PARTIE II: L'IMPACT DES
INSTRUMENTS INTERNATIONAUX DE
LUTTE CONTRE LE TRAFFIC ET LE
BRACONNAGE DE L'ELEPHANT ET DU
GORILLE EN AFRIQUE CENTRALE
Les instruments internationaux adoptés par les Etats
d'Afrique centrale constituent un moyen de résistance face aux massacres
des espèces menacées d'extinction. Dans cette étude, nous
avons démontré qu'il en existe plusieurs, ayant tous en commun la
conservation efficace de la biodiversité. Cela étant, ces
instruments recommandent aux Etats Parties d'instaurer au plan national et
sous-régional des stratégies de lutte contre les actes criminels
dans la faune susceptible d'affecter l'environnement, la sécurité
des peuples et le développement durable. Cela soulève la question
de l'effectivité des instruments internationaux dans la mise en oeuvre
des actions pour stopper le trafic illégal et le braconnage des
espèces menacées d'extinction (Chapitre I). En tout état
de cause, il est constant qu'en Afrique centrale, l'application des
recommandations des instruments internationaux se heurte bien souvent aux
difficultés d'ordre politique, juridique, économique et social.
Ce qui par voie de conséquence entrave l'exécution des plans
d'actions établies (Chapitre II).
CHAPITRE I. EFFECTIVITE DE LA MISE
EN OEUVRE DES INSTRUMENTS
INTERNATIONAUX DANS LA
CONSERVATION DES ELEPHANTS ET
DES GORILLES
A la lecture des instruments internationaux sur la lutte
contre le trafic et le braconnage des éléphants et des gorilles,
l'on peut déceler cinq objectifs communs à savoir :
L'élaboration des stratégies et plans d'actions visant à
éradiquer les actes criminels dans la faune d'Afrique centrale, la
nécessité d'une coopération entre les Etats Parties ;
l'adoption des législations pour protéger la faune, l'aide aux
pays en développement et la réduction de la demande d'ivoire. Ces
objectifs seront pris en compte dans la suite de notre analyse qui consistera
dans une première démarche à examiner les plans d'actions
et des stratégies de lutte contre les actes criminels dans la faune
instaurés en Afrique Centrale (Section I). En seconde analyse, il sera
question de présenter les mesures prises par les Etats d'Afrique
centrale au plan national et bien évidemment la participation des
organisations transnationales dans cette lutte (Section II). C'est après
cela que nous évoquerons les résultats de l'application de ces
instruments internationaux en ce qui concerne les actes criminels dans la faune
sous-régionale.
39
SECTION 1 : L'INSTAURATION DES PLANS D'ACTIONS ET DES
STRATEGIES DE LUTTE CONTRE LES ACTES CRIMINELS DANS LA FAUNE EN AFRIQUE
CENTRALE
Des méthodes diverses et des techniques de conservation
des ressources naturelles se sont accrues ces dernières années,
prenant une dimension globale et planétaire129. L'Afrique
centrale n'est pas en reste car plusieurs plans d'actions et stratégies
ont été mis en place par plusieurs acteurs de la
sous-région. Parmi ces acteurs, on peut citer la COMIFAC (paragraphe 1),
la CEEAC (Paragraphe 2), l'OCFSA (Paragraphe 3) et le RAPPAC (Paragraphe 4).
Paragraphe 1- La COMIFAC: Matérialisation de la
coopération et de la mise en oeuvre des plans d'actions de lutte contre
le trafic et le braconnage dans la sous-région
La Commission des forêts d'Afrique centrale est un
acteur influent dans la mise en oeuvre des plans d'actions et stratégies
élaborés par les Etats membres de la sous-région. C'est la
raison pour laquelle présenter (A) cette organisation semble
nécessaire pour la compréhension des plans d'actions
instaurés et appliqués par celle-ci (B).
A-Présentation de la COMIFAC : expression d'une
coopération entre les Etats d'Afrique centrale
Il conviendra de relever dans cette présentation deux
points forts à savoir : la création (1) et les objectifs (2) de
la COMIFAC.
