4.4.4 Stratégies d'adaptation des PACL face aux
impacts des CC sur les activités de
pêche
La pêche est une activité pratiquée
essentiellement par les femmes chez pygmées Bakas. La majorité
des réponses apportées à cette question a
été le changement de technique de pêche pour s'adapter
à l'évolution et à la rareté de la ressource
halieutique (96%). Les Pygmées sont passés de la pêche au
panier qui se faisait par la technique du poisson barré, à la
pêche au filet. Les PACL utilisent des lianes empoisonnée
(Strophantus) ou poisons chimiques pour les déverser dans l'eau afin que
les poissons soient asphyxiés et remontent en surface pour être
ramassés dans l'eau.
Les Bantous par contre se sont lancés dans la
pisciculture avec l'appui du Ministère de l'Elevage, des Pêches et
des Industries Animales (MINEPIA) en s'associant en GIC. Cela leur permet de
faire face au déficit de poissons et de tirer des revenus de cette
activité.
Figure 27 : Zones de pêche des PACL autour du PNBB
70
4.4.5 Stratégies d'adaptation des PACL face aux
impacts des CC dans les autres secteurs Les changements climatiques
amènent les PACL à changer de mode de vie. Les Pygmées
Bakas deviennent peu à peu sédentaires, pratiquent l'agriculture
comme les Bantous, et les femmes font des travaux ménagers comme
occupation principale ou secondaires.
Face aux intempéries de plus en plus violentes, les
Bakas entreprennent des constructions plus solides. Ils font les huttes avec
les feuilles de marantacées en saison sèche, et des huttes avec
des planches et troncs de petits arbres en saisons des pluies. Ils ont
même commencé à construire en terre battue comme les
bantous, parce qu'ils trouvent que leurs maisons sont plus résistantes
aux effets du vent que les huttes.
Face à la rareté de l'eau potable, les Bakas
consomment très souvent de l'eau contenues dans les lianes de
forêt. Cette eau est très pure et issue d'un processus de
filtration naturel végétal.
La diminution de l'abondance des PFNL alimentaires pousse
certains Bakas à s'intéresser à d'autres PFNL dont
l'abondance s'avère plus importante. Ils pensent que si un PFNL est
abondant, et qu'un autre devient rare, cela signifie que la nature voudrait
leur demander de consommer celui qui est abondant et laisser en
régénération celui qui est rare. Cette manière de
penser et de gérer la forêt a permis aux pygmées Bakas de
préserver la forêt pendant des millénaires tout en
contribuant à maintenir la forêt en bon état. Mais de
nombreux facteurs externes sont venus les pousser hors de la forêt, avec
des effets non seulement sur leur mode de vie, mais aussi sur celui de tous les
PACL. Les photos suivantes présentent certains changements
d'activités observés chez les PACL interviewés.
Figure 28 : Femme Baka ménagère
71
Figure 29 : Construction des huttes Bakas simple à gauche
et solide à droite
Figure 30 : Baka consommant les amandes de mangue sauvage
Figure 31 : Consommation de l'eau des lianes de forêt par
un Nkounabembé
De cette analyse, il ressort que les stratégies
d'adaptation mises en place par les PACL sont en relation avec les perceptions
qu'ils ont des changements climatiques. En dehors de la
72
perception des CC liée à la diminution du
brouillard, pour chacune des autres Perceptions (irrégularité des
pluies, variabilité des saisons, vents violents, etc), ils ont
développé des méthodes d'adaptation propres en relation
avec ces perceptions.
Pour les perceptions portant sur l'irrégularité
des saisons, le début tardif des pluies, le décalage et la
perturbation des saisons de pluies, Les stratégies indigènes
d'adaptation mises en place portent sur le repérage traditionnel du
début effectif des saisons pluvieuses à l'aide des indicateurs
naturels (période d'apparition des chenilles à tête noire).
Ils ont également opté pour la modification de la date des semis
et du calendrier cultural, ainsi que le changement de techniques agricoles et
la domestication de certaines espèces végétales sauvages.
L'une des stratégies portant sur la provocation des pluies par des rites
ancestraux est entièrement basée sur les savoirs traditionnels.
Du point de vue analytique, ces stratégies basées sur le savoir
traditionnelles sont très efficaces pour combattre la
vulnérabilité selon les PACL.
Pour les perceptions portant sur la forte battance des pluies
et la vélocité du vent élevée en saison des pluies,
les PACL ont adopté des stratégies d'adaptation allant des
constructions de maisons plus solides à l'utilisation des brise-vents
dans des systèmes agroforestiers pour les plantations et les champs.
Pour les perceptions portant sur l'augmentation de la chaleur,
la sècheresse fréquente, l'allongement de la saison sèche
et l'arrêt précoce de la saison des pluies, les PACL ont mis en
place des stratégies d'adaptation portant sur la diversification des
cultures au sein d'un même champ ou au sein d'une même plantation,
l'utilisation des variétés améliorées, soit
provenant des ONG ou des structures gouvernementales en place, soit issues d'un
processus de sélection sur la base de leur savoirs traditionnels.
