Chapitre III : La coopération
décentralisée à Porto-Novo
1. Le contexte de coopération avec la France :
du colonialisme à la coopération décentralisée
franco-béninoise
1.1. Rappel historique et évolution des relations
franco-béninoises
Au XVIIème siècle, les populations du sud du
Bénin sont organisées en plusieurs royaumes centrés autour
des cités les plus importantes : Allada, Oiudah, Adjatché (qui
sera rebaptisée Porto-Novo par les Portugais) et Abomey. C'est le
royaume du Dahomey, dont la capitale est Abomey, qui connait l'essor le plus
important, en partie grâce au commerce des esclaves, alimenté
notamment par les guerres avec le royaume Yoruba d'Oyo voisin (situé au
niveau de l'actuel Nigeria).
En 1851, le roi Ghezo d'Abomey signe un traité de
commerce et d'amitié avec la France. Progressivement, la France renforce
son influence dans la zone sous le règne du roi Glélé, en
installant des garnisons militaires et des droits de douane. Les
frontières du royaume sont fixées entre 1885 et 1898 par des
accords avec l'Allemagne (pour la frontière avec le Togo) et
l'Angleterre (pour le Nigeria). Malgré la résistance de
Béhanzin, fils de Glélé, vaincu en 1892, le royaume du
Dahomey, auquel on adjoint les protectorats de Porto-Novo et d'Allada, devient
un protectorat français, puis une colonie intégrée en 1904
à l'Afrique Equatoriale Française (AOF).
Durant la période coloniale, l'important taux de
scolarisation permet au Dahomey de former des élites politiques
africaines, qui participent à l'administration de l'AOF, mais qui
créent également des partis politiques et des médias
d'opposition. Les abus et les erreurs de l'administration coloniale y sont
contestés et pas moins de 26 gouverneurs se succèdent entre le
début du siècle et la seconde guerre mondiale, durant laquelle le
Dahomey se rallie à la France Libre.
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L'indépendance du Dahomey est proclamée en 1960,
et le premier président est Hubert Maga. Commence alors une
période perturbée, au cours de laquelle les coups d'états
se succèdent, jusqu'à la prise de pouvoir en 1972 du commandant
Mathieu Kérékou. Celui-ci abandonne le nom de Dahomey, qui
rappelle trop le passé colonial, et le pays est rebaptisé
Bénin. Il instaure un régime marxiste-léniniste,
dirigé par un parti unique : le Parti de la Révolution Populaire
du Bénin (PRPB), qui s'inspire de la voie Chinoise. Le nouveau
régime est bien accueilli par la population, mais la situation
économique et financière du pays se dégrade dans les
années 1980, et la contestation grandit.
Un processus de transition démocratique pacifique est
instauré en 1990 lors de la "conférence nationale des forces
vives de la nation" (CNFVN), qui organise de nouvelles institutions, et la
tenue d'élections présidentielles en 1991 qui portent au pouvoir
Nicéphore Soglo, notamment grâce aux voies des électeurs du
sud du Pays. Après un mandat, il est battu aux élections
présidentielles de 1996 par Mathieu Kérékou qui revient au
pouvoir, et sera réélu à nouveau en 2001. Il poursuivra le
travail de réforme des institutions béninoises, et de
décentralisation, instauré par son prédécesseur, et
qui est toujours en cours aujourd'hui.
Depuis 2006, c'est Boni Yayi, ancien président de la
Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD), qui préside le
Bénin.
Le nouveau processus démocratique de la
République du Bénin a donc une histoire relativement
récente. En 1990, les processus politiques et sociaux du Benin
combinés à un changement de situation géopolitique
mondial, notamment l'effondrement du bloc soviétique, ont
débouché sur une transformation profonde du système
d'organisation sociopolitique du pays.
Le cadre juridique qui permet en France aux
collectivités d'entretenir des liens de coopération
décentralisée, notamment la loi Oudin qui élargit les
prérogatives fixées dans la loi « ATR » de 1992 en
autorisant les collectivités territoriales françaises à
conclure librement des conventions de coopération
décentralisée avec des collectivités
étrangères, a été mis en place justement dans cette
période de transition des institutions béninoises.
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Les premières formes de coopération
décentralisée, qui concernaient des actions simples comme des
dons de matériels ou la formation du personnel, par exemple, se sont
donc nouées avant même que les instances municipales
béninoises ne soient complètement opérationnelles, et donc
dans un cadre juridique relativement flou. C'est le cas des premiers accords
avec la Communauté d'Agglomération de Cergy-Pontoise, mis en
place dès 1995 ou avec le Grand Lyon dès 1999.
Aujourd'hui, la constitution réelle des communes, mais
aussi d'instances nationales de concertation de ces communes comme la
commission nationale de la coopération décentralisée, le
réseau de collectivités locales, ou les associations nationales
de collectivités locales, a permis de donner un cadre juridique et
opérationnel plus clair aux actions de coopération
décentralisée, de renforcer ainsi leur efficacité et leur
crédibilité, et d'élargir les domaines d'action.
La longue histoire commune de la France et du Bénin,
ainsi que le fait que des partenariats aient été mis en place
avec des communes françaises alors même que les instances
municipales béninoises étaient en cours de constitution
expliquent sans doute en partie le fait que l'emprise de la France est
aujourd'hui perceptible sur presque tous les domaines de la vie en
société : modèle d'organisation de la fonction publique,
aspirations à une forme de modernité incarnée par le
modèle français, projets d'urbanisation.
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