L'impact de l'état du lieu théàątral sur la pratique et la consommation du théàątre au Cameroun: le cas de Yaoundé( Télécharger le fichier original )par Cyril Juvenil ASSOMO Université de Yaoundé 1 - Master 2014 |
VI. Cadre théoriquePour Benjamin Alexandre Nkoum, le cadre théorique « est un ensemble de connaissances, concepts, théories, références qui permettent de décrire, d'expliquer et d'analyser la question de recherche ou l'hypothèse énoncée »43(*). En d'autres termes, ce sont des démonstrations, des jugements et des propositions logiques émises par d'autres chercheurs, et ayant fait leurs preuves dans le domaine de spécialisation du chercheur ou dans tout autre domaine reconnu. Le présent sujet s'intitulant L'impact de l'état du lieu théâtral sur la pratique et la consommation du théâtre au Cameroun : le cas de Yaoundé ; l'objectif principal étant de démontrer l'influence qu'exerce le lieu théâtral dans la crise que traverse cet art au Cameroun ; il va sans dire que le sujet s'inscrit dans le domaine du théâtre. Mais qu'à cela ne tienne, afin de jouir d'une immense liberté d'explorer notre objet d'étude, et d'atteindre conséquemment le but fixé, il semble nécessaire de recourir à un cadre théorique interdisciplinaire ; théories qui toutefois s'homogénéisent une fois passées au creuset de cet objet d'étude. Le cadre théorique de cette recherche empreinte donc à plusieurs domaines de recherche. Les principales approches théoriques qui seront employées proviennent des disciplines ci-après : la psychologie, le théâtre, et le marketing. Dans un premier temps, nous aurons recours à la psychologie, ou plus précisément à une approche psychologique. La psychologie peut se définir comme cette science-là qui étudie les faits psychiques, c'est-à-dire ceux qui concernent l'esprit, la pensée, la vie mentale. Elle regroupe diverses branches telles que la psychologie clinique, la psychologie expérimentale, la psychologie de l'enfant, et la psychologie de l'apprentissage. Egalement, elle a connu tout au long de son développement plusieurs courants de pensée à l'instar du comportementalisme. Les comportementalistes encore et couramment appelés les behavioristes, constituent un courant de pensée qui connaît son essor dès le début du XXe siècle et exerce une influence notable sur la discipline tout au long de la première moitié de ce siècle. Il est connu notamment grâce aux travaux d'Yvan Petrovitch Pavlov, de John B. Watson, ou encore Burrhus Skinner et Edwin R. Guthrie qui tentent chacun à leur manière d'expliquer le fonctionnement du comportement. Les behavioristes se donnent pour objectif de se restreindre à l'étude des comportements observables, récusant ainsi les faits mentaux. Selon cette école, la plupart des comportements humains seraient la résultante d'un ou plusieurs stimuli extérieurs. Le comportement devenant ainsi la Réponse (R) à ces Stimuli (S). Le behaviorisme peut mieux se résumer avec Aurèle St-Yves qui écrit : « Le behaviorisme signifie littéralement science du comportement. Il vise à définir les conditions situationnelles auxquelles un individu est confronté et à enregistrer rigoureusement les réponses correspondantes »44(*). Grâce à la théorie behavioriste, nous tenterons de vérifier l'hypothèse secondaire numéro deux, en examinant si le contexte infrastructurel morose de la ville de Yaoundé n'affecterait pas inconsciemment les producteurs du théâtre (les acteurs, les dramaturges, et surtout les metteurs en scène) lors de la phase conceptuelle de leurs processus de création. En d'autres termes, la question est de savoir si le minimalisme observé dans les mises en scène et dans certains textes dramatiques camerounais, ne serait pas la résultante d'une contrainte environnementale plus que toute autre volonté d'opérer un renouveau esthétique. A la suite de l'approche psychologique, nous aurons recours aux théories de la mise en scène théâtrale. La mise en scène, branche majeure de l'activité théâtrale qui consiste à donner une vie scénique à un texte, est apparue dans sa version la plus aboutie à la fin du XIXe siècle grâce au Duc Saxe de Meiningen et surtout à André Antoine45(*). Au cours de son développement sans cesse perpétuel, elle a connu des mutations notables grâce à des courants de pensée et surtout à l'influence de certains praticiens. C'est dans cette « anarchie théorique » que se dresse la