Analyse des instruments internationaux de lutte contre le trafic et le braconnage des especes menacees en Afrique centrale: le cas de l'éléphant et du gorille( Télécharger le fichier original )par Angèle Séraphine NANFAH DONFACK Université de Limoges - Master 2 Droit international et comparé de l'environnement 2013 |
INTRODUCTION GENERALEL'Afrique centrale est située au coeur du continent africain. Elle couvre le Cameroun, la République Centrafricaine (RCA), le Congo, la République Démocratique du Congo (RDC), le Gabon, la Guinée Equatoriale, Sao Tomé et Principe et le Tchad 1 . Cette sous-région subsaharienne abrite une faune variée et diversifiée constituée entre autre de grands mammifères dont les plus emblématiques sont les éléphants, les grands singes, les lions, les bongo, les rhinocéros et les hippopotames. Malheureusement, du fait de plusieurs facteurs parfois combinés (pauvreté des populations locales, accroissement de la demande nationale et internationale des produits fauniques, accentuation du commerce illégal et trafic d'armes), cette richesse faunique est très menacée avec des prélèvements anarchiques observés. En effet, des dizaines d'espèces animales et végétales disparaissent chaque année. Et, « Si rien n'est fait, plus de la moitié de ces espèces risquent de disparaitre d'ici la fin de ce siècle. Chaque espèce, même la plus insignifiante, a une place unique au sein d'un écosystème dont l'Homme fait également partie. La liste des espèces disparues est déjà longue »2. A titre illustratif, on a enregistré une perte de 11 000 éléphants en moins de 10 ans dans la zone du Parc National de Minkébé au Nord du Gabon due essentiellement au braconnage et au commerce illicite de l'ivoire. Au Cameroun, les actes de braconnage ont connu leurs apogées en 2012 avec une perte énorme d'éléphants chiffrée à près de 250 dans le Parc National de Bouba N'djida. Ces deux périodes sombres de l'histoire de l'Afrique centrale ne sont cependant pas des cas isolés. Dans un tel contexte, Yury FEDOTOV, Directeur général de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) estime que : « le commerce illicite des espèces sauvages est une forme de criminalité transnationale organisée, tout comme le trafic de stupéfiants, d'armes et d'êtres humains qui apportent des conséquences négatives sur la sécurité et le développement »3. En d'autres termes, la criminalité faunique est une infraction à l'échelle planétaire au même titre que les autres formes de criminalité et entrave la paix et la stabilité sociale. C'est pourquoi, plusieurs acteurs de la scène internationale comme l'UNODC, la CITES, Interpol et la Banque mondiale ont créé en 2010, le Consortium international sur la lutte contre la criminalité faunique, dont la finalité est de fournir des aides aux pays victimes des actes de trafic et de braconnage. En Afrique centrale, l'existence des instruments internationaux sont d'une grande nécessité. L'enjeu actuel est énorme, et ne sera profondément acquise que si ces instruments juridiques adoptés sont respectés et pris en compte dans les politiques sous-régionales. Car, la faune est un élément capital et vital de notre milieu forestier. De plus, cet espace naturel constitue la pierre angulaire de l'industrie touristique naissante du milieu. Elle est sujette à la recherche scientifique4. Il est essentiel de préserver la faune qui détient faut-il le préciser une panoplie de ressources fauniques et floristiques. En matière de protection des ressources fauniques, bon nombre d' « instruments internationaux » seront énumérés dans le cadre de cette étude. Selon le dictionnaire juridique de Gérard CORNU, « un instrument juridique est un texte (...) englobant l'ensemble des actes lato sensu dotés d'une valeur obligatoire »5. Par ricochet, un instrument juridique est qualifié d'international lorsqu'il s'agit d'un texte ou un acte 1 http://lemarcheafricain.over-blog.com. 2 WILSON Edward O., Sauvons la Biodiversité !, Dunod, avril 2007, p. 86. 3 CEEAC, Projet de Plan d'Extrême Urgence de Lutte Anti braconnage (PEXULAB) dans la zone des savanes du Nord Cameroun, Nord-RCA et Sud-Tchad, p.1. 