Epiceries sociales et solidaires : histoire et typologie( Télécharger le fichier original )par Mathieu Gros Université Aix-Marseille Economie et Gestion - Master II RH ESS 2014 |
ConclusionBibliographieTable des matières Annexes Table des sigles et abréviations AEC : Association des Equipements Col lect ifs ANDES : Association Nationale de Développement des Epiceries Solidaires AS : Assistante Sociale AVISE : Agence d'Ingénierie et de Service pour Entreprendre autrement BA : Banque Alimentaire CA : Conseil d'Administration CAE/CUI : Contrat d'Accompagnement dans l'Emploi /Contrat Unique d'Insertion CAF : Caisse d'Allocation Familiale CASIM : Comité d'Action Sociale Israélite de Marseille CCAS : Centre Communale d'Act ion Sociale CESF : Conseillère en Economies Sociales et Familiales CG : Conseil Général CIAS : Centre Intercommunal d'Act ion Sociale CNES : Crédit National pour les Epiceries Solidaires CPCA : Conférence Permanente des Coordinat ions Associat ives CUCS : Contrat Urbain de Cohésion Sociale DLC : Date Limite de Consommat ion DLUO : Date Limite d'Utilisation Optimale DGCCRF: Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et la Répression des Fraudes DREES : Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluat ion et des Statistiques ESS : Economie Sociale et Solidaire ES : Epicerie Sociale et Solidaire ESI : Epicerie Solidaire Itinérante FAO : Food and Agriculture Organization FEAD : Fond Européen d'Aide aux plus Démunis FEBA : Fédération Européenne des Banques Alimentaires FFBA : Fédération Française des Banques Alimentaires GASE : Groupement d'Achat Service Epicerie GPEC : Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences INSEE : Institut National des Statistiques et des Etudes Economiques MDS : Maison De la Solidarité ONU : Organisation des Nations Unies PEAD : Plan Européen d'Aide aux plus Démunis PNAA : Plan National d'Aide Alimentaire PNB : Produit National Brut RAV : Reste A Vivre RH : Ressources Humaines RSA : Revenu Solidaire d'Activité SCIC : Société Coopérative d'Intérêt Commun UE : Union Européenne WTC : World Trade Center -1- INTRODUCTIONLe contexte du gaspillage alimentaire et de la pauvreté accrue, de la famine touchant des milliers de personnes sur la planète, ne laisse pas indifférent. Voir des personnes laissées pour compte ou pire mourir de faim pendant que la production de denrées alimentaires est parfois en sur régime, est incompréhensible et soulève des questions morales et sociales. L'accès à l'alimentation est pourtant un droit fondamental et irrévocable. La Déclaration universelle des droits de l'homme (1789) confirme (article 25) que : «Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ». Une aide alimentaire qui s'est considérablement développée pour faire face aux crises Pour comprendre le développement de l'aide alimentaire, il faut prendre en compte l'évolution de la situation économique mondiale. Les différentes crises financières' qui ont ébranlé le monde occidental depuis le début du XXe siècle jusqu'à la crise des «subprimes» de 2007-2009 et ses conséquences actuelles, ont eu un impact indéniable sur nos sociétés et nos modèles économiques européens. On en constate de nos jours, les nombreux effets : des inégalités sociales de plus en plus fortes, une pauvreté en développement constant et des cas de famines chroniques dans le monde, y compris dans des pays développés. Ces crises expliquent le développement et la démultiplication d'initiatives solidaires, l'émergence de comportements de consommations alternatives en vue de contrer une 1 http://www.fao.org/docrep/o18/i3458f/i3458f.pdf: 842 Millions de personnes, ONU 2011-2013 2 Pour ne citer que les plus connues : krach boursier de 1929, crise financière de 1971, chocs pétroliers de 1973 et 1979, crise de la dette des pays en voie de développement de 1982, krach de 1987, crise du système monétaire européen en 1992, crise économique asiatique en 1997, attentats du WTC en 2001 suivis de la hausse des taux d'intérêts -2- économie de consommation de masse et de lutter contre le gaspillage alimentaire. De ce fait, l'apparition de formes d'auto-organisation des populations permet de répondre à leurs besoins. L'aide alimentaire en est une forme. C'est aussi une logique de survie, car faute de ressources suffisantes, peu de choix restent possibles et des solutions doivent être trouvées. Parmi les solutions envisageables, on compte les épiceries sociales et solidaires. Quant à leur définition, on trouve dans les lectures et via l'Internet, seulement la définition du réseau national des épiceries, l'ANDES. Ce réseau les définit comme des lieux d'accueil de personnes en difficultés pour «faire de l'aide alimentaire autrement»3. Les ES, par la diversité de leurs projets, très actives en 2014, peuvent répondre à de nouveaux besoins demain. L'influence de militants dans le développement de l'aide alimentaire L'aide alimentaire a considérablement évolué depuis la Révolution française sous des formes beaucoup plus anciennes. Il faut souligner que l'aide alimentaire en 2014, a été inspirée et portée en France, depuis les années 1980, par des militants tels que Jacques Delors, ex-Président de la Commission Européen et Coluche, artiste-humoriste. 