2-2-3-Les difficultés
rencontrées
La conduite de l'étude ne s'est pas faite sans
obstacle. Plusieurs difficultés ont jalonné le cours de
l'enquête, depuis l'élaboration, jusqu'à la collecte des
données en passant par les entretiens exploratoires. Ces
différents obstacles se répartissent en deux catégories
à savoir celle méthodologique et celle de terrain.
Les difficultés méthodologiques se
ramènent à la rareté de la documentation sur l'objet
étudié. Quant aux obstacles de terrain, ils se résument en
l'influence des conflits internes entre catégories sociales en
présence, conflits qui ont influencé la tenue
régulière des entretiens. Il a été également
noté, comme un obstacle déterminant, les barrières du
secret dans l'accès à l'information. Aussi, faudrait-il noter la
méfiance ou la réticence de certains chefs de cultes
traditionnels à aborder la transe dans le rituel. Ces différents
obstacles ont pu être levés ou contournés, ce qui a permis
de mener la recherche comme en attestent les résultats.
PREMIERE PARTIE : Aspects
généraux sur le Sambaani
Chapitre 1 : Genèse du rituel
Sambaani
1- Origine du rituel Sambaani
L'origine du rituel Sambaanin'est
pas connue des peuples baatombu. Ce rituel aurait
commencé avec l'histoire de la culture baatonu. Ainsi, il regroupe tous
les autres rituels traditionnels. Le Sambaani est entré dans la pratique
des Baatombu par SOUNONTOTOGUI, KIGABA, leur soeur
KIDAGUI.
En effet, SOUNON TOTOGUI
était un grand chasseur. Un jour, il tua un gros gibier et son
frère KIGABA, très content, arracha une
petite branche d'un arbre et commença à chanter en louant son
grand frère SOUNON TOTOGUI (roi Totogui). Il
chantait notamment : « Sa gberudua sa ya dii ;
sansiankpaaro, kurubu bukagomnabekurudewe » :
"Nous sommes allés en brousse et nous avons tué du
gibier ; si nous rentrons à la maison, les femmes porteront leur
pagne en se servant de leurs coudes car leurs mains seraient chargées de
viandes". C'est donc une chanson de joie, de fierté, tendant
à louer le courage, la puissance et la dextérité du
chasseur.
Comme KIGABA chantait les louanges
de son frère en rentrant, ils rencontrèrent sur la voie les
génies appelés "WEREKUNU"
(génies en langue baatonu) qui cherchaient du bois. Au passage des
chasseurs, ces génies se disaient entre eux : "Ah ! Il
faudrait qu'on suivent ces gens". Ainsi ces génies
abandonnèrent leur bois et suivirent les chasseurs jusqu'à leur
domicile. KIGABAdevient alors le premier
SASAGU (griot) et en même temps le griot des
génies qui s'incarnent dans certains sujets du sexe masculin ou
féminin.
La première incarnation du génie s'opéra
avec un peulh nommé WONKORU(le noir) qui avait
été saisi au moment où il trayait sa vache. Les
wèrèkunuavaient donc suivi les Baatombu
chasseurs pour arriver dans le village, mais ils s'étaient
incarnés dans un Peulh avant de se généraliser au niveau
des Baatombu. Mais on constate que les cérémonies du Sambaani se
déroulent toujours avec les adeptes Fulbé ou Peulh.
Après le PeulhWONKORU, il y a
eu l'incarnation du génie
wèrèkudans une femme baatonu du nom de
BANA ou BONA. C'est par
elle que wèrèkuentra dans la vie
religieuse des Baatombu.
Le phénomène devenu décisif, il y eut
établissement d'une hiérarchie au niveau des génies
incarnés. Cette hiérarchie se manifeste à travers les
adeptes des différentes catégories de génies. Au sommet on
a BONAet non WONKORU. En
principe, ce dernier devait être le premier ; mais en fait, le
Baatonu reléguant le Peulh au second plan, on a privilégié
la première femme.
Ainsi, lors des cérémonies,
BANAest la première. Ensuite vient le
MARE ou Peulh en souvenir de
WONKORU. Dans les chansons, on parle du
Maré biigobigii(un petit peulh bourgeois).
Après Maré viennent KOTIO,
a " yaana bu waa" (montre le derrière ou
baisse qu'on voit), gariboko (génie
niais) ; SIINI BUGO (génie d'un
démon de la brousse) ; TANTAN MON
(génie serveur de boisson) ; KARA KARA
(génie pressé) ; BIO (génie
singe) ; KPIRERU (génie hippopotame),
s'incarnent et se manifestent par des transes. Alors, il serait normal de
chercher à savoir ce qu'est le Sambaani.
