Master I Droit des activités internationales et
européennes Dirigé par M. Daniel Dormoy
Année 2013-2014
Analyse comparée des clauses de recours à
l'arbitrage
dans les traités bilatéraux
d'investissement liant
la France et les pays d'Afrique francophone
Sous la direction de M. Xavier Boucobza
Adèle Daudré-Vignier
2
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier Monsieur le Professeur Xavier
Boucobza pour ses conseils lors de l'élaboration
de mon mémoire.
3
SOMMAIRE
INTRODUCTION 4
CHAPITRE 1: Le fondement du recours à l'arbitrage
dans les traités bilatéraux
d'investissement liant la France et les pays d'Afrique
francophone 7
SECTION 1 : MODALITES, CONDITIONS ET PROCEDURE D'OUVERTURE DU
RECOURS A L'ARBITRAGE 8
SECTION 2 : LES DIFFERENTS TYPES D'ARBITRAGE 15
CHAPITRE 2 : Les conséquences du recours à
l'arbitrage dans les traités bilatéraux
d'investissement liant la France et les pays d'Afrique
francophone 22
SECTION 1 : LES EFFETS DU RECOURS A L'ARBITRAGE: LA SENTENCE
ARBITRALE 22
SECTION 2 : LES LIMITES DU RECOURS A L'ARBITRAGE DANS LES
TRAITES BILATERAUX D'INVESTISSEMENT 27
CONCLUSION 33
BIBLIOGRAPHIE 35
TABLE DES MATIERES 38
4
INTRODUCTION
Le continent africain, du fait du retard dans le
développement de son économie et de la richesse de ses ressources
naturelles territoriales, fait l'objet de nombreuses convoitises de la part des
différentes puissances mondiales.
En effet, l'industrie et la valeur ajoutée de l'Afrique
étant encore faibles, des flux d'investissements directs
étrangers viennent y améliorer la production de matériaux
ou délocalisent l'activité d'entreprises nationales sur place.
Par exemple, selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le
développement, la République de Guinée accueillait, fin
2006, 489 millions d'euros de stock d'investissements directs
étrangers1.
La France présente des liens historiques avec le
continent africain. Après l'abandon, par la IVe République, de
l'empire colonial français, on a vu apparaître l'expression «
France-Afrique », à l'origine employée pour définir
la volonté de certains dirigeants africains de conserver
d'étroites relations avec la France après l'accession de leurs
pays, anciennes colonies françaises, à l'indépendance.
Cette expression a donc été utilisée pour qualifier
l'action néo-coloniale prêtée par la France en Afrique.
Elle désigne les relations personnelles, politiques, économiques
et militaires entre la France et ses anciennes colonies et certains autres pays
africains. Cette expression, bien qu'ayant acquis depuis lors une connotation
parfois négative, fait donc référence aux relations
particulières entre la France et le continent africain.
L'Etat français, désireux de conserver ce lien
existant avec les pays d'Afrique, a fait des investissements dans ce continent,
une priorité. La France est, au Sénégal, le premier
investisseur. Fin 2006, le Sénégal accueillait 750 millions
d'euros de stock d'investissements directs à l'étranger
français. De plus, de nombreux investisseurs individuels sont à
l'origine d'implantations nouvelles. Les entreprises à participation
française au Sénégal emploient une main d'oeuvre locale
à plus de 95% et le chiffre d'affaire des entreprises françaises
au Sénégal
1 Assemblée nationale n°1137, projet de
loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la
République française er le Gouvernement de la République
de Guinée sur la promotion et la protection réciproques des
investissements, enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale le 1er octobre 2008, exposé des
motifs p.2.
5
représente le quart du produit intérieur
brut2. Par ailleurs, selon la Banque de France, le stock
d'investissements directs étrangers français en Guinée
s'élevait, fin 2005, à 17 milliards d'euros. Les entreprises
françaises comptaient, à cette date, une trentaine de filiales et
une quarantaine d'implantations locales créées par des
français3.
Mais les investisseurs français en Afrique ne
bénéficiaient d'aucune protection juridique complète et
cohérente contre les risques de nature politique qu'ils encourent
résultant de situations locales ou de décisions politiques ou
économiques arbitraires de l'Etat d'accueil. L'Etat français a
donc été amené à multiplier, depuis les
années 1970, les accords bilatéraux d'encouragement et de
protection réciproques des investissements, dits traités
bilatéraux d'investissement.