4 BIGOMBE LOGO Patrice, Le retournement de l'Etat Forestier. L'endroit et l'envers des processus de gestion forestière au Cameroun, Préface du Professeur Maurice KAMTO, presse de l'UCAC, 2004, p.27. 5 CORNU Gérard, Vocabulaire juridique, Association Henri CAPITANT, PUF, p. 555. 2 juridique opposable à plusieurs acteurs de la scène internationale. Dans les relations internationales, on distingue plusieurs instruments internationaux parmi lesquels les conventions, les protocoles, les mémorandums, les déclarations etc. L'avènement de ces instruments en matière de lutte contre les actes criminels dans la faune s'est fait progressivement et s'est avéré nécessaire dans l'encadrement des modalités d'exploitation des espèces fauniques. Ceci ayant comme ultime finalité l'éradication en Afrique centrale du trafic et du « braconnage ». Cette dernière notion est définit selon Seydou OUATTARA et Mamadou MARIKO comme : « l'exercice illégal de la chasse ». Cela revient à dire que le braconnage est un acte commis délibérément en violation des lois et réglementations en vigueur. Gérard CORNU quant à lui appréhende le braconnage dans un double sens : « au sens général, il signifie un acte de chasse ou de pêche, interdit par les lois et règlements. Au sens technique, (le braconnage renvoi à) tout acte de recherche et de poursuite du gibier ou de poisson, en vue de le capturer et de le tuer, lorsque ces actes sont effectués au moyen de procédés ou d'engins prohibés, ou encore en des temps ou lieux interdits »6. Au regard de cette acception, l'appréhension au sens technique du braconnage est celle qui sera considérée dans le cadre de cette étude. Car en Afrique centrale, les braconniers pourchassent principalement les espèces menacées d'extinction dans les aires protégées interdites de chasse. Tout comme le braconnage, le trafic des éléphants et des gorilles constitue un véritable fléau social. Ce « trafic » peut être apprécié de deux manières : selon qu'il est légal ou selon qu'il est illégal. Dans le premier cas, le trafiquant agissant légalement doit s'assurer qu'il respecte la législation en vigueur. Le trafic illégal qui nous intéresse dans le cadre de cette étude concerne les actes prohibés et répressifs qui constituent une atteinte grave à l'environnement. Ainsi, cette forme de trafic est celui qui implique le commerce, la contrebande, la capture, la collecte interdits d'espèces menacées, d'espèces menacées d'extinction (dont les espèces animales et végétales soumises à des quotas de récolte ou de capture et réglementées par des permis) et de dérivés ou de produits de ces espèces7. L'expression « espèce menacée » est largement employée dans les instruments internationaux visant la conservation de l'environnement. Il renvoie en fait, à une division d'un genre renfermant plusieurs êtres réunis sous un caractère commun qui les distinguent des autres êtres et qui subissent des pressions externes comme le braconnage, le trafic et les catastrophes naturelles entrainant ainsi leur disparition. Tel est le cas des populations d'« éléphants » et des gorilles. Pour ce qui est de la première espèce, l'on pourrait l'assimiler comme des mammifères pachydermes de l'ordre des proboscidiens. Ce sont des espèces emblématiques respectés dans tout le continent africain, ils sont symboles de force et de croyances de toute nature. Les «Gorilles » quant à eux représentent les espèces et sous-espèces du genre Gorilla. Ces deux espèces subissent depuis plusieurs décennies des actes impitoyables qui entrainent des irréversibilités coûteuses8, tant du point de vue environnemental qu'économique. Les auteurs de ces actes criminels procèdent le plus souvent par la violence et utilisent des armes redoutables et dangereux9 pour parvenir à leurs fins. 6 Ibid., p. 136. 7 N. South et T. Wyatt. Comparing illicit trades in wildlife and drugs: an exploratory study, Deviant Behavior, 2011, 538-61. 8 BÜRGENMEIER Beat, Hubert GREPPIN, Sylvain PERRET, Economie aux frontières de la nature, Biologie, économie, Agronomie, l'Harmattan, décembre 2007. 