2- Rituel Sambaani
Le Sambaani n'est pas un rituel
diabolique comme le pense certains notamment les musulmans. Le
Sambaani est un rituel exécuté par les
hommes ou les femmes ; mais les femmes sont majoritaires, et fait du bien
à ceux qui ont recours au rituel. L'esprit qu'incarne le
Sambaani ne demande pas à l'individu
d'apporter le sang humain ou une partie du corps humain pour se faire
guérir en cas de maladie, comme le font d'autres religions. Le
Sambaanivient en aide à celui qui est dans le
besoin. Même le bûnkosso (le prêtre
du Sambaani) s'il ne demande pas d'aide, l'esprit ne
s'aura pas. LeSambaani n'aime le pécheur tout
comme Dieu ; ce qui veut dire qu'il existe une entente entre Dieu et
leSambaani. Partout où on entend parler de
Sambaani, c'est qu'il y a un adepte qui est entré en transe, ou on donne
à manger au Bûn(fétiche).
Le Sambaanine se pratique pas par
hasard. On le pratique lorsqu'il y a dans le village des difficultés
comme une épidémie, la rareté des pluies ou pour
éradiquer un mauvais sort. C'est le sorokoro
qui est un rite expiatoire. Pour cela, des cérémonies sont
organisées. Souvent cela se passe au bord d'un fleuve.
Au cours de ces cérémonies rituelles sont
effectués des incantations, des offrandes et des sacrifices, notamment
de volailles et de l'igname pilé. Les participants invoquent les
géniesen jouant les bwanu (gourde pleine de
grains de sable jouée par les bwanku ; joueur des gourdes), en
dansant et en chantant. Les adeptes cherchent ainsi à provoquer la
manifestation des esprits. Ceux-ci prennent ensuite possession des danseurs,
qui atteignent la transe. On dit alors qu'ils sont
« chevauchés par les esprits ». Plongés dans
cet état second, les participants adoptent les attitudes
caractéristiques des esprits qui les
possèdent.Une fois invoqués au cours des
rituels, les esprits ont la capacité de guérir les malades, de
faire tomber la pluie. Ils transmettent également conseils et
recommandations de toute sorte aux adeptes et leur donnent des informations sur
leur avenir. Le Sambaaniest aussi le
théâtre de nombreuses pratiques mystérieuses et magiques
réservées aux seuls initiés.
3- Acteurs du rituel Sambaani
3-1- Prêtres ou
« bûnkosso »
Les bûnkosso(gardien des
bûnu ou fétiches) ou prêtres sont
des intermédiaires socialement reconnus entre la communauté et
le monde invisible. Ces prêtres, de façon plus pratique, vouent
au bûn un culte déterminé. Les
bûnkosso reçoivent un appel, une
consécration qui les distinguent et les amènent souvent à
rejoindre des associations, à fonder ou à diriger des couvents,
dont les adeptes s'adonnent entièrement à la vie religieuse.
Ils se reconnaissent entre eux à travers leurs accoutrements et ils
peuvent parfois s'opposer durement aux décisions prises par les adeptes
sans leurs consentements. Il faut donc souligner que leur caractère
sacerdotal leur permet aussi d'établir entre eux des dialogues d'une
grande profondeur. Les bûnkosso remplissent les
fonctions telles que rendre la justice, l'éducation ou initiation des
jeunes, la surveillance de l'équilibre politique ou le maintien de
l'égalité au sein de la société. La
communauté attend du bûnkosso qu'il soit
en même temps un dé-sorceleur ou médecin, un devin, un
gardien des éléments, de la fécondité humaine et
animale, de la fertilité agricole. Le prêtre est donc par
excellence manipulateur du sacré. Maître de la liturgie, il
connaît et prononce les paroles rituelles secrètes ou non qui
alertent les puissances numineuses ; il transforme de la sorte la victime
profane en médiat privilégié pour inciter génies,
ancêtres ou dieux, à écouter les supplications humaines ou
à recevoir les actions de grâce ; il devient ainsi
l'intermédiaire nécessaire entre le fidèle et les
divinités, voire l'Etre suprême. (THOMAS et LUNEAU, 1975).
Aussi, importe t-il de souligner que n'est pas prêtre qui veut. Il est
désigné par les ancêtres et est intronisé.
3-2- Korokuru ou Griot du
Sambaani
La société Baatonu a
besoin de nombreuses castes de griots pour chanter ses louanges, ses hauts
faits et perpétuer les vertus et les nombreuses richesses culturelles
qui ont fait écho dans l'histoire.
