La responsabilité internationale pénale de l'état( Télécharger le fichier original )par Henry MIKITI M'PANDA Université de Goma - Licence 2013 |
SECTION II : LES CONSEQUENCES D'UNE VIOLATION GRAVE D'UNENORME DU JUS COGENS Afin de savoir si, la C.D.I., en employant le mot « crime » ou son succédant- la responsabilité pour violation d'une norme du jus cogens, voulait désigner des faits illicites auxquels sont rattachés des formes de responsabilité pénale, il nous semble particulièrement important de nous attarder un tout petit peu sur les conséquences de ces faits illicites tant dans le Projet (§1) qu'en dehors de celui-ci (§2). En analysant les conséquences dans le projet de la C.D.I., on se rend bien compte que celui-ci ne tire pas toutes les conséquences nécessaires qui devraient se rattacher aux faits illicites les plus graves qu'il qualifie de crime ou de violation aggravée, et se caractérise par la mise en place des conséquences qui sont à la fois étriquées et lacunaires. Hors Projet de la C.D.I., on se rend bien compte, que bien que ce dernier n'ait pas eu à tirer toutes les conséquences nécessaires des violations graves du droit international, il n'en demeure pas moins, par contre, que le communautarisme et la transparence de l'Etat soient des conséquences nécessaires qui devraient s'attacher à ces genres de manquements. §1. Les conséquences lacunaires et étriquées dans le Projet de la C.D.I. Alors que le Projet de la C.D.I. annonçait avec pompe les violations graves du jus cogens qui succédaient à la terminologie pénaliste du « crime international de l'Etat », on s'attendait à ce qu'elle tire toutes les conséquences nécessaires relatives à ce type de responsabilité. Autant la C.D.I. a tenu contre vents et marées au maintien de la distinction fondamentale entre deux catégories des faits illicites engendrant deux régimes distincts de la responsabilité, autant force est de constater que les conséquences qu'elle en tire sont toutes aussi lacunaires qu'étriquées. 84PELLET, A., loc.cit., note15, P.45. 85 Ibidem. [24] §1.1 Les conséquences étriquées dans le Projet de la C.D.I. Les conséquences du crime international ne se conçoivent qu'à peu de choses dans le Projet de la C.D.I., à l'article 41 du Projet final. Ceci pousse une certaine doctrine à considérer que la « bataille du crime aurait fait beaucoup de bruit pour rien et que la montagne, en définitive, a accouché d'une souris».86 Cependant, le Projet a au moins le mérite de ne pas injurier l'avenir en ouvrant la porte à des développements futurs, voire même de ne pas exclure que, d'ores et déjà, le « communautarisme » discret qui affleure dans le Projet aille bien au-delà de ce qu'il dit.87Ceci explique combien la C.D.I. a été si minimaliste dans la prise en considération des conséquences relatives aux violations graves d'une règle du jus cogens. On constate malgré les bonnes intentions du dernier rapporteur de C.D.I. sur la question de la responsabilité, Mr CRAWFORD, de vouloir revoir en « profondeur » les anciens articles 51 et 53 consacrés aux conséquences des crimes internationaux des Etats,88celui-ci n'en a rien fait et ceux-ci sont passés, pour l'essentiel, du Projet de 1996 à celui, provisoire de 2000(dans l'article 42) puis à celui définitif de 2001(article 41) sans changement significatif. L'article 41 relatif aux conséquences particulières d'une violation d'une norme impérative dispose ce qui suit : « 1. Les Etats doivent coopérer pour mettre fin, par des moyens licites, à toute violation grave au sens de
l'article 40 ». «3. Le présent article est sans préjudice des autres conséquences prévues dans la présente partie et de toute conséquence supplémentaire que peut entrainer, d'après le droit international, une violation à laquelle s'applique le présent chapitre ». On est là en face d'une disposition tout à fait étriquée par rapport à l'ampleur, généralement désastreuse, des violations graves du jus cogens, mais aussi un peu sobre par rapport aux anciens articles auxquels elle a succédé. Selon R. RONSENSTOCK, ancien membre de la C.D.I., « il s'agit là des conséquences très anodines concernant le crime 86 PELLET, A., loc. cit. , note 15, p.334. 87 Idem, p.335. 88 J. CRAWFORD, Quatrième rapport sur la responsabilité des Etats, A/CN.4/517, par.53. [25] international de l'Etat qui ont été tirée par la C.D.I. dans son Projet sur la responsabilité internationale des Etats ».89 Cependant il ne s'agit pas des conséquences si étriquées que ca ; selon une certaine doctrine, à la quelle nous adhérons, l'obligation de coopérer pour mettre fin aux violations graves serait purement spécifique à ce type de violations car en dehors de celle-ci aucune autre solidarité n'est imposée aux Etats pour pouvoir agir positivement de manière à coopérer pour mettre fin à quelque autre fait internationalement illicite que ce soit.90 Pour l'obligation de non reconnaissance et de non assistance, il y a une vive controverse quant à la question de savoir si elle est spécifique ou pas à la notion de « crimes ».91 Nous pensons que le droit international n'interdit pas moins aux Etats de prêter aide ou assistance à un fait illicite, qu'il s'agisse d'un crime ou d'un délit et que donc l'obligation de non reconnaissance et de non assistance serait non seulement spécifique aux violations ordinaires mais aussi aux violations graves d'une norme du jus cogens. §1.2. Les conséquences lacunaires dans le Projet de la C.D.I. L'idée de base de la C.D.I. était que le crime est un fait illicite qui porte atteinte aux intérêts fondamentaux de la communauté internationale toute entière et que, par conséquent, le sujet « directement lésé », ne saurait être seul devant l'auteur du fait illicite.92Mais à la lecture de l'article 41du Projet final et des commentaires y afférents, on est très loin de se faire la certitude que l'on envisagerait un rapport de responsabilité entre tous les Etats membres de la communauté internationale pris individuellement en sorte que tous pourraient soit prétendre à une prestation donnée de l'auteur du fait illicite, soit éventuellement, adopter à son encontre un comportement autrement illicite ou bien si l'on envisagerait une réponse au moyen d'un mécanisme collectif. La mention, faite dans le commentaire comme dans les débats au sein de la C.D.I., de l'agression armée comme étant un fait illicite engageant des conséquences juridiques différentes de tous les autres faits illicites parce que tous les Etats sont aptes à réagir contre l'agresseur à titre de légitime 89 RONSENSTOCK, R., « An international criminal responsibility of States ? » in C.D.I., le droit international à l'aube du XXème siècle- réflexions des codificateurs, Nations Unies, New York, 1997, p.283. 90 PELLET, A., loc.cit., note15, p.337. 91 RONSENSTOCK, R., loc. cit., p. 284. 92 M. SPINEDI, « Chapitre 8. La responsabilité de l'Etat pour « crime » : une responsabilité pénale ?, in H. ASCENSIO, E. DECAUX et A. PELLET (dirs), op cit, P. 199. [26] défense collective, fait penser à la première solution, mention, à propos d'autres crimes, des mesures du Conseil de Sécurité à la seconde.93 Bien que la C.D.I. ait eu à affirmer haut et fort l'existence de deux régimes juridiques distincts, il est loin de la cohérence qu'on aurait attendue d'elle. En clair c'est comme si elle ne donnait pas au droit international les moyens de sa politique, celui de protéger les intérêts les plus essentiels, en assortissant pas les violations de ces dernières de sanctions adéquates. Elle n'évoque en soi rien qui solidarise efficacement la sauvegarde des intérêts fondamentaux au sein de la société internationale. En effet l'article 41 prévoit trois conséquences à savoir l'obligation de coopération pour mettre fin, par des moyens licites, à toute violation grave d'une règle du jus cogens, l'obligation de non reconnaissance comme licite d'une situation créée par une violation grave d'une obligation du jus cogens et l'obligation de ne pas prêter aide ou assistance pour le maintien de la situation ainsi créée. On notera que les dispositions, dans le Projet de la C.D.I., ne spécifient déjà pas si quelle doit être la forme de cette coopération, bien plus grave encore, elles ne donnent même pas selon quelles modalités la coopération devrait elle s'exercer, est-ce au sein ou en dehors des mécanismes relatifs, notamment ceux prévus dans le cadre onusien, que cette coopération devra avoir lieu ? Il nous parait particulièrement difficile ; vue la structure propre de la société internationale, faite d'abord de souveraineté juxtaposées, de pouvoir envisager une telle obligation positive à la charge des Etats. Cependant on peut considérer que le paragraphe 1 de l'article 41 est symboliquement, au moins, en rupture avec le droit international classique et correspond aux avancées « modestes » de la solidarité internationale.94 Aussi le paragraphe 1 n'explicite pas non plus quelles mesures les Etats devraient prendre pour mettre fin à toute violation au sens de l'article 40.95Toutefois une telle coopération devrait s'exercer par des moyens licites, dont le choix dépend des circonstances qui devraient être appréciées au cas par cas. En ce qui concerne le devoir d'abstention qui contient deux obligations distinctes : l'obligation de non reconnaissance comme licite de la situation créée par une 93 M. SPINEDI, op.cit., p.199 94 PELLET, A., loc.cit., note 15, p. 335. 95 J. CRAWFORD, op.cit., p.199. [27] violation grave au sens de l'article 40 et celle de ne prêter ni aide ni assistance au maintien de cette situation,96 encore une fois aucune garantie n'est prévue dans le projet pour s'assurer de la mise en oeuvre des telles obligations dans l'ordre juridique international. On pourrait craindre des éventuelles pressions politiques de la part des grandes puissances-non fondées sur aucune base juridique-pour ne pas reconnaitre telle ou telle situation qui ne leur est pas intéressante du point de vue politique ou géostratégique. Toutefois reconnaissons que de telles abstentions tirent leur substance de la théorie des normes de jus cogens, dont le crime n'est qu'une facette ; car est frappé de nullité absolue, tout traité contraire à une telle norme. Il ressort de cet analyse que les conséquences prévues par la C.D.I. pour la violation d'une norme impérative du droit international sont, dans le Projet, non seulement lacunaires au regard des intérêts qui devraient être protégés à savoir les intérêts fondamentaux pour toute la communauté internationale, mais aussi étriquée par rapport à l'ambition voulue, celle de solidariser les intérêts les plus majeurs de la société internationale pour la répression des violations les plus graves. Toutefois le Projet à l'avantage de ne pas occulter l'avenir en laissant des brèches pour des éventuels développements. §2. Les conséquences du crime hors Projet de la C.D.I. : Le communautarisme et la transparence de l'Etat Bien que la C.D.I. n'eut pas retenu expressément la transparence de l'Etat et le communautarisme, il n'en demeure pas moins que ceux-ci sont des conséquences spécifiques d'une violation grave d'une obligation découlant d'une norme impérative du droit international.97 §2.1. Le communautarisme : vers une solidarisation de la répression du « crime international de l'Etat » Le dernier rapporteur spécial de la C.D.I. sur la question de la responsabilité des Etats, J. CRAWFORD avait, dans son avant dernier rapport, tenté d'élargir quelque peu la conception étriquée de ces conséquences telles qu'elles étaient présentées dans le Projet en première lecture en 1996. Il y plaidait pour l'inclusion dans le Projet de deux éléments nouveaux à savoir qu'en cas de violation grave d'obligation envers la communauté, l'Etat 96 J. CRAWFORD, op.cit., p.199 97PELLET, A., loc. cit. , note15, p.339. [28] responsable soit obligé de verser des dommages-intérêts punitifs.98Et le second était, du moins c'est celui qui nous intéresse dans cette partie du travail, la possibilité pour « tout Etat de prendre des contre-mesures afin de garantir la cessation de la violation grave d'une obligation due à la communauté internationale toute entière et la réparation dans l'intérêt des victimes.99 Ce deuxième élément constituerait une avancée majeure dans le cadre de la codification et du développement du droit de la responsabilité internationale des Etats, en ce sens qu'elle consacre l'idée de la communautarisation des intérêts majeurs dans l'ordre juridique international, une solidarisation de la répression du crime étatique. Il s'agit là d'une des conséquences les plus importantes des violations graves. Il était parfaitement cohérent dès lors que tous les Etats ont un intérêt au respect d'une obligation fondamentale envers la communauté internationale à laquelle ils appartiennent, il est légitime qu'ils soient en mesure d'en assurer le respect. La proposition de CRAWFORD de communautariser la répression du crime de l'Etat qui était éminemment cohérente a, malheureusement, été à la base d'une vive polémique au sein de la sixième commission de l'Assemblée générale de 2000.100Ces critiques ont emmenés plusieurs membres de la C.D.I. à pouvoir changer leur position de 2000 pour se prononcer contre le maintien de l'article 54.101 Cependant on ne peut que regretter l'absence d'une telle institution , celle des contre-mesures que peut prendre chaque Etat individuellement ainsi que de la suppression ou du manque de substitution du projet d'article 54, on devra se contenter; faute d'une norme positive, autorisant expressément tous les Etats à adopter les contre mesures en cas de « crime » de l'Etat ;d'une clause de sauvegarde qui, non seulement n'exclut pas cette possibilité mais est rédiger de telle manière qu'elle pourrait la consacrer. Paradoxalement ce qui était très étroitement encadré par des règles précises dans la version de 2000 se retrouve donc à la fois consacré de facto et largement déréglementé dans le Projet définitif.102 Et que donc, s'il est clair que le Projet de la C.D.I. a quelque peu déçu les attentes en ce qui concernait les conséquences des « crimes » internationaux, on devrait tout 98 J. CRAWFORD, Troisième rapport sur la responsabilité des Etats, A/CN.4/507/Add.4, par.409. 99 J. CRAWFORD, op cit, note87, par.413. 100C.D.I., Résume thématique des débats à la sixième commission lors de la 55ème session de l'Assemblée générale, A/CN.4/513, par.174-182. 101 J. CRAWFORD, op. cit., pars.70-74. 102 PELLET, A., loc.cit., note 15, p.344. [29] de même, lui reconnaitre le mérite d'avoir échafauder un régime, aussi laconiquement que cela eut été, de la responsabilité de l'Etat pour crime et consacré ainsi l'idée du « communautarisme », notamment par l'introduction de la sauvegarde au paragraphe 3 de l'article 41, base indispensable à une solidarisation de la répression des crimes internationaux des Etats. §2.2. La transparence de l'Etat ; la responsabilité pénale individuelle n'exclut pas celle de l'Etat Sans doute, comme l'a rappelé avec force le Tribunal de Nuremberg, « ce sont les hommes, et non des entités abstraites, qui commettent les crimes dont la répression s'impose, comme sanction du droit international.103Mais, lorsque ce sont les dirigeants de l'Etat qui ont agi dans le cadre de leurs fonctions, en utilisant l'appareil étatique, ils peuvent être attraits devant une juridiction internationale pénale, celle-ci va nécessairement connaitre indirectement des « crimes internationaux de l'Etat », même si, et c'est une nuance importante, elle ne se prononcera pas directement sur la responsabilité de l'Etat lui-même.104 A l'heure actuelle, dans l'ordre juridique international, il n'y a aucun doute sur la positivité de la responsabilité pénale individuelle et il n'est nullement contestable actuellement que les dirigeants de l'Etat peuvent être jugés par les juridictions pénales internationales.105La qualité officielle de l'auteur d'une violation grave de droit international ne saurait être exonératoire de la responsabilité pénale pour son auteur. Comme l'a relevé la C.I.J. dans l'affaire Yerodia, « un dirigeant étatique en exercice, y compris un Chef d'Etat peut faire l'objet des poursuites pénales devant certaines juridictions pénales internationales dès lors que celles-ci sont compétentes et qu'ils ne bénéficient, en vertu du droit international, de l'immunité pénale de juridiction dans son propre pays ».106 Certes la responsabilité internationale n'est ni pénale ni civile et que l'objet du Projet d'articles n'était pas de codifier les règles applicables à une éventuelle responsabilité pénale de Etats, mais celle-ci peut être envisagé, du moins indirectement, lorsque les dirigeants d'un Etat responsable d'un fait internationalement illicite sont attraits devant les juridictions pénales. Le professeur PELLET y voit ce qu'i appelle « une forme de réparation de l'illicite de l'Etat ». Dans ce sens continu-t- il, « la décision de poursuivre apparait, en 103 A. PELLET, op.cit., note 6, p.226. 104 PELLET, A., loc.cit., note15, p. 621. 105 Article 27 du Statut de Rome de la C.P.I, in www.icc-cpi. Int, consulté le 20 Mai 2013. 106 C.I.J., Affaire Yerodia, arrêt, 14 Février 2002, Mandat d'arrêt du 11 Avril 2000(République Démocratique du Congo c. Belgique), Rec.2002, p.25, par.67. [30] premier lieu, comme une sanction dirigée contre l'Etat. En second lieu, pour qualifier l'infraction internationale, le juge pénal sera nécessairement conduit à mettre en lumière les conditions d'une responsabilité internationale pour cette même infraction ». Il serait pratiquement impossible de pouvoir dissocier l'institution de la responsabilité internationale individuelle à celle de l'Etat. Qui nierait les incidences indéniables que le mandat d'arrêt, émis contre le président Omar El Béchir, par la C.P.I., a sur tout le Soudan comme Etat, qui pourra contester que le fait d'émettre des mandats d'arrêts contre le Président kenyan et son dauphin ont eu un impact sérieux sur les relations du Kenya tout entier sur la scène internationale. Au demeurant, le châtiment des dirigeants qui ont commis les crimes ne libère pas pour autant l'Etat lui-même de sa propre responsabilité pour un tel fait.107Comme le précise bien d'ailleurs le Statut de la C.P.I. à son article 25 qu'aucune de ses dispositions « relatives à la responsabilité pénale des individus n'affecte la responsabilité des Etats en droit international. »108En son tour l'article 58 des articles de la C.D.I. sur la responsabilité de l'Etat précise bien que ceux-ci « sont sans préjudice de toute question relative à la responsabilité individuelle, d'après le droit international, de toute personne qui agit pour le compte de l'Etat ».109 Par contre, dans le commentaire de cet article, il est dit que « dans le cas de crimes de droit international commis par des agents de l'Etat, il arrivera souvent que ce soit l'Etat lui-même qui soit responsable pour avoir commis les faits en cause ou pour ne pas les avoir réprimer ou empêcher. Dans certains cas, notamment celui de l'agression, l'Etat sera par définition impliqué. Mais dans ce cas, la question de la responsabilité individuelle est en principe à distinguer de celle de la responsabilité des Etats ».110 Du reste, dans son arrêt de 1996 sur les Exceptions préliminaires soulevées par la Serbie dans l'affaire du Génocide, la C.I.J. a reconnu que « l'article IX de la convention sur le Génocide de 1948 n'exclut aucune forme de responsabilité d'Etat ».111 107 PELLET, A., op.cit., note6, p. 622. 108 Art 25 du Statut de Rome, loc. cit. 109C.D.I., Rapport de la sur les travaux de sa 28ème session, in Ann. C.D.I. 1976, Vol. II, 2ème partie, p.96, par.21 du commentaire du Projet d'article 19. 110C.D.I., Rapport de la sur les travaux de sa 53ème Session, in Ann.C.D.I., 2001, Vol. II, 2ème partie, p.153, par.3. 111C.I.J., Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de Génocide, C.I.J., Exception préliminaires, op.cit., p. 616, par. 32. [31] Selon la doctrine on peut résumer ainsi les rapports qu'entretiennent les notions de violations graves d'obligations découlant de normes impératives du droit international avec la responsabilité pénale internationale des gouvernants en ceci : 1) Lorsqu'un Etat commet une telle violation, celle-ci est nécessairement le fait de l'individu ,
