2-3-Impact socio-culturel
Ces religions ont eu d'autres impacts sur la vie et le
comportement social des Baatombu. Aujourd'hui,
l'ivresse et la méchanceté sont considérées comme
des vices dans la société baatonu.
Certaines pratiques comme les cérémonies de baptême, de
mariage et d'enterrement sont basées sur les lois religieuses. Les
institutions sociales furent profondément affectées avec
l'introduction du christianisme et de l'islam. La famille large fut la
première à être affectée ; famille qui est
jadis caractérisée par l'origine commune des traditions, des
professions de la résidence et de la propriété terrienne.
Les gens préfèrent vivre désormais dans leurs domiciles
séparés au lieu du système traditionnel d'enclos.
Les cérémonies d'enterrement chez les musulmans
et les chrétiens heurtent les coutumes du
Baatonu. Selon M. K, la dernière demeure
idéale pour un Baatonu, c'est sa maison
familiale. C'est pour cela qu'il préfère enterrer ses morts
à la maison ou près de l'enclos au lieu de l'extérieur
parce qu'il croit en une communion entre les morts et les vivants. Ce que les
chrétiens et les musulmans ne supportent pas qu'on enterre les morts
à l'intérieur ou à proximité du domicile. Aussi le
christianisme a remplacé la polygamie par la monogamie.
Chapitre 5 : Relation entre les hommes et les
bûnu
1- Place des bûnu dans la vie
des Baatombu
Les bûnu sont des esprits
(simples ou non), créés par Dieu, soumis à Dieu, en
parfait accord avec Dieu, ne faisant rien ici-bas sans en avoir demandé
l'autorisation à Dieu. Ils sont les ambassadeurs de Dieu dans le monde.
Ils protègent l'homme contre la maladie et l'adversité de la
nature, et contre les créatures ennemies de l'homme. Ils sont
chargés de faire respecter la justice de Dieu auprès des hommes.
Ils prennent la cause des innocents, ils protègent les hommes contre
leurs semblables malfaiteurs ou méchant. Un
bûn peut tuer, mais il ne le fait pas par
plaisir comme le ferait un gbeeru. Un
bûn ne tuera jamais un innocent, même si
on le lui demande. Si on insiste, on risque d'être soi-même
frappé. Il est rare qu'un bûn prenne
l'initiative de tuer un malfaiteur. Il le fait si la victime d'un malfaiteur
vient le lui demander, d'habitude par mort violente. Certains le font par la
foudre. On dit qu'avant de tuer un homme, les
bûnu vont d'abord dans les cieux demander
à Dieu son autorisation, car Dieu est le maître suprême de
la vie, et le grand justicier de toutes les causes.
Certains bûnu n'acceptent pas
de tuer. On ne dit pas que ceux qui acceptent de tuer sont mauvais, mais
plutôt qu'ils sont durs, difficiles, sévères, impitoyables.
Quand ils sont en déplacement dans des villages, c'est pour purifier le
village et les sorciers prennent la fuite. Ceux qui restent, les
bûnu les dénoncent publiquement et les
obligent à s'exiler, ou bien ils les suppriment. Le chef peut
explicitement inviter les bûnu.
Toute personne qui va en pèlerinage à l'autel
d'un bûn, et qui boit l'eau sacrée est
immunisée, contre les empoisonnements. Celui qui tente de lui faire du
mal risque de mourir. La personne qui a bu à l'eau sacrée doit
s'abstenir de tuer pour tout le reste de sa vie, sinon elle-même mourra.
Les actes de méchanceté doivent être éliminés
de sa vie.
Tout sorcier qui boit à l'eau sacrée est
frappé de mort. Le bûnkosso, de par sa
fonction de desservant du bûn est
immunisé contre les actions des malfaiteurs. Sa vie est
protégée par son maître, mais elle devra être saints,
comme ceux et celles qui sont voués aux
bûnu (sainteté : éviter de
nuire au prochain et faire du bien).
La hiérarchie est difficile à établir
parmi les bûnu. Dieu seul sait celui qui est le
plus grand, et le plus petit. Certains hommes qui, avaient autrefois
occupé des places spéciales dans la société sont
aujourd'hui honorés comme des bûnu
(fondateurs de villages ou de villes).
On peut dire que certaines cérémonies du
bûn coïncident avec le culte des morts,
mais un culte des morts spécial, dépassant les simples
cérémonies de funérailles. Cela rejoint l'idée du
culte des saints chez les chrétiens. Mais il n'est pas donné
à tout chrétien d'être canonisé. De même, il
n'est donné à tout défunt d'être élevé
au stade de bûn.
2- Place des bûnu par rapport à
Dieu et aux hommes
Chez les Baatombu, Dieu n'a pas
d'égal. Dire "les dieux" (comme chez les grecs ou les romains), cela n'a
pas de sens chez les Baatombu. Dieu est le seul
être incréé. Tout en dehors de lui, est son oeuvre.