Parmi ses griots on a les Korokuba
(griots). Quel que soit le type de génie incarné par l'adepte
Sambaani, ce sont les mêmes griots qui sont concernés, les
Korokuba. Le korokuru
(c'est la musique que les griots chantent lors des manifestations du rituel
Sambaani. Et celui qui l'exécute est appelé
koroku ou korokuba) est
d'origine baatonu et a pour fonction première
de manifester la joie d'une chasse fructueuse.Avec le temps, le
korokuruest destiné à louer la
puissance et la bravoure des chasseurs. Il est devenu un culte pour rendre
hommage aux ancêtres qui ont fait leur preuve dans les activités
cynégétiques.
Par le biais de la chasse, le
korokuruprit autre forme avec le phénomène
d'incarnation des génies
wèrèkunu (génie); ce qui a
donné naissance à une danse religieuse, une musique sacrée
réservée aux adeptes du Sambaani. Cette
autre forme de korokuruest l'un des aspects
fondamentaux de la vie religieuse des Baatombu. C'est
le koroku qui joue cette musique aux adeptes et joue
le rôle de Muézin du bûn à
l'aide des bwanu (gourdes pleines de grains de sable)
qui sont des instruments de musique. Les adeptes de
Sambaani lui doivent de respect et doivent se
prosternant dés qu'on le voit.
Le korokuru existe encore
aujourd'hui sous les deux formes et solidement ancré même si les
jeunes ont de plus en plus tendance à le négliger. Il contribue
au maintien de l'équilibre social.
3-3- Adeptes du Sambaani (Biokurobu)
Photo N°1 : les
biokurobu tenant en leur main le
gama et le centarisur la
tête à Sirarou.
Source : cliché Dara, octobre 2008
Devenir adepte deSambaanine se fait
pas au hasard. L'individu tombe malade pendant plusieurs jours et ne mange pas.
C'est après consultation que les parents se rendent compte qu'il
s'agit du bûn. Si c'est le
Sambaani, la personne entre en transe au son des
bwanu(gourde). Ils sont des
femmes et des hommes qui sont désignés par le rituel pour le
couvent pendant un certain nombre de jours, voire des mois, et qui sont
initiés aux pratiques du Sambaani. Ils sont
fortement impliqués dans l'exécution du rituel
Sambaani qui est pour eux une occasion de confession
et de demande de pardon au bûn pour les
différentes fautes commises.
Chaque biokuro est en relation avec
l'animal qu'il incarne ou la race peulh et en imite les gestes et les cris.
On parle d'animal parce que les génies incarnés par les adeptes
sont pour la plus part des animaux et vivent dans la brousse. C'est pour cela
lors du rituel, les adeptes vont en brousse où vivent les animaux et
les Peulh. Peut être ces animaux ont rendu services aux ancêtres
autrefois.
Les adeptes du Sambaanise
distinguent des autres individus par leur habillement. Rarement ils portent des
habits. Ils nouent le pagne à la poitrine avec une banderole garni de
cauris appelé "centari", et ne se tressent
jamais. Mais de nos jours, les adeptes se tressent et s'habillent. Ils ne
doivent pas mangent la perdrix, salamandre, cabri, viande de l'animal
totem ; tout cela participe à l'initiation de l'adepte. Lorsque
nous prenons le cabri par exemple, il permet de faire de
déposséder un adepte défunt du
bûn. Le biokuro a
deux esprits. Son mari ou quiconque ne doit pas le battre ni le gifler, surtout
sur la tête. Car si cela se passe il disparait pendant des jours, des
mois ou des années. Il peut se retrouver dans la brousse ou au fond du
fleuve. Il faut des cérémonies avant qu'il ne sorte de là
et celui qui commit la faute, devrait s'excuser. Les autres lui doivent un
grand respect par ceux de l'autre sexe. Certains n'aiment pas qu'on les touche
(diminution de leur puissance spirituelle). Les
biokurobu ont un don exceptionnels :
prévoir l'avenir, même annoncer la guérison ou la
mort d'un individu; retrouver un objet perdu, au son des
bwanu ; prévoir la cause, les
remèdes et les moyens d'éradiquer une maladie ou une
épidémie; mort subite : il dira si elle est naturelle ou non
et dénoncera l'auteur ; en cas de querelle, il interviendra pour
régler le différend. Lors de leur initiation ils ont un langage
différent des non initiés. Et pour comprendre leur langage, il
faudrait prendre le sens contraire des mots ou expressions qu'ils utilisent.
Par exemple, lorsqu'un adepte vous dit "blanc", entendez par là
"noir" ; "je m'en vais" signifie pour lui "j'arrive", etc. mais dès
qu'il revient à son état normal, il se comporte comme tout
individu ordinaire, en respectant cependant leurs interdits.
