L'avocat et la protection des droits de l'homme au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Charles Marcel DONGMO GUIMFAK Université catholique d'Afrique Centrale/ institut catholique de Yaoundé - Master 2 en droit de l'homme et action humanitaire 2009 |
V - REVUE DE LA LITTERATUREUn certain nombre d'auteurs se sont penchés sur la question des droits de l'homme et sur celle de l'avocat. Pour Yves Cartuyvels, historiquement, les droits de l'homme ont principalement servi de « bouclier » contre les excès potentiels du droit pénal, en limitant son intervention à un triple point de vue : normatif - en excluant ou en restreignant toute forme d'incrimination portant atteinte aux droits de l'homme ; sanctionnateur - en interdisant toute forme de peine inhumaine et dégradante incompatible avec le respect fondamental de la dignité humaine ; procédural enfin - en exigeant un ensemble de garanties liées au droit de l'inculpé à un procès équitable.25(*) Cette assertion est d'autant plus vraie que pratiquement tous les pays du monde abandonnent progressivement la procédure inquisitoire au profit de la procédure accusatoire qui est fille du principe du contradictoire. Ce principe permet de mettre efficacement en oeuvre les droits de la défense. Cette mise en oeuvre des droits de la défense nécessite la maîtrise des mécanismes juridico judiciaires que ne possède pas toujours la majorité des citoyens. C'est pourquoi le Professeur Minkoa She pense que, face à une machine juridique dont elle ne connait pas forcément les rouages, la personne qui se défend a besoin de l'assistance d'un technicien du droit indépendant pour l'assister au moment où la société la poursuit26(*). Ce technicien c'est l'avocat qui, selon Koloako Mbouendeu, « est le garant du respect des droits de la défense ».27(*) En effet, dans le cadre des fonctions de l'avocat, il veille à l'application des lois, et fait partie des droits de la défense en ce sens que toute personne poursuivie a droit à la garantie d'avoir un défenseur.28(*) Effectivement, la personne poursuivie, dès sa mise en examen, et la victime, dès la constitution de partie civile c'est-à-dire les parties privées, par opposition au ministère public, ont le droit de se faire assister d'un défenseur ou conseil, qui est un avocat. Celui-ci consulte le dossier, peut y déposer les notes en défense, et surtout plaide devant un tribunal ou la cour. C'est pourquoi Pradel soutient que « ce rôle est évidemment considérable : l'oeuvre de justice implique le droit à un défenseur qui n'a jamais été nié, même devant les juridictions d'exception les plus étranges de notre histoire voire parfois la présence obligatoire de celui- ci, fût ce même contre la volonté de l'individu. » 29(*) En effet, devant le Tribunal de Nurenberg comme devant la Cour Pénale Internationale, les accusés ont le droit de se faire assister par un conseil, même contre sa volonté, à travers les commissions d'office. Il est évident que le droit de se faire assister par un conseil permet de garantir les droits de la défense. Le droit d'être assisté d'un conseil dès la mise en examen est une évolution notable au Cameroun, car, naguère, les personnes libres pouvaient librement contacter un avocat, mais pas celles qui étaient gardées à vue. Cette situation était très critiquée par les avocats. Les deux arguments invoqués en faveur de la présence d'un avocat à la garde à vue étaient : 1- l'exemple des droits étrangers qui sont nombreux à admettre la présence de l'avocat, sous des formes variables du reste ; 2 - l'existence d'irrégularités graves commises par les Officiers de la Police Judiciaire. Le code de procédure pénale de 2005 est venu consacrer la présence de l'avocat dans les lieux de garde à vue. Il s'agit pour Koloako Mbouendeu d'une innovation par rapport à l'ancienne législation « dans la mesure où il introduit la présence du conseil dans la phase policière de la procédure ».30(*) Il ne s'agit cependant pas d'une simple présence dissuasive pour des officiers de police judiciaire véreux car dans le code de procédure pénale camerounais, comme le souligne Eteme Eteme, il est moins question de la présence de la présence de l'avocat « que de son assistance »31(*). Dans le procès de répression, l'avocat plaide pour le respect des droits fondamentaux de celui qu'il défend. Contrairement à une opinion assez répandue, il n'a pas pour mission de proclamer l'innocence de la personne qu'il défend, lorsqu'il ne la croit pas certaine. En ce cas, il doit seulement discuter les éléments de preuve produits quant à leur valeur psychologique (le témoignage, l'aveu sont-ils sincères ?) ou quant à la régularité juridique de leur administration (la perquisition a-t-elle été opérée conformément aux règles légales ?) afin de rappeler le grand principe de la présomption d'innocence. Il n'affirme pas l'innocence, mais s'efforce de montrer que la culpabilité n'est pas prouvée. Même lorsque la personne défendue plaide coupable, l'avocat doit encore plaider pour éviter à la personne défendue la condamnation à une peine sévère. A cet effet, comme le relève ANGONI Laurent, « l'éloquence, la maîtrise des textes de droit, de