Les bûnu sont des
créatures de Dieu. Ce sont des esprits, ils n'ont pas de corps. Ils ne
jouissent pas de l'omniprésence, mais possèdent le
privilège de la présence instantanée. On ne peut pas dire
la forme qu'ils ont. On affirme tout de même qu'ils sont mâles et
femelles. Les bûnu sont soumis à Dieu et
ne sont pas de créatures révoltés comme on l'affirme du
Satan de la bible.
Le Baatonune confond pas les
bûnu et seetam
(diable ou fauteur de troubles). On peut se demander si la notion de
seetam (fauteur de troubles) ne viendrait pas de
l'islam. Le Baatonu a la notion d'autres esprits qui,
s'ils ne sont pas ennemis de l'homme peuvent pourtant être un obstacle
à sa sécurité ici-bas. Ils ne sont pas dits explicitement
ennemis de Dieu. Le bûn, lui, est non seulement
créature de Dieu, mais aussi son ami. Il n'a pas à proprement
parler un message à porter de la part de Dieu, il n'est pas
chargé d'organiser la vie des hommes. Il est à la fois,
pourrait-on dire procureur général de Dieu, et juge
délégué de Dieu dans la société des humains.
Il n'est pas l'avocat des hommes auprès de Dieu.
Auprès de l'homme, il est le serviteur de la justice de
Dieu. Il le fait régner, le fait respecter. Grâce au
bûn, l'innocent peut être
épargné, le vrai coupable peut être découvert et
puni. Inférieur à Dieu, le bûn
est supérieur à l'homme. Le culte aux
bûnu n'est jamais en concurrence avec celui
qu'on pourrait rendre à Dieu. Tout le monde croit aux
bûnu. Pourtant les
bûnu n'exigent pas de tous les hommes un culte.
Il n'y a que les bûnkosso qui soient tenus
à l'adoration. Ce culte est facultatif pour les profanes. Si on ne le
fait pas, on n'est pas pour autant plus exposer à la colère des
bûnuque ceux qui le font. Pour être en
bon terme avec les bûnu, il suffit à
l'homme de craindre Dieu, d'éviter le mal et de pratiquer la justice.
Les actes de charité positifs ne laissent donc pas indifférents
les bûnu. Ceux-ci vont même
jusqu'à les exiger de ceux qui leur sont consacrés de
façon spéciale, comme pour dire : "pour vous, soyez
parfaits".
Chapitre 6 :Héritage culturel et le
devenir du Sambaani
L'étude effectuée sur le sujet « le
rituel Sambaani chez les
Baatombu» dans la commune de N'Dali a permis de
déceler un ensemble de connaissances relatives au fondement, au
déroulement, à l'évolution et à la fonction du
Sambaani.La pratique endogène suppose des
groupes peu étendus, clos, d'une cohésion parfaite. Malgré
quelques tentatives de restauration, son bouleversement parait
irréversible dès que l'unité de groupe se détend.
Ailleurs l'aspect des chefferies ou des royaumes décline. Les enfants
vont à l'école, donc la durée des initiations doit
être réduite ; la connaissance des symboles et des mythes du
Sambaani se perd, les hommes circulent, vont
travailler au loin, abandonnent le contact avec les dieux et les
ancêtres, restent dans les villes pour échapper à la
tutelle du groupe, ou la secouent lorsqu'ils reviennent. Les jeunes
désertent les fêtes et ne respectent plus les interdits à
cause de l'école.
Retenons que l'école apporte un savoir
différent de celui des anciens, une autre explication des
phénomènes, une culture ouverte où rien n'est
caché, où tout en principe devrait récompenser le
mérite et l'intelligence ; alors que la société
ancienne reposait souvent sur le secret et sur l'hérédité.
L'individu préfère se dégager ainsi de la contrainte
sociale, quitte à perdre réconfort et sécurité. Le
Sambaani, aux degrés supérieurs de
connaissance ésotériques très complexes, ne peut pas faire
face au désir des masses d'accéder à l'autonomie
individuelle. Il ne répond ni aux exigences d'une morale personnelle,
ni à celle du rationalisme moderne, condition de l'essor technique, ni
à celle d'un idéal de progrès, puisque c'est une pratique
axée sur la répétition et l'exaltation du passé. Le
Sambaani subsiste et résiste là
où il est le plus structuré, mais il se désagrège
tout autour des villes que dans les régions de passage, ou encore parmi
les populations que l'appel de la main d'oeuvre tire de chez
Sambaani.Du coup, de peur d'être
offensés par les élèves profanes, ces jeunes adeptes ne
s'intéressent pas trop à l'école. Nous ne comprenons pas
pourquoi la religion traditionnelle qui devrait contribuer au
développement du milieu, constitue un handicap pour la scolarisation de
certains enfants surtout les filles de la commune de N'Dali. Or, nul n'ignore
le rôle capital que joue l'instruction dans le développement de
tout pays. Donc, il faut à ces jeunes adeptes une éducation pour
concilier religion et école.Les conservateurs essaient de
répondre aux nouveaux besoins, mais leur conception du
Sambaaniest souvent répétitive et
close. Ils servent la plupart de temps d'alternative aux familles et autres
organisations traditionnelles dissoutes. La perte des anciennes croyances dans
l'individualisme rappelle la situation du paganisme. Cette perte a
préparé sans doute le terrain aux religions
révélées, islam et christianisme.