La pratique du rituel de Sambaanimet
souvent en oeuvre des objets auxquels est accordée une dimension
sacrée tels des totems. Parmi les formes adoptées par le
Sambaani, on peut citer le
gama, le centari, le
koro, les bwanu qui
participent à la pratique du Sambaani.
Chapitre 2 : Les objets religieux du
Sambaani
Au cours de l'exécution du rituel Sambaani à
N'Dali, les biokuro utilisent de nombreux objets
tels que :
1- Gama
Photo N°2 : les formes de
gamaà Gbégourou
Source : cliché Dara, octobre 2008
Le Gaman'est pas un gris- gris mais
un pouvoir qui donne à son possesseur une force. Souvent il est en forme
de bâton ou en forme de canari orné de cauris. Le
gama en forme de canari n'est pas
déplaçable à cause de sa forme. Par contre, le
gamaen forme de bâton est mouvant. Il est
considéré comme l'éclaireur de tout adepte et lui sert de
guide. Il est une propriété individuelle et il faut atteindre un
niveau supérieur dans le rituel Sambaani pour
l'avoir. Avant de l'obtenir un rite est organisé. Il s'agit de se rendre
dans la nuit profonde (2h du matin) en brousse dans un marigot
réservé pour cela. Il faut être adepte et pur pour s'y
rendre. L'adepte disparait dans le marigot pour la recherche du
gamaet peut passer des heures ou des jours et en
ressort avec un bâton ou canari. Ensuite le
bûnkosso (prêtre) prend le bâton ou
le canari qu'il dépose auprès du
bûn (fétiche). C'est là qu'on le
décor avec les cauris suivi des prières. Après ce rituel,
le gamarevient à l'adepte qui devient sa
propriété. Il le garde chez lui et ne le sort que lorsqu'il y a
un événement .C'est pour cela qu'on ne gifle pas un adepte de
Sambaaniou l'insulté. Si cela se passait, il
disparaît. Et c'est le gamaqui indique
là où on peut le trouver ; même s'il est au fond de
l'eau.
Le gama joue aussi le rôle de
protecteur lorsqu'on l'implore. C'est le cas d'une dame X qui a fait des
offrandes aux gamis de sa tante. Un jour, elle a
été attaquée par les bandits du retour du marché.
Mais elle n'a rien eu. Pour elle, c'est les gamis de
sa tante qui l'ont sauvé. Il guérit les maladies et donne
satisfaction aux femmes stériles.
2- Bwanu(gourdes)
Photo 3 : les bwanku jouant les
bwanu à Sirarou
Source : cliché Dara, octobre 2008
Les bwanusont des gourdes qui
servent d'instrument de musique au bwanku lors des
cérémonies du rituel du Sambaani. Contrairement au
gama, les bwanu ne sont pas
une propriété individuelle. Il faut être de la
lignée des koroku pour jouer les bwanu
(gourdes). Ceux qui jouent ces gourdes, sont appelés les
bwanku. Ils se mettent en cercle, assis par terre
le pied légèrement tendu pour jouer au
bwanu. Cette position leur permet de jouer les
gourdes au talon de leurs pieds. C'est pendant les cérémonies
telles que le mariage d'un adepte ou lorsque le Sambaani saisit quelqu'un. Le
son deces gourdes est accompagné de chansons incomprises par le monde
profane. Ces gourdes restent chez le koroku qui en
prend soin.
3- Centari
Photo 4 : le centari à
Gbégourou
Source : cliché Dara, novembre 2008
Le centari n'est pas un gris-gris.
C'est une banderole garnie de cauris que porte le
biokuro lors des cérémonies. Il fait
partie des objets que l'adepte reçoit dès qu'il est
possédé par le Sambaani. Chaque adepte
du Sambaani doit l'avoir parce qu'il protège
contre le mal celui qui le possède. C'est donc une
propriété individuelle et il est gardé dans un lieu
où personne ne le verra. Lorsque l'adepte meurt, c'est le centari qu'il
faut amener auprès du
bûn(fétiche) pour que ce dernier sache
que son fidèle ne vit plus. Sans cela, le
biokuroest toujours vivant aux yeux du
bûn et de bûnkosso. Pour
déposséder un adepte défunt du bûn, on lui porte le
centari. Il représente le pouvoir des adeptes
du Sambaani.
