2.2.2 Le titre
Le titre Les espoirs perdus est tiré de
l'expérience du personnage principal et sa conjointe (Pa Abua et Ma
Abua) respectivement qui ont fondé tout leur espoir d'être riches
sur le mariage d'Amerang(dix-neuf ans) au vieillard de cinquante-quatre ans, le
chef Oyishuo. Malheureusement, Amerang, le bouc émissaire a
échappé et le but de l'élever comme marchandise à
vendren'est pas atteint. De plus, en observant le texte en entier, les
intrigues sont logiques, cohérentes, et séquentielles mais elles
ne sont pas tout à fait rationnelles. Comment un vieil homme tel que
Oyishuo (cinquante-quatre ans, plus âgé que Pa Abua) pouvait se
marier à une jeune fille Amerang de dix-neuf ans qui pouvait être
sa petite-fille ? C'est absurde ! Il faut remarquer ce que l'auteur
même a dit dans la Préface (p.v)
« Les espoirs perdus, pièce à onze
mouvements tend à mettre à nu la cupidité et
l'égoïsme des parents qui continuent à fonder des
espoirs sur « la vente » de leurs filles. Ils
encouragent les jeunes à tenir tête à leurs parents et
à faire comprendre à ces derniers que les jours du mariage
forcé, surtout pour des raisons pécuniaires, sont révolus.
Il appartient aux jeunes de se forger eux-mêmes un avenir dans la
droiture, l'honnêteté, l'abnégation et le bonheur.
»
Cet avis est soutenu par Badian Seydou Kouyate cité par
Kesteloot (p.298) : « Tu parles de l'argent qu'il nous a
donné. Tu sais bien que bien avant Famagan nous vivions et nous ne
mendions pas. Et puis, il faut que tu sois Birma pour croire qu'un homme puisse
être assez riche pour se payer une âme. L'argent symbolise
l'effort que fournit Famagan pour accéder à notre
famille»
Donc, le titre est bien approprié pour la pièce
du théâtre car l'auteur a mis l'accent sur le but de sa
pièce que le monde africain sache que le temps de forcer le mariage aux
jeunes pour les raisons d'argent est démodé et les jeunes ne
l'acceptent plus. L'espoir des parents qui se servent de la vente de leurs
filles est déjoué parce qu'ils n'auront plus les marchandises
à vendre. Il va de soi que le théâtre se termine à
l'hypertexte nuancé pour que les idées des analystes soient
exprimées sur le théâtre.
En revanche, Ndongo et Nyah (pp.222-223) affirment que
« Les espoirs perdus d'Unimna Angrey s'achève justement
sur une note d'espoir, qui constitue un démenti au titre que l'auteur a
bien voulu donner à son oeuvre... Ceci n'est pas une ambiance de
désespoir. On pourrait peut-être parler d'illusions
perdues, en tout cas, pas d'espoirs perdus». Donc, ils
exigent que l'auteur revienne sur le titre de son oeuvre car la note sur
laquelle le drame se termine ne montre aucun signe de désespoir.
En ce qui nous concerne, l'auteur n'est pas hors sujet,car,
l'espoir de Pa Abua, père d'Amerang, est perdu et en tant qu'un vieux
africain combien de temps qu'il va-t-il vivre encore sur la terre ? Pa
Abua est le personnage principal. Il est villageois ! Il a 52 ans !
Quel est son espoir d'abord ? Son espoir c'est qu'il va trouver
peut-être de l'argent pour boire du vin de palme toujours auprès
de Chef Oyishuo.
2.2.3
Commentaire sur les personnages
Pa Abua (52 ans) : Père
d'Amerang, il est le personnage principal car son nom a apparu
quatre-vingt-sept fois sur huit mil, trois cents soixante-cinq mots dans la
pièce. : L'auteur a mis en scène cette personne qui est plus
jeune que le Chef Oyishuo et qui veut forcer sa fille à se marier
à un homme plus âgé que lui pour nous montrer le
degré de son avarice. UnimnaAngrey a présenté les
âges de ces personnages pour provoquer chez les lecteurs l'émoi
pour qu'ils soient sur la même longueur d'onde que lui afin qu'ils
combattent les marginalisations des jeunes, en particulier les filles et pour
qu'ils voient clairement sa raison de contredire les aînés de
l'Afrique noire.
