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La radiodiffusion au Cameroun de 1941 à  1990

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par Louis Marie ENAMA ATEBA
Université de Yaoundé I (Cameroun) - Master II en Histoire des Relations Internationales 2011
  

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II- DIFFICULTÉS ET DÉFIS D'UNE RADIO NATIONALE AU CAMEROUN

A l'instar des autres institutions étatiques du Cameroun post-colonial, la radiodiffusion se caractérisait par son inefficacité. Cela résultait des rapports entre le Cameroun et les nations étrangères, des insuffisances matérielles et financières, des défaillances humaines.

II.1. Les difficultés de la radio nationale

De 1960 à 1990, la radio nationale du Cameroun avait connu des difficultés non négligeables. Celles-ci avaient trait à l'influence des faits politiques et sociaux, au déficit des équipements techniques adéquats, à la qualification approximative de ses ressources humaines.

II.1.1. L'influence des faits politiques et sociaux

Les émissions de la radio publique camerounaise étaient le reflet des tendances du gouvernement. Cela entraînait le mécontentement de ses auditeurs, qui s'adonnaient alors à l'écoute des radios étrangères.

Au lendemain de l'indépendance du pays, les Camerounais, dans leur majorité, étaient des non lettrés126(*). Le gouvernement avait alors considéré la radiodiffusion comme le moyen d'information le plus adéquat. En plus, les revenus des populations ne leurs permettaient pas d'avoir accès à la presse écrite. Le gouvernement camerounais avait placé la radio sous sa protection, car « il n'était point question de préparer l'anarchie dans le pays en laissant le premier citoyen venu aller dire ce qu'il pense au micro ». La radio était ainsi devenue non pas une institution véritablement publique, mais un instrument du pouvoir. Cela s'illustre clairement dans les propos d'un agent du P.N., qui asserte :

La radio nationale n'était pas une radio de l'État, mais une radio du gouvernement. Car l'État regroupait, entre autres, les opposants politiques, les partisans du socialisme soviétique, stigmatisés par le capitalisme occidental et le régime post-colonial qui lui était favorable. Les dirigeants de la nation livraient alors une lutte acharnée contre la satire, d'autant plus qu'ils étaient en quête des moyens de maintien au pouvoir127(*).

En s'octroyant ce monopole protecteur sur la radio, le gouvernement la privait de l'autonomie nécessaire pour garantir l'objectivité de ses informations. Les services nationaux de radiodiffusion étaient alors contraints d'être « des porte-paroles du gouvernement dans la lutte contre les oppositions éventuelles ». Ainsi, tout irait sans mal, pensent les dirigeants, si l'on était certain d'avoir des gouvernements éternels. Cependant, les services radiophoniques ne pouvaient subsister par leurs propres ressources financières. Les redevances payées de manière irrégulière ne garantissaient pas l'autonomie financière de la radiodiffusion. Même si la radio nationale obtenait, par la publicité, des fonds nécessaires à son fonctionnement, elle ferait faillite, faute de subventions. Ce qui limitait l'indépendance de la radio vis-à-vis du gouvernement.

La radio nationale du Cameroun diffusait des communiqués relatifs au fonctionnement de la République. En effet, les communiqués officiels représentaient l'essentiel des contenus rédactionnels diffusés quotidiennement à la radio. Ils provenaient des institutions de l'État. Ils résumaient les activités des instances de décision, qui surévaluaient les succès et minoraient les échecs. Les communiqués en provenance de la Présidence de la République présentaient les actes du Chef de l'État. Rédigés au secrétariat général de la Présidence de la République, ils étaient déposés à l'antenne, pour diffusion, sans réécriture. L'importance de la place réservée aux communiqués officiels à la radio signifiait la négligence des priorités d'alors (l'analphabétisme, le chômage, etc.). La radio nationale devenait ainsi « un deuxième journal officiel ». Les informations relatives aux actes du gouvernement déplaisaient au public, lorsqu'elles faisaient abstraction des faits d'actualité connus. Parfois, la radio publique accumulait des démentis d'informations annoncées par les médias étrangers. Lesdites informations étaient fondées sur le culte de la personnalité. Elles étaient jugées ennuyeuses. Explicatives et lentes, elles prenaient du recul par rapport aux faits d'actualité, parce qu'elles étaient censurées conjointement par les autorités politiques et les journalistes responsables. Elles étaient destinées à la propagande officielle. Au sein de la radio nationale, les leaders politiques du Cameroun étaient célébrés, leurs talents ventés. Ils bénéficiaient des éloges spéciaux et béatifiantes. La radio faisait fi de leurs défaillances, et mettait l'accent sur leurs succès. Il n'existait pas d'opposition politique légitime. Entre 1960 et 1990, la radio faisait la part belle à des élites gouvernementales. Puisque la radio était le moyen de diffusion d'informations le plus accessible, notamment en raison de son faible coût, le message parfois biaisé du gouvernement parvenait au maximum d'auditeurs. Cela était la matérialisation d'une oeuvre de désinformation poussée, dirigée contre les auditeurs. Les paroles qui composaient le générique de son journal en étaient une parfaite illustration :