4- Koro
Photo N°5 : le
koroà Gbégourou
Source : cliché Dara, novembre 2008
Le koroest une guitare qui se joue lors du rituel
Sambaani. C'est un instrument sacré qui ne se
joue que par une famille spécifique appelée
"koroboseru" (famille koro). On l'utilise pour
implorer les esprits ou lors des offrandes ou encore au cours d'une
prière. C'est une calebasse couverte d'une peau d'animaux muni d'une
tige avec deux cordes qui donnent le son. Ce n'est une propriété
privée mais reste chez le korosounon (chef du
koro) qui est désigné dans la
lignée des koro. Le koro joue également
le rôle de protection.
Chapitre 3 : Processus de manifestation du
Sambaani
1- Manifestation du rituel Sambaani
a- Enterrement d'un adepte de
Sambaani
Pour comprendre comment le rituel se passe, il faudrait partir
du décès d'un adepte de Sambaani.
Il existe toute une cérémonie autour de la mort
d'un adepte de Sambaani. Plusieurs pratiques lui sont réservées.
Mais comment annonce-t-on le décès d'un
bionkuro (adepte) ? Il existe un mystère
autour de la mort d'un adepte. On ne dit pas aux autres qu'il est mort, mais
qu'il est allé au champ ou à la "Mecque" ou encore au
marché pour faire des emplettes (surtout la viande). Viande ; parce
que les biokuroaiment la viande. Ils aiment la viande
à cause des génies qu'ils incarnent. C'est pourquoi on ne dispute
jamais la viande avec un adepte de Sambaani surtout
les os. En ce moment, il y a toujours un autre adepte qui est toujours assit
devant la porte du défunt en attendant son retour. Le retour ici c'est
celui qui va incarner l'esprit du défunt. Il faut retourner tous les
objets (il s'agit du gama, des
centaris, le pagne blanc et la calebasse qui a servi
à laver le corps, l'éponge) qu'il utilisait au près du
bûn qu'il incarne. Si cela n'est pas fait, pour
la famille leur parent est mort mais pour le
bûn,il vit encore. C'est surtout le
centari qui montre réellement que le
biokuroest mort avant que les adeptes ne se mettent
à pleurer le mort. Après cela on peut procéder au rite qui
leur est réservé avant l'enterrement. Donc c'est l'homme qui
meurt mais le bûn lui ne meurt jamais.
Ø Comment déposséder le défunt du
bûn ?
En premier lieu, il faut libérer le
bûn du défunt en jouant des
bwanu (gourdes) et par des danses en utilisant le
coq et le cabri. Le cadavre assis sur un tabouret, le
Koroku prend le coq et le passe de la tête
à la plante des pieds ; de la tête à la hanche. Avant
la fin de ce rituel, le coq meurt. Après ce rite on étale le
cadavre sur une natte en lui passant de noix de palme sur tout le corps.
Lorsque les kosikobu (fossoyeur,
dans la société baatonu, il existe un clan qui est destiné
à l'enterrement) finissent de creuser la tombe, on habille le cadavre et
on le fait asseoir en chantant. Dès que le
Koroku (griot) récite les panégyriques
du défunt, le cadavre bouge et on le rase. Lors du rasage, les parents
du défunt doivent dépenser énormément. Après
le rasage, le défunt n'incarne plus le génie et devient un simple
individu qui peut être enterré. La calebasse qui a servi à
laver le cadavre et le pagne qui lui est noué lors du bain sont
envoyé au bûnkosso. Les autres adeptes
quittent les lieux pour ne pas pleurer car pour eux, il n'est pas mort.
Ø Les cérémonies après
l'enterrement d'un adepte
Trois semaines après l'enterrement, une grande
cérémonie est organisée. Au cours de cette
cérémonie, les adeptes vont au "taxo"
(chasse). C'est un rite qui consiste à aller dans la brousse pour
chasser. Ils reviennent avec les branchages à la main (symbole de leur
victoire). Après la chasse, un autre rituel consiste à laver les
effets du défunt à la rivière. Tout ceci se passe dans le
silence.
Pour clore les cérémonies, on prépare de
la pâte ou de l'igname pilée ; cela dépend de la
période. La marmite au feu, une ou trois adeptes, en silence, se servent
de leur main pour servir le mangé dans des assiettes qui sont
déposées sur la tombe du défunt. C'est là que tout
le monde va manger. Ainsi se termine les cérémonies
d'enterrement.
Après l'enterrement, il faut chercher l'individu qui va
incarner le bûn du défunt. Ainsi
s'observe les différentes phases du rituel Sambaani.
b- Les différentes phases de la manifestation du rituel
Sambaani
Ø La phase d'incorporation
Une semaine après l'enterrement, il est organisé
tous les soirs des danses aux bwanu autour du feu.
