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La gestion des risques dans les etablissements de microfinance au cameroun( Télécharger le fichier original )par Armel POUGHELA DJOUMBI Université de Yaoundé 2 - SOA (Faculté des Sciences Economiques et de Gestion) - Master 2 en Comptabilité et Finance 2013 |
CONCLUSIONIl était question tout au long de ce chapitre de montrer l'efficacité du dispositif de contrôle interne dans la gestion des risques micro-financiers. La pluralité des risques auxquels font face les IMF dans l'exercice de leurs activités implique la mise en place d'un processus d'identification et d'évaluation de ces risques, ainsi que l'élaboration de politiques, procédures et systèmes opérationnels permettant de les atténuer. Cette vulnérabilité des IMF étant de nature à changer avec le temps, cela explique la répétition au niveau du processus. Ainsi, le processus itératif de gestion des risques montre clairement que le contrôle interne y joue un rôle primordial. Toutefois, qu'en est-il du dispositif de contrôle interne des EMF camerounais face à la gestion des risques ? CHAPITRE 2 : LE DISPOSITIF DE CONTRÔLE INTERNE DES EMF CAMEROUNAIS FACE A LA GESTION DES RISQUES INTRODUCTIONAu nombre de difficultés des IMF ces dernières années, l'évolution exponentielle des risques, notamment financiers et opérationnels constitue une menace réelle pour la viabilité financière et la pérennisation du secteur. Les mécanismes utilisés pour une meilleure gestion de ces risques sont les systèmes de contrôle (audits et contrôles internes et externes). Le contrôle (interne et externe) évalue la mise en oeuvre des règles sans les interpréter et sans juger de leur pertinence. Il détermine et situe les responsabilités et fait éventuellement sanctionner les responsables d'infractions afin de les dissuader dans la répétition de celles-ci (Honlonkou, 2009) ; les contrôles et audits sont donc internes s'ils sont exécutés par des services internes aux institutions. Si nous considérons l'appréhension du comité de Bâle sur le contrôle bancaire selon quoi le contrôle interne désigne le mécanisme mis en place par l'institution pour surveiller les risques avant et après les opérations, on pourrait être tenté de croire d'emblée que ce mécanisme est inefficace pour ce qui est des EMF du Cameroun, ceci au regard de tout ce que l'on peut observer à travers leurs bilans (montants importants de créances en souffrance et des provisions inhérentes, vols et détournements, résultats déficitaires, fonds propres négatifs...)6(*). L'exercice auquel s'attelle ce chapitre est donc d'analyser le dispositif de contrôle interne des EMF du Cameroun afin de déterminer si celui ci rempli effectivement cette mission là qui est celle de gérer les risques. Pour cela, nous allons en premier lieu présenter l'approche méthodologique par laquelle nous avons abordé cette analyse et en second lieu, présenter l'analyse des données de l'étude ainsi que les résultats auxquels nous avons abouti. 2.1. Approche méthodologique L'hypothèse soutenue dans cette partie est le fait que les EMF camerounais n'arrivent pas à mieux gérer leurs risques à cause de l'inefficacité du dispositif de contrôle interne. Pour vérifier cette hypothèse, la méthodologie adoptée est décrite de la manière suivante :
Les données de notre étude ont été recueillies au moyen de sondages à travers des questionnaires (annexe 4) qui ont été déposés auprès des EMF dont la direction générale pour la plupart se trouve dans la ville de Yaoundé. En ce qui concerne l'échantillon et sa taille, il s'agit de 27 EMF sur les 488 en activités sur le territoire camerounais et agréés par le Ministère des Finances auprès de la COBAC au 31 décembre 2010. Précisons que la taille ciblée au départ était de 50 EMF auxquels nous avons d'ailleurs soumis des questionnaires, mais les réponses n'ont été obtenues que de 27 sur les 50, soit un taux de réponse de 54%. Cet échantillon est essentiellement constitué d'EMF de première catégorie (qui sont au nombre de 15) et de deuxième catégorie (qui sont au nombre de 12). Les EMF de troisième catégorie n'étant qu'au nombre de quatre7(*) (04) dans tout le Cameroun au 31 décembre 2010, nous pouvons dire que leur absence dans l'échantillon n'a eu aucune incidence sur nos analyses et à fortiori sur nos résultats au regard de la représentativité par rapport au total de 488 (soit 0,8%). Les données de l'étude quant à elles proviennent non seulement du dépouillement des questionnaires ayant fait l'objet de réponse, mais également des rapports du Ministère des Finances et de la COBAC. La périodicité quant à elle est de cinq (05) ans couvrant les années 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012.