1-Création de la COMIFAC
Créée en décembre 2000 lors de la
Conférence des Ministres en charge des Forêts d'Afrique Centrale,
la Commission des Forêts d'Afrique centrale (COMIFAC) est le produit de
la Déclaration de Yaoundé du 17 mars 1999. Elle a
été officiellement opérationnelle en 2002 par la signature
de ses statuts. Le siège de la COMIFAC est à Yaoundé mais
peut être transféré dans un autre pays membre sur
décision du Sommet des Chefs d'Etats et de Gouvernement130.
La première des résolutions contenues dans la Déclaration
de Yaoundé étant la création des aires
protégées transfrontalières, celle-ci fut mise en
application immédiatement après la création de la COMIFAC,
avec l'adoption le 07 décembre 2000 de l'Accord relatif à la mise
en place du TNS signé entre la République du Cameroun, la
République du Congo et la République Centrafricaine. La
durée de la COMIFAC est illimitée. Les organes de la COMIFAC sont
notamment le Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement ; le Conseil des
Ministres et le Secrétariat Exécutif131. Le Burundi,
le Cameroun la RCA, le Congo, la RDC, le Gabon, la Guinée
129 Clément Jean, La forêt : un sujet
médiatisé à dimension mondiale, in Le Flamoyant,
n°32, novembre 1994, p. 4.
130Traité relatif à la conservation et
la gestion durable des écosystèmes forestiers d'Afrique centrale,
article 6. 131 Ibid.
40
Equatoriale, le Rwanda, Sao Tomé et Principe et le
Tchad132 sont tous membres de cette commission.
Il ressort de ce qui précède que la COMIFAC est
un excellent instrument de coopération entre les Pays de l'Afrique
Centrale qui à cet égard, partagent des objectifs communs.
2- Objectifs de la COMIFAC
La COMIFAC est chargée de l'orientation, de
l'harmonisation, du suivi et de la mise en oeuvre des politiques
forestières et environnementales en Afrique Centrale133. Elle
assure le suivi de la Déclaration de Yaoundé de 1999. La COMIFAC
a constitué des réunions tripartites des ministres des trois pays
partenaires du TNS134. Cette organisation sous-régionale a
élaboré des plans d'actions et des stratégies en
partenariat avec les ONG locaux et internationaux pour lutter contre l'abattage
illégal des éléphants et des gorilles. C'est une
organisation de référence en ce qui concerne la mise en oeuvre
des politiques nationales et en matière de gestion des ressources
fauniques en Afrique centrale.
Différentes initiatives, et actions permettent la
construction du développement durable des peuples135. Parmi
celles-ci l'élimination des actes criminels dans la faune occupe une
place de choix. Il sied dès à présent d'examiner les plans
d'actions élaborés et mis en oeuvre par la COMIFAC.
B-Elaboration et mise en oeuvre des plans d'actions par
la COMIFAC
La COMIFAC a élaboré et mis en oeuvre plusieurs
plans d'actions parmi lesquels le PAPECALF (1) et le programme ECOFAC auquel
cette organisation a participé (2).
1-Le PAPECALF
Les Etats d'Afrique centrale ont adopté à
N'Djamena (TCHAD), le Plan d'Action Sous-Régional des Pays de l'espace
COMIFAC pour le renforcement de l'application des législations
nationales sur la faune sauvage (PAPECALF) valable pour la période
2012-2017. Ce plan d'action a pour objectif de soutenir l'application des
législations nationales et les réglementations sur la faune
sauvage dans les pays de l'espace COMIFAC. Le PAPECALF a permis de mener des
actions pour renforcer la coopération et la collaboration entre les
autorités de contrôle et les autorités judiciaires
concernées par l'application des lois sur la faune sauvage au niveau
national, ainsi qu'entre les pays de l'espace COMIFAC, ceci en mettant en place
un sous- groupe de travail sur la faune sauvage et les aires
protégées (SGTFAP). Ce SGTFAP est entré en exercice depuis
juillet 2012 et par la suite, un Groupe de Travail Biodiversité
d'Afrique Centrale (GTBAC) a été
132 COMIFAC, Rapport annuel, 2012.
133 Ibid, article 5.
134ONOTIANG MAPEINE Florantine,
mémoire sur La gestion transfrontalière des
ressources naturelles: l'accord relatif a la mise en place du tri-national de
la Sangha (TNS) et son protocole d'accord sur la lutte contre le
braconnage, 2006.