Le Projet de la C.D.I., bien que ne reconnaissant pas de façon expresse le principe de la responsabilité pénale des Etats, met en exergue une importante distinction entre les faits illicites : les uns qualifiés d'ordinaires parce que ne mettant en cause que l'Etat ou les Etats en partie ; les autres qualifiés de grave et pouvant engendrés une responsabilité majeure, 112 PELLET, A., loc.cit., note 15, p.346. 113 Ibidem. [32] qualifiée de criminelle, et cette dernière intéresse la communauté internationale toute entière. Toutefois l'existence d'un double degré de responsabilité ne signifierait pas que la responsabilité majeure est de nature pénale et que la responsabilité pour délit est de nature civile. Sans doute l'affirmation la plus claire de la responsabilité criminelle étatique est établie à l'article 19 du Projet de 1996 sur la responsabilité des Etats, qui crée une distinction entre responsabilité pour crime et responsabilité pour délit. Malgré cette consécration rien n'est acquis que la responsabilité criminelle de l'Etat soit considérée comme la responsabilité pénale des ordres internes. Néanmoins il nous parait trop réductionniste d'affirmer que ce type de responsabilité est comparable à la responsabilité ordinaire. Et donc pour comprendre la nature de ce qu'on peut qualifier de responsabilité pénale il nous parait particulièrement important de pouvoir étudier ce qu'on qualifie généralement d'infraction étatique c'est-à-dire les violations graves du droit international ou le crime international ; on devra garder à l'esprit, pour ce faire, que pour parler d'un régime pénal, qu'il y a une condition objective et une condition subjective à remplir . CHAPII : LE REGIME JURIDIQUE DE LA RESPONSABILITE INTERNATIONALE PENALE DE L'ETAT PARTANT DE LA THEORIE DU CRIME ETATIQUE Parler d'un quelconque régime pénal, qu'on soit en droit interne ou en droit international, c'est envisager avant tout un système normatif cohérent, tant du point de vue de la théorie générale c'est-à-dire des principes essentiels qu'il convient d'observer pour toutes les conduites criminelles, que du point de vue des attitudes qualifiées de criminelles c'est-à-dire la partie spéciale de la responsabilité. En droit interne, où le système est trop intégré, on parle du droit pénal général pour la première hypothèse et du droit pénal spécial pour la seconde. Il est très important de souligner la cohérence qui doit exister entre ces deux parties, qui ne sont que les deux faces d'une même médaille, qui est le système pénal. En droit international, vu le système peu intégré de la société internationale et l'inter subjectivisme qui caractérise l'ordre juridique international, il est très difficile de pouvoir espérer atteindre un tel degré de cohérence. Cependant l'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996, malgré toutes les critiques et les limites qu'il connait, constitue un premier pas, extrêmement ambitieux, de mettre en place, en droit [33] international, un système criminel de l'action des Etats du point de vue de la théorie autant que des figures criminelles spécifiques.114 Par ailleurs, l'article 40, qui lui a succédé dans le Projet final, se limite tout simplement à la théorie générale de l'infraction étatique et on peut considérer ca comme une décodification du droit international par rapport aux figures criminelles prévues dans le Projet de 1996. Dans ce chapitre nous analysons le régime de la responsabilité pénale étatique, en considérant qu'il faut non seulement une condition objective(Section I) mais aussi subjective(Section II) d'une responsabilité, sur le plan international ; nous constatons que l'infraction étatique existe effectivement, on analyse cette infraction du point de vue de la théorie générale mais aussi du point de vue spécial. Du point de vue de la théorie générale de l'infraction étatique nous examinons les principes inhérents à toutes conduites criminelles, principes indiqués par l'article 19 dans le Projet de 1996 que l'article 40 du Projet définitif synthétise ; du point de vue de la partie spéciale de la responsabilité pénale de l'Etat, nous nous focalisons sur les figures criminelles que prévoit le paragraphe 3 de l'article 19 du Projet de la C.D.I. de 1996. Toujours du point de vue objectif, nous esquissons une analyse sur la question de la procédure et de la sanction contre les comportements criminels de l'Etat. Du point de vue subjectif, nous examinons le problème d'imputation des comportements criminels à l'Etat, nous constatons que le principe est uniforme pour toutes les catégories des faits illicites internationaux ; ensuite nous analysons la question de la culpabilité, nécessaire à une responsabilité pénale, qu'elle soit individuelle ou collective. SECTION I. LA CONDITION OBJECTIVE DE LA RESPONSABILITE PENALE DE L'ETAT : l'infraction internationale de l'Etat existe effectivement Pour qu'on puisse parler d'une quelconque responsabilité, il y a une condition objective qu'il faut remplir, c'est-à-dire qu'on doit arriver à établir l'existence de l'infraction du point de vue de la théorie générale que du point de vue de la partie spéciale (§1), mais aussi répondre à la question de la procédure à suivre pour établir la responsabilité de l'Etat, c'est-à-dire comment lui imputer une sanction pénale (§2). 114 ABII- SAAB, G., « the uses of Article 19 »in E.J.I.L., p.347. [34] La partie objective de la responsabilité pénale constitue la base ou plutôt la condition sine qua non d'un régime pénal complet. Le droit international n'échappe pas à cette réalité. Cependant vue la nature non intégrée de l'ordre juridique international, une telle condition, ne saurait de façon « rigoureuse », être remplie tout en respectant les principes, en la matière, promus par le droit pénal classique. Cependant le paragraphe 2 et 3 de l'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996 nous donne le premier aperçu d'un système pénal, en définissant la théorie générale de ce qu'il convient d'appeler « l'infraction étatique » au paragraphe 2 ; et en définissant, bien qu'avec des limites qui, du reste sont la conséquence d'un droit à caractère horizontal, au paragraphe 3 les différentes figures susceptibles d'être qualifiées de criminelles. Cet article, ayant été l'objet d'une vive polémique, a été remplacé dans le Projet final par l'article 40 qui, nous fournit simplement la théorie générale de « l'infraction étatique » sans faire allusion aux différentes figures criminelles comme l'avait fait, dans le temps, l'article 19 qui lui avait précédé d'ailleurs. Par ailleurs on ne saurait parler d'une quelconque pénalisation sans qu'on ait pas répondu à la question de la procédure et de l'éventuelle sanction, c'est pour cela qu'après avoir analyser les principes de base relatifs à la responsabilité pénale étatique et les différentes figures susceptibles d'être qualifiées de pénales, il nous conviendra d'analyser la question de la procédure et éventuellement celle de la sanction dans l'hypothèse où la responsabilité serait établie. Toutefois, on ne perdra pas de vue que, compte tenu de la nature non hiérarchisée et peu communautarisée, il est utopique de s'imaginer un super Etat puissant entrain d'établir des conduites infractionnelles et de conduire la procédure contre les Etats coupables, comme le ferait sur le plan interne l'Etat au nom de toute la communauté nationale. §1 Théorie générale et partie spéciale de la délinquance étatique Comme nous l'avons dit, les paragraphes 2 et 3 de l'article 19 du Projet en première lecture de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats ainsi que l'article 40 du Projet final abordent la question de la théorie générale de la délinquance étatique et les figures susceptibles d'être qualifiées de criminel. Le paragraphe 2 de l'article 19 du Projet de 1996 et [35] l'article 40 du projet final définissent les critères généraux pour repérer les intérêts relevant de la criminalité internationale, tandis que le paragraphe 3 de l'art 19 du Projet de 1996 dresse la liste des intérêts protégés et les conduites qui y portent atteintes.115 Le paragraphe 2 de l'article 19 et l'article 40 relèvent, clairement, de la théorie générale du fait criminel, alors que le paragraphe 3 de l'article 19 constitue la partie spéciale de l'infraction étatique.116 Notons cependant que la suppression du mot « crime » dans le vocabulaire de la responsabilité internationale a comme conséquence que le Projet de 2001 ne s'occupe des infractions majeures étatiques, que du point de vue de la théorie générale sans aucune provision des infractions spécifiques correspondant aux infractions majeures du droit international. §1.1. La théorie générale de l'infraction étatique Selon le paragraphe 2 de l'article 19 du Projet sur la responsabilité des Etats de 1996, l'existence d'un crime international de l'Etat suppose que : « 1) La norme internationale soit essentielle pour la sauvegarde d'intérêts fondamentaux de la communauté internationale ; 2) La violation soit reconnu comme un crime par la communauté dans son ensemble »117. Il résulte de ce qui précède qu'il existe, donc, deux principes qui définissent le domaine du crime de l'Etat. Le premier principe qui fait référence au contenu même de la règle, donc de l'obligation violée, est la condition essentielle pour l'existence du « crime » international parce qu'il met en avant la question de l'importance de la règle. Le deuxième critère qui est comme un corolaire du premier, insiste que la reconnaissance de l'importance primordiale des intérêts en question doit venir de la communauté internationale dans son ensemble. Et donc pour qu'on puisse conclure de l'existence d'un crime international étatique, il faut, en tout cas, la réunion de ces deux conditions énoncées par l'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996. Selon la doctrine, les principes définis au paragraphe 2 de l'article 19 servent à repérer, parmi les normes du droit international, celles qui défendent les droits susceptibles 115 O. QUIRICO, op.cit., p.138. 116 STATRACE, V., « La responsabilité résultant de la violation des obligations à l'égard de la communauté internationale », in R.C.A.D.I, 1976, Vol.153, p. 308. 117 O. QUIRICO, op.cit., p.139. [36] d'une protection majeure.118 Il s'agit des principes nécessairement généraux, qui permettraient au système international pénal d'être ouvert et changeant, d'accepter des nouveaux intérêts dans son domaine ou d'en exclure d'autres, selon l'évolution des nécessités sociales.119 Cependant l'article 40§1 du Projet final de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats adopté en 2001, qualifie l'infraction majeure de « violation grave par l'Etat d'une obligation découlant d'une norme impérative du droit international général ». Et le paragraphe 2 de la même disposition à déclarer que « la violation d'une telle obligation est grave si elle dénote de la part de l'Etat responsable un manquement flagrant ou systématique à l'exécution de l'obligation. »120On maintient donc l'idée de la reconnaissance de la violation comme étant grave par la communauté internationale alors que l'importance de l'intérêt protégé par l'obligation visée disparait. Toutefois, quoique l'article 40 n'ait pas eu à reprendre expressis verbis ce second critère, il nous parait particulièrement difficile, surtout dans la pratique, de pouvoir dissocier ces deux principes. En vertu du premier critère énoncé au paragraphe 2 de l'article 19, non repris par le Projet final adopté en 2001, c'est en fonction du contenu de l'obligation que l'on doit détermine sa prééminence par rapport aux autres catégories des faits internationalement illicites et on qualifie son infraction de « criminelle », quelle qu'en soit la source, coutumière ou conventionnelle.121 En droit interne, un système fortement hiérarchisé, on fait généralement appelle à la constitution pour définir les droits qui sont dignes de la tutelle pénale et repérer les intérêts de la communauté toute entière, dont la violation constitue un crime. Mais, il est clair, qu'une telle démarche, aussi rationnelle qu'elle demeure , aura tout le mal du monde pour pouvoir trouver application en droit international, celui-ci étant caractérisé par une horizontalité de relations, donc une absence complète d'une quelconque constitution. On ne saura pas si pour repérer les intérêts fondamentaux, il faudra se référer à quel type de source en droit international, d'autant plus que toutes les sources, générales ou particulières, coutumières ou conventionnelles, peuvent engendrer des obligations plus importantes que d'autres en raison de leur contenu. 118 O. QUIRICCO, op.cit., p.140. 119 Ibidem. 120 J. CRAWFORD, op.cit., p.201. 121 O. QUIRICO, op.cit.,p.140 . [37] On pourra donc pour essayer de repérer les droits fondamentaux de la communauté internationale, se référer au niveau des principes généraux, dans les normes cogentes, alors que, dans le cadre du droit international relatif, il faut voir si certaines règles ne se distinguent pas en raison de leur importance, notamment dans la Charte des Nations Unies. Le deuxième critère pour l'existence de la responsabilité pénale des Etats, est qu'il faut que la communauté internationale dans son ensemble reconnaisse, de façon expresse, cette responsabilité.122Cette assimilation s'inscrit dans une perspective pénaliste selon laquelle l'infraction pénale ne serait rien d'autre que la déclaration de ce qu'une société condamne et on y décèle l'idée fondamentale de globaliser les valeurs essentielles de la communauté internationale, à coté des valeurs économiques déjà globalisées. Ce principe est nettement affirmé à l'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats. Il est donc clair que pour qu'un comportement soit qualifié de criminel c'est-à-dire d'infractionnel, il doit violer les droits fondamentaux de la communauté internationale dans son ensemble, donc tous les Etats doivent être considérés comme des sujets passifs de l'action criminelle.123Le Projet sur la responsabilité des Etats de 1996 indique clairement, la conception du crime international comme violation d'une obligation erga omnes indivisible au sens absolu du terme.124Et cette conception est passée du texte de 1996 à celui de 2001 à son article 40§1 qui qualifie l'infraction étatique majeure comme violation d'une règle du jus cogens et l'article 48 qui porte sur l'invocation de la responsabilité au §6 aux termes duquel « tout Etat autre qu'un Etat lésé est en droit d'invoquer la responsabilité d'un autre Etat si... b) l'obligation est due à la communauté internationale dans son ensemble ». Cette approche du coté passif du crime international entraine le problème de la relation entre les règles secondaires du Projet sur la responsabilité des Etats et la forme des obligations créées par les normes primaires. En effet, une des questions les plus importante est celle qui se rapporte aux relations qu'entretiendraient la responsabilité criminelle de l'Etat-qui du reste relève des règles secondaires- et les obligations erga omnes et les règles du jus cogens, relevant des règles primaires. 122 GILBERT, G., « The criminal responsibility of States » in I.C.L.Q., 1990, p.350. 