I. 2 Historique de la« police de
proximité»
La «police de proximité» dont il est question
ici trouve ses prémisses dans l'accord d'ARUSHA pour la paix et la
réconciliation signé en août 2000 par les protagonistes
burundais. L'un des objectifs mis au point est la réforme des corps de
défense et de sécurité. Cette réforme s'inscrit
également dans la mise en oeuvre du cadre stratégique de
croissance et de lutte contre la pauvreté (CSLP) adopté en
septembre 2006 et du processus de développement du cadre
stratégique pour la consolidation de la paix (CSCP) initié en
février 200718. C'est en 2005 avec la promulgation suite
à un référendum de la constitution de la République
du Burundi, à son titre X19 de cette loi
réservé au corps de défense et de sécurité
qu'on a montré la nécessité de cette réforme.
Mais pour le cas du Burundi, l'optique de mettre en place une
police au service du citoyen ne veut pas dire que c'est une réforme dans
le sens que la Police Nationale Burundaise ne date du 31 décembre 2004.
On comprend bien qu'elle est encore dans sa phase de départ, du fait
qu'à la veille des pourparlers d'Arusha, les corps de défense et
de sécurité sont constitués de différents corps de
police et des Forces Armées Burundaises et de la gendarmerie. Ces deux
derniers étaient sous la tutelle du ministère de la
défense nationale. De nos jours, le (la) policier(e) n'est plus le/la
seul(e) responsable de la sécurité, car elle est devenue
l'affaire de tous les acteurs de la société et il/elle doit
collaborer avec eux. C'est pour cela que le Gouvernement du Burundi à
travers la lettre de politique générale du MSP sur la
sécurité intégrale et intégré(2011-2015) et
dans d'autres textes a exprimé sa volonté de faire évoluer
la police nationale vers une police démocrate, républicaine,
professionnelle, moderne et de proximité en partenariat avec les
différents partenaires20.
À travers cette même vision, les autorités
burundaises avec l'appui technique et financière de la GIZ ont
décidé d'initier la «Police de Proximité»
à Makamba, depuis le mois de
18 Travail de Willy NINDORERA pour le centre d'alerte et
prévention des conflits
(Bujumbura, Burundi) et l'Institut Nord-Sud d'Ottawa, Canada, sur
les principaux défis de la police nationale pour une meilleure
sécurité publique et le renforcement démocratique, p.
13.
19 Projet d'appui à la professionnalisation de
la PNB-CTB et MSP, Op. Cit., p. 7
20 Idem, p. 5.
17
décembre 2010, lequel processus a été
expérimenté à travers les perceptions sur l'état de
la sécurité en identifiant les facteurs
d'insécurité en passant en revue les causes et les origines de
ces mêmes facteurs. L'expérimentation, la mise en oeuvre du projet
jusqu'à la satisfaction des prestations de la police en collaboration
avec la population et en mettant en lumière les quatre axes (i) le
partenariat/la collaboration, (ii) le pris en compte des besoins et attentes de
la population, (iii) la pro-activité, (iv) et enfin le rendre compte
pour la réussite du concept à travers un élément
incontournable CMS a montré que la sécurité n'est plus
l'affaire d'un policier mais de tout le monde sans distinction aucune. Le
concept en commune pilote a pris fin en janvier201221. Il sera
question dans cette étude de recherche de voir et évaluer, au
final, non seulement quel a été son impact sur la
communauté à travers trois aspects- (i) l'évolution
économique, (ii) la société (l'épanouissement de la
population), (iii) et enfin l'environnement- qui traduisent le
développement durable mais encore plus de l'appropriation en mettant au
clair les atouts qui sont les forces et les opportunités de la
«Police de Proximité» et les contraintes qui sont les
faiblesses et les menaces qui peuvent être l'obstacle du concept et en
somme voué à l'échec.
D'après les modèles analysés dans
d'autres pays, le Gouvernement du Burundi a opté pour le choix de
s'orienter vers une police de proximité car c'est dans cette directive
de faire de ce corps, une police démocrate, républicaine,
professionnelle, moderne et de proximité que les hauts cadres du
Ministère de la Sécurité Publique ainsi que la CTB
à travers le projet Appui à la professionnalisation de la police
nationale burundaise se sont mis ensemble et ont défini les axes menant
à ce concept «Police de proximité» adapté au
contexte burundais. Ses axes sont :22
1. La sécurité est l'affaire de tous les acteurs
de la société. La police doit tendre vers une ouverture
vis-à-vis de la population car pour arriver à assainir un
meilleur environnement sécuritaire, il faut une implication de tous les
acteurs de la société burundaise. Dans cette logique d'acteurs de
la société, il est intéressant de connaitre de qui
s'agit-il ? Ses composants sont les autorités administratives et
judiciaires d'une part, les corps de sécurité ainsi que les
représentants de la société civile en
21 Rapport de la GIZ, Enquête sur les
perceptions de l'état de sécurité, la collaboration et les
prestations de la PNB, Bujumbura, Avril 2012, p.6.
