La projection des cultivars dans les plans 1-2 de l'ACP et de
l'ACM montre une distribution aléatoire des cultivars dans le plan.
Cette dispersion des cultivars dans les plans de l'ACP et de l'ACM, indique une
importante variabilité agro-morphologique des cultivars. La dispersion
des cultivars étant plus importantes au niveau de l'ACP, alors la
diversité agro-morphologique des cultivars de sorgho colorant est plus
importante au niveau des paramètres quantitatifs que qualitatifs.
Partant d'une étude sur 10 caractères morphologiques de
l'inflorescence et portant sur 54 panicules récoltées dans 6
champs, Djè et al. (1998) ont montré que, malgré
l'existence d'une importante variabilité au sein des sorghos locaux du
Maroc, les pourcentages de variance exprimés par les principaux axes
(PC1 à PC4) étaient assez faibles et varient entre 22 et 11 %.
Les faibles pourcentages de variance exprimés par les
3 principaux axes de l'analyse en composante principale pour les variables
quantitatives d'une part (29,84 à 7,45 %) et pour les variables
qualitatives d'autre part (15,63 à 10,9 %) indiquent l'absence d'un ou
plusieurs caractères agro-morphologiques prépondérants.
Toutes les variables utilisées étant discriminantes pour
l'étude. Selon Idrissi et Ouazzani (2003) une faible
représentativité des différents axes témoigne de
l'absence d'une organisation génotypique et phénotypique forte
entre les cultivars étudiés. Cette absence d'organisation forte
peut s'expliquer par l'origine monophylétique des sorghos, Djè
et al. (op cit).
Les caractères morphologiques quantitatifs : cycle
semis-floraison (NJF), longueur de la panicule (Lpan), diamètre de la
panicule (Dpan), nombre d'entrenoeuds ou nombre de gaines foliaires produites
(Nen), poids de la panicule (Ppan), poids de 100 grains (P100) qui sont
fortement corrélés (r > 0,6) avec les axes des composantes
principales indiquent les caractères phénotypiques les plus
remarquables au champ qui influenceraient la sélection faite par les
paysans. En effet, les sorghos présentant les caractéristiques
les plus avantageuses seront ceux dont les graines seront
préférentiellement conservées pour les semis à
venir. Ainsi, les paysans portent leurs choix sur les cultivars qui produisent
beaucoup de gaines foliaires contrairement à ceux qui produisent des
gaines de grandes dimensions chez le sorgho colorant et sur des plants ayant
des panicules de grande taille, lourdes avec des grains bien remplis chez le
sorgho ordinaire. Les dimensions de la gaine foliaire ne sont donc pas
d'importance
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Caractérisation agro-morphologique des
cultivars traditionnels de sorgho
colorant (Sorghum bicolor) au
Bénin
pour les paysans, mais c'est le nombre de gaine foliaire
récoltable par plant qui est nécessaire par ricochet amène
beaucoup de profit économique. Ces résultats sont
confirmés par Djé et al. (2007) qui affirment ces fortes
corrélations avec les axes seraient dues à la sélection
phénotypique paysanne qui prend en compte principalement les
caractéristiques végétatives et paniculaires.
En somme, les paramètres quantitatifs, bien que
fortement influencés par les conditions environnementales, ne doivent
pas être négligés par les conservateurs dans les
études de diversité génétique, car ils sont
essentiels en milieu paysan où ils influencent grandement les
critères de sélection phénotypique.
Les corrélations suggèrent des associations et
des antagonismes. Les corrélations fortes et positives entre les
paramètres de rendements et des panicules sont classiques chez le sorgho
et étaient attendues. Celles observées entre la hauteur à
maturité, le diamètre de la gaine et le nombre de d'entrenoeud
(nombre de gaines) indique que les cultivars de grandes tailles ont aussi des
gaines foliaires larges. Ces résultats indiquent que le
sélectionneur qui envisage la production en gaines foliaires n'a plus
besoins de sélectionner des plants des grandes tailles ni des plants
ayant un nombre d'entrenoeud élevé car toutes ces variables
évolues dans le même sens. Mais le sélectionneur qui vise
des cultivars précoces de sorgho colorant aura aussi des plants ayant
des panicules lourdes, contenant des grains bien fournis car il existe une
corrélation forte et négative entre le poids des grains par
panicule, le poids de cent grains et le cycle semis floraison.