123 DELMAS-MARTY, M., « La difficile naissance du droit de demain », in Le monde, n°17669,Horizons-Débat vendredi 16 Novembre 2001,p. 16 124 O. QUIRICO, op.cit., p.141 [38] On sait généralement qu'une obligation erga omnes signifie, tout simplement, « obligation envers tous ». On considère, comme obligation erga omnes, la position dans laquelle un sujet est chargé d'un nombre des relations passives, ayant toutes le même contenu en terme d'action, égal au nombre des sujets qui composent un ordre juridique donné.125D ans le cas du crime international de l'Etat on devra arriver à analyser s'il s'agit bien d'une obligation erga omnes, alors que même celle-ci peut être divisible ou indivisible, absolue ou relative. Et éventuellement les relations du crime international avec la règle du jus cogens. Il convient ici de signaler qu'une obligation erga omnes indivisible et absolue constitue ce qu'on appelle la règle du jus cogens, elle lie un Etat à tous les autres Etats de la communauté internationale de façon conjointe, de sorte qu'elles sont indisponibles, les Etats ne peuvent pas leur déroger par accord. En cas de violation tous les Etats de la communauté internationale sont lésés et peuvent réagir, de façon conjointe ou disjointe. En effet la doctrine a toujours démonté que le crime international s'agissait bel et bien d'une obligation erga omnes qui serait indivisible et absolue c'est-à-dire d'une des règles du jus cognes tel qu'elle ressort de l'article 53 de la convention de Vienne sur le droit des traités de 1996.126La violation des règles du jus cogens entraine, logiquement, des conséquences tout aussi dérogatoires au droit commun de la responsabilité que celles qu'elle détermine dans le droit des traités ; la sanction pénale serait le pendant de la nullité dans l'ordre conventionnel, les sanctions spéciales étant justifiées par l'atteinte à un certain ordre public international.127 En l'absence d'une constitution, sur le modèle des droits internes, qui guide les codificateurs dans le choix des intérêts fondamentaux de la communauté internationale, et d'une organisation verticale de la société internationale, le jus cogens constituerait, comme sorte de loi « suprême » aux Etats, un principe de gradation dans le choix des intérêts susceptibles de la protection criminelle.128 Ainsi ; du moment que la C.D.I., dans l'élaboration du Projet sur la responsabilité approuvé, en deuxième lecture, en 2001, même sans mention du crime à l'article 40 prend en considération la violation grave par l'Etat d'une obligation découlant 125GAJA., G., « Obligations erga omnes, international crimes and jus cogens. A tentative Analysis of the related concepts », in J.H.H. WELLER, A. CASSESSE, M. SPINEDI, International crimes of State a critical analysis of I.L.C.'s Draft Article 19 on State Responsibility, E.J.IL., 2000, p.141. 126 KEARNEY, D., DALTON, R., « The treaty on treaties », in A.J.I.L.,1970, Vol.64, n°3, p.538. 127 PELLET, A., « Remarques sur une révolution inachevée, le projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats », in A.F.D.I., 1996, p.24. 128 O. QUIRICO, op.cit., p.153. [39] d'une norme impérative du droit international général et que donc, si la notion du crime disparait, son empreinte subsiste et que le Projet serait encore « hanté » par le « fantôme des crimes internationaux ».129 Toutefois bien que le crime international soit, comme le dit une partie de la doctrine, une des composantes des violations des règles du jus cogens c'est à dire touchant toute la communauté, il est difficile de penser qu'une telle reconnaissance vienne, du moins complètement, de l'ensemble de la communauté internationale par le biais de la pratique, donc de la coutume.130On sait, en effet, qu'il n'existe pas de crime, ni de sanction sans loi, car chaque conduite criminelle doit être expressément prévue comme telle par une règle écrite et certaine, d'autant plus que, dans le domaine pénal, on ne peut même pas faire recours à l'analogie pour définir l'infraction.131 La création de la responsabilité pénale demande la mise en place d'un ensemble d'éléments juridiques d'ordre matériel et procédural que seule la pratique ne peut réaliser bien qu'elle peut signaler l'exigence de distinguer différentes formes de la responsabilité ; et ceci doit être mise en oeuvre par les institutions spécialisées.132Ce n'est pas par hasard que l'étude de la catégorie des crimes internationaux a été confiée à la C.D.I. La tâche de la C.D.I., toutefois s'arrête au seuil de l'étude, car elle n'a pas le pouvoir de rendre effectives ses propositions. Malheureusement, on pourrait difficilement envisager de confier à l'Assemblée générale des N.U. la tache de définir les crimes internationaux par le biais de la résolution, car cet instrument n'a pas d'efficacité juridique positive. Pour s'imposer en tant que principe général du droit international, le crime étatique défini dans une résolution de l'A.G.N.U. devrait être soutenu et imposé, ensuite, par la pratique coutumière des Etats, autrement, il n'aurait aucune efficacité réelle.133La seule source qu'on peut sérieusement envisager pour donner force et efficacité à la responsabilité criminelle étatique est le traité.134Cette solution aura été celle proposée par la C.D.I. lors de la présentation du Projet d'articles dans sa version finale, en 2001, aux cinquante sixième commissions de l'A.G.N.U. On risque, alors, de ne pas atteindre la reconnaissance universelle de la responsabilité pénale des Etats éventuellement signataires du traité prévoyant un tel 129 O. QUIRICCO, op.cit., p.153 130 Idem, p.154. 131 Ibidem. 132 Ibidem. 133 JACOWIDES, A., « State Responsibility: Reflexions on the international law commission's Draft Articles » in Proc.A.S.I.L. , 2000, p.226. 134 Ibidem. [40] système.135 Il est donc possible que seulement une partie de la communauté, non pas toute la communauté, reconnaisse l'existence de la responsabilité criminelle. On pourrait, tout de même, parvenir à l'universalisation de la responsabilité pénale, par la simple extension, absolue, des règles conventionnelles, possible d'après une partie de la doctrine,136notamment au cas où un bon nombre ou la plupart des Etats deviendraient partie au traité instituant un système criminel. En outre les règles criminelles conventionnelles pourraient devenir partie intégrante du droit international général si un bon nombre d'Etats les adoptait comme guide de leur pratique coutumière.137 §1.2. La partie spéciale de responsabilité pénale étatique L'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996 dresse une liste des intérêts susceptibles d'être protégés par un régime du type pénal. Cet article énumère à son paragraphe 3, les intérêts visés par le régime aggravé, criminel, de la responsabilité.138 L'élaboration d'une partie spéciale a toujours était nécessaire. Aux yeux des codificateurs, pour délimiter la notion de crime international et ne pas laisser dans le vague comme dans le cas de la définition des normes impératives selon la convention de Vienne sur le droit des traités de 1969.139 Le paragraphe 3 désigne quatre séries d'infractions par ordre d'importance.140 La première série en tête de la liste de l'article 19 du Projet sur la responsabilité des Etats de 1996, inclut la « violation grave d'une obligation internationale d'importance essentielle pour le maintien de la paix et de la sécurité internationale, comme celle interdisant l'agression ». Il est important de rappeler que cette catégorie des crimes était réglée de façon autonome, au paragraphe 2 de l'article 18 de l'avant Projet de 1976 alors que les trois autres catégories étaient réglées au paragraphe 3, qui contenait les principes généraux définissant l'acte criminel. Une certaine doctrine pense par conséquent, à une classification tripartie des violations des obligations internationales : les délits, les crimes et les crimes par 135 JACOWIDES, A., op.cit., p.226. 136 P. DALLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème édition, L.G.D.J., p.205. 137 R. AGO, Cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, in Ann. C.D.I., 1972, Vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/264 et Add.1, p.56. 138 Ibidem. 139 R. AGO, op.cit., p.56 140 O. QUIRICO, op.cit., p.220. [41] excellence.141Une telle classification se serait inspirée des dispositions pertinentes de la Charte des N.U., notamment de l'article 1èr §1 du préambule. La C.D.I. voit dans le bien de la paix l'intérêt le plus important de la communauté internationale. Parmi les formes possibles d'infractions, l'article 19 prévoit à titre d'exemple le crime d'agression. L'agression a déjà fait l'objet de qualification par plusieurs instruments internationaux notamment le Projet de traité d'assistance mutuelle de 1923, le Protocole de Genève pour le règlement pacifique des différends internationaux du 2 Octobre 1924 dans son préambule. Récemment la Déclaration de Bruges de l'I.D.I., du 2 Septembre 2003, a réaffirmé que l'agression constitue un crime international.142Cependant il ya une imprécision terminologique qui découle en quelque sorte d'un déficit définitionnel du terme « agression ». D'après A. Cassesse, la « définition de l'agression implique la solution au problème de la légalité de la légitime défense préventive aux termes de la Charte des Nations Unies, sa définition trainerait pour cette raison depuis longtemps ». L'auteur remarque aussi « qu'une définition trop stricte pourrait pousser les Etats à profiter d'éventuelles défaillances pour justifier des conduites agressives ».143 Le premier principe de la Déclaration de l'A.G.N.U. 2625(××V) de 1970, sur les relations amicales, et l'article premier de la résolution de l'A.G.N.U. 3314(××I×) de 1974, concernant l'agression, la définissent comme l'emploi de la force armée, par un Etat, contre la souveraineté et l'intégrité territoriale d'un autre Etat.144 En raison de son extrême gravité, l'agression constitue le crime international de l'Etat par excellence. Pour QUIRICO « c'est à partir de la réflexion sur la guerre qu'est née l'idée de la responsabilité majeure des Etats ».145 L'agression est le seul crime auquel le droit international général accorde une sanction aggravée et des procédures spéciales par rapport aux autres infractions internationales. Nous avons au niveau conventionnel des mesures de réaction collective décidées par le C.d.s. Et le Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996 y renvoie expressis verbis, à l'article 39, prévoyant parmi les conséquences des infractions internationales, l'application des dispositions de la Charte des N.U. relative au maintien de la paix et de la sécurité. On peut remarquer que généralement le C.d.s. lorsqu'il 141 R. AGO, cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, op.cit., p.58. 142 I.D.I., Résolution concernant le recours à la force, Bruges, 2 Septembre 2003, in http:// www. Idi-iil.org/résolution/2003-bru-fr.pdf, p.1, consulté le 24 Mai 2013. 143 CASSESSE, A.,» The Statute of the I.C.C. : some preliminary reflexions», in E.J.I.L., 2000, p.147. 144 R. AGO, cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, op.cit., p.57. 145 O. QUIRICO, op.cit., p.165. [42] constate une rupture de la paix s'abstient d'employer généralement les expressions « agression » et « crime ». Mais on peut constater que son action est généralement couvert d'une odeur de la sanction pénale, ceci fut le cas dans le cas de l'agression du Koweït par l'Irak. Certains membres de la C.D.I. proposaient un rapprochement entre le crime d'agression et le crime de guerre parce que selon eux, il était impensable de pouvoir imaginer l'agression ou le crime de guerre sans implication étatique.146Soulignons au passage que la conception de la paix comme bien juridique, objet d'une conduite criminelle spécifique, est trop vague. La paix est l'absence de conflit et constitue l'expression du principe général en vertu duquel il faut respecter les droits des autres. Ainsi à la place de l'agression au litera a) du paragraphe 3 on aurait pu indiquer toute autre forme de conduite exemplaire en tant que violation de la paix, comme, par exemple, les crimes contre l'humanité, le vrai objet de l'agression, d'après la doctrine, « est constitué par le droit des Etats à l'existence et à l'autodétermination et, à la limite, par le droit des peuples à disposer d'eux mêmes, prévu à l'article 19§3b), tandis que tout crime étatique viole, in fine, la paix ».147 La deuxième série d'infraction prévue à l'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996 est la « violation grave d'une obligation internationale d'importance essentielle pour la sauvegarde du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, comme celle interdisant l'établissement ou le maintien par la force d'une domination coloniale ». Encore une fois on se réfère à l'article 1§2 de la Charte des N.U. Pour la C.D.I., cette infraction est assimilée à la gravité de la violation à la paix surtout en vertu de la résolution de l'A.G.N.U. 2625(××V) de 1970 sur les relations amicales entre Etats.148Une relation serait établie par l'article 1§2 de la Charte des N.U., entre les droits des peuples à disposer d'eux-mêmes et la consolidation de la paix dans le monde. Cette conception correspond à l'interprétation de l'Assemblée Générale des N.U., qui a très souvent qualifié la violation du droit à l'autodétermination des « violation de la paix et de la sécurité internationale », comme dans l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux et, même du C.d.s. qui, dans le sillage de l'interprétation de l'Assemblée , a souvent qualifié 146 C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, Ann. C.D.I., 1986, p.72, § 33. 147 O. QUIRICO, op.cit., p.166. 148 R. AGO, cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, op.cit., pp.38-39. [43] la violation en question de « menace contre la paix » comme dans le cas de la résolution 180 du 31 Juillet 1963 relative aux territoires africains administrés par le Portugal.149 Il faut dire que l'exemple du maintien par la force d'une domination coloniale nait de l'importance historique du phénomène de la décolonisation, confirmée par la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux peuples et aux pays coloniaux de l'Assemblée Générale des N.U. contenue dans la résolution 1514(×V) du 14 Décembre 1960, quoiqu'aujourd'hui le problème ait perdu de sa saveur.150 C'est un concept qui nait avec les théories des droits de l'homme qui établissent un certain nombre des droits dits « droit des collectivités » c'est-à-dire droit de la troisième génération. On remarquera que le crime de l'instauration par la force d'une domination coloniale trouvait jadis son pendant individuel dans le crime de colonialisme, visé à l'article 18 du Projet de code de crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité de 1991, mais il en fut retiré en 1996.151 Selon le Projet de1991, le colonialisme serait le fait de « tout individu qui, en qualité de représentant de l'Etat ou d'organisation, établit ou maintien par la force ou ordonne de maintenir la domination ou toute autre forme de domination étrangère en violation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes tel qu'il est consacré par la Charte des N.U. » Cependant, il faudra noter que suite à la disparition du phénomène du colonialisme dans la pratique internationale ainsi que d'un déficit définitionnel de ce qu'on attend par l'instauration par la force d'une domination coloniale, ce crime est entrain progressivement de s'effondrer, certains pensent, comme nous d'ailleurs, qu'il serait déjà exclu du domaine des crimes de droit international pénal.152D'ailleurs ce crime ne figure pas dans le Statut de la C.P.I. Toutefois, on ne devrait pas perdre de vue de la valeur, aussi théorique qu'elle puisse être, de la notion du crime de maintien par la force de la domination coloniale, parce que, jusque en présent rien ne nous garantie qu'une telle situation est totalement 149 A. BEAUDOUIN, « le maintien par la force d'une domination coloniale », in H. ASCENSIO, A. PELLET, E. DECAUX, op.cit., p.427. 150 Ibidem. 151 Idem, p.428. 152 O. QUIRRICO, op.cit., p.168. [44] inenvisageable en droit international et que donc, le droit international devrait toujours se réserver le droit de sanctionner dans l'hypothèse où cela arriverait. La troisième catégorie d'infraction étatique selon l'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996 est celle qui résulte de la « violation grave et à une large échelle d'une obligation internationale d'importance essentielle pour la sauvegarde de l'être humain, comme celles interdisant l'esclavage, le génocide, l'apartheid ». On se réfère à l'article 1§3 de la Charte des N.U., notamment en ce qui concerne les droits de l'homme et les libertés fondamentales. Cette norme rappelle également, comme la résolution de Lausanne de l'I.D.I. du 9 Aout 1947 ; qui confirme l'importance essentielle des droits de l'homme, fondement d'une éventuelle réforme de la communauté internationale.153 Il faut noter qu'il ya une condition de gravité des atteintes pour que celles-ci soient considérées comme des crimes. Ces atteintes doivent, pour être qualifiés de crime, être à large échelle, systématique du point de vue de l'action, et massive, du point de vue des victimes lésées. Le caractère systématique de l'acte criminel, regarde, notamment, l'organisation de l'action, dans sa conception et exécution, touchant ainsi, l'aspect subjectif du projet politique partagé par l'organisation qui serait à la base du « crime ».154 Par ailleurs cet aspect systématique du crime contre les droits fondamentaux de la personne humaine fait du crime de l'Etat une figure correspondante au crime contre l'humanité des individus tel que prévu à l'article 7 du Statut de la C.P.I., aux termes duquel une action généralisée ou systématique est indispensable pour la réalisation de l'infraction. Une partie de la doctrine se serait efforcé de définir une théorie des droits de l'homme et de déterminer quels intérêts en constitueraient le contenu : la catégorie serait constituée, essentiellement, par le droit à la vie, à la dignité, à la paix, à l'autodétermination et à la démocratie.155Ainsi en raison de cette classification, on peut établir un lien entre cette classification avec les crimes internationaux mais aussi avec les trois générations de droits de l'homme. 153 Résolutions concernant les droits fondamentaux de l'homme, base d'une restauration du droit international, Rapporteur Ch. De Vissher, Lausanne, 9 Aout 1947, in http://www.idi-ill.org/idif/résolution/1947-Law-01-fr.pdf, p.2, consulté le 25 Mai 2013. 154 O. QUIRRICO, op.cit., p.169. 