Union républicaine socialiste
soviétique, perçue dans le cadre des conflits localisés
(le coup de Prague, l'arrivée des communistes au pouvoir en Chine, la
guerre civile en Grèce...), et en particulier la première crise
de Berlin et la crise de la Corée.
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