2. Des prestations et un système d'évaluation
qui posent problème...
Ne parvenant pas à la définir, les experts ont
donc baptisé « dépendance » ce qu'ils
pouvaient ou savaient mesurer. C'est pourquoi, elle s'est souvent
retrouvée réduite à un état d'incapacité, et
non à une dynamique d'interaction : mesurer un état est plus
facile que la mesure d'une interaction, surtout quand il s'agit de prendre en
compte les dimensions multiples de l'environnement d'une personne.
Cela s'observe avec la grille AGGIR (Autonomie
Gérontologique Groupes Iso-Ressources, annexe 1). Cet outil ne mesure en
effet que la dimension relevant de l'incapacité, ne pouvant
définir à lui seul le montant de l'aide accordée, principe
pourtant relatif à l'attribution de l'APA.
La Prestation de Compensation du Handicap (PCH) est, quant
à elle,une aide personnalisée destinée à financer
les besoins liés à la perte d'autonomie des personnes
handicapées, évaluée à l'aide de l'outil GEVA
(guide d'évaluation multidimensionnelle).
Nous observons une vraie dualité quant aux
systèmes relatifs aux personnes âgées et aux personnes
handicapées. Ainsi, le droit à compensation de deux personnes
présentant des déficiences ou des incapacités identiques
ne passera pas, selon la catégorie dans laquelle elles se classent, par
les mêmes canaux institutionnels et n'ouvrira pas aux mêmes
avantages.
Il existe de grandes différences entre la PCH et l'APA.
Elles apparaissent tant au niveau des modalités d'évaluation que
de la réponse des plans d'aide, comme la conception des
référentiels applicables permettant l'ouverture des droits
à compensation et des frais liés à la perte
d'autonomie.
D'autant plus que, pour bénéficier de l'APA, il
faut répondre aux critères de la grille AGGIR quand d'autres
acteurs, comme les Assureurs ou les Mutuelles, utilisent des AVQ
(Activités Elémentaires de la Vie Quotidienne), AIVQ
(Activités Instrumentales de la Vie Quotidienne)...
Notre pays est, apparemment, trop lent à
intégrer la transition concernant l'étude des facteurs influant
sur la santé et les maladies de populationsdans la structure de son
système de santé. Cela amène à une confusion entre
quatre secteurs d'activité : la prévention, le diagnostic et
les soins aux affections aigues, le suivi et le contrôle des affections
chroniques non handicapantes et le suivi, le contrôle et la compensation
des états chroniques handicapants stabilisés ou lentement
évolutifs.
En amont de l'intervention du Département dansle
soutien à l'autonomie des personnes âgées, lescaisses de
retraite (CARSAT, MSA, etc.) n'ont cessé depoursuivre leur
démarche de prévention, en accordant des aides auxpersonnes dont
le niveau de dépendance est relativement peu élevé (GIR 5
et 6). Mais les liens entre les démarches des départements et
celles des caisses de retraite restent peu développés, aussi bien
dans le domaine de l'observation partagée que dans celui de
l'organisation d'un parcours coordonné desoutien à la
dépendance. Les modalités d'évaluationdes situations qui
permettent l'attribution desaides respectives ne sont pas harmonisées,
ce quine favorise pas la reconnaissance mutuelle desévaluations. Les
situations deviennent alors souvent incompréhensibles pour les
usagers.
Certains départements ont alorsfait le choix de la
délégation : leurs équipes médico-socialesou
leurs CLIC effectuent les évaluations desGIR 5 et 6 pour le compte des
caisses de retraite.
Cependant, ce système se heurte à une
différencefondamentale d'approche entre les deux logiquesde prestation.
En effet, le paiement des prestations par les caisses de
retraite est basé sur un système àenveloppe fermée
: l'ouverture aux aides est largementconditionnée par les ressources
disponiblesau niveau de chaque caisse régionale, ce qui peut amener ces
dernières à moduler les critères d'évaluation afin
de pouvoir répondre aux besoins tout au long del'année. En
revanche, pour l'APA, c'est uniquement une logiquede droit qui s'applique comme
pourtoute prestation sociale ; les critères d'évaluation n'ont
pas de rapport autemps.
Quant aux prestations d'aide à l'autonomie et de
compensation des conséquences du handicap actuelles, l'Union Nationale
Interfédérale des OEuvres et Organismes Privés Sanitaires
et Sociaux(UNIOPSS) avance l'idéequ'elles conduiraient à un
système inégalitaire. Ainsi, une personne relèvera de
dispositifs d'aide différents, selon qu'elle est en situation de
handicap quelque temps avant ses 60 ans, ou quelque temps après, et cela
même si ses besoins d'aide sont identiques.
Avant ses besoins, c'est son âge qui sera d'abord pris
en compte. Cette situation peut paraître assez choquante etrisque de
mener à des ruptures dans l'aide apportée aux personnes durant
leur vie.
Il serait nécessaire que le dispositif d'aide repose
tout d'abord sur les besoins, les aspirations et le projet de vie de chaque
personne, et conduise ainsi à des égalités de traitement
qui ne seront plus fondées que sur le seul critère
d'âge.
Le dispositif actuel apparaît d'autant plus
inéquitable dans la mesure où d'une part, le
périmètre et le niveau de compensation des dépenses
d'aides assurés par la PCH est plus favorable que ceux de l'APA ;
et,d'autre part, en ce qui concerne l'APA, les aides les plus
élevées sont perçues par les ménages les plus
modestes mais aussi indirectement par les plus aisés lorsque les
exonérations fiscales sont prises en compte.
Se pose également le problème du ticket
modérateur pour l'aide humaine concernant l'APA qui n'existe pas pour la
PCH.
Ce qui pose la question, pour l'UNIOPSS, de
« l'égal accès de nos concitoyens aux prestations
sociales. »
Ce système favoriserait les inégalités
territoriales, mettant parfois en difficulté financière les
Conseils généraux. Les évolutions démographiques
conduisent à un accroissement des besoins, et le financement des
prestations s'avère inadapté puisqu'il repose de plus en plus sur
les Conseils généraux. Lors de la première année
d'existence de l'APA, le financement de cette aide était assuré
à 54 % par les départements et à 46 % par l'État.
Aujourd'hui, les départements assument 72 % de la
dépense, la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie
(CNSA) n'en couvrant plus que 28 %. D'autant plus que leur charge
financière va continuerà augmenter, ces derniers devront alors
assumer une part toujours plus élevée du financement du
dispositif. C'est également le cas pour la PCH. Et, au regard des
inégalités de richesses entre les départements, ceux qui
ont des potentiels fiscaux plus faibles et le nombre de personnes
âgées et handicapées le plus élevé auront de
plus en plus de mal à financer les aides à l'autonomie.
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