155 PASSCA, A., « Democrazia et diriti umani nell'era dell'interdipendeza globale », in pace, diritti dell'uomo, dirittidei popoli, 1991, p.19. [45] Par ailleurs, pour une meilleure classification pratique des droits de l'homme, on devra toujours faire référence aux instruments internationaux en vigueur dans la matière, notamment à la Déclaration universelle des droits de l'homme, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Et sur la base de la Déclaration Universelle des droits de l'homme, notamment, il est possible de concevoir les droits de l'homme, généraux et cogents, comme fondement de la communauté internationale.156 Finalement la proposition de responsabiliser les agissements étatiques contraires aux droits de l'homme va dans le sens de la reconnaissance d'un poids prédominant, dans le monde globalisé des droits du marché, aux droits fondamentaux de la personne, conformément à leur position au sommet de la hiérarchie des normes internationales.157 La quatrième et dernière catégorie de crimes prévue dans le Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996 est constituée par « la violation grave d'une obligation internationale essentielle pour la sauvegarde et la préservation de l'environnement humain, comme celle interdisant la pollution massive de l'atmosphère ou des mers ». Cette catégorie tente de protéger les intérêts environnementaux, par le biais d'une tutelle criminelle. Les raisons sont qu'évidemment les violations de ces règles qui mettent en danger les ressources naturelles, fondamentales pour la communauté toute entière, sont aujourd'hui beaucoup plus graves que jamais, surtout en raison des potentialités destructrices des progrès scientifiques et de la nécessité d'augmenter la production des biens de consommation par rapport à l'accroissement de la population mondiale.158 Il est important de noter que le Projet de la C.D.I. tente de donner écho au mouvement environnementaliste né à partir des années 1970, par la Déclaration de Stockholm et de Rio et assigne aux Etats un devoir général de protéger l'environnement. Que ca soit la Déclaration de Stockholm ou celle de Rio, toutes reconnaissent que les Etats doivent empêcher que les activités qui se déroulent dans leur juridiction endommagent l'environnement des autres Etats et les Zones en dehors de leur juridiction. 156 O. QUIRRICO, op.cit., p.170. 157 R. AGO, cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, op.cit.,p.56. 158 Idem, P.57. [46] Il est donc clair que les Etats ont bel et bien un devoir général de respecter l'environnement, conçu comme obligation internationale erga omnes indivisible.159 Comme exemple de conduite criminelle le Projet sur la responsabilité des Etats de 1996 se limite à indiquer la pollution massive des mers et de l'atmosphère, mais il est clair que la C.D.I. n'avait nullement l'idée de restreindre, comme pour les autres catégories de crimes d'ailleurs, la protection dont doit bénéficier l'environnement dans son ensemble. Par ailleurs, remarque la doctrine, que cette forme de crime ne correspond directement à aucun crime dans le domaine du droit international pénal individuel, que ce soit dans le Statut de la C.P.I. ou dans les textes des T.P.I., sauf dans quelques cas des crimes de guerre impliquant des dégâts pour l'environnement.160Et donc la pénalisation des violations d'intérêts environnementaux serait un crime par omission c'est-à-dire une responsabilité indirecte.161 Il est important de signaler, que pour les quatre catégories de crimes prévues au paragraphe §3 de l'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996, il faut remplir une condition de gravité ou d'importance, c'est-à-dire qu'ils doivent être d'une importance essentielle pour la sauvegarde des biens juridiques en question, donc on devra considérer seulement celles qui ont une importance primordiale pour la protection des intérêts en jeu dans chaque catégorie , non pas celle d'importance secondaire.162 Cependant quoique la formulation de l'article 19 ne fasse pas de distinctions de gravité entre les différentes catégories d'infractions, il faut présumer, comme il ressort des commentaires de la C.D.I., que les crimes doivent être classés par gravité décroissante , aussi bien en fonction de l'importance de l'obligation violée, qu'en fonction de la gravité de la conduite illicite. Non seulement, donc, on aurait une échelle de gravité de la première à la dernière catégorie, mais aussi à l'intérieur de chaque catégorie, du moins si les violations étaient définies avec précision.163 On notera cependant que plusieurs critiques auraient été adressées à la classification dressée par l'article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats. Une partie de la doctrine réclamait purement et simplement l'annulation d'une telle classification, qui selon elle n'était accompagné d'aucune précision, inhérent à un système 159 D. GOLDIE, A general view of international environnemental law. A survey of capabilities, trends and limits, in Hague colloquim, The Hague, 1973, p.65. 160 O. QUIRRICO, op.cit, p.172. 161 Ibidem. 162 Idem, p.173. 163163 R. AGO, cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, op.cit., p.58. [47] pénal.164Selon PELLET, « les exemples donnés en plus d'être imprécises sont aussi très génériques ».165De notre point de vue pareille considération n'est pas correcte du moment qu'on est d'accord qu'on est entrain d'envisager un régime de responsabilité pénale dans un droit d'essence intersubjective. Il faut remarquer que les quatre catégories de crimes définissent, pour employer une terminologie pénaliste, les biens juridiques dignes de la tutelle criminelle, alors qu'il reste à définir et classer les infractions dans le détail. La technique adoptée consiste, selon QUIRICO, « à définir les domaines dans lesquels le droit international impose aux Etats des obligations qui remplissent les conditions pour que leur violation puisse être considérée comme un crime international, ensuite on cite un ou plusieurs exemples concrets d'obligations existantes, dans les domaines en question, qui interdissent des agissements considérés comme des crimes internationaux typiques et cela sans avoir la prétention d'ésquisser un code pénal international »166. L'emploi du mot « notamment » par rapport aux biens juridiques, en effet, a plusieurs significations et dépose en ce sens. Tout d'abord, on doit penser que les crimes internationaux sont réalisés spécifiquement par les infractions ensuite classé comme crime ne constituant pas un nombre fermé, mais un domaine susceptible de se rétrécir ou de s'élargir167. Selon QUIRICO, celle-là est l'interprétation la plus correcte du terme « notamment » et ne pas comme « à titre d'exemple ». Une telle lecture laisserait entendre que le paragraphe 3 a été à peine esquissé au niveau des biens juridiques, sans parvenir à une élaboration complète, alors qu'il est le résultat d'une longue étude et d'une discussion approfondie au sein de la C.D.I. Ensuite, il serait dangereux, voire totalement déplacé de procéder de manière exemplaire dans une manière analytique telle que celle de la responsabilité pénale, même si l'on entend qu'il s'agit « seulement d'une responsabilité majeure, ou moins au niveau de la définition des biens juridiques susceptibles de tutelle. Il faut donc reconnaître que les dispositions de l'article 19 paragraphe 3 appartiennent à la partie spéciale d'un système général du droit international pénal alors que les paragraphes 1, 2 et 4 relèvent de la théorie générale168. Il s'agit seulement et il faut le reconnaître d'un premier effort, pas totalement accompli du point de vue des figures typiques criminelles. Il est hors de question que le paragraphe 3 soit très approximatif dans la 164PELLET, A.,« Remarques sur une révolution inachevée, loc.cit.,p.21. 165 PELLET, A. ,»Can a State commit a crime? Definitely ye!», loc.cit., p.430. 166 O. QUIRRICO, Op. Cit., p.179. 167 Idem, P.180. 168 Ibidem. [48] définition de chaque crime, mais cela est excusable et même naturel, puisqu'il s'agit d'une étape primitive d'une matière en pleine évolution. Pour accomplir un régime effectif de la responsabilité internationale pénale, il faudrait un corps d'actions illicites détaillés et rigoureux. Cependant, il serait totalement inutile de créer une partie spéciale très bien définie avant d'avoir vérifié la possibilité et la nécessité de fonder un système accompli. Le paragraphe 3 aurait donc pour but, dans l'accomplissement du système, une exemplification intentionnellement sommaire, afin de tester les opinions de la doctrine sur la matière et d'ouvrir les perspectives pour un travail futur169. Selon AGO, « si la commission entend poser les fondements d'un code pénal international applicable à la conduite des Etats, il importe que les crimes internationaux ne soient pas définis par des dispositions susceptibles d'être étendus à volonté, compte tenu de la nature de l'entreprise, il faut au contraire déterminer de façon très précise les faits internationalement illicites qui peuvent actuellement être qualifiés de crimes internationaux »170. Par conséquent, la position du paragraphe 3 est correcte, car les normes spéciales du droit international pénal devraient trouver leur place dans un corps normatif cohérent. D'après toujours Ago, « la commission n'en est qu'à poser des fondements d'un code pénal international (...) s' il n'est pas possible de donner réellement des définitions aussi précises qu'en droit interne, il faut du moins définir au maximum les obligations dont la violation constitue un crime international ». D'autres critiques ont trait, selon certains auteurs, que le texte du paragraphe 3 de l'article 19 du projet de la CDI sur la responsabilité des Etats de 1996 ferait référence aux droits spécifiques contenus dans des règles primaires, qui n'auraient rien à voir avec la responsabilité pour fait illicite171. Les normes primaires, en général des obligations, créent implicitement la responsabilité des Etats pour la violation : la responsabilité est déjà contenue dans la position de l'obligation à la charge d'un sujet, autrement il n'y aurait pas obligation. Les normes secondaires détaillent les violations des obligations créées par les normes primaires et déterminent les conséquences qui en découlent de façon explicite. On constatera qu'il existe un lien très étroit entre les règles primaires et les règles secondaires et que dans la pratique, il est très difficile de les différencier172. Les normes secondaires du Projet sur la responsabilité des Etats, notamment tendent à mettre de l'ordre dans la matière des règles 169 O. QUIRICCO, op.cit., p.180. 170 C.D.I., Rapport sur les travaux de la vingt-huitième session, in Ann. CDI, Vol II, 1ère partie, 1976, p.111. 171 Idem,P.112 . 172 DUPUY, P., Attribution issue in state Responsabilty.commentary, in Prol, A.SI.L, 1990, p.72. [49] primaires, par sa nature non organique et asymétrique, afin de créer la théorie générale qui puisse constituer le Pendant des normes primaires173. Lorsqu'il s'avère nécessaire, le projet s'occupe aussi des conduites typiques particulières, ce qui pourrait amener non seulement à une synthèse, mais aussi à des modifications substantielles du système juridique primaire en place. La mise en place d'un ordre du droit international pénal qui responsabilise les Etats impose la définition des limites du système. Ces limites doivent être abordées, comme en droit pénal interne, du point de vue de la théorie générale de la responsabilité que du point de vue de la partie spéciale définissant les faits typiques incriminés. L'article 19 du projet de la CDI sur la responsabilité des Etats adopté par la CDI en première lecture, en 1996, intégré par l'article 40 du projet esquisse les limites de ce système tant du côté des principes fondamentaux que du côté des figures spécifiques criminelles de la responsabilité pénale étatique. Ainsi, aussi timides que puissent constituer les avancées faites par l'article 19 dans l'établissement d'une solidarité internationale et quoiqu'ayant été l'objet de virulentes critiques, il est clair que l'article 19 jette les bases d'un système de la responsabilité très cruciale pour la survie même de la société internationale. Reste cependant la question d'une éventuelle procédure et de la sanction. §2. La procédure et la sanction sont collectives mais décentralisées La commission d'un fait infractionnel engendre une procédure pénale de jugement et, en cas d'avis positif sur la responsabilité, une sanction et une procédure d'exécution. Dans le droit interne classique, l'acte illicite est traduit en justice par le biais d'un procès entamé et poursuivi par un organe qui prend la défense de la victime au nom de l'ensemble de la communauté lésée, notamment le procureur dans le modèle de Common Law, le magistrat d'instruction dans le modèle de civil Law. En cas d'une condamnation, la sanction principale est privative de la liberté personnelle ou constitue dans le payement d'une amande en faveur de la communauté et la procédure d'exécution consiste dans l'emprisonnement du sujet condamné ainsi que dans la récupération de l'amande due174. 173 DUPUY, P., loc.cit., p.73. 174 N. MWENE SONGA, Droit pénal Zaïrois, Kin, Editions Droit et Société «DES», 1989, p.293-5. [50] Il est donc extrêmement capital, bien que périlleux, de tenter d'éclairer la lanterne sur ce que prévoit le droit international général en ce qui concerne la procédure de jugement et la sanction ainsi que l'exécution de ce jugement. Cette analyse nous permet de remplir, de façon complète, la condition objective de la responsabilité pénale étatique. Cette analyse, nous la développons en considérant la pratique coutumière des relations internationales autant que le système défini par le projet de la CDI sur la responsabilité des Etats, qui, d'ailleurs s'inspirent des principes généraux tout en essayant de les rationnaliser. §2.1. L'absence de la verticalité et la collectivisation de la procédure Il est clair que le mécanisme de règlement des différends, envisagé dans la deuxième et troisième partie du projet sur la responsabilité des Etats de 1996 sous l'impulsion du quatrième rapporteur spécial, W. RIPHAGEN, s'inspirait largement de la pratique générale du droit international, mais on notera cependant qu'il propose quelques éléments nouveaux très capitaux, notamment en ce qui concerne la question de l'arbitrage. Le projet prévoit le recours à la négociation (article 54) et envisage la possibilité des bons offices et de la médiation comme première réponse au fait illicite international (article 55). L'article 47 §1 définit les contre mesures comme actions fonctionnelles à l'exécution des sanctions consacrées aux articles 41-46. Ainsi donc le projet de la CDI accueille, ainsi, le principe175 inadimplenti non est adimplindum typique de la pratique générale des relations internationales, de sorte que l'Etat assure une fonction du type judiciaire176. Une partie de la doctrine remarque que cette solution peut se révéler, en cas de crime de l'Etat, très chaotique, entrainant aux termes de l'article 40, §3, un jugement par tous les Etats de la communauté internationale177. Déjà dans le cinquième rapport de la C.D.I., W. RIPHAGEN, concernant les articles 5-16 de son projet, envisageait largement la réponse autonome de l'Etat lésé en 175 W. RIPHAGEN, Rapport préliminaire sur la responsabilité des Etats, doc. A/CN. 4/366 et Aold.in Ann.CDI, 1996, vol II., 2ème partie, p.82. 176YAHI, A., « La violation d'un traité, l'articulation du droit des traités et du droit de la responsabilité internationale », in P.B.P.L, 1993, p.438. 177 BOWETT, D. W.,» Crimes of States and the 1999 Report of the I.L.C. on State Responsibility», in E.T.I.C, 1998, Vol. 9, n1, .171. [51] contre-mesure, après l'épuisement des tentatives de règlement pacifique de différend178. En cas d'échec de la conciliation prévue aux articles 56-57 et annexe 1, les Etats gardent la possibilité de recourir à l'arbitrage, solution que l'Etat frappé d'une éventuelle contre-mesure peut saisir de façon unilatérale179. Pareille institution a été virulemment critiquée par le rapporteur CRAWFORD, selon lui, on laissait dangereusement la latitude à l'Etat victime de se faire justice et par conséquent d'être juge et partie. Il avait été prévu qu'en cas de désaccord sur la sentence arbitrale, les Etats peuvent l'attaquer devant un autre tribunal, établi de commun accord, ou, en cas de sentence devant la C.I.J. (article 60 §1) qui peut confirmer ou infirmer, de façon totale ou partielle, la sentence arbitrale sur les questions non résolues par l'annulation de la C.I.J, les parties peuvent avoir recours de nouveau à l'arbitrage (article 60 §2)180. Les procédures onusiennes sont prévues de façon exceptionnelle à l'article 39 du projet de la CDI. C'est le cas notamment de l'action de C.d.s. réglée au chapitre VII de la charte de l'ONU181. Non obstat toutes les critiques qui ont été adressées à cette partie du projet, elle contient néanmoins des intéressantes propositions. Malheureusement, elles n'ont pas été suivies par la C.D.I. et notamment par son dernier rapporteur J. CRAWFORD. Le projet adopté en 2001 se limite à régler la seule action étatique en contre-mesure comme réaction aux faits internationalement illicites que les Etats de la communauté internationale peuvent porter un jugement sur la responsabilité de l'Etat auteur de la violation, en vertu de l'article 42 b) aux termes duquel, « un Etat en droit en tant qu'Etat lésé d'invoquer la responsabilité d'un autre Etat si l'obligation violée est due (...) à la communauté internationale dans son ensemble » et finalement, en vertu de l'article 54. Toutefois, la possibilité du recours aux moyens des réglementations des différends par tierce partie est complétée, de façon générique, à l'article 52 §3b), prévoyant que le recours aux instances habilites à rendre des décisions obligatoires empêche ou suspend l'adoption des contre-mesures. Il faut souligner qu'en droit international général, la procédure est du type horizontal, confiée, principalement aux Etats, par le biais des contre-mesures ou de 178 W. RIPHAGEN, Cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, doc, A/CN.4/380 in Ann. C.P.I, 1984, vol II. 1ère partie, p.14. 179 CRWAWFORD, J., »The Re-reading the Draft Articles on State Responsibility» , loc.cit., p.229. 180Idem, p.230. 