22Projet d'Appui à la professionnalisation-CTB
et MSP, Op. cit., p. 12.
18
toutes ses formes, que ça soit des associations
sportives et culturelles, des partis politique, des commerçants, de
confessions religieuses, des centres de santé, des média, etc.,
d'autre part. Donc, toutes les couches de la population burundaise. De ce fait,
on comprend bien que la sécurité n'est plus l'affaire du
gouvernement mais plutôt de tout un chacun. Néanmoins, même
si la sécurité est l'affaire de tout le monde, il ne faut pas
confondre les responsabilités de tout un chacun en ce qui concerne les
compétences et les limites, pour ne pas s'ingérer dans les
compétences de l'autre.
2. Le partenariat. Comme la sécurité est
l'affaire de tous, sa gestion n'incombe seulement qu'à la police, elle
doit collaborer et traiter avec d'autres acteurs sociaux, et pas comme des
simples intervenants mais des partenaires, car les phénomènes qui
constituent des problèmes de sécurité pour la police
peuvent être des problèmes d'éducation, de santé ou
d'économie pour les autres acteurs sociaux. C'est pour cela qu'à
travers ce concept, il y aura la mise en place des comités mixtes de
sécurité « CMS », qui n'est autre qu'une rencontre de
tous les acteurs sociaux. De ce fait, il est primordial pour être
efficace de travailler en partenariat avec tous ses acteurs de la
société burundaise.
3. La prise en compte des besoins et attentes de la
population tant pour les femmes que pour les hommes, traduit le premier souhait
de la population qui est d'avoir une police soucieuse de ses problèmes
en matière sécuritaire sans distinction aucune en
intégrant et en impliquant le genre, afin de chercher des solutions
policières adéquates.
4. La collaboration avec la population (hommes et femmes)
permet que dans cet axe, la population puisse constituer le pilier central du
concept « police de proximité », elle est et demeure la
partenaire incontournable pour une meilleure collaboration. L'ouverture de la
police à la population sous-entend qu'elle doit toujours être
à l'écoute et en traitant sur le même pied
d'égalité les problèmes de la population,
19
hommes et femmes sans aucune discrimination afin d'instaurer
une confiance et respect mutuel à travers la qualité et la
fiabilité de son action. Tout ceci ne peut se faire que par un dialogue
entre tous les niveaux équivalents (colline/antenne, commune/chef de
poste, province/commissariat provincial) en définissant les
responsabilités de chacun des niveaux de la police dans les relations
avec la population.
5. Les tâches policières. Dans ce nouveau
concept, une police qui se veut de proximité est une police au service
de la population. Donc, elle doit fixer et institutionnaliser les tâches
de base (par-là il faut comprendre les tâches policières
exécutées au niveau communal ou collinaire c'est-à-dire
à la base de la société, puisque elle doit être de
proximité) qui répondent aux attentes et besoins quotidiens de la
population, en intensifiant continuellement les formations des policiers sur
ces tâches afin d'améliorer leurs prestations
6. Rendre compte. Étant donné que la
sécurité est l'affaire de tous, la police à l'obligation
de répondre de son action à la hiérarchie
policière, à ses partenaires (comité élargi,
représentants des associations et les autorités administratives
et judiciaires), par la communication régulière d'information sur
ses activités et sur les résultats afin d'être
évaluée.
7. L'accessibilité, la disponibilité et
visibilité. Il faut entendre par là que :
? Elle doit être accessible car, la police de
proximité est une police qui doit être proche de la population,
c'est à dire être là où la population se trouve
compte tenu de son déplacement. Donc, l'antenne ou le poste ne doit
être loin des habitations et des lieux où elle exerce leurs
activités, conditions essentielle à la mise en oeuvre d'une
police de proximité.