4 Elle s'est notamment institutionnalisée (loi «Coluche » de 1988 ). La prise de conscience qui en découle a permis la modification de certaines représentations sociales dont celui de la pauvreté, considérée, au fil des années comme très marginale dans notre société française. 5 De la loi sur l'aide à domicile de 1791 aux premières soupes populaires de 1812, en passant par de nombreuses initiatives caritatives religieuses et humanistes, il faut attendre les années 1980 en France, pour de nouveau observer un acte militant fort. En effet, en 1985, deux hommes vont créer un projet de solidarité pour venir en aide aux 3 Extrait du compte rendu du 08/10/13, rencontre régionale PACA des épiceries sociales et solidaires adhérentes à l'ANDES sur le FEAD 4 Extrait de la loi « coluche » à partir du site internet légifrance : http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArt icle=LEG IARTI0000245i586o&cidTexte=LEGITEXT000006o64577 5 RECMA Revue Internationale de l'Economie Sociale N°279- Alain Clément - « Etats et associations dans l'histoire du secours alimentaire » (page 33) -3- plus démunis, le PEAD. Les enjeux du développement de l'aide alimentaire La lutte contre la pauvreté, les inégalités sociales ou encore le gaspillage alimentaire, sont des sujets que l'on retrouve de plus en plus dans les débats publics et les hommes politiques français et européens sont confrontés à de vrais enjeux de société. Les États cherchent des solutions adéquates pour endiguer cette pauvreté mais les taux de chômage et de pauvreté en France et en Europe atteignent des sommets (+ 11 % de la population, INSEE 2014). Ceci a entraîné un fort développement d'initiatives d'aide alimentaire et on parle davantage des épiceries sociales et solidaires car elles se développent pour faire front à la crise économique. Publier des chiffres de la pauvreté et de la famine permet, certes une meilleure sensibilisation du grand public sur des sujets de société qui sont majeurs et qui peuvent toucher « monsieur tout le monde » mais peuvent aussi stigmatiser les publics accueillis au sein des structures de l'aide alimentaire. Ces publics sont de plus en plus variés, on y trouve autant de jeunes que de «jeunes» personnes âgées (LEGROS, 2009). Cela fait l'effet d'une sonnette d'alarme indiquant qu'il faut agir et innover socialement afin de trouver de nouveaux moyens permettant de répondre à ce fléau pérenne. Ces nouvelles formes d'aide alimentaire que sont les épiceries s'inscrivent dans un mouvement de développement d'initiatives relevant de l'économie solidaire, inséré dans l'ESS. Celle-ci se définie comme un modèle alternatif à l'économie capitaliste aux effets négatifs. Elle se veut plus proche de la population et porteuse de sens. «Elle est un instrument au service du développement humain qui peut sembler fonctionner par elle-même de manière quasi-indépendante ou au service d'un groupe restreint »6 (SSF, 2009). Pour nous permettre de mieux définir la notion d'économie solidaire, les approches théoriques de LAVILLE seront abordées. Nous verrons aussi la théorie de l'échec de l'État et du marché d'après les travaux de WEISBROD pour tenter de comprendre l'émergence 6 Définition proposée dans les « Nouvelles solidarités, nouvelle société» lors des Semaines Sociales de France en 2009 de ces épiceries et enfin, les travaux de Dl MAGGIO et POWEL sur l'isomorphisme pour comprendre et situer les « dérives » ou orientations de certains modèles dont celui qui a tendance à s'orienter vers une finalité plus marchande. Une transformation de l'aide alimentaire Les différentes formes d'aide alimentaire ont évolué depuis l'antiquité grecque. En 2014, ce qui constitue un outil innovant d'aide alimentaire correspondant au contexte économique actuel, ce sont les épiceries sociales et solidaires, apparues vers la fin des années 1990 en France. Il existait des systèmes de distribution de nourriture sans contrepartie mais pas encore de « boutiques » d'aide alimentaire à vocation solidaire, voire d'insertion sociale et professionnelle comme on en rencontre sur le territoire français. Les ES s'adaptent aux problématiques d'aujourd'hui, de manière différente. C'est ce qui fait la véritable originalité des projets que l'on rencontre. Ces épiceries adoptent un fonctionnement différent selon les modèles : certaines ont des logiques sociales, et d'autres plus marchandes, sans doute en lien avec l'influence du contexte européen de régulation de l'aide alimentaire. Un modèle remis en question parla régulation européenne Depuis fin 2012, l'Europe travaille sur la refonte du système de distribution de l'aide alimentaire qui repose sur la distribution des excédents agricoles aux organisations humanitaires. Ces excédents étant aujourd'hui insuffisants, d'après l'Europe, il faut trouver d'autres sources de financement. La réforme européenne pousse donc certains projets d'épicerie sociale et solidaire à tendre vers une finalité économique au détriment du projet social initial. Mais entre course contre la pauvreté et conquête d'un « marché », où se situent réellement les Épiceries Solidaires? D'autres questionnements émergent : Le développement des épiceries sociales et solidaires ne comporte-t-il pas un risque de banalisat ion de