Ahidjo, nous, camarades de l'U.N.C., en avant pour ta tache de conciliateur, par la volonté de Dieu et la confiance de la nation, jamais jamais tu ne failliras. Va de l'avant, Ahidjo, nous soutenons ton action de paix et de sécurité128(*).

Certaines émissions de la radio nationale du Cameroun n'intéressaient pas les auditeurs. Pour ce qui était des émissions agricoles, les commentaires étaient multiples et négatifs. En effet, ces émissions étaient jugées mal élaborées. Elles étaient présentées par des ingénieurs agronomes. Les producteurs étaient coupés de la réalité du terrain, et élaboraient des théories non applicables dans des plantations camerounaises. Ces émissions divulguaient des informations déjà annoncées aux journaux parlés et qui, de ce fait, n'intéressaient plus l'auditoire auquel elles s'adressaient129(*). Le contenu des émissions était inadapté aux besoins de formation technique, aux problèmes de la brousse. Les émissions étaient conçues en fonction des problèmes des villes (les discours des ministres, les réunions). En plus, la forme de ces émissions était peu attrayante. Les émissions étaient produites en français soutenu, inaccessible aux populations des campagnes; les populations rurales camerounaises étant encore analphabètes à cette période, en raison de la lenteur des progrès de l'instruction. Un auditeur l'exprima clairement en ces termes : « Les émissions agricoles intéressent les paysans, mais il n'existe pas de responsables qui les leur expliquent ».

La radio était un instrument politique. Le rôle de la radio nationale du Cameroun ne se limitait pas à la diffusion d'idées. Il s'étendait aussi à l'éducation politique et civique. La radio devait servir de moyen de lutte pour la réalisation des plans quinquennaux, et pour l'accroissement de la productivité. Mais la radio avait été consacrée à stimuler l'action du parti unique, à vulgariser et à propager les idées fausses, les lois et les instructions gouvernementales parmi le public, et à l'inciter à mettre en pratique des mesures prises par les autorités130(*). Il était assez difficile de faire la part entre l'information diffusée à la radio et la propagande politique. L'impact politique des émissions dépendait de l'idée que se faisaient les auditeurs de la situation socio-économique réelle du pays. Les émissions politiques principales étaient diffusées sous deux titres différents: « U.N.C. Information », qui donnait des nouvelles des sections et des sous-sections de toutes les régions du pays; « Union-Vérité-Démocratie », qui propageait les idées-forces de la politique du parti. L'émission apparaissait comme un doublon du journal parlé. Certains affirmaient que l'émission, loin de vulgariser des idées-forces, ressemblait à un sermon. Au cours d'une édition de « Cameroun-Midi », il avait été annoncé par un présentateur: « le Président de la République vient de signer un décret portant organisation du service civique national de participation au développement ». Très peu de personnes pouvaient comprendre exactement le contenu de cet arrêté. Au Cameroun, les juristes de métier prenaient des lois, des arrêtés, des décrets, des décisions, sans en donner des explications amples. Ce qui entraînait, chez les auditeurs de la radio nationale, une méconnaissance de l'esprit des textes régissant le fonctionnement du pays. Il avait été relevé des détails non négligeables sur certains jeux radiophoniques. En effet, l'usage du téléphone relevait d'un luxe pour les Camerounais, car très peu en disposaient. Certains auditeurs étaient ainsi condamnés à ne pas exercer de communication téléphonique avec les présentateurs de ces émissions. En plus, le standard de Radio-Cameroun ne pouvait recevoir qu'un nombre d'appels limité. Seules des personnes financièrement aisées pouvaient y participer. Bien que l'émission « Le jeu de mille francs » ne nécessitait pas l'usage du téléphone, et que tout auditeur pouvait y envoyer des questions ou des réponses, elle avait un caractère urgent. En effet, elle était diffusée à la deuxième chaîne de radio, qui ne pouvait être captée que par des auditeurs de Yaoundé. De plus, la présentation de cette émission était jugée fantaisiste, ennuyeuse. La lecture des questions était hésitante, parfois hachée et rapide. En outre, le présentateur faisait de la morale aux auditeurs, employant des expressions déplaisantes à leur égard. Le décret 72/425 du 28 août 1972 précise, dans son article 23, alinéa 5 : « Le service d'action civique et éducative est chargé du contrôle, de l'exploitation de la publicité dans l'ensemble du réseau ». Il n'était pas exceptionnel qu'une chanson appréciée des auditeurs soit interrompue par un flash publicitaire. En outre, certaines publicités diffusées à Radio-Cameroun étaient dangereuses. Les publicités des boissons alcooliques étaient nocives à la société: elles encourageaient l'alcoolisme, dont le Ministère de la santé présentait des effets néfastes sur l'organisme humain. Même le cigare faisait l'objet de publicité à Radio-Cameroun.