En effet, le Sambaanirevêt une
importance capitale dans la vie des populations de N'Dali qui, demeure la
commune dans laquelle on exécute ce rituel pour implorer le
bûn en lui offrant des sacrifices. Ce rituel se
pratique presque tous les ans à la fin des récoltes ; moment
où les paysans vendent les récoltes. Cependant,
l'exécution de ce rituel souffre d'insuffisances aujourd'hui, car ces
différentes phases ne sont plus rigoureusement respectées comme
auparavant. Par exemple, l'étape de se mirer avant d'aller en brousse a
presque disparu. Aussi, au lieu d'aller à la rivière pour le
lavage du novice, on préfère le faire au village derrière
la maison. Nous constatons que les règles établies par les
ancêtres ne sont plus respectées par la nouvelle
génération. Le moment choisi pour faire le rituel qui est la
saison sèche par les anciens n'est plus valable à cause du
changement climatique. Tout moment est valable aujourd'hui, il suffit
d'être riche. Il n'est plus un secret pour personne que les
réalités climatiques du temps de nos aïeuls qui ont
institué ce rituel ne sont plus les mêmes. Ce changement
climatique est dû aux caprices de l'homme qui explique les modifications
intervenues dans l'exécution du rituel aujourd'hui. Il est donc
aisé de comprendre que, contrairement à ce que pensent les
prêtres et les adeptes, la force du bûn
est aussi limitée. Le bûn est un canal
vibratoire servant de liaison entre les hommes et Dieu. Il est puissant, mais
il doit parfois cette puissance au
« Tim » (gris-gris). Car, les
adeptes, les prêtres et les prêtresses du
Sambaani affirment que le
bûnet le Tim sont
indissociables. En effet, ce sont les prêtres qui officient des
sacrifices, des offrandes et des cérémonies de leur
ressort.N'importe qui ne devient pas adepte par volonté. Mais
aujourd'hui c'est le constat. Dès qu'on est tourmenté par des
mauvais esprits, on dit que c'est le bûn. Les
bûnkosso sont devenus des corrompus et exigent
plus de chose qu'avant où tout était symbolique. L'argent a
remplacé l'honneur qu'ont les prêtres et prêtresses du
Sambaani.
Les coutumes sont aujourd'hui en grande
évolution : scolarisation, influence de la ville, de l'islam, du
christianisme, changements économiques, politiques. Les couvents
sontdes lieux où on fait l'apprentissage du langage du
bûn, des danses et des chants. On fait subir
aussi aux adeptes du Sambaani les épreuves de
la vie spirituelle. Aujourd'hui, les couvents ont perdu leur
crédibilité. Au lieu d'être un lieu d'apprentissage, les
couvents sont devenus des lieux de commerce.Après des mois d'internement
au couvent, les jeunes initiés sont contraints de s'attacher au
bûn compte tenu des enseignements qu'on leur a
inculqués.
L'islam et le christianisme ont apporté leurs
façons de prier les morts. On permet volontiers aux chrétiens et
aux musulmans de venir prier pour les morts. On dit que ces prières
obtiennent la faveur de Dieu pour que le mort ne soit pas jeté dans le
feu. Mais ces prières ne dispensent pas des funérailles
traditionnelles qui sont obligatoires.
Le Béninois, mieux encore le Baatonu de N'Dali, bien
que détourné par les religions étrangères,
reconnait l'existence des religions traditionnelles et n'hésite pas
à des moments donnés d'oublier sa configuration et faire un
sacrifice ou poser un acte religieux. C'est ce que remarque BEART en affirmant
que l'animisme demeure souvent au fond de la mentalité paysanne :
« converti à l'islam, au catholicisme, l'Africain ne se
sépare guère de ses croyances animiste ». La religion
est la vie du Baatonu, comme l'a dit Durkheim c'est
le ciment qui unit les différents membres du groupe. Les manifestations
de culte, les rites de mariage, de naissance ou les cérémonies
d'initiation font appel à tous les membres de la famille et il y a
échange.