En effet, les physiologistes ont montré que pour une
plante en C4, sa capacité de production (même si celle-ci est
limitée génétiquement), dépend de son poids, de la
durée de son cycle et de ses réserves nutritives cumulées
au cours de sa croissance. Ainsi, lorsque toutes conditions sont égales
par ailleurs (fertilité, humidité, insolations etc.), le
potentiel de production des variétés tardives est plus
élevé en grains et en pailles que celui des
variétés précoces. La raison est que les
variétés tardives ont une période plus longue pour
réaliser la photosynthèse qui est une des conditions importantes
dans l'élaboration des rendements; ce qui leur permet d'accumuler plus
de réserves nutritives, d'où un potentiel de production de
matière sèche plus élevé. Une plante qui fournit
peu d'organes à la récolte traduit donc une mauvaise efficience
de la croissance. Lorsque les semis sont réalisés tardivement et
la pluviosité de la campagne déficiente, au moment où les
plantes atteignent leur croissance maximale (période entourant la
floraison), les besoins en éléments nutritifs (eau,
lumière, minéraux etc.) sont à leur
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Caractérisation agro-morphologique des
cultivars traditionnels de sorgho
colorant (Sorghum bicolor) au
Bénin
maximum. Toutes mauvaises conditions entourant les 15-20 jours
de la période pré-florale et post florale, entraînent une
réduction importante du nombre de fleurs formées et un mauvais
remplissage des grains.
L'analyse de la courbe pluviométrique Figure 4 montre
que le cumul pluviométrique atteint son pic qui (207,5 mm) dans le mois
d'Août (86 à 117 JAS), chute progressivement et atteint 20,5 mm
dans le mois de novembre (176 à 206 JAS) pour s'annuler dans le mois de
décembre (207 JAS à la récolte). La floraison étant
intervenue entre 135 et 193 JAS il est clair que les plants ont souffert d'un
déficit hydrique durant la période allant de la floraison
à la récolte. Ce résultat diffère de celui de
Chantereau (1993), qui dans les conditions d'alimentation hydrique non limitant
a trouvé une relation positive et significative. Mais ces
résultats sont conformes à celui de Zongo et al., (1991)
et Kondombo (2001) qui ont trouvé une liaison forte et négative
entre la durée du cycle et le rendement en grains. Ils le justifient
tous, par le stress hydrique qu'a subi les plants en fin de cycle. Ce
déficit hydrique explique l'avortement des panicules de certains
cultivars observés sur le terrain et la petitesse des graines qui s'y
trouvent.
Ce déficit hydrique en fin de cycle pourrait affecter
la production en gaine foliaire. En effet, la production et la concentration du
pigment rouge dans la gaine, est due à la réponse de la plante au
stress biotique créé par l'infestation de la plante par le
champignon mycorhizien Bipolaris madis de la classe des
Ascomycètes (Sedano, 2010). Les conditions
n'étant pas favorables ces champignons ne trouveront plus assez
d'éléments nutritifs pour assurer leur suivi et leur
reproduction. Ceci affectera directement la concentration en colorant des
gaines foliaires car la plante n'a plus de stimulant maximum pour assurer une
réponse significative pour la concentration des gaines en colorant.
Un cultivar ou une accession est loin de représenter
une population stable, distincte et uniforme au niveau génétique.
Toutefois, les cultivars de sorgho colorant maintenus par les paysans peuvent
être classés en des groupes de cultivars statistiquement
semblables sur la base des caractères agronomiques et physiologiques.
(cf. tableau 14)
Tant sur la base des paramètres quantitatifs que
qualitatifs on distingue des groupes de cultivars qui ne sont pas
répartis dans les classes selon leurs provenances mais selon leurs
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Caractérisation agro-morphologique des
cultivars traditionnels de sorgho
colorant (Sorghum bicolor) au
Bénin
performances par rapport aux caractères
étudiés. Néanmoins, dans chaque groupe, on a une
prédominance de certains cultivars pour des groupes donnés.