Il existait des inégalités sociales, qui se manifestaient, notamment, par l'incapacité de la majorité de Camerounais d'acheter un récepteur radio. L'acquisition d'un appareil de télégraphie sans fil n'était pas à la portée de la bourse du commun des citoyens. Les personnes résidant dans des centres urbains écoutaient la radio, contrairement aux habitants des régions rurales, dont la majorité ne disposait pas d'un poste récepteur131(*). La plupart des auditeurs se trouvant dans des villes, décision avait été prise en leur faveur, au grand dam des auditeurs de la brousse. En plus, il n'existait qu'un seul émetteur pour toutes les régions recevant les programmes de la radio nationale. La tendance à « faire de la radio qui ressemble à de la radio » se manifestait. Les auditeurs n'étaient pas disposés à écouter des conseils d'hygiène. Dès lors, la radio s'éloignait des personnes les plus nécessiteuses.

Le plus souvent, les semi-analphabètes étaient lésés. Ils regroupaient des personnes qui, après avoir appris à lire et à écrire, avaient interrompu leurs études. Les émissions destinées aux élites intellectuelles dépassaient leur capacité de compréhension. Celles s'adressant aux illettrés leur étaient accessibles. Des auditeurs intellectuellement aguerris doutaient de la formation acquise par les journalistes. D'aucuns les qualifiaient d'analphabètes. Ils déniaient à la radio la capacité de transmission des connaissances. Interrogé par M. Tjadé Eonè, un enseignant déclara, en 1981, concernant les journalistes : « ils ont tendance à confondre culture et football ». Par ailleurs, la radio nationale du Cameroun faisait face à l'influence des rumeurs. L'influence des rumeurs était d'autant plus grande au Cameroun qu'elle s'inscrivait dans un contexte socio-culturel dominé par l'oralité. La rumeur avait un impact public qui défiait celui de la radio nationale. Cette influence de la rumeur pouvait s'expliquer par la relation très étroite qui existait entre la rumeur et l'information officielle, l'une divulguant ce que cachait l'autre. En effet, la radio nationale diffusait des informations essentiellement pro-gouvernementales. Les informations qui tendaient à remettre en question l'efficacité de l'action de l'État étaient censurées par la rédaction de l'institution. Un tel contexte de déficit d'informations donnait libre-cours à la propagation de la rumeur. La densité des messages et leur degré de crédibilité étaient le résultat de la quantité d'informations reçues par la radio, le canal officiel.

Les recherches menées par les spécialistes des sciences sociales laissent penser que la transmission d'une rumeur reflète les tensions intérieures ressenties par l'individu qui la communique. Celui-ci y projette ses propres élans émotionnels, ses angoisses, ses fantasmes. La rumeur est en effet « une affirmation générale, présentée comme vraie, sans qu'il existe de données concrètes attestant de son exactitude »132(*). Les élans émotionnels finissent par altérer le fait original.

Après l'indépendance, les problèmes de développement du Cameroun étaient énormes. La radio nationale, l'unique institution de diffusion de l'information électronique, se voulait un moyen de consolidation des acquis du Cameroun, et de concrétisation de ses enjeux politiques, économiques et sociaux. Cela supposait que la radio ne devait pas se réduire à être un simple outil de divertissement des auditeurs. Elle devait contribuer à leur instruction. Cependant, très peu d'auditeurs s'intéressaient à l'activité intellectuelle. Un observateur neutre du fonctionnement des institutions du Cameroun l'énonce clairement en ces termes: « les Camerounais n'écoutaient pas véritablement la radio. Ce qui les intéressait, c'était le sensationnel. L'auditeur le plus banal cherchait, non pas l'information, mais sa qualité sonore»133(*). Les émissions de divertissement étaient contrebalancées par l'influence du roman, accessible exclusivement aux lettrés. En effet, les auditeurs jugeaient plus digestes les actions d'évasion. Or, la radio produisait uniquement des éléments sonores. Voilà pourquoi Thierry Mbarga avait pensé que la radio ne divertissait pas assez. Elle diffusait certes la musique, mais en journée. Dans la soirée, les personnes lettrées se plaisaient à lire des romans134(*).