181 G. ARONGIO. RUIZ, Cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, Add. 1. P.6. [52] l'acceptation volontaire de la juridiction par tierce partie tant dans le projet de 1996 que dans celui de 2001. Pour les violations graves du jus cogens (crime) le jugement est d'ordre collectif, mais décentralisé. C'est-à-dire tous les Etats sont autorisés à porter un jugement sur l'Etat responsable (article 40 §3, 47 §1 et 53 du projet du 1999), (48 §1/b) et 54 du projet de 2001). Cette absence de verticalité de la procédure engendre une organisation anarchique. Elle est le maillon faible de l'approche pénal des catégories des crimes étatiques, la seule exception étant constituée par le déclenchement de l'action du C.d.s. dans le système onusien, tout de même relatif. Une certaine doctrine voit dans cette absence de verticalité de la procédure, l'inexistence d'un régime de responsabilité du droit pénal dans le projet de la CDI. La France par exemple a soutenu en ce qui concerne la responsabilité pénale des personnes morales que, le code pénal français institue certes la responsabilité pénale des personnes morales, mais en exclut l'Etat. En effet, ce dernier, seul titulaire du droit de punir, ne saurait se punir lui-même. On voit mal qui, dans une société de plus de 18O Etats souverains, détenteurs du droit de punir, pourrait sanctionner sévèrement les détenteurs de la souveraineté182.Ce raisonnement est tout à fait correct, toutefois, en le suivant jusqu'au bout, on ne pourrait même pas affirmer de l'existence d'une responsabilité quelle qu'elle soit en droit international. Cependant, une référence juridictionnelle civile dans le domaine international peut être repérée dans la C.I.J. Il est question de s'entendre : ou l'on utilise les catégories générales du droit interne, et, plus précisément celle de la responsabilité, pour mieux comprendre les enjeux à résoudre et chercher des solutions dans le domaine du droit international, en perspective de jure condendo, ou bien l'on renonce à l'utilisation de ces catégories183. En général, les catégories de droits internes, civils ou pénales, ne peuvent pas être transplantées, à l'identique, en droit international, mais on peut en tirer des indications d'ordre général. La solution meilleure consiste à utiliser ces catégories de référence, tout en tenant compte des spécificités de la matière internationale. Pour Dominicé, « les analogies entre les droits internes et le droit international permettent mieux de comprendre les 182 MAREK, K.,»Criminalizing State Responsibility», in R.B.D.I, 1978-1979, P.461. 183 C.LEBEN, Les sanctions privatives de droit ou de qualité dans les organisations internationales spécialisées, Bruxelles, Bruylant, 1979, p.43. 184 DOMINICE, C.,»The international Responsability of States for Branches of multilateral obligations», in R.S.D.I.E, p.358. 185 KELSEN, H., « La confrontation du droit international en droit interne », in R.G.D.P.,1936,p.55. 186 J.A. CARRILLO SALCEDO, El derecho international en un mundo en cambio, Madrid, Techos, 1985, p.162. 187 C.D.I., Rapport à l'A.G sur les travaux de sa cinquante-troisième session, op.cit., p.313. 188 O. QUIRRICO, op. cit., P.185. [53] différences entre les deux domaines ».184 Il serait donc difficile de dissocier totalement le système interne et international, ces deux sont totalement liés surtout dans une vision moniste admettant la primauté de l'ordre international185. On rappellera que la procédure du jugement des crimes dans le projet sur la responsabilité des Etats est caractérisée par l'absence de la verticalité, exception faite pour les Etats membres des N-U, soumis à l'autorité du C.d.s., aux mesures que ce dernier peut prendre. Il faut rappeler toutefois que le Projet n'est pas définitif et reste donc susceptible de modification186. Ce qui pousse SALLEDO à considérer que la formulation de la catégorie des crimes internationaux devrait naturellement amener à l'introduction des mécanismes institutionnels qui établissent, grâce à des critères juridiques, quand un crime international existe et quelle sanction faut-il appliquer, comme réaction de la collectivité dans son ensemble187. Finalement, le fait que le projet ne contemple pas une action judiciaire criminelle supérieure, ex officio peut être justifiée par l'absence même d'une autorité supérieure. C'est aux Etats capables de conduire cette action en droit international général : la solution serait obligée et sans alternative réelle à moins que la C.D.I. ne veuille faire oeuvre d'innovation. Prétendre que la C.D.I. mette en place un procès avec des caractéristiques pénales serait probablement trop au stade évolutif du Projet lorsqu'on discute encore la possibilité et la nécessité de mettre en place un régime de la responsabilité pénale collective188. Tout Etat pouvant juger l'existence d'une infraction majeure, la porte est ouverte à une dangereuse gestion anarchique des relations internationales majeures. Il serait indispensable, pour éviter les dérivés d'un jugement anarchique, que l'existence d'un crime ou d'une violation majeure soit obligatoirement et dès le début, apprécié objectivement par un [54] tiers impartial au terme d'un procès conforme à la nature de l'infraction en question189. Mais c'est là, une oeuvre de longue haleine. §.2.2. La sanction pénale contre l'Etat existe effectivement En analysant les conséquences des crimes prévues à l'article 19 du projet de la C.D.I sur la responsabilité des Etats de 1996, on s'aperçoit que la C.D.I tente de mettre en place un cadre juridique cohérent prévoyant des sanctions qui s'appliquent à toutes les conduites illégitimes. Selon l'ancien rapporteur spécial de la C.D.I, Mr. AGO, le droit international connait et connait depuis toujours des peines et par conséquent des formes de responsabilité pénale (situation d'un sujet se voyant confronté à la faculté d'un autre sujet de lui appliquer une peine ou d'exiger de lui une prestation à titre punitif.190 On mentionne généralement en doctrine pour renforcer la thèse d'AGO, à ce sujet les représailles (aujourd'hui appelées des contre-mesures) certaines sanctions adoptées par des organisations internationales ainsi que certaines obligations mises à charge de l'Etat auteur du fait illicite191. Or, d'après M. SPINEDI, la thèse d'après laquelle les contre-mesures et certaines obligations pécuniaires à charge de l'Etat seraient à considérer, et la situation de l'Etat auquel elles sont appliquées comme une forme de responsabilité pénale, scandalise beaucoup ; la notion de peine et celle de responsabilité pénale sont, pour elle, indissociables192. De l'avis de R. AGO, par contre « le fait que le droit international ne connaisse pas d'autorité supérieure aux Etats n'est pas un obstacle à ce qu'on parle des peines. La notion de peine, et par conséquent celle de responsabilité pénale ne seraient point liées à l'existence d'une autorité judiciaire ou d'une autorité supérieure, mais a la nature afflictive et répressive de la sanction pénale par rapport à la nature préparatoire d'autres conséquences du fait illicite »193. Selon lui, « toujours en droit interne aussi la responsabilité pénale ne se distinguerait pas de la responsabilité civile principalement par le fait que la première donnerait naissance à un rapport entre le sujet coupable et l'Etat, alors que la seconde se traduirait uniquement dans un rapport entre l'auteur de l'illicite et le sujet lésé ». La différence résiderait dans la nature des conséquences reliées à l'illicite, conséquences qui seraient de nature exclusivement réparatoire et exécutive dans la responsabilité civile, alors qu'elles auraient un caractère répressif dans la responsabilité pénale. Il admet que dans les ordres étatiques modernes, l'application de la peine est, en règle générale, réservée à l'Etat, 189 O. QUIRICCO, op.cit., p.186. 190 R.AGO, cinquième rapport sur la responsabilité des Etats, op. cit, p.58. 191LAUTERPACHT, H., « Règles générales du droit de la paria » in R.C.A.D.I., 1973-IV. Pp 3495. 192 M. SPINEDI, op. cit., p.93 193 AGO, R., « Le délitt international » , loc.cit., p.497. [55] mais dans les ordres juridiques du passé, la peine appliquée par les particuliers était normale194. Le contraste entre la thèse de ceux qui, comme AGO, admettent la responsabilité pénale et celle de ceux qui ne l'admettent pas est donc un contraste qui porte foncièrement sur les notions de peine dans la théorie générale du droit. Et donc pour sortir de cette impense il faut élaborer une sorte de théorie générale de la peine. Le point de départ est représenté par ce que les ordres juridiques désignent par le terme « peine ». M. SPINEDI constate que la signification accordée au terme peine varie dans le temps et dans l'espace. Le terme « poena » d'où découle le mot peine et responsabilité pénale, désigneraient dans le droit romain archaïque la somme versée par l'auteur de certains faits illicites au sujet lésé pour se soustraire à la vindicta de celui-ci : c'était le résultat d'un accord entre l'auteur du fait illicite et le lésé. Par la suite, l'ordre juridique imposa au coupable et à sa victime de s'accorder sur le versement de la peine. Le sujet lésé ne pouvait plus recourir à la vindicta, il pouvait seulement exiger du coupable la poena195. C'est à ce moment que se produit l'évolution fondamentale de la notion : la poena désigne une obligation pécuniaire mise à la charge de l'auteur de certains faits illicites et que doit être versée au sujet lésé. Les actions poenales dans le droit romain de l'époque classique étaient des actions ex delicto prévues par le jus civilis ouvertes au sujet lésé pour obtenir du coupable le versement de la poena196. On constate donc que le sens attribué à l'origine au terme « peine » était donc différent de celui qui lui est attribué dans les ordres juridiques modernes. Et même si l'on s'en tient aux ordres juridiques du présent, on constate que la notion de peine est plus large dans certains ordres que dans d'autres. Il n'est pas donc aisé, et peut être est-il impossible, d'élaborer une notion de peine qui soit à même d'inclure toutes les mesures qui ont reçu ce nom dans divers ordres juridiques. Ce que l'on peut faire, c'est élaborer une notion de peine qui s'inspire de ce que l'on entend par peine dans la plupart des ordres juridiques et qui soit applicable à l'analyse de tout ordre, y compris d'un ordre juridique qui n'emploie pas ce terme ou l'emploie dans un sens différent. C'est d'ailleurs ainsi qu'on procède normalement quand on élabore une notion de théorie générale du droit. 194 R. AGO, 3ème rapport sur la responsabilité des Etats, op.cit., pp.479. 195 Idem, pp.218-220. 196 M. SPINEDI, op.cit., p.104. [56] Il en découle que soutenir que la peine est une mesure afflictive imposée par une autorité supérieure (ou par l'autorité judiciaire), c'est affirmer que les contres mesures et les autres conséquences juridiques du fait internationalement illicite prévus dans le projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats ne sont pas des peines, le droit international ne connaissant pas d'autorité supérieure aux Etats et ne connaissant pas, en ce qui est du droit international général, d'autorité judiciaire. Mais, comme le souligne SPINEDI, il faut être conscient qu'en adoptant une telle notion de peine on exclut de son champ d'application des mesures comme le talion et les obligations pécuniaires punitives au profit du sujet lésé qui ont été prévus comme conséquences du fait illicite par de nombreux ordres juridiques étatiques du présent et qui souvent y sont dénommés peines197. Que l'on pense aux « exemplary (ou punitive ou vindictive) damages » de la Common Law, on nomme ainsi la somme d'argent que l'auteur du fait illicite est tenu de verser au sujet lésé en plus de « damages » ordinaires, au cas où il aurait aggravé son préjudice198. D'après la doctrine, il y a là une peine privée. Il ressort de ce qui précède que tant l'emploi d'une notion restreinte comme celui d'une notion large de la peine sont légitimes, naturellement à condition d'en préciser les limites et de l'appliquer avec cohérence. Cela ne veut pas dire que les deux définitions se valent. Dans le cadre de cette analyse, il convient d'analyser les conséquences d'un fait illicite international prévues dans le Projet de la C.D.I. en essayant de les grouper ou de rapprocher avec une sorte de ce qu'il convient d'appeler« théorie générale de la peine » en droit international. K. MAREK, l'un des auteurs qui ont critiqué avec le plus de sévérité la notion de crimes internationaux, souligne que « l'existence d'une responsabilité pénale est conditionnée par l'existence d'un pouvoir central »199. Cette même critique a été reprise maintes fois par la doctrine et par les Etats qui s'opposaient à la notion des crimes internationaux. Or, on constate que faire des caractéristiques indiquées par K. MAREK de l'existence de la responsabilité pénale, c'est non seulement comme on l'a dit, utiliser une notion de responsabilité qui se fonde exclusivement sur l'examen des ordres juridiques étatiques modernes (avec les avantages, mais aussi avec les limites qu'on a dit), c'est aussi 197 F.D. Busnelle, G. Scatti, le pene private, éd.,Milano, Milano1985, p.37.cité par O. QUIRICCO, op. cit., p.122. 198 P.S. James, Général Principes of the law of Torts, honolan, 1959, p.321, cite par M. SPINEDI, op. cit., p.106. 199 MAREK, K., loc. cit, p.463. [57] faire une affirmation que si l'on veut être cohérent, entraîne la conséquence qu'en droit international, on ne pourrait pas parler de responsabilité, quelle soit pénale, civile ou autre. Dans les ordres étatiques modernes, en effet, le monopole étatique de la juridiction et de l'exécution existe non seulement en matière de responsabilité pénale, mais aussi en matière de responsabilité civile ou autre sauf dans des cas limités, où il y a la possibilité de résoudre par voie d'arbitrage un différend ayant trait à la responsabilité civile et même dans ce cas si les parties ne s'accordent pas pour suivre cette voie, la partie qui s'estime lésée a toujours la possibilité de soumettre le différend aux organes de la juridiction étatique. La coercition est elle le monopole de l'Etat, qu'il s'agisse d'amener en prison un individu (responsabilité pénale) ou de procéder à une exécution forcée (responsabilité civile)200. Pour CHARLES LEBEN pour qu'il ait sanction (notion inclusive pour lui de l'obligation de réparer) il faut qu'il y ait « la détermination à priori ou à posteriori, par une autorité habilitée à cet effet et étrangère aux parties, de la légalité du recours qui y est opéré »201. Il parvient à la conclusion que le droit international général ne connait pas de sanctions, quelles soient pénales, civiles ou autres202. Une autre doctrine a affirmé en niant la thèse de l'existence d'une responsabilité pénale en droit international, que le contenu de toute conséquence du fait internationalement illicite serait en même temps punitif et compensatoire203. Les sanctions classiques prévues par le droit international général reprises et synthétisées par le projet sur la responsabilité des Etats en cas de fait illicite d'un Etat, consistant dans l'obligation de cesser la conduite illicite, de fournir l'assurance de non répétition de l'acte illicite, de réparer le dommage par le biais de la restitution et de l'indemnisation ainsi que de fournir satisfaction seraient soit de nature réparatoire ou satisfactoire selon le cas. La plupart des auteurs voient dans la satisfaction une forme de réparation pour le dommage moral, bien que certains soulignent qu'elle contient un élément pénal204. Pour d'autres par contre, la satisfaction est plus proche de la peine que de la réparation205. 200 M. SPINEDI, op.cit., p.107. 201 C. LEBEN, op.cit., p.43. 202 Idem, P.69. 203 DUPUY, P-M « Observations sur la pratique récente des sanctions de l'illicite », R.G.D.I.P, 1983, p.230. 204 M. SPINEDI, Op. Cit, p110. 205P.A. BISSONNETTE, la satisfaction comme mode de réparation en droit international, Annemasse, 1925, p.27. [58] Or, sur base de la notion de peine ici proposée, rien n'empêche de qualifier de peine une obligation à la charge de l'auteur du fait illicite, mais il est exclu que l'on puisse parler de peine en raison du seul fait qu'on est en présence d'une mesure qui présente un caractère afflictif pour l'auteur du fait illicite, car il s'agit d'un caractère qui est également propre aux sanctions exécutives (réparatoire). Si à travers les différentes formes de satisfaction (par exemple la présentation des excuses, la punition des coupables, le versement d'une somme symbolique d'argent, etc.) on a pour but de remettre l'Etat qui a subi le dommage moral dans une situation équivalente à celle où il se trouvait avant le fait illicite, autrement dit si l'on se préoccupe de procurer à l'Etat lésé un avantage propre à compenser le dommage moral qu'il a subi, on est en présence d'une sanction réparatoire. Si, par contre à travers la satisfaction on se préoccupe exclusivement d'affliger à l'Etat coupable et on se désintéresse du dommage subi par le sujet lésé, on pourra parler de peine206. Il faut indiquer que l'une des formes de satisfaction mentionnées à l'article 45 du projet sur la responsabilité des Etats de 1996, à savoir les dommage-intérêts proportionnés à la gravité de l'atteinte portée aux droits de l'Etat, parait répondre aux caractéristiques de la peine. Une doctrine rapproche cette forme de satisfaction aux « punitive dommages », dont la nature de peine parait indéniable207. Il faudrait aussi classifier parmi les peines les assurances et les garanties de non répétition auxquelles est tenu l'Etat auteur du fait illicite aux termes de l'article 46 du Projet de 1996. Ces mesures en effet n'ont pas pour but de remettre l'Etat lésé dans la situation où il se trouvait avant que le fait illicite n'ait été commis. Il s'agit des mesures afflictives dont le but principal est la prévention des violations futures. Le même critère de distinction peut être appliqué aux contre-mesures qui est la faculté attribuée au sujet lésé (ou éventuellement à d'autres sujets en cas de crime étatique) d'adopter un comportement non conforme à celui requis par une obligation envers l'Etat auteur du fait illicite. Les contre-mesures pouvant parfois avoir pour effet, de remettre le sujet lésé dans la situation où il se trouvait avant que le fait illicite n'ait eu lieu ou dans une situation équivalente. C'est ce qui se produit par exemple si, en réponse à un fait illicite lui ayant causé un dommage matériel, l'Etat lésé procède à la réquisition de biens de l'Etat auteur de l'illicite ayant une valeur correspondant à la perte qu'il a subie. Toutefois, nous pensons bien que, fréquemment, au moyen des contre-mesures, on afflige un mal au sujet auteur du 206 M. SPINEDI, op.cit., p.110. 