Ainsi, sur la base des quantitatifs la Classe 1 est dominée par 66,67 %
(8/12) des individus de la commune de Toukountouna, la Classe 2 par 41,17 %
(5/12) des individus de Dassa, la Classe 3 par 33,33 % (2/6) des cultivars de
sorgho ordinaire, la Classe 4 par 75 % (9/12) des cultivars de Parakou et la
Classe 5 par 50 % (6/12) des individus de Ouèssè. Sur la base des
caractères qualitatifs, la CAB donne 4 groupes. La Classe 1 regroupe 75
% des cultivars de Toukountouna, la Classe 2 ; 50 % des cultivars de sorgho
ordinaire, la Classe 3 ; 83,33 % des cultivars de Nikki,
Bembêrêkè, Bassila et de Djougou et la Classe 4 ; 36,67 %
des cultivars de sorgho ordinaire. Par conséquent, tous les cultivars de
sorgho colorant sont plus liés à leurs caractères
morphologiques qu'à leurs provenances mais toutefois, il y a des
cultivars qui sont bien représentés dans chaque groupe. Mais de
nombreuses études ont souligné que l'organisation
génétique du sorgho est liée à une structuration
géographique et/ou raciale (Menkir et al., 1997.
Djè et al., 2000, Deu et al., 2006, Barnaud, 2007).
Ouattara et al. (2001) ont aussi trouvé une diversité
assez importante parmi les lignées sélectionnées
liée à leur origine génétique, pour les
caractères agro-morphologiques (durée du cycle et
photopériodique) et certaines composantes du rendement comme le poids de
1000 grains. Ces résultats pourraient s'expliquer par l'échange
de semences qui existerait entre les paysans. Ceci est un avantage en
matière de conservation des ressources phytogénétiques,
car la présence dans plusieurs communes du même type de cultivar
constitue une conservation in situ de ce cultivar. Ainsi en cas de destruction
de son aire de culture dans une commune, il serrait encor possible de le
retrouver dans les autres communes.
Malgré l'interdépendance faible des cultivars
de leurs provenances, les différentes classes issues de la CAB peuvent
être combinées afin de dégager les cultivars qui sont
propices à la production de gaines foliaires. On peut donc distinguer
:
Groupe 1-1 : Composé de 13 cultivars, ce groupe
regroupe des cultivars ayant des gaines
foliaires effilées de longueur moyenne 24,33 cm, de
couleur marron violacé foncé et des panicules compactes et semi
compactes.
Groupe 2-1 : Ce groupe est composé de 6 cultivars
ayant des panicules compactes et semi compactes, lourdes et de grandes tailles.
Leurs gaines foliaires sont de couleur marron violacé foncé. Les
cultivars de ce groupe ont des panicules de longueur moyenne 27,84 cm et de
diamètre 51,83 cm. Le poids moyen des panicules est de 51,83 g
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Caractérisation agro-morphologique des
cultivars traditionnels de sorgho
colorant (Sorghum bicolor) au
Bénin
Groupe 3-1 : Ce groupe est composé d'un seul cultivar
avec de larges feuilles de 5,33 cm en
moyenne. C'est un cultivar de gaines foliaire marron
violacé foncé et des panicules compactes contenant des grains
bien fournis dont le poids moyen de 100 est de 1,32 g.
Groupe 4-1 : Il est composé de 8 cultivars tardifs avec
une moyenne de 186 jours de cycle
semis -floraison, en moyenne 0,08 talles à 40 jours
après semis et de pédoncules de longueur moyenne 59,79 cm.
Groupe 5-1 : Constitué de 3 cultivars de grandes
tailles, robustes avec des gaines larges de couleur marron violacé
foncé et de longues feuilles. Ces cultivars ont des panicules compactes.
La hauteur moyenne des plants est de 440,67 cm et le diamètre au collet
est de 7,78 cm. Quant à la gaine foliaire son diamètre moyen est
de 6,52 cm et la longueur moyenne de la troisième feuille est 65,61
cm.
Groupe 1-3 : Constitué des cultivars ayant des gaines
foliaires effilées de couleur marron
violacé foncé et de longueur moyenne 24,64 cm,
ce groupe est constitué de 12 cultivars ayant des panicules compactes et
semis-compactes.
Groupe 2-3 : Constitué de 10 cultivars, ce groupe est
caractérisé par : les dimensions de la panicule qui est compacte
(longueur 30,74 cm et largeur 11,09 cm) en moyenne et le poids de la panicule
avec un poids moyen de 51,86 g. la couleur de la gaine foliaire est marron
violacé foncé.
Groupe 3-3 : constitué de 2 cultivars, ce groupe est
caractérisé par des cultivars à feuilles larges avec des
grains bien fournis. La largeur moyenne de la troisième feuille de ces
cultivars est 4,83 cm et le poids moyen de 100 grains est de 1,53 g. La couleur
de la gaine foliaire est aussi marron violacé foncé et les
panicules sont compactes et semi compactes.