La radio nationale était confrontée à l'insuffisance qualitative et quantitative de son personnel. Les insuffisances en matière de qualification étaient liées au manque de cadres spécialisés. Cela avait conduit les autorités à y engager des personnes non formées. Il existait des centres de formation professionnelle dans les anciennes métropoles, et plus tard au sein du pays, mais les candidats n'y étaient pas admis objectivement. Considération était prise du contexte politique des pays dont étaient issus les candidats, des rôles que ceux-ci avaient joué dans des mouvements plus ou moins subversifs. Parfois, les recommandations d'une personnalité permettaient à certains candidats de braver le concours d'entrée au centre de formation professionnelle. Une telle situation ne permettait pas la formation des cadres talentueux et compétents. En outre, certains candidats étaient recrutés comme cadres à la radio nationale, en raison de leurs capacités oratoires. Pourtant, pour exercer un métier aussi délicat que les autres, il est nécessaire d'acquérir un background consistant. Cela rejoint la pensée de Michel Tjade Eonè, qui affirme:

Certes, la radio est un art, et pour exercer ce métier artistique, il peut suffire d'avoir certains dons qui ne tiennent pas forcément compte du degré de l'instruction amassée dans les écoles au cours des ans. Mais les qualités des professionnels de la radio doivent comporter, outre ces dons, un certain niveau intellectuel qui puisse élever l'animateur de programmes de son stade de meneur de jeu et excellent bavard à celui de véritable spécialiste connaissant non seulement la technique de son métier, mais aussi les réactions, les goûts et surtout les besoins de l'auditoire auquel il s'adresse135(*).

Au début des années 1970, naquit l'E.S.I.J.Y. Y étaient formés, entres autres, des cadres habilités à exercer au sein de la radio nationale. Les enseignements dispensés au sein de cette école n'étaient pas adaptés aux réalités nationales136(*). Mais les techniciens et les animateurs de programmes, qui étaient des cadres moyens de la radiodiffusion, étaient formés en Europe, rarement en Amérique. De plus en plus, les États-Unis accordaient des bourses de formation radiophonique à des ressortissants du Cameroun. Mais les principaux centres de formation se trouvaient en Angleterre et en France.

Outre la formation sur place et les stages en Grande-Bretagne, le Cameroun demandait à la B.B.C. le soutien des moniteurs itinérants. Ces moniteurs étaient des experts en matière de radiodiffusion. Ils assuraient l'enseignement des cours de radiodiffusion aux Camerounais. Le personnel de la radio nationale était complété par des agents recrutés sur place, mais non formés au préalable. Les anciens élèves du studio-école de la R.F.O.M., après un temps de service au sein de la radio nationale, suivaient des cours de perfectionnement, devenaient des cadres supérieurs de la radio. Mais les Camerounais recrutés au studio-école, ayant une culture générale limitée par rapport aux Français, étaient voués à n'occuper que des postes secondaires à la radio nationale, station dont la direction était confiée à des anciens élèves instruis. Cela créait des malentendus entre les membres du personnel de la station.

Les agents chargés de la production des programmes en langues camerounaises n'avaient pour seule compétence que celles qu'ils devaient à leur appartenance naturelle à l'ethnie locutrice de l'idiome choisi. Cette appartenance ethnique constituait le seul critère de leur recrutement. En effet, ils étaient pour la plupart incompétents en matière de production des programmes de qualité dans leurs langues maternelles. D'ailleurs, ils ne les maîtrisaient qu'approximativement. Ainsi, les émissions en langues nationale faisaient parfois de la figuration dans la grille des programmes de la radio publique.