l'offre ? Des dérives ne risquent-elles pas d'apparaître ? Ne pourrait-on pas supposer que les épiceries les plus récentes sont plus à même de s'adapter aux changements que les plus anciennes ? Une autre hypothèse serait de penser qu'il existe différents modes d'organisations de ces épiceries en fonction du territoire sur lequel elles interviennent. Le modèle économique, le public accueilli, les prix et les produits, chaque épicerie a sa particularité et différents types pourraient être observés. Pour cette raison, il est important de se pencher sur ces épiceries «pas comme les autres» en observant les différents modèles existants sur le territoire. En conséquence, on observera leur organisation et leur fonctionnement et nous ferons ressortir les différents types d'épiceries existant dans les Bouches du Rhône et ceux qui auraient tendance à aller vers une finalité plus ou moins marchande ou sociale. La première partie traitera de la genèse de l'aide alimentaire et de ses différentes formes, du contexte européen et français, de son évolution à un état des lieux des épiceries solidaires de nos jours. La deuxième partie sera consacrée à un cadrage théorique des épiceries et à la présentation de leur fonctionnement, ce qui permettra dans une troisième partie de présenter les critères d'observation et d'analyse. En quatrième et dernière partie, une typologie des épiceries sociales et solidaires sera présentée. METHODE DE RECHERCHE ET D'ANALYSE 1. Méthode de travailL'objet de ce mémoire étant de faire émerger les différents types d'épicerie sociale et solidaire qui existent, j'ai mis en place des étapes de recherche et d'analyse. Dans un premier temps, j'ai souhaité vérifier et affiner le sens d'un certain nombre de termes ou concepts, tels que pauvreté, misère, économie solidaire, épicerie sociale et épicerie solidaire et définir les différents modèles économiques. J'ai ainsi été amené à mettre en place une méthode de recherche « qualitative », déclinée autour de modes de recherche d'informations comme la collecte de documents officiels et de rapports, l'observation participante, la conduite d'entretiens. Étude des documents spécialisés et de la littérature sur les épiceries J'ai pris connaissance de la charte du réseau ANDES, par le biais d'un stage à l'épicerie solidaire d'Endoume à Marseille, ce qui m'a permis de comprendre ce que sont les ES. Par la suite, j'ai orienté mes recherches sur ce sujet pour trouver des éléments complémentaires sur les épiceries (voir bibliographie). Une observation participante Pour mener mes recherches au coeur d'une épicerie solidaire, j'ai opté pour la méthode d'observation participante. En effet, j'ai effectué un stage pratique dans l'épicerie solidaire gérée par le Centre Social «285» à Endoume, dans le 7e arrondissement de Marseille, dans lequel je me suis rendu tous les lundis et mardis entre le mois d'octobre 2013 et le mois de juin 2014. Sur les traces d'un patronage (1907), le Centre Socioculturel d'Endoume, situé dans le quartier qui porte le même nom, a vu le jour en 1974. « Depuis 40 ans, l'objectif du centre est d'être et de rester un lieu d'accueil et d'information, ouvert sur son arrondissement et -7- aux besoins de sa population »'. On y trouve une vingtaine d'activités sociales, culturelles et sportives. Des projets de solidarité, d'insertion, de loisirs et d'environnement sont également développés au sein du centre social. Doté d'une équipe de plus de 20 salariés, le centre accueille chaque année, plus de 2 000 familles et de nombreux visiteurs et curieux lors des manifestations telles que «1,2,3 Noël», «CinéMars», «La Grande Braderie» ou encore «La Kermesse». Le centre social dispose également d'un réseau important de bénévoles à l'année pour les activités où lors des manifestations, leur nombre pouvant atteindre les 200 sur une journée. Placé en situation professionnelle, j'ai ainsi pu analyser le fonctionnement de cette épicerie en temps réel. J'ai tenu un carnet de notes me permettant de faire un rapport journalier de mes actions ou des réunions avec l'équipe et la direction du Centre Social. Grâce à l'accueil qui m'a été réservé, j'ai pu assister à des réunions de travail avec les travailleurs sociaux et avoir le contact d'autres épiceries de la région PACA. Puis, j'ai effectué la synthèse de mes prises de note en classant les informations par thèmes (horaires, activités, prix, fonctionnement, etc.), ce qui m'a permis par la suite, de préparer une étude comparative et rechercher d'autres modèles d'épiceries pour répondre à ma problématique. Etude comparative de 5 autres épiceries sociales et solidaires J'ai fait le choix de cibler 5 autres épiceries de la région PACA pour avoir un échantillon assez large lors de mes entretiens et observations de terrain, en me limitant aux Bouches du Rhône et au Var. En faisant des recherches d'épiceries sur le site de l'ANDES ou sur internet, je me suis aperçu qu'il y avait déjà des différences dans la dénomination de celles-ci : épicerie sociale, solidaire, itinérante, boutique sociale. Ce sont ces particularités qui ont guidé mon choix pour effectuer une enquête et mettre en évidence différences et similitudes.
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