9 Plusieurs massacres des éléphants et des autres espèces fauniques sont faits à base des armes, des bombes, des artilleries lourdes. Face à ces moyens de chasse, les populations vivant à proximité des airs protégées sont également en danger. 3 Cette analyse vient à point nommé car elle a pour soucis d'attirer l'attention des décideurs politiques, des pays consommateurs des produits issus des pachydermes et des gorilles ainsi que le grand public. Dans ce travail, nous nous limiterons à analyser uniquement les instruments internationaux tels que les conventions, les déclarations et les accords. Pour cela, nous identifierons spécialement ceux qui interdisent les actes criminels contre les éléphants et les gorilles. A noter que la lutte évoquée dans l'intitulé de cette étude consiste à la mise en oeuvre des stratégies et plans d'actions recommandés par ces instruments internationaux. Les pays africains disposent en réalité des moyens nécessaires10 pour éradiquer les fléaux qui entravent leur développement. C'est pourquoi il faut comprendre Serge BAHUCHET lorsqu'il affirme que : « (...) L'homme, dans quelque culture que ce soit, est capable de gérer convenablement son milieu, pourvu qu'il dispose de bonnes conditions sociales, politiques et économiques »11 . Au regard de notre thème de mémoire, la question de savoir si les instruments internationaux ont effectivement contribué à éradiquer les actes criminels dans la sous-région suscite notre curiosité. En d'autres termes, quel est l'apport des instruments internationaux en ce qui concerne l'opposition faite contre le trafic illégal et le braconnage des éléphants et des gorilles en Afrique Centrale ? Il s'agira pour nous de vérifier si ces instruments adoptés par les Etats de la sous-région ont effectivement contribués à éradiquer les actes criminels dans la faune. De jure, la lutte contre ces actes est consacrée dans une panoplie d'instruments internationaux. Cependant, ici et là on dénombre encore de grands massacres. Les gangsters fauniques pillent une biosphère qui ne fait pas face et s'efface12. Dans un tel contexte, cette étude est d'un intérêt juridique indéniable dans la mesure où elle permet de faire le point sur l'influence des normes internationales dans le combat mené contre les crimes fauniques. De plus, une portée environnementale est appréciable parce que les éléphants et les gorilles font partie de la biodiversité et jouent un rôle influent dans le processus écologique. Il est donc important que ces deux espèces soient conservées afin de garantir un environnement sain pour les générations présentes et futures. En outre, un intérêt économique n'est pas en reste, car le pillage illégal des espèces fauniques ralentit l'économie d'un Etat, voir d'une sous-région. En d'autres termes, la gestion rationnelle des ressources fauniques contribue au développement d'une nation et attire les touristes des quatre coins du monde. Par ailleurs, un intérêt politique est aussi identifiable, ceci pour la simple raison que les activités illicites de trafic et de braconnage menacent la sécurité intérieure d'un Etat et de la sous région et peuvent avoir des répercutions dans toute la communauté internationale. Enfin, ce travail dégage une portée sanitaire, car la viande des éléphants et des gorilles qui est vendue à la suite des actes de trafic et de braconnage n'est pas traitée dans les meilleures conditions. En consommant ces viandes, les populations s'exposent aux contagions dans le cas où les animaux abattus étaient porteurs d'un virus mortel comme le virus Ebola qui actuellement est à l'origine des centaines de morts partout dans le monde. Les experts déconseillent la consommation des viandes sauvages pour cette même raison. Or, en Afrique centrale, les populations locales dans leurs extrêmes pauvretés ne tiennent pas compte de cette exigence lorsqu'ils consomment les viandes de brousse vendues par les trafiquants et les braconniers. 10 Ces moyens restent enclavés par la mauvaise gestion des dirigeants. Pourtant les états africains disposent d'assez de ressources naturelles pour sortir de la pauvreté. 