Le niveau de formation de certains journalistes laissait à désirer. Il n'était pas exceptionnel de rencontrer à la radio nationale des journalistes ayant un niveau d'étude inférieur à celui du Baccalauréat. L'inexistence de recyclages continus les rendait incompétents et improductifs. Les meilleurs journalistes de la radio avaient été sollicités par les services de la télévision dès 1985. Cela a porté un coup fatal à la radio qui accusait ainsi un déficit criant de ressources humaines qualifiées et compétents. Médium d'État, la radio nationale ne pouvait diffuser une information contre-gouvernementale avant l'avènement de la démocratie en 1990. Ses journalistes ne pouvaient alors réaliser un traitement objectif de l'information, conforme à la déontologie universelle. Or, la première qualité d'un journaliste, pense Joseph Pullitzer, c'est son indépendance. Les journalistes camerounais étaient emprisonnés dans une logique qui consistait à relayer les messages du régime au public. De ce fait, il ne pouvait avoir de journalistes suffisamment dévoués dans un contexte marqué par la médiocrité de l'action politique. Le phénomène des détournements des fonds courant dans toutes les administrations était réel au sein de la radio nationale. Ainsi, peu d'annonces et communiqués passées à la radio nationale et payés entre 5 000 et 10 000 FCFA étaient enregistrés dans le carnet des recettes de l'institution. Il arrivait parfois qu'avec la complicité du responsable des droits d'auteur ou de certains responsables du service commercial, il ne soit enregistré que la moitié du nombre total de diffusion d'un élément publicitaire.

Dans sa thèse de doctorat du 3è cycle, Michel Tjadé Eone asserte : « la collecte de l'information, au sens où nous l'entendons, peut se faire par une agence d'information, et par le reportage qui implique la présence de journalistes à divers lieux des événements ». Selon Éonè, cette collecte peut recourir à d'autres procédés tels que l'écoute d'autres radios, la lecture de journaux qui permettraient aux journalistes de la rédaction de rassembler suffisamment d'éléments que l'on s'emploiera ensuite à mettre en forme rédactionnelle selon les critères de sélection et de traitement de l'information mis en place. La collecte de l'information au Cameroun incombait à la SO.PE.CAM. Aux termes du contrat du 1er juillet 1963, la radiodiffusion du Cameroun dépendait de l'A.N.P., dans l'accès à l'information internationale et nationale. Mais il existait, au Cameroun, plusieurs agences nationales d'information, depuis la loi du 18 juillet 1977, portant dissolution de l'A.CA.P. Dès lors, les activités de l'A.CA.P. avaient été confiées à la SO.PE.CAM., qui était placée sous la tutelle du MIN.I.CULT. La collecte de l'information nationale à l'intérieur du pays s'avérait difficile, à cause du manque de continuité, accentué par la dissolution en 1977 de l'A.CA.P., qui en avait jeté les bases. À cela s'ajoutait le caractère étatique de la radio nationale.

L'audience de la radio nationale avait commencé à s'affaiblir avec l'avènement de la télévision au Cameroun en 1985. Les personnes disposant d'un poste et qui recevaient le signal de la télévision nationale affichaient alors un désenchantement certain dans l'écoute de la radio. Elles estimaient que la radio nationale diffusait des mêmes informations que la télévision d'État. Les informations télévisées semblaient être crédibles pour elles, car en dehors du son, elles laissaient apparaître des images. Les intellectuels s'intéressaient particulièrement à la presse écrite. Selon eux, l'information la plus plausible était fournie par la presse écrite. Comme l'affirmait une pensée européenne, les paroles s'envolent, les écrits restent. Une information diffusée à la radio pouvait être quelque peu oubliée. Cela dépendait de son importance et de son impact socio-économique. Une information publiée à la presse écrite était indélébile. Cette influence de la presse écrite sur la radio était davantage expliquée par des approximations relatives à la préservation des archives sonores au Cameroun. Les archives ayant trait aux informations dites subversives ne pouvaient échapper aux censures qui entrainaient leur destruction, parce que dites non fondées. Au cours de notre enquête, il nous a été donné de constater que beaucoup d'informations dites subversives ou tendant à remettre en cause le système en place n'étaient pas disponibles à la maison de la radio. En milieu rural, les populations avaient fait montre de beaucoup de confiance en la télévision, parce qu'intéressées par les images. Cette préférence pour la télévision par rapport à la radio est allée crescendo, en fonction des niveaux de baisse des coûts des postes qui variaient selon les années. Car disposer d'un poste téléviseur pour des couches sociales financièrement dépourvues comme les populations rurales relevait d'un luxe à cette période. Ainsi, il n'était pas exceptionnel de voir les personnes parcourir des dizaines de kilomètres pour pouvoir visionner, surtout quand était prévu un match de football impliquant l'équipe nationale du Cameroun. De plus en plus, la radio devenait un moyen de divertissement des populations villageoises. L'influence de la presse écrite n'était pas marquée dans les milieux ruraux, en raison de l'enclavement. En effet, le mauvais état des routes dans le pays, et de l'ensemble des infrastructures de communication, surtout en zone anglophone, constituait un handicap pour l'évolution de la commercialisation des journaux. En l'absence d'un vol quotidien reliant le Sud et le Nord, ces régions ne pouvaient être pourvues en journaux écrits que 24 h après la publication. En saison pluvieuse, Akwaya et Mundemba dans le Sud-Ouest étaient privés de journaux des semaines durant, après distribution à Limbé.