Les profanes dansent autour des bwanku assis en
cercle. Au cours de ces danses si un individu tombe, on le transporte sur la
tombe du défunt. Tous les adeptes présents sont contents et le
prennent pour le mettre dans une chambre qui devient le couvent. Ils
disent "bèsèméromaka
dihouma" (notre mère est de retour de la Mecque ou du
marché) et tous les adeptes sont joyeux de ce retour. Le novice peut
être une femme ou un homme.
Au cas où après la semaine, personne ne tombe,
on choisit une personne sur qui on met une petite canari. Cette personne tourne
autour du cercle. Si elle tombe, on le prend. Au cas contraire, on change de
personne. Parfois, l'individu n'incarne pas le
bûn d'un défunt. Cela peut être
son destin et généralement c'est pendant la récolte des
nouvelles ignames ou au cours d'une offrande.
Saisie en dehors des funérailles, elle restera chez la
mère supérieure.si l'individu est saisie en brousse, elle roule
à terre au son des bwanu agitées par
les bwankuet ce sont les
bûgibu ou
biokourobuqui vont la relever. Ils lui passent les
mains sur la figure et la poitrine. Après ce geste, elle reprend ses
esprits et revienten elle-même et une cérémonie initiale
est organisée.
Si les parents du novice sont des musulmans, ils refusent
parce que c'est diabolique et va contre les prescriptions d'Allah et bloquent
parfois l'initiation de l'individu. Lorsque ces cas se présentent, soit
l'individu tombe malade, soit présent des comportements bizarres qui ne
sont pas compris par la société. Tant que les
cérémonies ne sont pas faites, rien ne marchera pour lui.
Ainsi commence la phase initiatique pour le novice.
Ø La phase initiatique
Dès que l'individu tombe sur la tombe du défunt,
les adeptes le prennent pour l'amener dans une chambre. Il sera entouré
des adeptes qui sont avancés dans le Sambaani.
Il ou elle se roule à terre. On le prend et le porte au sud du village,
au croissement de sentiers pour le laver, puis on le met dans une case
d'où il ne sortira que sept (07) jours plus tard. Le novice ne reconnait
plus personne et ne parle pas. Il devient un bébé qui ne connait
rien du monde dans lequel il est venu. On le met au dos lorsqu'il veut faire
ses besoins et on lui donne à manger. Le novice doit rester au couvent
pendant sept (07) jours. Le sixième jours, c'est-à-dire la
veille, les adeptes réclament un boeuf entier à la famille et
une petite cérémonie est organisée. Cette
cérémonie consiste à voir si le défunt à
accepter le choix du novice. Devant le boeuf, les adeptes se mettent à
genoux et font des prières en présence du novice. Ensuite on
demande au novice de toucher le boeuf ; s'il se met en transe c'est que le
défunt à accepter l'offrande. Si c'est le contraire, il faut
chercher la cause du refus.
Le lendemain, c'est-à-dire le septième jour, une
petite cérémonie est organisée qui consiste à
voler. Très tôt le matin ; à cinq heure du matin, les
adeptes, possédés des esprits, rentrent dans les maisons pour
voler tout ce qu'ils trouvent à la portée des mains. Vers dix
heures, ils s'apprêtent à aller dans la brousse à la
rencontre des génies ou esprits. Le koroku met
de l'huile de noix de palme sur le front et les pieds des adeptes qui sont
possédés. L'un parmi eux va chercher le novice. Ils vont en
brousse où les génies ou les esprits leurs donnent des
instructions sur la conduite du novice et ne reviennent deux (02) ou trois (03)
heures après. Dès que les adeptes sont
dépossédés, ils ne se souviennent de rien. Donc ils ne
sont pas en mesure de nous dire exactement ce qui se passe en brousse. A seize
(16) heures, tous les biokuro (adeptes), pagnes
noués à la poitrine viennent sur la place et se mettent en
cercle, (ce sont les pagnes tissés traditionnellement par les
tisserands). C'est en ce moment qu'on amène le novice au milieu du
cercle pour lui apprendre à danser le rythme du
Sambaani. La phase de l'intégration du novice
commence.
Ø La phase d'intégration
Cette phase commence souvent après le lendemain de la
phase initiatique. Généralement, c'est le dimanche que cette
cérémonie est organisée. Vers quatorze (14) heures, tout
le monde s'installe et se met en cercle. Le novice est assis parmi les autres
adeptes. Avant la cérémonie initiale, le novice est placé
au centre des bwanku (joueurs des
bwanu ou gourdes) tam-tams et autres participants.