Pour analyser le dispositif de contrôle interne des EMF du Cameroun face à la gestion des risques, nous avons choisi un certain nombre de variables dont certaines sont inspirées de Honlonkou (2009)8(*). Elles sont représentées par : la cohérence des manuels de procédure (CMP), le volume des vols et détournements (VVD), l'existence d'un service de contrôle ou d'audit interne (EX_SCI), l'effectif du service contrôle interne (EFF_SCI), le niveau académique moyen des contrôleurs internes (NAM_CI), l'existence d'un manuel de procédures de gestion des risques (MP_GR), la part des frais globaux de missions destinée au contrôle interne (PFM_CI), le nombre moyen de mission de contrôle par an (NM_MC), le nombre moyen de constats/fraudes (NM_C/F), le nombre moyen de recommandations formulées (NM_RF) et le taux de suivi des recommandations (TSR). S'agissant des variables relatives à la gestion des risques, nous adoptons en fonction des types de risques les variables ci-après : la gestion des risques institutionnels (GR_I), la gestion des risques opérationnels (GR_O), la gestion des risques de gestion financière (GR_GF) et la gestion des risques externes (GR_E). Par ailleurs, compte tenu de l'hétérogénéité des EMF de notre échantillon, nous avons ajouté des variables dites « de contrôle » à savoir la forme juridique (FORM_JUR) et la taille de l'EMF (TA_EMF). Précisons que nous n'avons pas pris en compte la forme organisationnelle9(*), car tous les EMF de notre échantillon sont des EMF indépendants. Tableau 1 : Description et opérationnalisation des principales variables (1)
Source : Auteur 2.2. Analyse des données et résultats empiriques De l'analyse des données issues des questionnaires de l'enquête ainsi que des données issues de certains rapports du Ministère des finances du Cameroun et de la COBAC, nous sommes parvenus aux constats ci-après :
Selon le Tableau 2, les statistiques descriptives par variable indiquent à travers le panel A qu'en moyenne pour les 27 EMF que compte l'échantillon, le volume des vols et détournements (VVD) est de FCFA 58 704 128 avec un nombre moyen de sept agences (TA_EMF moyen de 7). On observe que chaque année, la fraction des frais de missions consacrée aux missions de contrôle interne (PFM_CI) par rapport à l'ensemble des frais de mission de l'EMF est de 22% pour un effectif de deux individus dans le service de contrôle interne (EFF_SCI moyen de 2). Lesquels individus effectuent en moyenne 33 missions de contrôle (NM_MC) par an pour lesquelles ils détectent en moyenne 204 anomalies (NM_C/F) et formulent 68 recommandations (NM_RF) relatives à ces différents constats. Le même tableau indique aussi que le taux moyen de suivi des recommandations formulées par le contrôle interne (TSR) est de 46%. Tableau 2 : Statistiques descriptives des variables Panel A : Variables continues
Source : Auteur VVD : Volume des vols et détournements ; EFF_SCI : Effectif du service contrôle interne ; PFM_CI : Part des frais globaux de missions destinée au contrôle interne ; NM_MC : Nombre moyen de mission de contrôle par an ; NM_C/F : Nombre moyen de constats/fraudes ; NM_RF : Nombre moyen de recommandations formulées ; TSR : Taux de suivi des recommandations ; TA_EMF : Taille de l'EMF. Panel B : Variables binaires
Source : Auteur CMP : Cohérence des manuels de procédures ; EX_SCI : Existence d'un service de contrôle ou d'audit interne ; MP_GR : Existence d'un manuel de procédures de gestion des risques ; FORM_JUR : Forme juridique. A travers le panel B, les statistiques descriptives par variable indiquent une incohérence des manuels de procédures dans la plupart des EMF (77,8%). Les EMF en majorité ont en leur sein un service de contrôle interne (85,2% contre 14,8%). Pour ce qui est de la gestion des risques, aucun EMF ne dispose d'un manuel de procédures de gestion des risques (0,0%) ; néanmoins il convient de préciser qu'après dépouillement de nos questionnaires d'enquête (annexe 4), il apparait que les responsables d'EMF affirment qu'ils ont un manuel de procédures général utilisé en même temps pour la gestion des risques. Pourtant selon Churchill et Coster (2001), une bonne gestion des risques nécessite un manuel de procédures spécifique pour la cause.