Selon une enquête menée par Marcomer, R.F.I. était la radio la plus suivie au sein de la ville de Douala. L'audience des radios étrangères au Cameroun était forte, et les scores atteints à Douala et à Yaoundé étaient significatifs. En effet, R.F.I. avait réalisé les meilleurs scores dans ces deux villes, soit 41 %, suivie de la V.O.A. (40%), la B.B.C. (16%), la D.W. (15%)137(*). R.F.I. entretenait avec le Cameroun des relations relevant des accords de coopération culturelle, conclus après l'indépendance. Les informations dites de coopération recouvraient les programmes culturels (des émissions culturelles, des émissions de contact et de variétés culturelles, des archives historiques); des émissions de service ou de monitoring; des duplexes; ainsi qu'une abondante production écrite et sonore. Certaines de ces émissions de coopération étaient intégrées dans des programmes de Radio-Cameroun, à l'exemple d' « Anthologie du mystère » ; « Mémoire d'un continent ». L'objectif de cette coopération radiophonique était de « contribuer à la collecte des ressources culturelles camerounaises et à la valorisation de l'usage du français et de la culture française au Cameroun ».

R.F.I. avait connu une audience forte au Cameroun, grâce à l'installation au Gabon d'une de ses stations commerciales, sur ondes tropicales, et de quatre émetteurs en ondes courtes, de 500 kW chacun. Cette réalisation de la France au Cameroun donna à R.F.I. l'occasion « d'agresser plus sévèrement la radio nationale à partir du sol camerounais ». Africa N°1 émettait durant 18 heures par jour en français. Elle était aussi écoutée au Cameroun. Ses ondes courtes étaient utilisées par R.F.I. Elle servait ainsi de relais, durant six heures par jour. Cela représentait une présence culturelle étrangère jugée dangereuse pour le Cameroun, car elle était de nature à « éclipser le rayonnement de la radio nationale »138(*).

Une enquête menée par Michel Tjade Eonè révèle des observations des plus intéressantes sur l'influence des radios étrangères au Cameroun après l'indépendance. La une des éditions de journaux variait d'une station à l'autre. Durant la semaine du 14 au 30 mars 1983, la R.D.C. s'est intéressée à la politique intérieure. Africa N°1 et R.F.I. se sont intéressées à une information à dominante africaine. La V.O.A. a privilégié les problèmes mondiaux les plus préoccupants. À chaque station correspondait une perception assez originale de l'actualité, en harmonie avec sa préoccupation particulière. Les thèmes d'actualité traités à la une par ces trois radios étrangères changeaient d'un jour à l'autre, d'une édition à l'autre. En six jours, la V.O.A. et la R.F.I. ont traité six thèmes différents chacune. Africa N°1 a changé cinq fois de sujets en sept jours. À l'inverse, l'information de la R.D.C. était plus figée et plus monotone. En sept jours, seuls trois sujets ont été traités à la une : le sport, la réunion du Comité central de l'U.N.C., la visite du Chef de l'État à l'Ouest du pays. Ce dernier sujet est revenu à la une pendant six jours successifs. Cela était l'indicateur d'une information essentiellement institutionnelle. Le clivage entre la R.D.C. et les radios étrangères se creusait davantage sur leurs capacités respectives à recourir aux témoignages des correspondants permanents. Le traitement de l'actualité africaine et internationale par les radios étrangères s'est enrichi tout au long de la semaine du 14 au 20 mars 1983. Les correspondants d'Africa N°1 ont effectué 20 témoignages. Ceux de la V.O.A. en ont effectué 20. Les correspondants de la R.F.I. ont réalisé 11 témoignages. Ces trois stations ont réussi à rapporter de vive voix des faits vécus à travers le monde. Ceci par le biais de correspondants permanents. Les auditeurs avaient tendance à minimiser la portée des faits qui se produisaient loin d'eux, parce qu'ils les ressentaient mal, faute de preuves et d'intérêt. L'aptitude à fournir des preuves sur la véracité des informations concernant notamment la politique étrangère faisait défaut à la R.D.C. Durant la semaine considérée par Michel Tjade Éonè, ses informations internationales et africaines n'ont reposé sur aucun témoignage, sur aucune analyse de spécialiste. La R.D.C. présentait un manque criant d'émissions de vulgarisation. Par exemple, les auditeurs avait relevé l'absence d'analyse sur les retombées des dévaluations successives du franc français sur les économies africaines. La dernières de ces dévaluations avait eu lieu à Bruxelles en Belgique le 22 mars 1983. Le traitement, la présentation et la diffusion de cet événement a connu des sorts différents dans les rédactions de la R.D.C., de la R.F.I. et d'Africa N°1. Expédié en 30 secondes en fin de journal à la R.D.C., qui ne lui avait consacré qu'un titre lacunaire, il occupait la une d'Africa N°1 qui lui avait consacré quatre dossiers explicatifs en 23 minutes. R.F.I. avait consacré 12 minutes au même événement et développé deux dossiers. L'importance accordée à cette évaluation par les rédactions de ces deux radios étrangères se mesurait par l'étendue des dossiers et par la pertinence des questions posées qui tourmentaient les auditeurs africains: Que signifie la dévaluation ? En quoi intéresse-t-elle les économies africaines et que peut-elle changer dans la vie de tous les jours ? Pourquoi les dirigeants africains ne sont-ils pas consultés ? Les questions posées, le recours à des témoins et à des spécialistes pour élucider des aspects d'une actualité parfois complexe et dense, attestaient du professionnalisme des unes en même temps qu'ils montraient la carence des autres. Ils constituaient l'illustration des deux manières de réagir aux fait d'actualité: un journalisme de vulgarisation et de témoignages doté de moyens de son ambition; un journalisme institutionnel et de transmission qui, volontairement ou non, s'en tient au discours officiel et à des dépêches d'agences.