Groupe 4-3 : C'est le plus grand groupe avec 35 cultivars. Ce
groupe est constitué des cultivars de tardifs dont le cycle semis-
floraison moyen est de 183 jours. Le nombre de talles moyen à 40 JAS est
de 0,21. Ce sont des cultivars qui ont aussi de longs pédoncules de
57,50 cm en moyenne, des gaines foliaires marron violacé foncé et
des panicules compactes ou semi compactes.
Groupe 5-3 : Ce sont des cultivars de grandes tailles,
robustes avec des gaines foliaires larges de couleur marron violacé
foncé et de longues feuilles. La hauteur moyenne des 22 cultivars de ce
groupe est de 432,01 cm, et le diamètre moyen au collet de 7,06 cm. Les
gaines foliaires de ces cultivars ont un diamètre de 6,04 cm et la
longueur moyenne de
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Caractérisation agro-morphologique des
cultivars traditionnels de sorgho
colorant (Sorghum bicolor) au
Bénin
la troisième feuille est de 66,26 cm. Les panicules de
ces plants sont compactes et semi-compactes et leurs gaines foliaires sont de
couleur marron violacé, marron violacé foncé et marron
noirâtre.
Groupe 2-4 : Ce groupe est caractérisé par 3
cultivars ayant des panicules lourdes et grandes mais compactes ou
semi-compactes. Le poids moyen par panicules est de 57,50 g et les dimensions
moyennes des panicules sont : longueur 46,50 cm, largeur 14,47 cm. Les gaines
foliaires de ces cultivars sont de couleur marron jaunâtre clair et
marron rougeâtre.
Groupe 4-4 : Constitué de 2 cultivars, ce groupe est
caractérisé par des cultivars tardifs ayant
un long pédoncule. Le cycle semis-floraison moyen est
185 jours et la longueur moyenne du pédoncule est de 59,61 cm.
Groupe 4-5 : constitué aussi de 2 cultivars, le
dernier groupe est caractérisé par des cultivars de grandes
tailles (Htmat = 433,50 cm), robustes (Dcol = 7,06 cm), ayant des gaines
foliaires larges (DiaG = 5,77 cm) de couleur marron jaunâtre clair ou
rougeâtre. Ils possèdent aussi de longues feuilles dont la
longueur moyenne est de 71,17 cm.
NB : Groupe x-y = groupe x issu de la CAH des
caractères quantitatifs combiné avec groupe y issu de la CAH des
caractères qualitatifs.
L'analyse de ces différents groupes montre que les
meilleurs cultivars pour la production du colorant sont de grandes tailles,
robustes avec de longues feuilles et des gaines foliaires larges de couleur
marron violacée, marron violacé foncé, marron
noirâtre, ou rougeâtre, des panicules compactes ou semi compactes.
(groupe 5-1 et groupe 5-3). En plus, un croisement des cultivars de grandes
tailles, possédant de larges gaines de couleur marron violacé
foncé avec ceux de petites tailles, de longues gaines de couleur marron
violacé foncé, serait un atout majeur pour la valorisation des
colorants naturels au Bénin. Par contre les cultivars des groupes 3-1,
3-3, 4-4 et 5-4 sont menacés de disparition car ils sont faiblement
représentés et localisés dans au plus deux communes. Il
est donc important d'envisager une des stratégies pour leurs
conservations. Le meilleur moyen de protéger la diversité
génétique des espèces cultivés et de leurs formes
apparentées étant la conservation in situ (dans les champs et les
biotopes naturels), un moyen sûr de sauvegarder une grande partie de la
variabilité génétique d'une espèce est la
conservation ex situ notamment la conservation dans des banques de
gènes. Comme les graines de sorgho sont orthodoxes, il serait facile de
les conservé à long terme. Pour cela, il faut :
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Caractérisation agro-morphologique des
cultivars traditionnels de sorgho colorant (Sorghum bicolor) au
Bénin
> Une prospection et une collecte des semences dans les
communes où ces cultivars
sont présents. Les graines collectées doivent
être fraiches, saines, dépourvues de
germes pathogènes. Elles doivent suffisamment
nombreuses pour représenter une
population.
> Etiqueter les collections.
> Conservation dans des chambres froides.
> Multiplier ou régénérer le
matériel végétal.
> Description des génotypes et constitution de
banques de données.
> Distribution de collections aux utilisateurs (paysans,
chercheurs...).
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Caractérisation agro-morphologique des
cultivars traditionnels de sorgho colorant (Sorghum bicolor) au
Bénin
Tableau 14: Classification comparative des
cultivars de sorgho colorant au Bénin