Il s'agissait ici d'identifier et d'évaluer la corrélation et la multi-colinéarité des variables continues. Les tests de colinéarité (tableau 3) nous montrent de fortes corrélations entre les variables et dont la plupart sont significatives. Tableau 3 : Matrice de corrélation et test de multi-colinéarité
(**) Seuil de significativité de 1%. (*) Seuil de significativité de 5%. Source : Auteur (à partir de SPSS) VVD : Volume des vols et détournements ; EFF_SCI : Effectif du service contrôle interne ; PFM_CI : Part des frais globaux de missions destinée au contrôle interne ; NM_MC : Nombre moyen de mission de contrôle par an ; NM_C/F : Nombre moyen de constats/fraudes ; NM_RF : Nombre moyen de recommandations formulées ; TSR : Taux de suivi des recommandations ; TA_EMF : Taille de l'EMF. En effet, l'analyse des données à partir de l'annexe 2 nous permet d'observer qu'il y a une forte corrélation positive entre le volume des vols et détournements (VVD) et l'effectif du service contrôle interne avec une significativité à 1% (p-value = 0,000) ; Au regard de cela nous pouvons affirmer avec une probabilité de 99,99% d'être vrai que lorsque le volume des vols et détournements augmente, alors cela nécessite une augmentation de l'effectif du service contrôle interne. En outre la corrélation est certes légèrement positive entre VVD et la part des frais de missions consacrée au contrôle interne (PFM_CI), mais nous ne pouvons pas dire sans risque de nous tromper (p-value = 0,331) que l'augmentation de l'un entraine une augmentation de l'autre. Egalement, on observe une forte corrélation positive entre VVD et NM_MC, NM_C/F, NM_RF et TA_EMF ; les seuils de 1% (respectivement p-value = 0,000 ; 0,000 ; 0,000 et 0,001) nous poussent à affirmer avec 99,99% de chance de ne pas se tromper que lorsque le volume des vols et détournement est élevé, alors l'EMF aura tendance à mettre l'accent sur le contrôle interne notamment en ce qui concerne le nombre moyen de missions de contrôle par an, d'où l'augmentation du nombre moyen de constats/fraudes et du nombre moyen de recommandations formulées, ceci proportionnellement avec la taille de l'EMF. Par ailleurs, la corrélation est négative entre VVD et le taux de suivi des recommandations au seuil de 10% (p-value = 0,056). S'agissant de l'effectif de contrôle interne (EFF_CI), on observe une forte corrélation positive avec NM_MC, NM_C/F, NM_RF et moyenne avec TA_EMF seuil de 1% (respectivement p-value = 0,000 ; 0,000 ; 0,000 et 0,002), cela suppose avec une probabilité de 99,99% d'être vrai que l'augmentation de l'effectif de contrôle interne entraine une augmentation du nombre moyen de missions de contrôle par an, d'où l'augmentation du nombre moyen de constats/fraudes et du nombre moyen de recommandations formulées, ceci proportionnellement avec la taille de l'EMF. Cependant, on observe une corrélation très faible entre EFF_CI et la part des frais de missions consacrée au contrôle interne et une corrélation négative avec le taux de suivi des recommandations. Nous ne pouvons pas nous prononcer ici au regard de leurs significativités (p-value = 0,392 et 0,13). Pour ce qui est de la part des frais de missions consacrée au contrôle interne (PFM_CI), les corrélations sont pour la plupart négatives avec une absence de significativité (respectivement p-value = 0,774 ; 0,941 ; 