L'audience des radios étrangères était insuffisante, parce qu'elle se limitait aux centres urbains, sans grande incidence sur la périphérie rurale. La conquête de ces marchés ne pouvait connaître du succès qu'au cas où il était élaboré des programmes originaux et des journaux parlés de qualité meilleure, fonction des contraintes politico-institutionnelles.

Le Cameroun connaissait un foisonnement réel des langues et dialectes. Leur utilisation à la radio posait des problèmes de choix. À défaut d'un cadre de référence juridiquement établi, seule prévalait la volonté des hommes placés à des positions de pouvoir et de conception des politiques nationales de communication. Leurs choix étaient déterminés beaucoup plus par des desseins particuliers que par l'intérêt général. Ainsi, il était difficile de savoir avec précision le nombre exact de langues nationales utilisées par la radio. Les changements et les choix successifs opérés par les divers décideurs complexifiaient davantage la situation. D'une station à l'autre, le nombre de langues nationales pouvait varier. Des substitutions et des permutations pouvaient être opérées sans véritables mobiles objectifs. L'ensemble des stations provinciales s'en tenait à une moyenne de quatre langues chacune. Mais la station de Buea présentait une pléthore d'émissions en langues locales, soit une trentaine pour seulement 9 heures de programmes par semaine. Il en résultait une anarchie, qui entrainait la diffusion des programmes médiocres.

II.1.2. Les difficultés relatives à la conjoncture économique

Après l'indépendance et la réunification, le Cameroun devait s'autogérer. Il se devait de financer le fonctionnement de ses institutions. Même les institutions dites autonomes étaient contraintes de recourir au soutien financier de l'État. Ainsi, l'État s'occupait de la rémunération du personnel de la radio publique. Ce qui rendait la radio nationale dépendante du gouvernement. Cela représentait un frein au traitement objectif des informations diffusées.

La radiodiffusion du Cameroun était régie par le droit public. Elle était de la responsabilité de l'État. L'État avait ainsi le monopole sur elle. L'aspect étatique de la radio apparaissait dans trois domaines : le statut de son personnel, son mode de financement, la tutelle exercée sur elle par les pouvoirs publics. La radio nationale, en tant que médium d'État, fonctionnait sur financements publics. Le prélèvement d'une redevance sur la détention d'un récepteur de radio avait été instauré par l'administration coloniale. Il avait été rendu obligatoire par le décret du Premier ministre camerounais, sous le gouvernement de la Loi-Cadre de Gaston Déferre138(*). Ce décret stipulait dans son article 3 que « toutes ventes de postes récepteurs devaient être signalées aux S.P.T., afin de permettre le recouvrement de la redevance d'usage ». Les renseignements sur les titulaires des postes-récepteurs parvenaient à la S.D.E.T., par le biais des maisons de commerce locales. À partir de cette information, le détenteur était répertorié dans un fichier, et soumis au paiement d'une redevance, dont le taux annuel par récepteur était de 1 500 F.C.F.A. Les redevances prélevées au Cameroun étaient reversées au trésor public, et faisaient partie du budget général de l'État.