Un traité bilatéral d'investissement est un
accord signé entre deux Etats, par lequel ces derniers s'engagent
à favoriser et à développer les investissements des
individus ou entités privés possédant la
nationalité de l'autre Etat partie au traité, sur leur
territoire. Dans le préambule des traités, les Etats signataires
se disent « désireux de renforcer la coopération
économique entre les deux Etats et de créer des conditions
favorables pour les investissements » et « persuadés
que l'encouragement et la protection de ces investissements sont propres
à stimuler les transferts de capitaux et de technologie entre les deux
pays, dans l'intérêt de leur développement
économique ».
Cependant, malgré les dispositions prévues dans
ces traités, des différends peuvent surgir, relativement à
l'interprétation et à l'application du traité, ou à
la protection des investissements. Dans ces traités figurent des clauses
qui prévoient comme mode de règlement de ces différends,
le recours à l'arbitrage. L'étude ne portera que sur les litiges
liés au respect des dispositions du traité entre les
investisseurs et l'Etat étranger sur le territoire duquel
l'investissement est effectué. Sont ainsi exclus les différends
liés à l'application et à l'interprétation du
traité entre les deux Etats signataires, et les différends qui
relèveraient des relations contractuelles entre un Etat et un
investisseur, dits contrats d'Etat. Ne seront traitées que les clauses
de recours à l'arbitrage
2 Assemblée nationale n°1489, projet de
loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la
république française et le Gouvernement de la République
du Sénégal sur la promotion et la protection réciproques
des investissements, enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale le 25 février 2009, exposé des
motifs p.4.
3 Assemblée nationale n°1137, projet de
loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la
République française er le Gouvernement de la République
de Guinée sur la promotion et la protection réciproques des
investissements, enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale le 1er octobre 2008, exposé des
motifs p.2.
6
applicable aux mesures jugées contraires aux
dispositions du traité bilatéral d'investissement, prises par
l'Etat à l'encontre de l'investisseur.
Il s'agira d'effectuer une analyse de ces clauses dans les
traités bilatéraux d'investissement liant la France et les pays
d'Afrique francophone. Tous les pays d'Afrique n'étant pas signataire de
traités bilatéraux avec la France, il convient d'établir
une liste des Etats concernés par cette étude. Par ordre
d'entrée en vigueur et de signature des traités bilatéraux
d'investissement : la République démocratique du Congo (Ex
Za ·re)4, la République de Guinée
Equatoriale5, la République fédérale du
Nigeria6, la République de Madagascar7, la
République de Djibouti8, la République des
Seychelles9, la République de Guinée10 et
la République du Sénégal11.
Les clauses prévoyant le recours à
l'arbitrage dans les traités bilatéraux d'investissement liant la
France et les pays d'Afrique francophone répondent-elles à un
schéma unique ou disposent-elles de modalités propres à
chaque traité ? Par ailleurs, ce recours est il efficace en toutes
circonstances ou présente-t-il des limites ?
Pour y répondre, il convient d'effectuer une
comparaison des clauses de recours à l'arbitrage dans les traités
bilatéraux d'investissement liant la France et les pays d'Afrique
francophone, tant dans leur fondement (Chapitre 1) que dans
leurs conséquences (Chapitre 2).
4 Convention entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République
du Zaïre sur la protection des investissements, signée à
Paris le 5 octobre 1972, entrée en vigueur le 1er mars
1975.
5 Accord entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République
de Guinée équatoriale sur l'encouragement et la protection
réciproque des investissements, signé à Paris le 3 mars
1982, entré en vigueur le 23 septembre 1983.
6 Accord entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République
fédérale du Nigeria sur l'encouragement et la protection
réciproque des investissements, signé à Paris le 27
février 1990, entré en vigueur le 19 aout 1991.
7 Accord entre le Gouvernement de la
République de Madagascar et le Gouvernement de la République
française sur l'encouragement et la protection réciproque des
investissements, signé à Saint Denis de La Réunion le 25
juillet 2003, entré en vigueur le 27 avril 2005.
8 Accord entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République
de Djibouti sur l'encouragement et la protection réciproque des
investissements, signé à Paris le 13 décembre 2007,
entré en vigueur le 25 février 2009.
9 Accord entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République
des Seychelles sur la promotion et la protection réciproque des
investissements, signé à Victoria le 29 mars 2007, entré
en vigueur le 5 mai 2009.
10 Accord entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République
de Guinée sur la promotion et la protection réciproques des
investissements, signé à Conakry le 10 juillet 2007, entré
en vigueur le 1er octobre 2008.
11 Accord entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République
du Sénégal sur la promotion et la protection réciproque
des investissements, signé à Dakar le 10 juillet 2007,
entré en vigueur le 23 juillet 2010.
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