la personnalité de son client et la psychologie des juges seront ses outils pour obtenir, voire imposer des circonstances atténuantes pour son client. »32(*) Mais loin d'être le seul défenseur de son client, l'avocat contribue, par la force des choses, au respect de règles qui sont édictées dans l'intérêt général. On se représente l'avocat comme un plaideur. Cependant, l'avocat est aussi un conseil, dont les avis guident et soutiennent son client dans les affres et les dédales de la procédure. Ainsi, l'avocat ne défend pas les citoyens seulement dans le cadre des procédures pénales. Il lui est permis, comme le constate Serge Guinchard, « d'assister et de représenter les parties, de postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, civils, pénaux ou administratifs ... Il exerce la même fonction d'assistance et de représentation devant les administrations publiques. Il peut aussi donner des consultations juridiques et rédiger des actes juridiques pour autrui. »33(*) Cette distinction d'une double activité de conseil et de représentation en justice est reprise par la loi camerounaise portant organisation de la profession d'avocat. Ainsi, la profession d'avocat s'est ouverte considérablement, et couvre un nombre croissant de domaines. Pour Edouard De Lamaze et Christian Pujalte, la demande n'est plus limitée aux seules hypothèses où le ministère d'avocat constitue un passage obligé. Même quand aucune disposition de procédure ne l'impose, par exemple en matière fiscale devant le tribunal administratif, l'assistance d'un conseil est une précaution qu'il est sage de prendre.34(*) En effet, il est parfois bien téméraire d'agir seul, y compris lorsque l'on s'estime soit même spécialiste. Car il existe un fossé entre le droit enseigné, (qui certes demeure la base fondamentale), et son application au quotidien par le juge ou l'avocat.35(*) On convient alors avec Pascal Mendak que l'activité quotidienne de l'avocat, à partir de la maîtrise souvent conflictuelle des problèmes contemporains lui permet, en effet, d'explorer de nouveaux espaces juridiques de nature à apaiser les différends avant même qu'ils ne dégénèrent en procès et à résoudre les conflits lorsqu'ils n'ont pu être évités.36(*) Veillant à la légalité des poursuites, participant à une contre-enquête des faits, puis à l'audience, livrant un contre-interrogatoire des témoins, des experts et de l'accusé, l'avocat remplit en effet comme le démontre François Saint-Pierre, un rôle crucial de contre-pouvoir judiciaire.37(*) C'est en effet lui qui sera regardant sur le respect des règles de procédure et des droits de la défense. L'avocat rencontre cependant de nombreuses difficultés qui l'empêchent de bien remplir sa mission de protection des droits dont l'une réside dans ses relations difficiles avec le pouvoir judiciaire dont il est partenaire. Ainsi Michel Bénichou remarque à juste titre que : « magistrats et avocats ne dialoguent plus. L'avocat plaidant (ou tentant de le faire) et le magistrat écoutant (ou semblant le faire) n'ont plus de plate-forme commune de discussion. Au mieux on s'ignore, au pire on se dénigre. »38(*) Or, il est patent qu'oublier le dialogue entre avocats et magistrats, c'est diminuer la place du droit et partant porter un coup sérieux à la protection des droits de l'homme. L'ensemble de ces travaux ne parle pas spécifiquement de l'avocat et de son activité concrète, mais leur exploitation permettra de dégager des éléments nécessaires à cette étude, dans la mesure où ces travaux font néanmoins état des différents acteurs des procédures, pénale notamment. * 25 Yves Cartuyvels, Droits de l'homme, bouclier ou épée du droit pénal, éd. Facultés Universitaires Saint-Louis Bruxelles - F.U.S.L., Bruylant, 2007, 634 pages. * 26 A. Minkoa She, Droits de l'homme et droit pénal au Cameroun, Paris, Edition Economica, 1999, p. 69. * 27 Koloako Mbouendeu A., La protection des droits de la défense dans le nouveau code de procédure pénale camerounais, Mémoire de Master 2 DHAH, UCAC, Année 2005-2006, p. 18, inédit. * 28 Art. 14 paragrape 3 c du PIDCP. * 29 Jean Pradel, Procédure pénale, 10ème éd. CUJAS, 2000/2001, 862 pages. * 30 Koloako Mbouendeu A., op. cit., p. 19. * 31 Eteme Eteme S. P., La protection du suspect dans le code de procédure pénale Camerounais, Mémoire de Master 2 DHAH, UCAC, Année 2006-2007, p. 43, inédit. * 32 Angoni Laurent, Les droits de la défense et le plaidoyer de culpabilité dans le code de procédure pénale Camerounais, Mémoire de Master 2 DHAH, UCAC, Année 2007-2008, p. 20, inédit. * 33 Serge Guinchard, Gabriel Montagnier et André varinard, Institutions judiciaires, 6ème éd., Précis Dalloz, 2001, 822 pages. * 34 Edouard De Lamaze et Christian Pujalte, l'avocat, le juge et la déontologie, Puf, 2009, 267 pages. * 35 Idem. * 36 Pascal Mendak, Jean-François Péricaud, L'avocat dans la cité, tome 2, nouveaux enjeux, éd. Ordre des avocats de Paris, Lamy, 2007, 574 pages. * 37 François Saint-Pierre, avocat de la défense, éd Odile Jacob, 2009, 237 pages. * 38 Michel Bénichou, dans l'avant propos du livre d'Edouard De Lamaze et Christian Pujalte, l'avocat, le juge et la déontologie, Puf, p XVI. |
|