Ces différents résultats sont comparables
à ceux de M. Ouedraogo et al., 2010 qui ont menés une
étude sur la perception et les stratégies d'adaptation aux
changements de précipitations par les Paysans du Burkina Faso en 2010.
Après analyse ils trouvent que les mesures d'adaptation les plus
appropriées sont celles élaborées par les paysans qui
vivent la réalité des changements climatiques, notamment dans le
secteur agricole.
Une étude similaire portant sur les perceptions locales
des changements climatiques et les mesures d'adaptation dans la gestion des
parcs à karité au Nord du Benin menée par GNANGLE et
al., en 2010 a permis de voir la relation entre les perceptions paysannes
du phénomène de changements climatiques et les stratégies
paysannes mises en place pour s'y
73
adapter. Il ressort clairement de cette étude que la
priorité ou le choix est porté sur une méthode
d'adaptation en fonction du niveau de perception du phénomène.
Il ressort aussi que, d'autres chercheurs ont mené des
études sur la perception des changements climatiques dans la zone
subsaharienne, et sont unanimes que, les changements climatiques qui se
manifestent par une élévation des températures et une
baisse des précipitations. Ces variations sont bien perçues par
les peuples autochtones et communautés locales. Celles-ci ont
élaboré des stratégies d'adaptation propres qui varient en
fonction du niveau de perception du phénomène.
Les résultats présentés dans le cadre de
cette étude se rapprochent de ceux du GIEC en 2010 et du CSC en 2013.
Les observations faites par les PACL autour du Parc National de Boumba Bek,
sont les mêmes que celles des scientifiques de ces deux institutions.
De cette étude, il ressort clairement que dans les
stratégies indigènes d'adaptation aux changements climatiques
mises en place par les PACL autour du PNBB, certaines stratégies
d'adaptation peuvent être collectives (les rites traditionnels
aboutissant à la provocation des pluies), communautaire (identification
du début effectif de la saison des pluies à partir des marqueurs
naturels) ou individuelles. La même remarque a été faite
par Traoré et al., en 2002 qui ont identifié les types
d'adaptation élaborés par les peuples du bassin du Niger.
De cette analyse, il ressort que le changement climatique
n'est pas une nouveauté en Afrique. De nombreuses communautés
locales qui sont confrontés aux défis créés par ce
phénomène depuis des années ont accumulé une somme
de connaissances très variées dont on pourrait s'en inspirer pour
élaborer des méthodes d'adaptation durables. Une
intégration de ces savoirs traditionnels aux connaissances scientifiques
pourrait augmenter la résilience, élaborer des stratégies
efficaces et mieux outiller le gouvernement dans la gestion des risques y
afférents. Ces stratégies d'adaptation basées sur le
savoir traditionnel, malgré certaines insuffisances, permettent aux PACL
de faire face aux changements immédiats de leur environnement depuis des
millénaires.
74
CHAPITRE. 5 : CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS 5.1.
Conclusions
Au terme de cette étude dont l'objectif global a
été de contribuer à l'amélioration des
stratégies d'adaptation aux changements climatiques à travers
l'amélioration des connaissances sur les stratégies
indigènes d'adaptation aux changements climatiques, force est de
constater que les températures moyennes annuelles ont augmenté
entre un minimum de 23,6°C (1974) et un maximum de 25,9°C (2013) de
1971 à 2014. De plus, la moyenne globale des températures de
24,72°C #177;0,59°C, observée pendant la même
période a tendance à augmenter significativement de plus de
0,5°C. Cette élévation de température dans la zone
s'avère supérieur aux observations du GIEC en 2013 dans son
cinquième rapport d'activités, qui stipule que la
température a augmenté de 0,85°C entre 1880 et 2012 dans le
monde ; d'où le réchauffement est plus accentué à
Boumba Bek.
Par contre, les précipitations moyennes annuelles ont
tendance à rester stables de 1951 à 2014, malgré la
diminution apparente entre une valeur maximale de 2140,5 mm au cours de la
décennie 2 et une valeur minimale de 1331,5 mm au cours de la
décennie 5. La moyenne générale des précipitations
annuelles moyennes de 1574,23 #177;178,97 mm subit une diminution de 30 mm sur
l'ensemble de la période, ce qui s'avère non significatif
d'après le test de régression effectué. Le nombre de jours
de pluies par année est passé de 163 jours de pluies en 1962
à 118 jours de pluies en l'an 2000 ce qui implique de graves
conséquences pour les activités des peuples autochtones et
communautés locales.
Autour du parc national de Boumba Bek, les peuples autochtones
(les pygmées Bakas) et les communautés locales (les Bangando, les
Mvong Mvong et les Nkounabembe) interrogés perçoivent clairement
les changements climatiques à travers 16 perceptions différentes
citées. Ils relèvent principalement une augmentation de la
chaleur , une perturbation du rythme des saisons et la baisse dans la
durée des pluies. Ils ont également relevé une
fréquence élevée de phénomènes climatiques
extrêmes tels que les sècheresses, les tempêtes de vents de
plus en plus violents, les pluies de plus en plus fortes entrainant des
inondations dans la zone.