Assis au milieu des biokurobu, on lui rase la
tête et les parents viennent donner des offrandes (pièces de
monnaie). Ensuite, on le retourne dans la chambre pour une toilette et on
l'habille (le pagne noué à la poitrine, un tissu rouge
attaché à la hanche et des colliers). Encore, On lui apprend
à danser le rythme Sambaani et c'est
à ce moment là que ses parents dépensent de l'argent. Si
le novice est marié une cérémonie est faite là.
Elle consiste à donner la dot qui est constitué d'un coq, une
natte et de l'argent (le coq parce qu'elle doit préparer la suce
à son mari si c'est une femme. S'il s'agit d'un homme, lui doit
l'apporter à la maison à sa femme. La natte, parce qu'il ou elle
doit dormir sur la natte et l'argent c'est selon la capacité du mari ou
de la femme). Si non il ou elle ne reconnaitra pas son compagnon. On lui remet
le coq qu'il doit remettre au koroku. S'il entre en
transe cela veut dire que le bûna
accepté la dot.
Lors de cette phase, on partage des pagnes aux participants.
C'est aussi le moment de manger le dernier plat de l'igname pilée
appelé « sokourougbinrou »
(bol d'igname pilée). Mais il faut être pur ou propre avant de
s'approcher du plat.
Le bûnkossoporte le candidat
au dos jusqu'à une fourmilière sur laquelle on le fait assoir,
avec deux coussins posés sur le bord de la fourmilière. Ainsi
accroupi, on le lave avec un poulet noir qu'on jette ensuite dans la brousse,
vers l'ouest. Ensuite le novice doit chercher une clochette cachée, on
l'enveloppe d'un pagne blanc, puis sa famille prépare des nourritures
variées. Il doit gouter du miel à quatre reprises. Alors, il est
initié aux fonctions réservées aux adeptes du
Sambaani. Ainsi prend fin les
cérémonies.
Dès le lendemain, les adeptes venus d'ailleurs,
rentrent chez eux. L'adepte sur qui le novice tombe lors de sa possession,
devient son maitre spirituel. Il reste chez lui pendant des mois : trois
(03) mois pour les hommes et quatre (04) mois pour les femmes. Il appelle tout
le monde "baba" (père) lorsqu'il s'agit d'un
homme et "nana" si c'est une femme. Le novice parle
un langage qui n'est pas compris par les profanes.
Il arrive des fois où les parents n'ont pas les moyens
pour organiser les cérémonies. Il faut comprendre que les
cérémonies du rituel de Sambaani sont
couteuses. C'est pourquoi on rejette parfois les cérémonies
à une date non connue. L'attente peut durer un (01) à deux (02)
ans. Si la date est connue, le même scenario commence.
2- Fonctions du Sambaani
Le rituel Sambaani joue le
rôle d'intégration dans la société baatonu. Ce
rituel transforme la situation de la société tout en
renforçant la solidarité dans la communauté de N'Dali. Le
Sambaani a pour fonction première de
rassembler et de consolider l'union et la fraternité sur la base de
l'appartenance à une même culture, aux mêmes cultes et aux
mêmes ancêtres. Il favorise le maintien de la cohésion
sociale et l'entente entre les membres de la société baatonu de
N'Dali.
DURKHEIM(1930, 149-159) dans Le
suicide, avance que le suicide anomique se lit dans la
société où la cohésion est faible. Il explique
l'anomie comme la situation angoissante née du non respect des normes et
valeurs sociales. Cela laisse à comprendre que l'observance des normes
et valeurs sociales suscite la cohésion des membres d'un groupe. Dans la
même logique, nous dirons que, au plan collectif, la cohésion
sociale, c'est la mentalité, l'esprit d'une société qui
n'individualise l'acteur qu'au plan biologique. Sambaani régularise la
société à travers le respect, l'entente et la peur de
l'autre.
Aussi dans le Sambaani, la parole
prime sur tout. Elle est une convoyeuse d'énergie. En effet, que ce
soit sous forme d'incarnation, de prière, d'ordre ou de serment, cette
parole possède le pouvoir à la fois créateur et
destructeur qui opère dans le corps de l'individu. Au delàde
l'aspect mécanique de la parole, il y a l'aspect hermétique. En
effet, à un degré moins que l'incarnation, la prière joue
un grand rôle et pourrait être désignée comme parole
de puissance.
3- Avantages et inconvénients
duSambaani
Ø Avantages du Sambaani
A croire les enquêtés, le
Sambaani est un rituel que l'être suprême
à créer pour porter secours aux individus qui sont en danger ou
les protéger. Le Sambaani ne fait pas du mal
et n'a rien de diabolique comme le pense les religions importées surtout
l'islam. Il est la clairvoyance.
