Chapitre 6 : Les instances techniques de
réalisation d'ouvrage
Le marché des biens symboliques est un champ
relativement autonome composé d'artistes et d'intellectuels
décidés de libérer leur production ou leur métier
de toute servitude externe (ordre clérical, pouvoir politique, domaine
commercial, etc.). Dans ce champ, la valeur symbolique et marchande de l'objet
culturel impose la division du champ en instances. C'est en s'appuyant sur
cette pensée de P. Bourdieu (1998) que J. Dubois (19978) élabore
une théorie de l'institution littéraire en s'interrogeant sur les
modalités de fonctionnement des instances de production et de
légitimation ainsi que sur le statut de l'écrivain. Sa
démarche nous guidera dans ce travail.
1. Étude historique et fonctionnelle de
l'édition et de l'impression
1.1 L'impression
L'imprimerie est définie par Le dictionnaire du
littéraire comme : « l'art de reporter les
éléments graphiques - et d'abord des signes d'écriture,
dont des textes- sur une surface plane, (de papier le plus souvent)».
(Aron et al, 2002 : 292). Ce rapport s'est effectué pendant cinq
siècles par pression d'où le nom imprimerie. Elle est pour Twyman
Michael, « une des plus importantes inventions de tous les temps. Elle
a changé le cours de l'histoire par son extraordinaire impact sur les
plans intellectuel, social et artistique» (Twyman, 2007,
préface). Au fil des siècles, ses applications se sont
multipliées grâce à l'adaptation continue des
procédés aux évolutions technologiques depuis la
production manuelle jusqu'à la production mécanique puis
électronique.
1.1.1 Histoire de l'imprimerie et l'évolution
des presses.
Avant 144846, les usages du livre sont d'abord
restés le monopole des clercs, copistes et jongleurs qui font usage de
leurs mains pour écrire et multiplier les textes. Le livre, à ses
origines progressait cahin-caha dans divers groupes sociaux. Mais ne sera-t-il
pas uniquement l'apanage des religieux et des bourgeois. La cause de ce
phénomène est l'accroissement des imprimeries. Des textes
religieux aux textes prohibés, cyniques ou pornographiques en passant
par ceux de formation, on constate de plus en plus la présence de
l'imprimé. La presse faite au bois de Gutenberg est restée telle
quelle pendant trois siècle et demi. Elle ne répond
46 Date de l'invention de l'imprimerie par Gutenberg,
en Italie
point, d'après Gérard Martin, à
l'idée qu'on se fait aujourd'hui d'une machine. Il la décrit
ainsi : « Une table horizontale fixe, le « marbre »,
recevait « la forme imprimante », tandis qu'une seconde table,
également horizontale mais mobile dans le plan vertical, la «
platine » venait s'appliquer avec force sur le premier, avec une vis
à gros, pas actionné à bras d'homme.» (Martin,
1975 :25). Au XVIe siècle, le marbre sera placé sur
des glissières et deviendra mobile sur le plan horizontal.
1.1.2 Le fonctionnement de l'imprimerie
Tout procédé d'impression implique un
rapprochement de deux systèmes physiques assurés par pression.
L'un, le papier, solide et l'autre, l'encre, fluide. Le résultat attendu
est le transfert du second système de couleur noire ou colorée
sur le premier qui est toujours de couleur blanche ou claire. Le
déplacement étant, selon Gérard Martin47,
limité aux zones correspondant au texte et aux illustrations d'un
ouvrage donné :
Le transfert sélectif est exécuté au
moyen des structures spécialisées « les formes
imprimantes », qui sont conçues de manière
à pouvoir, lorsqu'elles sont montées
sur des machines adéquates (« les presseurs
»), accepter l'encre dans certaines
de leurs parties et rester vierges dans d'autres, puis
céder facilement cette encre
au papier qui vient à leur contact. (Martin, 1975
: 5).
Cette démarcation entre les « zones imprimantes
» et les « zones non imprimantes »
des formes est rendue possible grâce à plusieurs
techniques qui caractérisent, chacune, un procédé
d'impression. Nous considérons ici trois types d'impressions : la
typographie, l' « héliographie » et la « lithographie
». La « typographie », (procédé par lequel l'encre
«prend» préférentiellement sur les « reliefs
» est inventée dès le 15e siècle. Pour des
raisons liées à leur évolution sociale et
économique, les États-Unis ont, pour la plupart,
développé des rotatives typographiques polychromes à
fluide et bobine, dès avant la première guerre mondiale. Au
même moment, l' « héliographie » (procédé
par lequel l'encre « prend » dans des « dépressions
» a vu le jour. Les machines hélio, polychromes ont commencé
à se rependre au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Pour
Tony Felman, l'impression typographique est « un procédé
d'impression par répartition de l'encre sur des formes imprimantes en
relief, mise en suite en contact avec le papier» (Felman, 1994 : 51).
Il définit
145
47 Le directeur de la librairie Hachette de Paris, en
France
146
à la même référence l'impression
hélio ou l'héliogravure comme « un procédé
dans lequel, les creux d'un cylindre sont remplis d'encre et le surplus
retiré l'aide d'une l'âme. Le papier entre en contact avec le
cylindre et « soulève » l'encre des creux ».Ce
procédé est utilisé pour l'impression de qualité.
La troisième méthode, la « lithographie » (devenue
ultérieurement l'« offset ») n'est pas antérieure
à 1800. Elle utilise des formes sans relief ni creux et est basée
sur le comportement particulier de divers matériaux. Elle a
été à l'origine une pierre de calcaire de Bavière,
d'où son nom. Ce procédé est spécialement
traité pour accepter l'encre dans certain endroit et la repousse dans
l'autre. Pour Tony Felman, l'offset est « un procédé
d'impression dans lequel on utilise un support intermédiaire pour
reporter l'image à imprimer : ce support est généralement
un blanchet en caoutchouc qui à son tour, reporté l'encre sur du
papier. (Felman, 1994 :69)
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