135S. BOUTILLIER, Risques écologiques.
Dommages et intérêts, Innovations Cahiers d'économie
de l'innovation N°18, l'Harmattan, 2003, p. 123.
41
créé dont l'une de ses missions consiste en la
mise en oeuvre du PAPECALF au niveau sous-régional.
Le GTBAC harmonise les procédures de contrôle au
niveau national et sous-régional, élabore des directives
sous-régionales pour l'harmonisation des stratégies nationales
ainsi que des procédures de contrôle sur le terrain, et les faire
adopter par les pays membres ; évalue les besoins en formation intensive
dans les pays membres de la COMIFAC pour tous les acteurs136 ;
adopte un plan de formation continue au niveau national et sous régional
137. Le PAPECALF consiste également à mettre en place
des moyens de dissuasion efficaces pour lutter contre le braconnage et le
commerce illégal de la faune, s'assurer que les poursuites sont
conduites de manière régulière et en respect des lois
nationales.
Par ailleurs, un plan d'action appelé
communément plan de convergence a été adopté par
les chefs d'Etats en février 2005 à Brazzaville. En outre, une
stratégie régionale pour la conservation de
l'éléphant visant à réduire l'abattage
illégal d'éléphants a été
élaboré par l'UICN et le GTBAC dont le but est d'empêcher
la fragmentation des populations d'éléphants, améliorer
les connaissances sur l'état des populations et de leurs habitats, et
changer les perceptions négatives des habitants de la région
concernant le conflit hommes/éléphants138. Aux vues de
ce qui précède, quelle a été la contribution de la
COMIFAC au programme ECOFAC ?
2- Contribution de la COMIFAC au programme
ECOFAC
Le Programme de conservation et utilisation rationnelle des
écosystèmes forestiers d'Afrique centrale (ECOFAC) a
été initié par la Commission européenne en 1992 et
financé par l'UE dans le but d'assurer la conservation des forêts
tropicales, en s'appuyant sur l'aménagement des aires
protégées. Le programme ECOFAC, a été actif en
Guinée Equatoriale depuis 1992 et est suivi par la COMIFAC. ECOFAC a
également été appliqué au Gabon depuis 1992 et a
financé en particulier la gestion et le développement du Parc
National de la Lopé139. L'Imperial Collège de Londres
a lancé en 2002 un projet sur la durabilité de la chasse de
viande de brousse au Rio Muni, en conjonction avec ECOFAC, INDEFOR, et
l'unité de recherche sur la faune sauvage de l'Université
d'Oxford. En dehors de la COMIFAC, la CEEAC est également un acteur
clé dans la lutte contre les actes criminels des espèces
menacées.
Paragraphe 2-Institution du Plan d'Action d'Urgence
de Lutte Anti braconnage (PAULAB) : Initiative de la CEEAC
La CEEAC a une évolution historique et des missions
particulières (A) et a mené des multiples actions dans la
sous-région dont le Plan d'Action d'Urgence de Lutte Anti Braconnage
(B).
136 Les douanes, la police, les inspecteurs
vétérinaires et de quarantaine, les départements de la
faune sauvage, les agents de contrôle, les autorités portuaires et
aéroportuaires, le secteur privé, les autorités CITES, les
magistrats, les procureurs, les communautés locales, etc.
137 Par exemple sur la législation sur la faune
sauvage, l'identification des espèces, le partage et le traitement
d'informations et de renseignements, le développement et le partage des
outils d'investigations, les systèmes de marquage et
d'identification.
138 Réunion sur l'éléphant d'Afrique
Mombasa, Kenya 23-25 juin 2008, préparé par Groupe UICN/CSE de
spécialistes de l'éléphant d'Afrique à la demande
du Secrétariat de la CITES.