? Elle doit être disponible en tout temps et en tout
lieu afin de répondre aux besoins de la population afin qu'elle ne soit
considérée comme seule maîtresse des questions de
sécurité. C'est pourquoi chaque colline dispose
20
d'un policier responsable du suivi de la sécurité,
la population l'appelle « notre policier »
? Enfin, elle doit être visible, en
utilisant tous les signes et matériels qui lui soient propres pour
qu'elle soit facilement reconnaissable.
8. La pro-activité dans la résolution des
problèmes de sécurité suppose que cette nouvelle approche
s'inscrit dans une démarche participative et proactive, qui cherche
à intervenir sur les causes de l'insécurité et pas
simplement se contenter à attendre qu'elles surviennent pour
réagir. C'est pour cela qu'elle doit avoir une connaissance approfondie
sur les origines de l'insécurité, pour qu'elle puisse anticiper
ces causes et être capable de les prévenir.
9. L'usage légal de la contrainte. Le/la
policière doit utiliser la contrainte seulement en cas de
nécessité et de façon proportionnelle à la menace
et à l'objectif à atteindre.
10. Le bien-être du policier. Le/la policier(e) pour
qu'il/elle puisse accomplir correctement son travail, il faut que les
conditions de travail soient bonnes et se sente bien dans sa peau.
11. Le dé-casernement/délocalisation. Cet axe
est un important dans la mise en oeuvre de ce concept, car la police doit
être proche de la population.
C'est avec ces axes que certains partenaires internationaux
comme la CTB et la GIZ appuient pour la professionnalisation ou le renforcement
de la police burundaise. La GIZ, l'entreprise qui nous a
intéressé, à travers son projet « Renforcement de la
Police Nationale du Burundi » a commencé à aider le
Gouvernement du Burundi à la mise en oeuvre de ce concept avec comme
zones de la commune pilote de Makamba en priorisant quatre axes qui sont le
partenariat et la collaboration pour restaurer la confiance entre la police et
la population, la prise en compte des besoins et des attentes de la population
(Hommes et femmes), la pro-activité dans la résolution des
problèmes de sécurité et le rendre compte aux
autorités hiérarchiques de la police et d'autres acteurs de la
société.
Vu que les structures publiques ne répondaient pas
suffisamment aux besoins quotidiens de la population, les CMS se sont
révélés comme mécanisme important dans la mise en
oeuvre
21
du concept, et aller vers un développement consenti par
tout le monde, car on y rencontre tous les acteurs de la société.
Les CMS sont des organes d'assistance et d'appui à l'administration
communale, aux institutions de sécurité et à la
population. Et, sont mise en place par l'autorité administrative locale
en concertation avec la population et approuvé par une décision
du gouverneur. Les CMS sont constitués des membres provenant de
l'administration, de la police, de la justice, de la population et autres
partenaires de la société civile incluant des
représentants des opérateurs sociaux et économiques
locaux. Les CMS jouent le rôle de médiateur et de facilitateur
dans les conflits locaux à caractère social; et dans ses
missions, les CMS ne s'occupent pas seulement des questions en rapport avec la
sécurité physique, ils s'occupent également de celles
liées à la vie sociocommunautaire et politico-économique
et au développement des localités auxquelles ils sont
établis23. Donc, les CMS est un moyen d'aboutir à un
développement durable.
Remarquons toutefois, que ce concept de «Police de
proximité» n'est pas appuyé par la GIZ seulement; il y' a
d'autres partenaires tel que la Coopération technique belge qui elle, a
choisi quinze communes pilotes dont quatre dans les villes de Bujumbura :
Kamenge, Kanyosha, Musaga et Rohero, ainsi qu'à travers onze communes
(une commune pour une province) du Burundi à savoir, Bisoro (Mwaro),
Bugabira (Kirundo), Bukemba (Rutana), Gitega (Gitega), Giteranyi
(Muyinga),.Gisuru (Ruyigi), Kiremba (Ngozi), Matongo (Kayanza), Muramvya (
Muramvya), Rugombo (Cibitoke), et Rumonge (Bururi). Il y'a aussi les
Néerlandais qui appuient dans la réforme de la police à
travers le Développement dans le Secteur de la Sécurité
(DSS) qui interviennent dans les formations en matière de la
sécurité aux policiers et qui travaillent en partenariat avec la
CTB et la GIZ. Il faut reconnaitre que ce partenariat permet la vulgarisation
du concept.
23 Rapport de la GIZ fusionné de la
journée d'évaluation des résultats et l'atelier
d'élaboration du plan d'opérations des CMS, pour la
période Juillet-Décembre 2011, p. 6.
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