théorie du théâtre pauvre ou « théâtre dépouillé », mise au point par Jerzy Grotowski46(*). Rejetant les idées des Naturalistes, pour pérenniser les voeux des Symbolistes, Grotowski prône un théâtre pauvre en accessoires, en décors, en lumières, sonorisation et effets spéciaux, mais dont la force résiderait dans l'action et l'interaction entre acteurs et spectateurs. Marie-Claude Hubert passant en revue les grandes théories théâtrales, reprend la pensée de Grotowski qui déclare : En éliminant graduellement ce qui s'est démontré être superflu, nous avons trouvé que le théâtre pouvait exister sans maquillage, sans costume autonome ni scénographie, sans lieu séparé de spectacle (scène), sans effets de lumière ou de sons etc. Il ne peut pas exister sans la relation acteur/spectateur, sans la communion de perception directe, «vivante«.47(*) L'analyse de la pensée grotowskienne, laisse donc entrevoir le peu d'importance que tient l'espace (la salle dans son sens moderne) dans sa conception du théâtre. Cependant, si l'entreprise de Grotowski se présente comme une volonté manifeste de rénover l'esthétique du théâtre, étouffé par l'hyperréalisme du cinéma, il est néanmoins convenable de déclarer qu'on ne pourrait parler véritablement de théâtre pauvre que lorsque toutes les conditions matérielles sont réunies (la salle) pour pouvoir opter pour une autre approche de mise en scène moins minimaliste (le naturalisme par exemple), et que le metteur en scène décide alors délibérément d'embrasser le style grotowskien. Examinant l'influence du lieu théâtral sur les produits du théâtre camerounais, nous essayerons de démontrer que l'on ne saurait en effet parler de théâtre pauvre au Cameroun au vu de la raison sus-mentionnée. De là, ceci nous amènera à démontrer que la définition de la notion de « théâtre pauvre » ne peut s'affranchir du contexte dans lequel elle est énoncée. Enfin, pour ce qui est de l'étude de la consommation théâtrale au Cameroun, nous aurons recours au marketing. Le marketing simplement défini, peut être compris comme cette activité qui recherche les moyens de produire l'effet escomptée par un produit, une organisation ou une entreprise sur son public cible. Le consommateur étant la plupart du temps la cible de toute stratégie marketing, nous convoquerons ici les concepts de notoriété de marque et celui d'image du point de vente48(*). La notoriété est la connaissance que le public a d'une marque. L'image du point de vente ou image du magasin est quant à elle l'ensemble des représentations mentales que des consommateurs et potentiels consommateurs se font d'un point de vente, et qui influencent leurs comportements vis-à-vis de ce dernier. Ainsi, si un établissement de vente (un supermarché par exemple) jouit d'une bonne notoriété ainsi que d'une bonne image auprès du public, celui-ci sera enclin à être favorable à cette boutique et/ou aux produits qu'elle propose. La notoriété, ainsi que la théorie de l'image du point de vente appliquée au lieu théâtral suppose donc une attractivité de la salle variant en fonction de la connaissance, puis de l'image que le grand public a de cette salle. Image qu'elle peut ou non façonner d'elle-même. Vérifiant la troisième hypothèse secondaire, ces deux notions de marketing nous permettrons de déduire si les salles de théâtre de la ville de Yaoundé jouissent d'assez d'atouts marketing pouvant leur permettre de s'attirer la sympathie d'un potentiel public-consommateur du théâtre. Passé le cadre théorique qui vient d'être énoncé au travers de ces trois approches, l'aboutissement de la recherche nécessite également de mettre sur pied une méthodologie adéquate et plus pragmatique. * 43 Benjamin Alexandre NKOUM, Initiation à la recherche : une nécessité professionnelle, Yaoundé, Presses de l'UCAC, 2012. p. 79. * 44 Aurèle ST-YVES, Psychologie de l'apprentissage-enseignement, une approche individuelle ou de groupe, Montréal, Presses de l'Université du Québec, 1986, p.15. * 45 On retient le plus souvent le nom d'André Antoine comme étant celui du premier metteur en scène moderne. * 46 Jerzy, GROTOWSKI, Vers un théâtre pauvre, Lausanne, La Cité : Ed. L'Age d'homme, 1975. C'est le texte fondateur du théâtre pauvre. * 47 Marie-Claude, HUBERT, Les grandes théories du théâtre, Paris, Armand Colin, 2005, p.237. * 48 Ce dernier concept a été mis sur pied par Pierre MARTINEAU en 1958. |
|