Les Changements climatiques affectent les PACL à
travers la réduction de l'abondance des ressources naturelles,
perturbant ainsi les activités de cueillette, de chasse et de
pêche, qui sont des activités vitales pour peuples.
Les stratégies d'adaptation développées
par les PACL pour le secteur agricole sont principalement une diversification
plus élevée des cultures au sein d'une même parcelle
75
(polyculture), un système de prévision du
début effectif et de la fin des saisons de pluies basé sur des
manifestations phénologiques et d'autres savoirs traditionnels, la
domestication des espèces sauvages et le changement de techniques
culturales. La provocation traditionnelle et blocage traditionnel des pluies
ont également été cités par les personnes
interrogées. Les stratégies d'adaptation pour le secteur de la
cueillette mises en place par les PACL portent essentiellement sur la
sédentarisation progressive des Pygmées Bakas, et la pratique de
l'agriculture comme activité pour les pygmées Bakas.
Dans le secteur de la chasse, les PACL optent pour un
changement de techniques de chasse et une reconversion des chasseurs soit en
Agriculteurs, soit en éleveur. Pour ceux qui pratiquent la pêche
comme activité, l'adaptation porte sur l'amélioration des
techniques de pêche à partir des méthodes traditionnelles
et sur l'implication des autres classes sociales dans l'activité de
pêche.
A l'issue de ces résultats, il ressort que les
changements climatiques sont réels et bien perçus par les PACL
qui ont élaborés des savoirs traditionnels pour s'y adapter.
Quoique ceux-ci s'avèrent limités, les savoirs traditionnels sont
d'une extrême importance, aux vues de la forte
vulnérabilité des communautés rurales qui ne
possèdent pas de ressources, ni de moyens techniques pour s'y
adapter.
L'hypothèse principale formulée au début
de cette étude, qui stipule que « l'utilisation des savoirs
traditionnels dans les méthodes d'adaptation est la principale
stratégie d'adaptation des PACL face aux changements climatiques autour
du parc national de Boumba Bek », est acceptée. Les méthodes
telles que le dispositif de prévision du début effectif des
pluies et de la fin effective des pluies, la provocation traditionnelle des
pluies lorsqu'elles tardent à tomber ainsi que le blocage des pluies en
période de crue excessive, sont des stratégies d'adaptation
basées sur les savoirs traditionnels ancestraux des PACL autour du PNBB.
La domestication des espèces sauvages est également fonction des
habitudes alimentaires de PACL, car ceux-ci privilégient la
domestication de l'igname sauvage plutôt qu'une autre espèce sur
la base de leurs savoirs traditionnels.
L'hypothèse secondaire 1 qui dit que les
températures ont augmenté d'au moins 0,5°C et les
précipitations ont diminués d'au moins 2% par décennie au
cours des quatre dernières décennies est acceptée
partiellement. Car de cette étude, il ressort que la température
moyenne annuelle à la station de Yokadouma a augmenté de plus
d'un demi-degré Celsius selon la courbe de tendances. Par contre, les
précipitations restent stables malgré une diminution
76
apparente de 30 mm sur la période. L'hypothèse
principale basée sur le rapport de Molua et Lambi en 2007 au Cameroun
est partiellement acceptée.
L'hypothèse secondaire 2 qui dit que les PACL
perçoivent clairement les changements de leur environnement sur les
trente dernières années est acceptée ; car il ressort de
cette étude que les PACL ont cité 16 perceptions
différentes allant des sensations de chaleur en hausse et des
précipitations en baisse, à la baisse progressive du
phénomène de Brouillard et la vélocité
élevée en saison des pluies. Cette perception des changements
climatiques est bien ressortie à travers la manifestation de
phénomènes climatiques extrêmes telle que la
sècheresse, les inondations et les tempêtes de vent à
fréquence élevée, Bien relevés par les PACL.
L'hypothèse secondaire 3 qui stipule que le principal
impact des Changements Climatiques sur les PACL autour du parc national de
Boumba Bek a été la réduction de l'abondance des PFNL est
acceptée, car de l'analyse des discours, il ressort une perception de la
diminution des ressources naturelles affectant la disponibilité des PFNL
dont les quantités sont en baisse pour certaines PFNL autour du parc.
Par contre, les quantités d'autres PFNL tels que les mangues sauvages
seraient plutôt en hausse, à cause des stress physiologiques due
à l'augmentation de la chaleur (I. Cacciari et al.
2010).
L'hypothèse secondaire 4 qui dit que les
méthodes d'adaptation mises en place par les PACL varient en fonction du
niveau de perception du phénomène par la communauté ou
l'individu est accepté car dans le cadre de cette étude, selon
que l'interviewé appartienne à une classe d'âge, la
stratégie d'adaptation énumérée varie en fonction
de la manière de percevoir le phénomène des changements
climatiques. Néanmoins, aucune stratégie n'a été
relevée pour la perception de la diminution du phénomène
de Brouillard perçue par les vieux.
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