Chef Oyishuo (54 ans) : Grand
fonctionnaire, veuf, l'auto-proclamé « Adjoint au
secrétaire permanent du ministère des Affaires
Commerciales ». Encore que ce personnage soit veuf et vieux, il se
flatte pour démontrer la fausse fierté des riches adultes en
Afrique. L'auteur explique que les anciens de l'Afrique noire ne sont pas
comme leurs aïeux. Ils ont déjà abandonné
l'intégrité et la sagacité philosophique de l'Afrique
traditionnelle à cause de l'influence externe qui amène la
culture de l'argent en Afrique.
Ma Abua (45 ans) : Mère
d'Amerang, une vraie femme africaine traditionnaliste qui est soumise à
son mari. Même si ses idées sont pertinentes, elle les
présente comme suggestions. Cela interprète l'image de la femme
africaine traditionnaliste qui est modernisée psychologiquement. Elle
agit ainsi pour maintenir l'ambiance de paix dans le foyer conjugal. Ce n'est
pas qu'elle a peur de son mari.
« Au commencement Dieu voulut essayer le coeur
del'homme et celui de la femme. Il prit donc l'homme à part, lui remit
un couteau et lui dit : « Écoute, cette nuit, quand elle
dormira, tu couperas le cou à ta femme. » Et il prit aussi la
femme a part, lui remit un couteau et lui dit :
« Écoute, cette nuit, quand il dormira, tu couperas le cou
à ton homme. C'est bien. »Alors l'homme s'en va tout triste, en
pensant : « couper le cou à ma femme ! À ma
soeur ! C'est impossible : je ne le ferai jamais.» et il jette
le couteau dans la rivière, se réservant de dire qu'il l'a perdu.
Et la femme, aussi, s'en va. Puis, la nuit venue, elle prend le couteau et va
tuer l'homme qui dormait, lorsque Dieu reparaît :
« Misérable ! dit-il, puisque tu as le coeur si
méchant, tu ne toucheras plus le fer de ta vie ! Ta place est au
champ et au foyer. Et toi, dit-il à l'homme, puisque tu es bon, tu as
mérité d'être le maître et de manier les armes.
» - Cendrars Blaise (P. 275)
Amerang (19 ans) :
Élève-fiancée d'Owong, et fille de Pa Abua (l'auteur n'a
pas mentionné le nom de Ma Abua. Cela montre que la pièce est
située dans une société patriarcale). Amerang est aussi
un personnage principal, car son nom a apparu soixante-trois fois sur huit mil,
trois cents soixante-cinq mots dans la pièce. Toute l'intrigue tourne
autour d'elle et son père (Pa Abua). L'auteur lui aurait donné
un petit âge pour montrer qu'elle n'était pas conciliable au
vieillard, chef Oyishuo (54 ans).
Owong (24) :
Étudiant-fiancé d'Amerang, un homme qui voit l'avenir meilleur.
Bien qu'il soit d'une famille inconnue, il se voit autonome socialement et
financièrement car son éducation lui donne beaucoup de promesse.
L'auteur met les jeunes en scène en vue de montrer que l'horizon leur
appartient à conquérir car ils sont :
« En pleine possession des leurs moyens
physiques (le corps obéit parfaitement et n'est pas confronté
à des graves maladies) ils se font plus facilement pardonner leurs
erreurs, qu'ils sont toujours possibles de mettre au compte de
l'inexpérience. Ils jouissent de toutes leurs facultés
intellectuelles (mémoire, agilité, mentale) ; ils ne pensent
pas à la mort ni à la maladie. Ils vivent de manière
insouciante. En cas d'échecs (sentimental, scolaire), ils ne seront pas
nécessairement trop tard pour reconsidérer leurs choix. Jeunes
vont volontiers vers les autres et se font plus facilement des amis, dit Yann
Le Lay (p.138)»
Owong représente symboliquement la
génération moderne de l'Afrique noire qui évolue. Il dit
« Que j'aie encore rien à faire, je n'en disconviens pas.
Mais, vous devez savoir qu'un petit poisson deviendra grand un jour pourvu que
Dieu lui prête la vie. Ce n'est pas l'absence des plumes qui
préoccupe le poussin parce que tant qu'il vivra, il les aura. »
(Neuvième Mouvement p.41). En appliquant le schéma
actantiel de Greimas à la caractéristique de la
personnalité d'Owong, il est destinateur car c'est lui qui
entraîne l'objet d'argument entre Pa Abua et Amerang. Il commande
l'action du sujet de mariage. Il est aussi adjuvant. Celui qui apporte l'aide
à l'objet.
D'après Ndongo et Nyah (p.223) «les principaux
protagonistes, Pa Abua, Amerang et Owong ». Mais pour nous,
Owong ne peut pas s'ajouter aux protagonistes car l'action de Pa Abua n'est pas
directement sur lui mais sa fille qui l'aime dont il est adjuvant de l'action
d'Amerang.