Tout ne doit donc pas être renié de
l'héritage ancestral : bien des formes en seraient à
reprendre pour éviter le vide culturel et la vulgarité
contemporaine. C'est ainsi qu'en Afrique certains peuples christianisés
ont conservé leur pratique.
CONCLUSION
Au terme de cette étude sur le rituel
Sambaani dans la commune de N'Dali, la tradition
continue de marquer profondément la vie quotidienne des populations de
N'Dali malgré la présence des religions
étrangères.La manière dont la pratique
religieuse s'exprime varie selon les territoires, et chaque peuple à ses
croyances propres. Selon les lieux, l'âme ne réside pas dans les
mêmes sortes de personnes ou d'objets, et la croyance dans les âmes
ou les esprits peuvent s'accompagner d'autres croyances, comme la
vénération d'un Être suprême. Chez certains peuples,
on considère même qu'il existe plus d'une âme à
l'intérieur de chaque être humain. Néanmoins, le culte des
ancêtres demeure un point commun essentiel à un grand nombre de
ces variantes des religions endogènes. Pour s'attirer les faveurs ou
calmer la colère des esprits des défunts, qui sont
particulièrement craints, il convient de pratiquer un certain nombre de
rites, de sacrifices, d'incantations ou d'offrandes. Les croyants tentent
également d'entrer en contact avec les esprits afin d'obtenir toutes
sortes de bénéfices (guérison, pluie, fertilité)
mais aussi des conseils ou des présages. Le dialogue avec les esprits
s'établit par l'intermédiaire d'un prêtre, qui saisissent
(le plus souvent par la divination ou la transe) les messages envoyés
depuis ce monde parallèle qui, pour les croyants, a la même
matérialité que le monde terrestre. La pratique du rituel
Sambaani met souvent en oeuvre des objets auxquels
est accordée une dimension sacrée.
Les églises et les mosquées s'efforcent tant
bien que mal d'enraciner leur message dans des cultures qui leur restent
étrangère. L'avènement de ces religions a changé le
comportement de la population de N'Dali dans la pratique du rituel de
Sambaani. Ces traditions subissent des
modifications du fait de la modernité, les rites institués par
les ancêtres continuent toujours d'être exécutés dans
nos sociétés. Au Bénin, dans certaines localités
comme Gbégourou, Sirarou et N'Dali, les populations restent intimement
attachées à la religion traditionnelle. Des cadres aussi
s'adonnent à ces pratiques. Les uns sur l'injonction de l'oracle,
offrent de sacrifices aux divinités afin de les implorer et de jouir de
leurs bénédictions ; les autres, en leur qualité de
chefs traditionnels sont contraints à des manifestations rituelles.
Au quotidien, l'homme doit agir dans le respect de la mémoire
de ses ancêtres, il a le souci d'être digne de la droiture et de la
valeur qu'ils incarnent. Un comportement mauvais aurait en effet pour
conséquence de venir ternir l'image de la famille entière, et
donc celle des générations passées. En ce sens, le culte
des ancêtres, pour ne pas provoquer la colère par des actions
néfastes, joue un rôle de régulation sociale. Les
ancêtres représentent en effet les gardiens d'une certaine morale
et des règles qui structurent une société donnée.
Aussi,le Sambaani s'est également
enrichi au fil du temps d'un certain nombre d'emprunts à la religion
catholique tel le baptême. L'utilisation de chandelles ou cierges, de
cloches est également directement empruntée au catholicisme
romain, tandis que les danses, les tambours et le culte des ancêtres
proviennent de la tradition africaine.
En effet, le rituel Sambaani apaise les petites querelles qui
conduisent souvent aux envoûtements entre les populations. C'est aussi
l'occasion des pardons et des règlements des conflits en vue d'une
consolidation. Mais aujourd'hui, il est noté une rupture entre le geste
religieux et la conviction personnelle du croyant du fait de la
modernité et des autres religions. Les moeurs et les interdits
instaurés par les ancêtres ne sont plus rigoureusement
respectés. Le rituel Sambaani a connu une modification. Or, pour un
développement harmonieux d'un pays, il faut que la religion
traditionnelle et celle moderne cohabitent. Pour y parvenir, il serait donc
souhaitable qu'il y ait un juste équilibre entre les valeurs modernes et
les valeurs traditionnelles de manière à préparer les
jeunes à devenir des adultes équilibrés, responsables
socialement intégré et capable de s'adapter à notre
société en profonde mutation et de la transformer pour
l'améliorer. Certes, le bûn et le
Tim sont indissociables pour la protection et la
conservation de nos valeurs traditionnelles. Mais il faut que ces valeurs
contribuent réellement au développement de notre pays. Pour cela,
il faut que chaque acteur joue sa partition afin de favoriser la conservation
de nos identités culturelles et bannir les mauvaises pratiques.
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