0,941 ; 0,591 ; 0,269), et donc nous ne pouvons pas clairement nous prononcer là-dessus. Le nombre moyen de missions de contrôle (NM_MC) quant à lui présente un significativité à 1% vis-à-vis des autres variables (respectivement p-value = 0,000 ; 0,000 ; 0,006 et 0,009) ; ce qui peut nous permettre d'affirmer avec 99,99% de certitude que plus le nombre moyen de missions de contrôle est élevé, plus sont élevés le nombre moyen de constats/fraudes et le nombre moyen de recommandations formulées. L'on note une corrélation négative avec le taux de suivi des recommandations. S'agissant du nombre moyen de constats/fraudes (NM_C/F), on observe également une significativité à 1% (p-value = 0,000 et 0,008) pour ce qui est des corrélations avec NM_RF et TSR. Pour dire que d'une part le nombre moyen de recommandations formulées augmente dans la même proportion que le nombre moyen de constats/fraudes, et que paradoxalement le taux de suivi des recommandations évolue dans le sens contraire que le nombre moyen de constats/fraudes. Le nombre moyen de recommandations formulées évolue dans le sens contraire que le taux de suivi des recommandations avec un seuil de 1% (p-value = 0,008). Nous avons également noté lors de l'analyse de nos données d'enquête que les MC2 ne disposent pas d'un service de contrôle interne et donc EFF_SCI est de « 0 » pour ces EMF. Ceci en raison du fait qu'ils évoluent avec l'assistance technique de l'ONG dénommée ADAF (Appropriate Development for Africa Foundation) et sous le parrainage de Afriland First Bank, une banque privée. ADAF s'occupe donc du contrôle des MC2 en y envoyant ses auditeurs quatre à six fois par an ; mais du fait de ces contrôles qui sont pour l'essentiel périodiques, les vols et détournements sont détectés tardivement (un, deux, voire trois ans plus tard)10(*). Ces résultats caractérisent donc l'inefficacité du dispositif de contrôle interne des EMF camerounais face à la gestion des risques micro-financiers, ce qui explique le fait que les EMF camerounais n'arrivent pas à mieux gérer leurs risques. * 6 Rapport COBAC sur le secteur de la microfinance au Cameroun, Novembre 2011. * 7 Il s'agit du Fond Provincial de Refinancement (FPR) S.A à Maroua, du Programme de Promotion de Crédit Solidaire dans le Nord (MIFED PCS) à Garoua, de Cameroon Gatsby Foundation (CGF) à Douala, et de Solutions Finances GIE (SOFIN GIE) à Douala. * 8 Honlonkou (2009) : « Déterminants de la performance du contrôle interne dans les Institutions de Microfinance : Approche par la théorie de l'agence appliquée à l'agence PAPME au Bénin », 3èmes Journées Internationales de Microfinance à Cotonou (Bénin), Décembre, 12p. * 9 La forme organisationnelle désigne le fait qu'un EMF soit indépendant ou alors affilié à un réseau. Le Cameroun compte trois grands réseaux d'EMF : CamCCUL, CVECA (avec ACCC et UCCGN) et CMEC (avec CMEC Nord-Ouest et CMEC Grand Nord). Notons que les MC2 ne sont pas un réseau d'EMF comme le pensent certains, mais plutôt un groupement d'EMF indépendants qui s'organisent à travers une association appelée AMC2 (Association des MC2), et donc ils n'ont pas d'organe faîtier comme les EMF du réseau CamCCUL par exemple. * 10 Entretien avec un Auditeur Comptable et Financier d'ADAF (Appropriate Development for Africa Foundation). |
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