207Ibidem. [59] fait illicite sans pour autant apporter un avantage au sujet lésé. C'est ce qui se produit par exemple si l'Etat lésé, en réponse à un fait illicite ou de nature analogue, interdit aux navires de l'Etat auteur du fait illicite le passage inoffensif dans ses eaux territoriales. Dans cette hypothèse, ces mesures devraient être classées d'après la terminologie qu'on accueille parmi les peines208. Contre l'inclusion des contre-mesures parmi les peines, de nombreux auteurs ont fait valoir que le but des contre mesures serait uniquement celui d'amener l'auteur de la violation à cesser le fait illicite, au cas où il s'agirait d'un fait illicite continu et / ou à exécuter les obligations secondaires qui en découlent à savoir l'obligation de procéder à la restitution en nature, de payer les dommages-intérêts, etc. La question qui se pose est celle de savoir s'il ya des cas où un Etat lésé pourrait appliquer des contre-mesures tout en ayant obtenu la réparation ou tout en ne demandant pas de réparation. Nous ne pouvons pas prendre position à ce sujet mais en admettant que le recours aux contre-mesures ne soit licite qu'en tant que moyen pour amener l'auteur du fait illicite à cesser son comportement et à respecter les obligations secondaires qui en découlent. Il n'en resterait pas moins que, selon la notion accueillie, les contre-mesures seraient à insérer dans la catégorie des peines, car en soi elles infligent un mal à l'auteur du fait illicite sans pour autant remettre le sujet lésé dans la situation préexistante ou dans une situation équivalente. S'il n'en était pas ainsi, il faudrait dire que la définition prévue par les ordres juridiques étatiques n'est pas toujours une peine209. On a connu, en effet, des ordres juridiques étatiques qui ont rattaché à la violation d'obligation pécuniaire l'emprisonnement. Ces ordres admettaient que le débiteur pouvait sortir de prison dès qu'il payait la dette du créancier. L'emprisonnement était donc dans ce cas aussi un moyen pour amener le débiteur à payer. Doit-on conclure qu'il ne s'agissait pas d'une peine ? Il est clair que toutes les sanctions présentent un caractère réparatoire et afflictif à la fois. En droit interne, la sanction pénale a un contenu principalement punitif et en voie résiduelle, de réparation : elle intéresse toute la communauté avant l'individu lésé. La sanction civile a un contenu principalement de réparation et, en voie résiduelle punitive : elle intéresse le sujet lésé avant la communauté. Le caractère exécutif de la sanction est en conformité avec sa forme. L'exécution de la sanction civile se réalise par l'instance du sujet violé, titulaire de la prétention à la réparation. L'exécution de la sanction, aussi bien 208M. SPINEDI, op.cit., p.111. 209 Ibidem. [60] lorsqu'elle impose une omission, comme dans le cas de la privation de la liberté que lorsqu'elle impose une action comme dans les cas des peines pécuniaires. L'exécution reflète donc, la structure formelle de la sanction. On a, en effet, cette bipartition 1) Sanction civile intéressant le sujet actif individuel et le sujet passif individuel impliquant une exécution inter individuelle ; 2) Sanction pénale qui intéresse le sujet actif individuel et le sujet passif individuel impliquant une exécution collective. Dans la sanction des infractions étatiques, on peut déceler quelques aspects typiques de la peine et concernant le jugement et l'action exécutive on y trouvera quelques traits propres à la procédure pénale. La sanction des infractions majeures jouit d'une certaine autonomie systématique par rapport à la sanction des violations ordinaires. Cette autonomie se manifeste au sein du Projet de la C.D.I sur la responsabilité des Etats de 1996, dans la gravité supérieure de répression de crime (article 52 tandis que le projet de 2001 prévoit un régime de sanction uniforme pour les infractions majeures et ordinaires en cas de crime de l'Etat210. La forme de la sanction de ces infractions majeures est celle de l'obligation erga omnes absolue indivisible, car elle s'installe entre l'Etat responsable et tous les autres Etats de la communauté internationale. En clair le régime des sanctions et des contre-mesures des violations majeures étatiques du projet sur la responsabilité des Etats, synthèse des principes généraux du droit international, ne présente certainement pas toutes les caractéristiques des juridictions pénales modernes, puisqu'ils s'adaptent à la structure du droit international, essentiellement horizontale211. Cependant, la mise en place d'un régime différent renvoie à l'idée de la création de plusieurs degrés de la responsabilité : il existe donc une ouverture significative à la réalisation de iure condendo, d'un régime de la responsabilité pénale, mais on n'est qu'à la définition des rudiments d'un possible droit pénal inter étatique212. Par contre, actuellement, la possibilité de la réaction collective, surtout au niveau relatif, contre les infractions majeures, voire criminelles, des Etats, par le biais de la notion de jus cogens, n'étant centralisé, engendrerait le risque d'une dérive anarchique dans la communauté internationale. Finalement, concernant la responsabilité majeure étatique, ainsi que la procédure du jugement et la sanction, le projet sur la responsabilité des Etats croise la Charte 210 AGO, R., «delit international», loc.cit., P.475. 211 Ibidem. 212 J.PRADEL, Procédure pénale, 10ème éd. Paris, Cujas, 2000, p.1207 [61] des N-U et son système axé sur le C.d.s. en raison de la position privilégiée de ce texte au sein des sources relatives selon une correcte interprétation de la Charte les Etats membres des N-U ne peuvent réagir aux infractions majeures qu'en passant par le C.d.s. SECTION II. ARGUMENT SUBJECTIF DE LA RESPONSABILTE PENALE DE L'ETAT : L'Etat comme centre d'imputation pénale La condition objective n'achève pas, à elle seule, l'analyse du crime étatique. Un système pénal pour qu'il s'estime complet doit pouvoir non seulement régler les éléments matériels et procéduraux de la violation et de la sanction mais aussi et surtout les composantes subjectives213. Et cette gymnastique vaut pour tout système normatif de la responsabilité qu'il soit d'ordre civil, plutôt qu'administratif ou autre. Pour QUIRICO, on peut dire que l'étude de la conduite, même de la nature licite, implique nécessairement une composante subjective car toute action ou omission doit être attribuée à un sujet déterminé214. Dans le cadre des normes secondaires concernant la responsabilité, l'élément subjectif à la fonction de déterminer les conditions de l'imputation du comportement à l'individu en tant que le sujet imputable. En droit pénal classique, l'imputation se base sur les éléments mentaux ou la capacité de comprendre ou de vouloir de l'individu en tant sujet imputable. La question qui continue à se poser est celle des principes d'imputation à appliquer aux personnes morales. Le débat a toujours été de savoir si elles doivent être retenues coupables au même titre que les individus ou bien si son imputation devra maintenant s'analyser à l'aune de nouveaux repères, notamment celui de la responsabilité objective215. Pour ce qui est de l'infraction internationale étatique, l'élément subjectif constitue une partie essentielle, il offre la possibilité de faire des considérations déterminantes sur la possibilité et la façon de concevoir la responsabilité internationale pénale. Il faut souligner que cette analyse de l'imputation criminelle étatique se veut globalisante de tous les faits illicites internationaux, parce qu'en droit international général le mécanisme de l'imputation est valable pour toute sorte de conduite étatique, licite ou illicite216. 213 O. QUIRICO, Op.cit, p.215. 214 Idem, P.216. 215 J. PRADEL, Traité de droit pénal et de science criminelle comparée, 12ème, Paris, Cujas, 1999, P.503. 216 AGO, R., « Le délit international », loc.cit., p.16. [62] Nous nous référons spécifiquement à l'imputation pénale, lorsque cela s'avère nécessaire. Nous prenons en considération seulement les principes fondamentaux de l'imputation qui concernent les problèmes majeurs de notre analyse. Nous étudions les mécanismes d'imputation de la conduite au sujet imputable qu'est l'Etat (§1) ; ensuite nous analysons la question de culpabilité avec les problèmes de la mens rea applicable à des responsabilités majeures étatiques (§2). §1. Les mécanismes d'imputation de la conduite infractionnelle à l'Etat : le principe de l'individu organe Le point de départ de tout discours sur l'imputation internationale est le constat qu'on est en face d'un sujet de droit international dans le cas d'espèce, l'Etat doit pouvoir être considéré comme sujet actif de droit international. Avant d'envisager les mécanismes d'imputation de la conduite criminelle. §1.1. La reconnaissance de l'Etat comme sujet de droit international, condition indispensable de l'imputation Comme nous l'avons dit, le point de départ de tout raisonnement sur l'imputation internationale doit être fait du constat qu'on est en face d'un sujet de droit international, dans le cas d'espèce, l'Etat doit pouvoir être considéré comme sujet actif de la conduite illicite et par conséquent sujet passif de la sanction qui en découle217. La conception de l'Etat comme sujet coupable, à être destinataire de l'attribution de la conduite illicite internationale, est la prémisse indispensable de l'imputation, aussi bien pour délit que pour crime. Le Projet de la C.D.I sur la responsabilité des Etats se fonde sur ce postulat. Seul un sujet ayant la personnalité juridique internationale peut avoir des obligations découlant directement de l'ordre juridique international c'est-à-dire peut commettre un crime ou un délit. Etant donné qu'une infraction consiste sous le profil objectif, dans la violation d'une obligation internationale et que l'Etat est sujet de droit international, titulaire des droits et d'obligation, il pourra léser les devoirs dont il est titulaire en envers d'autres sujets de la communauté internationale218. Le fait que l'Etat soit une construction abstraite, c'est-à-dire une personne morale en tant qu'ensemble de sujets organisés dans un espace déterminé, ne s'oppose pas à l'imputation de la conduite criminelle, étant donné que la nature du sujet ne l'empêche pas d'être titulaire des droits et des devoirs auxquels il peut se conformer ou qu'il peut 217 O .QUIRICO, op.cit., p.216. 218 R. AGO, « le délit international », loc.cit., p186. [63] violer219.Toutefois, selon H. KELSEN, « si on attribue la conduite illicite à l'Etat, personne juridique, en tant qu'unité, on tomberait dans la contradiction selon laquelle l'Etat serait responsable et juge à la fois de ses actes »220. Cette façon de voir les choses est à défaut d'être fausse, dangereuse. Parce qu'on peut trouver en droit interne, que l'acte illicite commis par les organes phares d'un Etat soit jugé par les organes judiciaires de ce même Etat, comme dans le cas, par exemple, des infractions administratives. De surcroit la conduite illicite internationale de l'Etat n'est pas une question interne, mais elle constitue un problème qui touche aux relations externes de l'Etat même. Par conséquent, l'infraction commise par l'Etat ne sera pas jugée par ses juridictions, mais par les organes d'un autre ordre juridique dont fait partie l'Etat, c'est-à-dire la communauté internationale. Comme le reconnait, en effet, KELSEN même, « le fait d'un ordre juridique partiel, peut être imputé comme acte illicite à l'unité de cet ordre partiel par un ordre juridique total, d'où il s'en suit, nécessairement, que l'ordre étatique étant partiel par rapport à l'ordre international, peut être considéré comme titulaire d'une conduite illicite dans ce dernier et jugé selon les règles de celui-ci »221. §1.2. Le mécanisme d'imputation de la conduite criminelle de l'Etat L'imputation est un ensemble de règles sur base desquelles on rattache une conduite à un sujet donné d'un certain ordre juridique. Pour la personne physique, on emploie généralement le principe de la faculté de comprendre et de vouloir. Par contre pour les personnes morales, notamment l'Etat entité abstraite, encore faut-il établir quelles sont les règles qui permettent d'attribuer la conduite illicite à l'Etat. En un mot, on doit arriver à résoudre la question de savoir comment on rattache le fait illicite à la personne étatique. Le projet de la C.D.I sur la responsabilité des Etats, dans la version finale règle la question de l'imputation aux articles 4-11 alors que celui de 1996 la réglait aux articles 5-15. Toutefois, il sied de signaler que les principes fondamentaux sont bel et bien les mêmes222. Théoriquement, le comportement de tous les êtres humains, des sociétés commerciales ou collectivités liées à l'Etat par la nationalité ; le lieu de résidence habituelle ou le lieu de constitution peut être attribué à l'Etat qu'ils soient ou non liés aux pouvoirs publics. En droit international, ce principe est écarté, à la fois pour limiter la responsabilité à un comportement qui engage l'Etat en tant qu'organisation et pour tenir compte de l'autonomie des personnes 219 H. KELSEN, Allegeemeine Staatslchre, Berlin, Springer, 1924, p.62. 220 Ibidem. 221 Idem, P.142. 222 G.A.CHRISTENSION, »Attribution Issues in State Responsibility», in Proc. A.S.I.L., 1990, p.53. [64] qui agissent pour leur propre compte et non à l'instigation d'une entité publique223. La règle générale est donc que le seul comportement attribué à l'Etat sur le plan international est celui de ses organes de gouvernements ou d'autres entités qui ont agi sous la direction, a l'instigation ou sous le contrôle de ces organes, c'est-à-dire en qualité d'agents de l'Etat. Par voie de conséquence, le comportement des personnes privées n'est pas en tant que tel imputable à l'Etat. Cette règle a été établie par exemple dans l'affaire Tellini de 1923. Le conseil de sécurité des Nations Unies a soumis à un comité spécial des juristes, certaines questions soulevées par un incident opposant l'Italie à la Grèce. Au cours de ces travaux, le président et plusieurs membres d'une commission internationale chargée de déterminer la frontière gréco-albanaise furent associés en territoire grec. En réponse à la question V, le comité déclare que : « la responsabilité d'un Etat, pour crime politique commis sur une personne des étrangers sur son territoire, ne se trouve engagée que si cet Etat a négligé de prendre toutes les dispositions appropriées en vue de prévenir le crime et en vue de la poursuite, de l'arrestation et du jugement du criminel »224. L'imputation d'un comportement à l'Etat en tant que sujet du droit international repose sur des critères déterminés par ce droit et non sur la simple reconnaissance d'un lien de causalité factuel. En tant qu'opération normative, l'imputation doit être clairement distinguée de la qualification d'un comportement comme internationalement illicite. Elle a pour objet d'établir l'existence d'un fait de l'Etat aux fins de la responsabilité. Montrer qu'un comportement est imputable à l'Etat ne permet pas en soi de déterminer s'il est licite ou illicite, et les règles d'imputation ne doivent pas être formulées en des termes qui laisseraient entendre le contraire225. Mais les différentes règles d'imputation (attribution) énoncées dans le chapitre II ont un effet cumulatif, de cette manière qu'un Etat peut être responsable des effets de comportement d'entités privées s'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour prévenir ces effets. Par exemple, un Etat accréditaire n'est pas responsable à cette qualité, des faits des particuliers qui s'emparent d'une ambassade, mais il sera responsable s'il n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour protéger l'ambassade ou pour en reprendre le contrôle226. A cet 223 J CRAWFORD, op.cit., P.375. 224 SDN, Journal officiel, quatrième année, N°11 (novembre 1923), p.1349, cité par J. CRAWFORD, op. cit. , P.366. 225 SDN, Journal officiel, cinquième année, N°4 (novembre 1924), p.1349, cité par J. CRAWFORD, op. cit. , P.366. 226C.I.J., Aff. Des personnels diplomatiques et consulaires des Etats Unis à Téhéran ( Etas- Unies d'Amérique c. Téhéran), Recueil, 1980, p.3. [65] égard, il y a souvent, constate, monsieur CRAWFORD, un lien étroit entre le fondement de l'imputation et l'obligation dont la violation est alléguée même si ces deux éléments sont distincts du point de vue de l'analyse227. Par ailleurs la question de l'imputation d'un fait illicite à l'Etat aux fins de la responsabilité est à distinguer d'autres processus du droit international par lesquels certains organes sont autorisés à contracter des engagements au nom de l'Etat. Ainsi, le chef de l'Etat ou de gouvernement ou le ministre des affaires étrangères sont réputés être habilités pour représenter l'Etat sans avoir besoin de produire de pleins pouvoirs228. De telles règles n'ont rien avoir avec l'imputation aux fins de la responsabilité. En principe, la responsabilité de l'Etat est engagée par tout comportement incompatible avec ses obligations internationales, quel que soit le niveau de l'administration ou du gouvernement auquel ce comportement intervient et ce point a été souligné, s'agissant des Etats fédéraux229. Par ailleurs, ce principe ne vaut pas que pour les seuls Etats fédéraux, il vaudrait aussi pour les autres entités infra étatiques. Le droit interne et la pratique de chaque Etat joue un rôle décisif dans la détermination de ce qui constitue un organe de l'Etat. La structure de l'Etat et les fonctions de ces organes ne sont pas, en règle générale, régis par le droit international. Il appartient à chaque Etat de décider de la structure de son appareil administratif et des fonctions qui doivent être assumées par le pouvoir public. Mais s'il est vrai que l'Etat demeure libre de déterminer sa construction et ses fonctions internes selon ses lois et sa pratique, le droit international joue un rôle distinct. Par exemple le comportement de certaines institutions assumant les fonctions publiques et exerçant des prérogatives de puissance publique (comme la police) est attribuée à l'Etat même si, en droit interne elles sont imputées être autonomes et indépendantes du pouvoir exécutif230. De même, en droit international, le comportement d'organe de l'Etat qui outrepassent leur compétence peut être imputé à l'Etat, quelle que puisse être la position du droit interne à cet égard231. En somme, le chapitre II du projet final de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 2001 comprend huit articles qui énoncent les règles relatives à l'imputation d'un 227 J. CRAWFORD, op.cit., p366. 