11 Serge BAHUCHET, Françoise GRENAND, Pierre GRENAND et Pierre De Maret, Les peuples des forêts tropicales aujourd'hui, volume I, Forêts des tropiques anthropiques. Sociodiversité, bioversité : un guide pratique, Bruxelles, APFT, 2000, p. 9. 12 MATAGNE Patrick, Les enjeux du développement durable, préface de MORIN Edgar, l'Harmattan, 2006, p.27. 4 Il y a donc aux vues de ce qui précède plusieurs intérêts dégagés dans cette étude. C'est la raison pour laquelle l'élaboration de notre mémoire s'est faite en trois phases : la phase de collecte de données, le traitement de ces données et la rédaction. Dans la première phase, il a été question pour nous de réunir tous les informations nécessaires qui traitent du problème de braconnage et du trafic des espèces menacées en Afrique centrale. L'occasion nous a été donné de faire deux stages pour y parvenir. Le tout premier stage effectué était au Ministère de l'Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement Durable (MINEPDED) du Cameroun et le second stage était au Ministère des forêts et de la Faune (MINFOF) de ce pays. Lors de notre premier stage, nous avons interrogé le Directeur des affaires juridiques sur les questions d'impact du braconnage sur l'environnement, notamment au Cameroun. Nous avons parcouru les ouvrages de la bibliothèque de ce ministère parmi lesquels un bon nombre a servi dans la rédaction de ce travail. Au MINFOF, nous sommes allés avec quelques agents de ce ministère au parc national de Nvog Mbeti à Yaoundé, pour répertorier le nombre d'ivoire confisqués par le ministère. Par ailleurs, notre travail a été encadré par un personnel chaleureux et accueillant, qui nous a apporté leur point de vue sur le braconnage en général. Nous avons interviewé quelques éco gardes du parc de la Mefou et Afamba (Cameroun) qui nous a donné les détails sur la conservation des gorilles dans cette localité du pays. Ces éco-gardes considèrent que le braconnage continue de sévir dans le pays à cause de l'ignorance des populations locales. Car, ces derniers chassent illégalement dans les aires protégées à la recherche de la nourriture. Ceci s'explique par le fait que les populations ignorent en général les limites de la chasse traditionnelle, et ne savent pas que les produits issus de cette chasse ne peuvent pas être commercialisés illégalement. Le chef de brigade du parc de Waza à l'extrême Nord du Cameroun estime que la menace qui pèse dans la faune nationale s'explique par le manque criard des ressources financières et matérielles pouvant décourager les trafiquants et les braconniers. A côté des stages effectués, l'accès aux ressources provenant de l' internet nous a permis de mieux développer ce travail, notamment en appréciant les différentes actions qui ont été menées sur le terrain. En outre, nous sommes allés au sein de certaines ONG installés au Cameroun, qui participent à la lutte contre le trafic et le braconnage des espèces menacées comme WWF et LAGA qui nous a fourni des informations adéquates pour l'élaboration de ce mémoire. Par ailleurs, une descente au siège de la COMIFAC et au PACEBco s'est avérée necessaire. La première organisation nous a donné un certain nombre de rapports annuels de leurs activités. A travers les brochures qu'il offre au public, le PACEBco nous a permis de comprendre que tous les actions sont menées pour conserver la biodiversité en Afrique centrale. Cette collecte de données s'est étendue sur plusieurs semaines et a été suivie par l'analyse des informations collectées. Ceci à travers une lecture méticuleuse et une synthèse des données. Pour mener à bien cette étude, l'orientation méthodologique est structurée sur une double directive dont la tout première consistera à présenter les instruments internationaux qui luttent contre les actes de trafic et de braconnage des éléphants et les gorilles (Partie I). La seconde idée se déroulera autour de l'impact de ces instruments dans l'opposition faite contre les actes criminels à l'égard de ces deux espèces en Afrique centrale (Partie II). 5 |
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