Le théâtre n'a que deux personnages
principaux.
Osapi (21 ans) : Soeur
aînée d'Amerang. Cette revendication est non seulement la
pensée d'Amerang mais aussi de Osapi comme elle a dit
« mais père, les temps ont bel et bien évolué.
De nos jours, les filles doivent se sentir libres de se choisir un mari, un
homme qui leur plait. (Cinquième Mouvement p.24) »
Mme Agabi (47 ans) : Mère
d'Agor, tante d'Amerang, Osapi et Apah. Elle est du côté de Pa
Abua et Ma Abua. (Sixième et huitième Mouvements). Elle
participe à convaincre Amerang pour qu'elle accepte la proposition de
ses parents. C'est ici que la guerre des générations se
déclenche ouvertement. Ce personnage nous décèle que tous
les adultes se réunissent contre les jeunes. Cette solidarité
c'est les aînés contre les jeunes.
Apah (15 ans) : Frère cadet
d'Amerang, le chantre de la révolte des jeunes. Celui-ci bien qu'il
soit trop jeune, il ne s'attarde pas à déclarer la liberté
des jeunes. Cet auteur l'a mis en scène pour nous montrer que la
décadence culturelle des anciens est allée jusqu'au point
où mêmes les petits enfants savent que les anciens n'ont rien
à offrir à la société négro-africaine.
Voici ses expressions:
« Oui, il est vrai que notre avenir, en tant que
jeunes gens dépend de nos parents et leurs manigances. Mais, nous
devons aussi nous tenir garants de cet avenir. C'est-à-dire que nous
devons nous battre pour nous libérer de l'étau parental
(c'est lui, Apah qui est le premier a évoqué la
révolte psychologique et collaborative contre les
adultes)...Je suis persuadé que cet état des choses
vont s'arranger d'elles-mêmes au moment opportun...la vie appartient aux
jeunes. C'est à eux aussi qu'appartient l'avenir, l'avenir incertain,
un avenir inconnu. C'est pourquoi les parents doivent laisser libre cours
à leurs enfants de faire un choix qui leur paraîtrait lucide
(Dixième Mouvement pp.44-45)».
Les plusieurs évocations de
« l'avenir » indiquent que le futur leur promet du bien
plus que ce que les parents voient pour eux. Apah a déjà
prédit comment le futur va naturellement les soutenir à vaincre
les aînés. On le voit dans l'appréhension du chef Oyishuo
qui est l'une des péripéties de ce drame.
Agor (23 ans) : Cousine d'Amerang, fille
de Mme Agabi, un personnage qui a répliqué une fois dans ce
théâtre. Ce phénomène est appelé hapax
(phénomène qui n'apparaît qu'une fois) dit Louis
Hébert (p.13). Elle semble ne pas exister pour nous monter qu'elle
reste inactive ni du côté des jeunes ni du côté des
parents parce qu'elle ne comprend rien comme elle dit
elle-même : « tout le monde ici dit qu'il
comprend de quoi il s'agit. Je vous dirai franchement que je n'y comprends
rien, oncle. (Cinquième Mouvement p.21) » Et elle n'a
qu'apparuqu'au cinquième mouvement pour déclarer son
étonnement. Elle n'est pas allée à l'école donc
elle suit la foule dans la réponse sans avoir sa propre idée.
L'auteur veut parler de l'innocence des filles que les parents vivent aux
dépens d'elles du fait qu'elles ne se connaissent pas.
En revanche, Cheikh Hamidou Kane dit dans L'aventure
ambiguë cité par Sanusi Ramonu et TijaniMufutau (p.58) que
« l'école où je pousse nos enfant tuera en eux ce
qu'aujourd'hui nous aimons et conservons avec soin, à juste titre.
Peut-être notre souvenir lui-même mourra-t-il en eux. Quand ils
nous reviendront de l'école, il en est qui ne nous reconnaîtront
pas. Ce que je propose c'est que nous acceptions de mourir en nos enfants et
que les étrangers qui nous ont défaits prennent en eux toute la
place que nous aurons laissée libre ». L'école rend
Amerangbien courageuse pour pouvoir s'en prendre aux parents. Mais bien
sûr, l'école occidentale peut aussi séduire nos enfants
à emprunter certains comportements non africains qui les rendent
opposants et iconoclastes de l'Afrique traditionnelle bien
structurée.
Hormis le titre et le rôle d'Owong qui sont les objets
du débat parmi les chercheurs, cette pièce de
théâtre d'Unimna Angrey ne manque pas de grandes fautes de
frappe.
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