228 Art.7, 8, 46 et 47 de la convention de Vienne sur les droits de traités, N-U, Recueil des traités, vol. 1155. p.31. 229C.I.J., Aff. Le Grand (Allemagne. C. Etats Unis d'Amérique), mesures conservatoires, Recueil 1999, P.16 par 28. 230 J. CRAWFORD, op.cit., p.366. 231 Ibidem . [66] fait illicite à l'Etat en droit international. L'article 4 énonce la règle fondamentale du comportement de ses organes. L'article 5 traite du comportement d'entité, habilité à exercer des prérogatives de puissance publique de l'Etat, et l'article 6 du cas particulier dans lequel un organe d'un Etat est mise à la disposition d'un autre Etat et est habilité à exercer des prérogatives des puissances publiques et imputer à l'Etat même si l'organe ou la personne concernée a agi ultra petita ou contrairement à ses instructions. Les articles 7et 8 envisagent d'autres situations dans lesquelles un comportement qui n'est pas celui d'un organe de l'Etat ou sous la direction ou le contrôle d'un tel organe. L'article 9 vise un comportement impliquant l'exercice des prérogatives des puissances publiques en absence des autorités officielles. L'article 10 a trait à un cas particulier à savoir la responsabilité, dans certaines circonstances, en raison du comportement d'un mouvement insurrectionnel. L'article 11 traite du comportement qui n'est pas imputable à l'Etat en vertu d'un des articles qui précèdent mais que l'Etat fait néanmoins, sien expressément ou par sa conduite. Ces règles sont cumulatives mais elles sont également limitatives232. A l'absence d'une garantie spécifique qui relèverait de la lex spécialis233un Etat n'est pas responsable du comportement des personnes ou d'entité dans des circonstances qui ne sont pas couvertes par le présent paragraphe. Comme l'a confirmé le tribunal de réclamation Etats-Unis-Iran, « pour attribuer un fait à l'Etat, il est nécessaire d'identifier avec une certitude raisonnable les auteurs et leurs actions »234. §2. La nécessité d'un degré de culpabilité dans l'imputation du crime à l'Etat Une des questions vivement débattues en droit international est celle de savoir si l'imputation ou la conduite à l'Etat est subordonnée à l'existence d'un minimum degré de culpabilité. Pour répondre à cette question, on devait s'entendre sur le concept de culpabilité et son évolution sur la responsabilité des Etats. Et ensuite, essayer de démontrer les limites de la théorie de l'imputation l'objective en démontrant la place qu'occupe la mens rea, c'est-à-dire la culpabilité dans la théorie de l'imputation du crime à l'Etat. §2.1. Notion et évolution de la doctrine sur la question de la culpabilité de l'Etat On entend en général par culpabilité, l'attitude psychologique du sujet auteur d'une infraction même, constitué par la lésion d'un droit d'autrui235. Selon R.AGO, qui emploie le mot « faute » pour désigner ce que nous appelons « culpabilité » et le mot « faute 232 J. CRAWFORD, op.cit., p.376. 233 Ibidem . 234Ibidem. 235 AGO, R., » le delit international», loc.cit., p.537. [67] stricto sensu » pour désigner ce qui, dans notre texte , est la « faute » l'auteur précise aussi que « le moment logique où la culpabilité apparait est celui de commission de l'acte illicite, non pas celui de l'attribution des sanctions qui constituent un élément ultérieur conséquent à la culpabilité »236. La culpabilité peut se réaliser dans la forme du dol ou de la faute. Il y aura dol en cas de conscience et volonté de la violation, il y aura faute en cas d'absence de volonté et, éventuellement, de conscience, par négligence237.En ce qui concerne la responsabilité, il s'agit de savoir si l'imputation est subordonnée à l'existence du dol ou, au moins, de la faute, au cas où l'auteur de l'imputation serait l'Etat, personne morale, susceptible d'imputation. Le problème consiste précisément à comprendre si, entre le sujet actif, l'Etat, et l'élément objectif de l'infraction, il peut exister une relation psychologique dolosive ou fautive comme condition nécessaire pour l'imputation du fait illicite donc pour la réalisation complète de l'infraction internationale étatique. D'emblée une réponse positive n'est pas envisageable, donc un bref aperçu historique concernant la doctrine sur la question peut nous donner les premières indications. Selon l'approche traditionnelle esquissée par ALBERIC GENTILI fixée par GROTIUS et approuvée par des auteurs tels que ZOUCHE, PUFENDORF, WOLF, COCCINS, BURLAMAGUI et VATEL, la responsabilité internationale supposerait nécessairement la faute, comme le veulent les principes du droit romain dont le droit international s'inspire largement238. Ainsi l'Etat, identique avec ses organes suprêmes, ne pourrait être considéré responsable pour les infractions de ces subordonnées qu'en cas de complicité pour patientia ou receptus, en raison de l'approbation, explicite ou l'implicite, de la conduite illicite, cette conception s'est affirmée, notamment au cours du 19ème siècle dans les pays de tradition romaniste, comme l'Italie, la France, etc. et les pays hispano-américains et surtout, dans les pays anglo- saxons. Bon membres d'auteurs, tels que CALVO et BONFILS, l'ont partagé tout en développant des aspects spécifiques. En particulier, selon l'approche de PILIMORE et HALL, la culpabilité de l'Etat serait toujours présumée, sauf en cas de preuve contraire239. 236 AGO, R., « le delit international», loc.cit., P.538. 237 O. QUIRICO, op.cit., p232. 238 Idem, P.233. 239 Ibidem. [68] Le premier auteur à se détacher de la conception traditionnelle est TRIEPEL, qui distingue deux types de responsabilités internationales. La responsabilité fautive de l'Etat engendrerait l'obligation de repérer les dommages, alors qu'en vertu de la responsabilité objective il serait tenu à la satisfaction de l'Etat étranger offensé par l'action individuelle. Quoi que la séparation de deux types de responsabilité en raison de la culpabilité ne soit pas soutenue de façon convaincante, il faut signaler cette conception, car elle affirme l'existence d'une forme de responsabilité objective de l'Etat pour les actes des personnes physiques240. Au début du 20ème siècle, la théorie de l'imputation objective s'impose, notamment par la pensée d'ANZILOTTI. Selon cette conception, la responsabilité de l'Etat subsisterait à l'absence du dol et de la faute. En effet, les attitudes de la volonté ne serait que des faits psychologiques, propres seulement à des personnes physiques, non pas des personnes morales. D'ailleurs, au cas où l'acte individuel serait illicite sur le plan international, mais licite sur le plan interne, il n'y aurait ni dol ni faute, même de la part de la personne physique, donc la responsabilité sera de type objectif241. Bon nombre d'illustres auteurs suivent l'interprétation objective, c'est le cas de ROMANO, CAVAGLEERIE, DESCENDRIERE-FERRANDRIERE, il faudrait abandonner la relation psychologique entre l'Etat et l'infraction tant au niveau de l'imputation centrale, qui regarde l'infraction interne qu'au niveau de l'imputation périphérique, qui regarde l'imputation étatique internationale242. Il faut signaler qu'une grande majorité de la doctrine reste toutefois favorable à l'idée traditionnelle de la faute comme principe essentiel de l'imputation internationale. Ainsi, des auteurs tels que OPPENHEIM, F. VON LISZT, FAUCHILLE, HERSHEY, HEILBORN, HATSCHEK, etc. demeurent fidèles aux arguments de la culpabilité243. Il est cependant possible de trouver une approche qui fasse la synthèse de ces deux approches extrêmes. D'après BENJAMIN et BEXHAUM, le principe de la faute vaudrait pour la responsabilité des Etats en raison des conduites de ses organes, non pour les cas des actes des particuliers244. JESSE lui propose à nouveau la distinction de TRIEPEL. Selon laquelle l'infraction internationale engendrerait une double responsabilité : une responsabilité fautive concernant la réparation et une responsabilité objective concernant la satisfaction245. 240 O. QUIRICCO, op.cit., p.234. 241 D.ANZILOTTI, op.cit., p.505. 242 O. QUIRICO, op.cit., p.223. 243 Ibidem. 244 Ibidem. 245 Ibidem. [69] §2.2. Les limites de la théorie de l'imputation objective et la nécessité d'une mens rea subjective pour l'imputation du crime à l'Etat La théorie de l'imputation objective ne tolère aucune dose d'attitude psychologique de l'Etat criminel dans l'accomplissement de l'acte illicite. Dans cette perspective, seules les personnes physiques peuvent engager leur responsabilité du point de vue pénale même lorsqu'ils agissent en fonction de l'Etat, en raison du principe par lequel la responsabilité pénale ne peut exister qu'à titre de dol ou de faute246. Les grands tenants de la théorie de l'imputation objective sont sans doute ANZILOTTI et KELSEN. Et ils se fondent sur plusieurs données qu'il faut prendre en considération de façon critique pour pouvoir se faire une idée sur l'exhaustivité ou non du critère objectif dans la théorie de l'imputation surtout en ce qui concerne le crime international de l'Etat. Un premier constat concerne la forme de l'infraction sur le plan interne que sur le plan international. Il faut, en effet, considérer deux hypothèses différentes d'infractions internationales, celle de l'acte conforme au droit interne mais non conforme au droit international et celle non conforme au droit interne et au droit international247. Dans l'hypothèse de la conduite conforme au droit interne c'est-à-dire dans le cas du fonctionnaire agissant en conformité avec sa propre fonction, il n'existerait même pas de dol ou de faute de la personne psychique agissant en tant qu'organe, ce qui exclurait la possibilité de culpabilité de l'Etat. Dans l'hypothèse de la conduite non conforme au droit interne, c'es-à-dire dans le cas du fonctionnaire qui agit contre ses propres droits, il n'y aurait aucune culpabilité de l'Etat, qui manifesterait la volonté contraire à celle, coupable, de l'auteur de la violation248. A première vue ces thèses semblent être intouchables. Toutefois, elles se fondent sur la prémisse, erronée, selon laquelle le rattachement d'une conduite illicite à l'Etat dépend uniquement de l'ordre juridique interne : il n'existerait pas de responsabilité étatique sauf quand l'Etat lui-même le prévoit expressément249. En revanche, il faut considérer que sur le plan international, la responsabilité de l'Etat dépend uniquement des règles de l'ordre juridique international. Si le droit international rappelle les règles de l'ordre interne des Etats pour déterminer quels sujets agissent en son nom, il demeure totalement libre d'établir quelles actions sont illicites et à quel titre elles doivent être attribuées au sujet actif. Autrement dit, le 246 O. QUIRICCO, op.cit., p.233. 247 Ibidem. 248 ANZILOTTI, op.cit., p.145. 249 O. QUIRICO, op.cit., p.234. [70] droit interne est subordonné au droit international dans la définition de l'infraction internationale, du moins quand on est dans la vision moniste, prévoyant la supériorité de l'ordre international que nous partageons250. Ainsi l'ordre juridique international pourra considérer illicite la conduite d'un fonctionnaire aux devoirs internes251. En outre, sur le plan de la culpabilité on ne peut pas séparer la personne du fonctionnaire de celle de l'Etat et considérer le premier soumis exclusivement au droit interne et le deuxième au droit international, car l'action de l'organe est l'action de l'Etat même252. Du coup, l'ordre juridique international peut considérer l'action illicite dolosive au fautive, tant en ce qui concerne le fonctionnaire qu'en ce qui concerne l'Etat, quoi qu'elle ne soit pas illicite selon la sphère juridique interne253. Dans l'hypothèse de la conduite d'un fonctionnaire contraire aux devoirs internes, d'imputer la conduite de l'organe à l'Etat à titre de dol ou de la faute sans se soucier de la qualification interne de l'acte254. Du point de vue de la forme de l'infraction internationale, c'est donc normale de considérer la culpabilité comme une conduite nécessaire de la responsabilité de l'Etat. Les tenants de la théorie de l'imputation objective insistaient aussi sur l'imputation de la capacité de comprendre et de vouloir comme étant une faculté exclusive de la personne physique. Seule une personne physique peut être capable d'adopter une attitude psychologique consciente ou négligente envers les actes illicites alors que l'Etat, construction juridique abstraite dépourvue de volonté, ne pourrait pas avoir conscience de ses actions255. Notamment l'individu serait capable de se représenter et de vouloir les éléments qui composent le fait criminel et qu'il pourrait être, par conséquent responsable de ses actes, éventuellement du point de vue pénal, non pas l'Etat256. D'un point de vue strictement moral il serait possible d'attribuer une moralité à l'Etat et de le concevoir comme une unité capable de répréhension, par conséquent une responsabilité pénale de l'Etat ne pourrait exister257. 250 AGO, R., « Le délit international », loc. cit.., pp.755. 251 Ibidem. 252 O. QUIRICO, op.cit., p.235. 253 Idem, p.236. 254 O. QUIRICCO, op.cit., P.235. 255 Ibidem. 256 D.ANZILOTTI, op.cit., p.146. 257 C. GINOS, Contribution à l'étude de rapport du droit pénal et de la morale, Thèse sous la direction G-R de Bombe Toulouse, 1991, p.130. [71] De plus, la responsabilisation pénale de tous les individus d'un Etat impliquerait l'imputation d'une conduite illégitime à des individus qui n'ont pas participé à l'action criminelle et qui n'ont aucune relation physique avec l'infraction, donc la criminalisation aux sujets irresponsables sans aucun avantage en contre partie. Apparemment, la création de la catégorie de crime conduirait à sanctionner l'innocent avec le coupable : c'est le problème de la responsabilisation de la collectivité irresponsable, en tant que telle, avec l'individu responsable258. De surcroît on remarque que les crimes internationaux doivent être classifiés parmi les violations les plus graves du droit pénal, pour l'accomplissement des quelles conditions l'attitude dolosive serait nécessaire : l'Etat, incapable même d'une attitude fautive envers l'infraction de ses agents, ne pourrait jamais commettre des crimes259. Suivant cette interprétation pour faire face au problème de l'élément psychique qui se pose du côté subjectif de l'infraction criminelle étatique, le mécanisme de l'imputation objective constituerait une solution obligée : l'attribution à la collectivité entière à la conduite de ses « mandataires » impliquerait forcement, une responsabilité inconsciente. Selon une variante de la théorie de l'imputation objective, on devrait concevoir une responsabilité consciente de la part de l'organe agissant, la responsabilité au même titre de la part de l'ensemble des institutions étatiques et, puis, une rupture dans le mécanisme de l'imputation, car l'Etat entendu comme société serait responsable selon le principe neutre de responsabilité objective260. Ces observations bien que combien pertinentes, n'en demeurent pas moins surmontables. Il faut dire deux choses : la première ce n'est qu'un rappel, ce que l'Etat, en tant que collectivité s'identifie avec ses organes ; deuxièmement, l'Etat n'agit qu'à travers ces organes et que lorsqu'un organe agit c'est comme si c'est l'Etat lui-même qui agissait. En effet, le principe de l'imputation organique n'implique pas seulement que l'action de l'organe soit attribuée à l'Etat entendu comme organisation dans son ensemble, c'est-à-dire comme ensemble d'institutions, mais il implique aussi, de façon automatique et immédiate, l'imputation de la conduite à la collectivité des sujets, citoyens, qui composent l'Etat en tant que société261. Il ne s'agit pas, donc de l'application du critère de la responsabilité objective, 258 G. GINOS, op.cit., p.131. 259 Idem, p.132. 260 O. QUIRICO, op.cit., p.236. 261 Idem, P.377. [72] car la culpabilité subsiste dans l'ensemble social, alors que la responsabilité objective se réalise lorsque l'imputation se produit en absence d'une relation psychique entre l'auteur de l'acte illicite et l'infraction262. En considérant l'action de l'individu qui agit au nom de l'Etat comme l'expression de la moralité collective on peut responsabiliser l'Etat du point de vue moral263. A l'appui de cette thèse, une certaine doctrine utilise la théorie de la « psychologie collective », concept qui serait applicable plus aisément aux Etats qu'aux autres personnes morales, en raison du concept de « Nation » qu'il sous entend264. On devra aussi tenir compte du fait qu'un organe étatique, dans l'exercice de ses fonctions, agit toujours au nom de toute la collectivité, en vertu de la théorie du mandat, et jamais exclusivement en termes individuels. A juste titre la doctrine affirme que la démocratisation des décisions étatiques impose un changement dans la conception traditionnelle de la responsabilité pénale afin de responsabiliser l'Etat, du moment que les organes étatiques agissent sur le plan international pour la collectivité dans son ensemble265Toutefois, une autre doctrine estime que, si cette logique s'applique aisément aux actions accomplies par l'individu dans le respect de ses fonctions, plus problématiques demeure son exploitation dans le cas des actes individuels accomplis contra legem, car, dans cette situation, l'Etat peut être considéré comme responsable seulement pour l'absence de prévention et de contrôle266. Le fait de laisser impunis les agissements criminels étatiques favoriserait l'impunité pour le crime collectif alors que le fait que l'Etat dans son ensemble soit responsabilisé peut avoir un effet préventif remarquable en favorisant le développement d'une opposition aux criminels qui se trouvent à la tête de l'Etat. La doctrine relève aussi que dans le crime de l'Etat, à côté de l'élément actif, constitué par ceux qui exécutent matériellement, l'acte illicite, il existe un élément passif constitué par l'acquiescement collectif, car l'exécutant agit souvent dans la permission de ne pas s'exposer à la responsabilité interne. En frappant les personnes physiques qui ont perpétré directement le crime on atteindrait l'élément actif de criminalité tandis qu'en sanctionnant les Etats on atteindrait l'élément passif de la population267. 