Ainsi, le Sambaani protège
l'individu, lui donne une longue vie, donne des enfants aux femmes qui sont
dans le besoin ; et si la femme est stérile, elle aura d'enfants
par la supplication : « Tonunbarukawatonu ra
di » (c'est par l'autre qu'on peut avoir ce que l'on
veut). Le Sambaani ne finit par les vielles habitudes
de l'homme mais protège son âme jusqu'à la fin de sa vie.
Il protège aussi le commerçant qui rencontre de difficulté
dans son commerce.
Ø Inconvénients du Sambaani
Mi
piiwàmiàyàmàawà (là
où il y a le bonheur, il y aussi le malheur). Selon les
enquêtés, tout comme Dieu, le Sambaani
n'aime pas le pécheur. Il faut aimer ce que le
bûn aime. L'adepte du
Sambaanidoit chercher le
Tim (médicament ou gris-gris) ; ce qui
pose parfois de difficultés. Même le
bûnkosso(prêtre) s'il est malade et ne
dit rien à son bûn, il ne sera pas
guérit. Le bûn ne le protège pas
et peut le laisser mourir. Mais lorsqu'il le dit, il sera
protégé.
Deuxième partie : Sambaani dans l'arène
socio-religieuse à N'Dali
Chapitre 4: Sambaani à la
croisée des chemins
1- Evolution du rituel Sambaani
L'exécution du Sambaani
à Gbégourou, Sirarou et N'Dali a connu une évolution dans
le temps et dans l'espace. Avant l'avènement des religions
révélées, le peuple baatonu de
N'Dali était animiste et pratiquait le rituel
Sambaani. C'est pendant la saison sèche que
les cérémonies s'organisent, parce que c'est en ce moment que
tout le monde revient des champs après les récoltes et il y a de
l'argent et cela se passe au village sur une place publique. L'adepte devait du
respect à ses supérieurs et à son tour la
communauté dans laquelle il se trouve lui doit ce même respect.
Surtout quand il incarne le bûn d'un
défunt, les enfants de ce dernier le considèrent comme le
défunt. En voyant venir le koroku, le
biokuro doit se coucher pour le saluer et pour lui
parler. Il n'était pas permis aux biokurobu de
se tresser, ni de porter des habits. Ils doivent toujours avoir le
centari sur la tête. N'importe qui ne devenait
adepte s'il n'est pas choisi par le bûn. La
durée des cérémonies dépendait de la famille ;
si la récolte a été bonne chez certain, les
cérémonies peuvent durer une semaine voir un mois. Le rituel
était fait dans le respect des règles. Les enfants qui allaient
à l'école ne sont pas pris en compte. Pour eux (génies ou
esprits), l'élève ne peut pas respecter correctement les
règles du rituel. C'était une joie pour la famille dont l'enfant
est choisit par le bûn, car il n'était
pas donné à tout le monde cette occasion. Le rituel
Sambaani a pour fonction d'intégration et de
cohésion sociale et protège celui qui a recours à lui. En
somme, le Baatonu attache un intérêt
particulier au rituel Sambaani.
En effet, en dépit de l'attachement et de
l'intérêt particulier accordé au
Sambaani par les populations de ces localités,
son exécution n'a pas échappé aux influences de la
modernisation. Aujourd'hui, tout a changé dans les comportements des
adeptes, des bûnkosso et des
koroku. Les règles du rituel ne sont plus
respectées comme avant. L'argent a pris le dessus de toute chose. Quand
on va demander de l'aide de nos jours chez un
bûnkosso, la première chose qu'il vous
demande c'est l'argent. Le korokune joue plus son
rôle de muézin et n'est plus respecté par ses adeptes. Les
adeptes se tressent et portent des habits aujourd'hui. Ils ne sont plus
propres. Les différentes modifications intervenues dans
l'exécution de rituel affaiblissent la pratique du rituel
Sambaani. Le non respect de ces règles
entraine parfois la folie lorsque l'esprit n'est plus en lui ou la mort subite
de l'individu.
2- Impacts des religions révélées
sur le Sambaani à N'Dali
Malgré la relative stabilité dans les
institutions du Borgou, des changements rapides ont eu lieu avec
l'arrivée de l'islam et du christianisme dans la commune de N'Dali.
Néanmoins, il existe encore des poches de résistance à ces
changements.
En effet, dans toute société, il se retrouve
dans la population des conservateurs tels que des vieux qui demeurent encore
dans la pratique du rituel pendant que d'autres s'adaptent aux changements qui
s'opèrent.
L'avènement et l'acceptation de l'islam et du
christianisme à N'Dali ont eu des impacts sur la population. Ces impacts
se situent aux plans religieux, éducationnel, et socio-culturel.
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