139 Le plan d'actions de Gorilla gorilla gorilla.
42
A-Naissance et missions de la CEEAC
La Communauté économique des états
d'Afrique Centrale a été créée en 1983 par dix pays
de la sous-région à savoir : l'Angola, le Burundi, le Cameroun,
le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la RCA, la RDC, Sao
Tomé et Principe et le Tchad. Cette communauté a pour objectif de
: « promouvoir et renforcer une coopération harmonieuse et un
développement équilibré et auto-entretenu dans tous les
domaines de l'activité économique et sociale, en particulier dans
les domaines de l'industrie, des transports et communications, de
l'énergie, de l'agriculture, des ressources naturelles, du commerce, des
douanes, etc. (...), Accroître et maintenir la stabilité
économique, renforcer les étroites relations pacifiques entre ses
membres, contribuer au progrès et au développement du
continent»140. La CEEAC a contribué aux actions
environnementales et à la gestion des ressources naturelles. Elle est un
véritable point focal institutionnel en matière de collaboration
entre les Etats d'Afrique centrale141. La CEEAC participe à
l'harmonisation des politiques et stratégies de gestion durable de
l'environnement dans la sous-région142.
En termes d'actions environnementales, la CEEAC a mis en place
un certain nombre de stratégies à savoir : la stratégie de
valorisation de la biodiversité, de l'économie forestière
et stratégie des écosystèmes marins. En outre, elle a
initié des programmes comme le PACEBCo.
Tout récemment en 2012, la CEEAC a instauré le
PAULAB au regard des massacres causés dans la faune de la
sous-région.
B-La mise en place du Plan d'Action d'Urgence de Lutte
Anti Braconnage par la CEEAC
Le Secrétariat général de la CEEAC en
accord avec le RAPAC et l'Union Européenne ont décidé
d'élaborer des plans d'actions dans la zone nord du Tchad sur la
problématique de la lutte contre le braconnage. Cette décision
était motivée par la réunion du Conseil des Ministres de
la COMIFAC tenue le 6 juin 2012 à N'djamena (Tchad) qui a mis en
évidence, la nécessité de la lutte anti-braconnage pour le
développement durable de la biodiversité dans la zone
septentrionale de la sous-région. Pour donner satisfaction aux attentes
des Etats, le Secrétariat général de la CEEAC et la
Délégation de l'Union Européenne ont proposé trois
activités suivantes : La mise en place d'un Plan d'Urgence de Lutte Anti
Braconnage dans les zones septentrionales et l'élaboration des
éléments de la stratégie de lutte anti braconnage en
Afrique centrale. Dans le cadre de ce plan d'action, une stratégie de
lutte anti braconnage a été élaboré afin de
concrétiser les objectifs fixés par les Etats d'Afrique centrale.
Tel est donc le but du PAULAB. Par ailleurs, ce plan s'assure que la
coopération entre les états de la sous- région est
effective et apporte les résultats escomptés. L'OCFSA partage
cette même ambition.
140TABUNA Honoré, la CEEAC et son
rôle dans les activités sous régionales en matière
d'environnement et de gestion des ressources naturelles, p. 5.
141 Ibid., p. 7.
142 Ibid., p. 9.
43
Paragraphe 3- L'OCFSA comme outil de coopération
et d'unité des états d'Afrique centrale
L'Organisation pour la Conservation de la Faune Sauvage en
Afrique Centrale a été créé en 1983 par les chefs
d'Etats de l'Afrique centrale qui ont décidé de mettre en commun
leurs efforts pour lutter contre le braconnage au regard de la recrudescence
des populations des espèces menacées dans la sous-région.
Cette organisation est partie prenante dans l'instance suprême de
décision143 du TNS lors de la mise en oeuvre de la
12ème résolution de la Déclaration de
Yaoundé. L'OCFSA collabore étroitement avec la COMIFAC dans
l'application des législations nationales en matière de gestion
des ressources naturelles. Son champ de compétence renferme les
forêts de l'espace sous-régional.
L'OCFSA s'est donnée pour mission de s'assurer que le
patrimoine de la sous-région soit utilisé de façon
rationnelle et équitable conformément aux recommandations de la
Convention sur la Diversité biologique de 1992. Qu'en est-il du
Réseau des Aires Protégées d'Afrique Centrale (RAPAC) ?
Paragraphe 4- Contribution du RAPAC dans la gestion
des aires protégées d'Afrique centrale
Avant d'examiner l'apport du Réseau des Aires
Protégées d'Afrique Centrale (B) dans la lutte contre le trafic
et le braconnage des espèces menacées, il sied de
présenter en premier lieu la naissance et les finalités de cette
institution (A).
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