262 O. QUIRICCO, op.cit., p.237. 263Idem, p.238. 264 Ibidem. 265 V. PELLA, op.cit., p. 397 266 O. QUIRICO, op.cit, p.397. 267 V. PELLA, op.cit., p. 237. [73] Sous un autre angle, il convient de focaliser l'attention sur les avantages qui découlent de la responsabilité pénale de l'Etat. Actuellement il n'y a pas de responsabilisation collective criminelle explicite. Cependant, les conséquences d'une violation grave des intérêts fondamentaux de la communauté internationale sont ressenties par la communauté dans son ensemble, à laquelle appartient l'individu ou les individus agissant en violation du droit international. En cas de violation des droits fondamentaux de la paix, les mesures de la réaction à la violation n'impliquant pas l'emploi de la force armée (par exemple l'embargo) ou impliquant l'emploi de la force armée, touchent la population dans son ensemble avant que les individus directement responsables268. On remarquera que la responsabilité de la collectivité avec l'individu-organe n'est pas une conséquence spécifique de la responsabilité criminelle étatique mais plus généralement un caractère de la responsabilité de l'Etat en soi car le problème se pose aussi en cas de responsabilité étatique mineure269. Les normes internes des Etats responsabilisent souvent des collectivités locales, du point de vue civil, pour les actions individuelles. Tous les Etats du monde, même ceux qui, comme l'Allemagne, l'Italie, La Suisse, l'Espagne, la Russie excluent la responsabilité pénale des personnes morales en partant du principe que la seule personne physique est capable d'agir avec conscience et volonté, retiennent le principe de la responsabilité civile des personnes morales et lui rattachent les conséquences similaires ou équivalentes à celles que suivent la responsabilisation pénale, comme le payement d'une amande ou la dissolution270. L'argument selon lequel la responsabilisation s'arrêterait au seuil de l'action criminelle n'a aucune justification271. Le principe de l'imputation organique de l'action tel qu'il est appliqué dans le domaine du droit interne et transposé sur le plan international, ne s'arrête pas au seuil de criminalisation272. En suivant la perspective individualiste jusqu'au bout, avec cohérence, il faudrait nier complètement toute forme de responsabilité étatique, qu'elle soit mineure ou majeure, puis que toute action illégitime, pas seulement celle pénale, demande, pour l'imputation, la possession des facultés mentales du sujet actif273. En revanche dans le 268 O. QUIRICO, op.cit., p.238. 269 Ibidem. 270 J. PRADEL, op.cit, p.325 271 Ibidem . 272 Ibidem . 273 Ibidem. [74] système de droit international on constate l'existence de la responsabilité étatique comme principe essentiel de l'ordre juridique. Ainsi, le principe même de la personnalité juridique de l'Etat amène à affirmer sa responsabilité, tant sur le plan civil que sur le plan pénal274. D'après PRADEL, « La responsabilité de la personne morale ne serait que le reflet de celle de l'individu, de sorte qu'il faut que dans le motif de condamnation de la personne morale, le tribunal répressif constate la culpabilité de l'organe...c'est le principe. Sa réciproque est que si l'organe ou le représentant ne peut pas être déclaré coupable, la personne morale ne peut pas l' être non plus en faveur de la responsabilité fautive des administrations politiques »275. En soutenant cette conception, on entend pas nier l'existence du mécanisme de la responsabilité objective en droit international. On affirme tout court que l'attribution de l'infraction à la collectivité sociale admet au même titre qu'à la collectivité institutionnelle et à l'organe agissant en son nom. Ainsi, lorsque l'organe sera responsable à titre de dol, pour avoir commis le fait avec conscience et volonté, l'Etat comme ensemble et l'Etat comme société seront responsables à terme de dol276. Lorsque l'organe sera responsable à titre de faute en ayant agi avec ou sans conscience et quand même sans volonté, mais de façon imprudente, car il aurait pu se représenter les conséquences illicites de son action, l'Etat comme institution apparait dans son ensemble et l'Etat comme société seront responsables à titre de faute277. Lorsque l'organe sera responsable à titre de responsabilité objective ayant agi en l'absence de conscience et volonté et sans imprudence, car il n'aurait pas pu se représenter les conséquences illicites de son action, l'Etat comme ensemble d'institutions et l'Etat comme société seront responsables à titre de responsabilité objective278. Pour AGO, « s'il est vrai comme nous l'avons conclu, que l'action et la volonté et l'action de l'Etat ne peuvent être que l'action et la volonté de ses organes, il s'en suit qu'en droit international, on pourra parler d'une faute de l'Etat lorsque cette relation psychologique, en laquelle on a vu que se traduit la faute, subsiste entre la conduite contrastant avec une obligation juridique internationale de l'Etat et la personne de l'organe qui l'a tenue »279.Et à A. GATTINI d'ajouter que, « la culpabilité joue un rôle essentiel dans l'attribution de la conduite illicite à l'Etat, notamment en cas de crime. Au sein du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats de 1996, par ailleurs, la provision de la culpabilité 274 J. PRADEL, op.cit., p.326. 275 Idem, P.327. 276 O. QUIRICO, op.cit., p.239. 277 Ibidem. 278 AGO, R.,» le delit international», loc.cit, p.72. 279 Ibidem. [75] étatique pourrait être déduite du constat que, aux termes de l'article 31 (Force majeure et cas fortuit), correspondant à l'article 23 du projet du 2001 (Force majeure), la force majeure et le cas fortuit incluent l'élément psychologique, donc la culpabilité »280. En clair, en ligne avec la tradition d'ANZILOTTI, il faudrait toutefois introduire une distinction entre la responsabilité objective absolue et celle relative. On verserait dans un cas de responsabilité objective absolue lorsque l'organe, donc l'Etat n'aurait pas pu se représenter les conséquences illicites de son action mais il lui faudrait le prouver en justice, car il y aurait une sorte de présomption de la culpabilité. A notre avis, la responsabilité objective relative constitue un cas de faute avec l'inversion de l'obligation de la preuve. Dans le cas de la faute, en effet, c'est la victime qui doit démontrer la faute de l'auteur de l'infraction, alors que, dans le cas de la responsabilité objective relative, l'auteur devrait démontrer l'inexistence de la responsabilité en raison de l'impossibilité absolue de connaître (cas fortuit, force majeure)281. En suivant cette distinction on parviendra à rendre le régime de la responsabilité objective relative plus grave que celle de la faute. Nous préférons donc suivre la distinction traditionnelle qui partage la responsabilité en trois classes : à titre de dol, de faute ou de responsabilité objective unitaire. Bien évidemment, si l'on reconnait que la culpabilité constitue le critère déterminant de l'imputation de la conduite illicite, il faudra ensuite, en tenir compte dans la détermination de la sanction : la responsabilité collective permettrait de rationaliser la sanction, en la rendant proportionnée au degré de la responsabilité étatique282. En matière de responsabilité criminelle, notamment une fois admise, la possibilité de la responsabilité pénale collective au niveau subjectif, on pourrait en déduire des conséquences relevant du point de vue objectif, selon l'esprit de l'article 19 du Projet sur la responsabilité des Etats de 1996283. Finalement, la responsabilisation criminelle de l'individu n'amène pas à exclure la responsabilité criminelle de l'Etat, mais au contraire, elle pousse à affirmer : la responsabilité pénale individuelle et étatique peuvent exister en même temps284. En ce sens, un signal fort vient du Projet sur la responsabilité des Etats de 1996 qui prévoit à l'article 45 280 GATTINI, A.,» Smoking/ No Smoking: some Remarks on the curent place of Faculty in the I.L.C Draft Article on State Responsibility», in E.J.I.L. 1999, BOC, 10, n°2, p.397. 281 Idem, p.404. 282 Idem, p.405. 283 O. QUIRICO, op.cit., p.241. 284 AGO, R., « Le délit international », loc.cit., p.143. [76] §2, le châtiment des agents de l'Etat responsable pour violation grave, ou criminelle, d'une obligation internationale. La seule raison de nier la responsabilité pénale de l'Etat et d'introduire, au niveau collectif une forme différente de culpabilité par rapport à celle de l'individu-organe, réside dans des considérations d'ordre politique, puisqu'il pourrait paraître trop grave de responsabiliser un Etat du point de vue criminel, de sorte qu'un amoindrissement de la responsabilité serait souhaitable285. Cette observation, cependant, échappe à la logique du droit et rentre dans l'ordre des considération tout à fait politiciennes que, du reste, nous ne pouvons pas partager en tant que juriste. 285 PELLET, A., «Can a State commit a crime? Definitely, yes!», loc. cit., pp.425. [77] [78] CONCLUSION Dans l'ordre juridique international, aucune norme obligatoire ne reconnait la responsabilité pénale étatique. Toutefois, l'évolution du droit international notamment la doctrine reconnait la responsabilité étatique majeure, plus grave que le régime de la responsabilité ordinaire et le qualifie parfois de criminel. Au niveau du droit international général, le projet de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats adopté en 1996, en première lecture, prévoit à l'article 19, la responsabilité de l'Etat pour crime qui est différente de la responsabilité pour délit, tandis que le projet final adopté en 2001 et soumis à l'attention de l'Assemblée Générale des Nations Unies, consacre la distinction plus ou moins assouplie entre la responsabilité de l'Etat pour violation du jus cogens et la responsabilité pour les violations ordinaires. Et donc, il est clair qu'actuellement en droit international il n' ya plus un régime unique de responsabilité mais deux régimes distincts, l'un pour la violation des normes impératives qualifié de crime et l'autre pour la violation des normes ordinaires. Et au niveau du droit international relatif, cela se traduit par la reconnaissance par la charte des N.U. de cette distinction et confie la gestion de violations majeures au C.d.s. L'article 19 du projet sur la responsabilité des Etats de 1996 qui a été remplacé dans son contenu par l'article 40 du projet final, met en place au paragraphe 2 ce qu'il faut considérer comme une théorie générale de l'infraction étatique alors que le paragraphe 3 esquisse une partie spéciale de la responsabilité étatique. Du point de vue de la théorie générale, la responsabilité majeure, voire criminelle de l'Etat consiste dans la violation du point de vue de la forme d'une obligation erga omnes indivisible qui protège, du point de vue de son contenu, les intérêts les plus fondamentaux de la communauté internationale. Du point de vue de la partie spéciale, le projet de 1996 établit quels sont les intérêts dignes d'une tutelle pénale internationale notamment la violation d'une obligation essentielle pour le maintien de la paix, pour la sauvegarde du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, pour la sauvegarde de l'être humain ainsi que pour la sauvegarde de l'environnement, mais il est clair que toute la définition de la partie spéciale de la responsabilité pénale étatique demeure, à certains égards, discutable, mais constitue un pas extrêmement ambitieux dans le l'établissement de la responsabilité de l'Etat, dans l'ordre juridique international, d'un type pénal. Au niveau du droit international général, l'encadrement de la responsabilité aggravée de l'Etat ou criminelle implique la réaction collective mais décentralisée des Etats en contre mesure. Tout Etat peut ,de façon « décentralisée », évoquer la responsabilité criminelle de l'Etat et la juger lui-même. [79] La sanction qui sera imposée au bout de ce jugement aura bel et bien une gravité supérieure par rapport à d'autres sanctions ordinaires, donc sera effectivement afflictive. On constate malheureusement, suite à l'absence de la hiérarchie et de l'intégration en droit international, des risques des dérives anarchiques notamment dans la conduite de la procédure et dans la prise des sanctions. Du point de vue relatif, la Charte des N.U. Confient la réaction aux infractions majeures au Cds, par l'entremise du Chapitre VII. Du point de vue subjectif l'imputation à l'Etat de l'infraction internationale se fait par le biais du principe de l'imputation organique : l'infraction de l'individu est l'infraction de l'Etat lui-même. Malgré que l'Etat constitue une personne morale, il faut considérer aussi les principes d'imputations classiques notamment le dol, la faute et la responsabilité objective. En définitive, on constate malgré toute les imperfections, et ce ne sont que là la conséquence d'un droit international peu intégré, on ne saurait pas nier que le droit international met en place un régime aggravé qui pourrait s'apparenté à système pénal typique d'un droit international d'essence intersubjective; et on ne peut pas refuser d'appliquer le principe de la pénalisation de l'Etat sous prétexte que le droit international serait incapable de lui soumettre à un tel régime, parce qu'une telle idée confirmerait non seulement la thèse selon la quelle, si l'on veut rester cohérent, qu'aucune responsabilité-même ordinaire n'existe pas en droit international, mais aussi et surtout que la règle sur la scène internationale c'est tout est permis, qui consacrerait dangereusement l'impunité des Etats, surtout lorsque celui-ci a violé les droits les plus fondamentaux de la communauté internationale. Aussi on ne pourrait pas tolérer, sur le plan de la dialectique, que les individus qui ont une subjectivité internationale moindre et qui déploient peu d'activités sur la scène internationale, soient eux seuls accablés par le droit international pénal alors que les Etats qui sont les principaux acteurs dans cet ordre agissent en toute impunité. Certes, le droit international ne connait pas, comme le droit interne, d'autorité supérieure pour non seulement édicter les lois pénales afin de déterminer quels sont les valeurs communautaires qui sont susceptibles d'une tutelle pénale mais aussi pour pouvoir sanctionner les manquements à ces valeurs, mais une réforme courageuse dans l'ordre juridique international pourrait permettre, et cela tout en tenant compte des spécificités d'un droit international horizontal et intersubjectif, de responsabiliser les Etats lorsqu'ils auraient violé les obligations qui sont dues à toute la communauté internationale, à la quelle ils appartiennent d'ailleurs. En effet une révision du Statut de la C.I.J. qui aurait pour but d'élargir son champ de compétence en ce sens qu'elle pourra se [80] prononcer, et cela à la demande soit d'un Etat ou d'un groupe d' Etat, s'il y a eu ou non violation d'une obligation du jus cogens et dans l'hypothèse de la réponse affirmative, confier au C.d.s. de pouvoir déclencher les sanctions prévues au Chapitre VII de la Charte des N.U. Ainsi nous n'estimons pas avoir épuisé toutes les questions dans une branche aussi ondoyante et dynamique qu'est le droit international pénal, ainsi souhaitons à d'autres chercheurs la possibilité de pouvoir s'appesantir sur des questions analogues comme celles de la responsabilité pénale d'autres personnes morales comme les Organisations internationale ou les autres entités , comme les sociétés transnationales. [81] BIBLIOGRAPHIE
[82]
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responsabilité « pénale »des Etats et des autres personnes morales par rapport à celle des personnes physiques en droit international, Thèse, Toulouse1, 2005. [87] TABLE DES MATIERES EPIGRAPHE i DEDICACE II REMERCIEMENTS iii SIGLES ET ABREVIATIONs iv INTRODUCTION GENERALE 1 CHAPITRE 1 : LE CRIME DE L'ETAT DANS LE PROJET DE LA C.D.I. : une consécration de la responsabilité internationale pénale de l'Etat? 8 SECTION 1 : LA RESPONSABILITE INTERNATIONALE DE L'ETAT POURCRIME DANS LE PROJET DE LA C.D.I. 8 § 1 Nouvelle approche définitionnelle de la responsabilité international de l'Etat : la perspective pénaliste 9 §1.1 L'évacuation du dommage du champ de la responsabilité internationale de l'Etat 9 §1.2. Les conditions d'engagement de la responsabilité internationale : Eléments constitutifs du fait internationalement illicite 12 §2 Différents degrés de responsabilité en droit international, crime ou responsabilité aggravée et délit ou responsabilité ordinaire 14 §2.1. Crime et délit, une distinction qualitative 15 §2. 2. Crimes internationaux et responsabilité pour violation d'une norme impérative du droit international : une même réalité juridique 18 SECTION II : LES CONSEQUENCES D'UNE VIOLATION GRAVE D'UNE NORME DU JUS COGENS 23
l'Etat 27 §2.1. Le communautarisme : vers une solidarisation de la répression du « crime international de l'Etat » 27 §2.2. La transparence de l'Etat ; la responsabilité pénale individuelle n'exclut pas celle de l'Etat 29 CHAPII : LE REGIME JURIDIQUE DE LA RESPONSABILITE INTERNATIONALE PENALE DE L'ETAT PARTANT DE LA THEORIE DU CRIME ETATIQUE 32 [88] SECTION. I. LA CONDITION OBJECTIVE DE LA RESPONSABILITE PENALE DE L'ETAT : l'infraction internationale de l'Etat existe effectivement 33 §1 Théorie générale et partie spéciale de la délinquance étatique 34 §1.1. La théorie générale de l'infraction étatique 35 §1.2. La partie spéciale de responsabilité pénale étatique 40 §2. La procédure et la sanction sont collectives mais décentralisées 49 §2.1. L'absence de la verticalité et la collectivisation de la procédure 50 §.2.2. La sanction pénale contre l'Etat existe effectivement 54 SECTION II. ARGUMENT SUBJECTIF DE LA RESPONSABILTE PENALE DE L'ETAT : L'Etat comme centre d'imputation pénale 61
§2.1. Notion et évolution de la doctrine sur la question de la culpabilité de l'Etat 66 §2.2. Les limites de la théorie de l'imputation objective et la nécessité d'une mens rea subjective pour l'imputation du crime à l'Etat. 69 CONCLUSION 78 BIBLIOGRAPHIE Erreur ! Signet non défini. |
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