Par ailleurs, Radio-Cameroun diffusait sur toute l'étendue de son réseau des spots de publicité commerciale en langues officielles et en langues nationales. Les recettes de publicité étaient plus consistantes que celles de la redevance, et s'accroissaient au fil des ans. Les activités publicitaires s'exerçant sur l'étendue du territoire national étaient les suivantes: l'affichage, l'étude des marchés, la radio, le cinéma, les articles et les matériels, le tourisme, les agences de voyage, etc. Elles relevaient du monopole de la C.P.E. Cette dernière en percevait les recettes et les mettait à la disposition du trésor public.

Les recettes de publicité de redevance ne contribuaient pas directement au financement de Radio-Cameroun. L'État constituait l'unique source de financement de celle-ci. Raison pour laquelle ses charges faisaient l'objet d'une inscription budgétaire. Celle-ci faisait partie de l'enveloppe budgétaire globale du ministère qui en assurait la tutelle. La radiodiffusion du Cameroun n'avait pas de personnalité juridique propre. Elle était une direction de l'administration centrale, placée sous la tutelle du MIN.I.CULT.

L'intégration des personnels de la radio à la fonction publique nationale, et le pouvoir de tutelle exercé sur elle par le gouvernement de la république, étaient des indices observables d'une volonté de contrôle étatique sur l'institution.

Le 30 décembre 1962, la convention relative au maintien de la propriété de la France sur la radiodiffusion du Cameroun fut abrogée139(*). Elle avait été remplacée par une nouvelle convention de coopération, signée le 5 mai 1963. Aux termes de ladite convention, la radiodiffusion du Cameroun était entièrement prise en charge par le gouvernement du pays, tant en se qui concernait le matériel, que son personnel. Dans son article 2 en effet, la Convention stipulait :

Les biens meubles et les matériels acquis sur le budget de la République française et le F.I.D.E.S. qui étaient utilisés par l'O.CO.RA. (ex-SO.RA.FOM.) pour les émissions de la radiodiffusion du Cameroun sont dévolus en pleine propriété à la République fédérale du Cameroun140(*).

Dès lors, le statut du personnel de la radio nationale devait connaitre une mutation certaine. Dans ce sens, le Président de la République, Ahmadou Ahidjo, annonça, le 23 juillet 1963 : « Un statut du personnel de la radiodiffusion doit voir le jour prochainement. Il permettra aux divers agents spécialisés une intégration à la fonction publique camerounaise »141(*). Par après, les journalistes de la radio nationale, de même que les autres personnels des secteurs techniques et administratifs, avaient été admis comme fonctionnaires, émargeant au budget de l'État, dans les diverses catégories : catégories A, B, C, D, agents contractuels ou décisionnaires. Fort de ce principe, les recrutements des personnels à la radio nationale se faisaient parfois par affinité. Des personnes occupant des postes de responsabilité avaient le privilège de recruter leurs proches. Par sentimentalisme, elles sollicitaient des ressortissants de leurs familles, notamment leurs amants ou leurs frères et soeurs. Ceci sans tenir compte de la qualification et de la compétence. Ces employés, compétents ou pas, faisaient carrière dans la fonction publique nationale. Ils intégraient sans mérite le fichier solde de l'État. Certains exerçaient comme journalistes avec le C.E.P.E. ou le B.E.P.C. D'autres y étaient admis comme techniciens, sans diplôme. Ils gravissaient des échelons, et présentaient des défaillances avérées. Lesdites défaillances ne leurs valaient ni sanctions, ni licenciements. Il était exceptionnel de ne pas rencontrer de cadre issu des familles des dirigeants au sein la structure. Lorsqu'un cadre était promu à la radio nationale, il était considéré comme « le sauveur » de sa famille. Il était comme tenu par l'obligation de « donner du travail aux siens ». S'il ne s'y employait pas, il était traité de « méchant » ou de « rébarbatif » par ses proches142(*). Devenus ses collaborateurs, ses proches n'excellaient pas toujours à leurs postes, même lorsqu'ils étaient qualifiés et compétents. Cela était lié au fait qu'ils étaient cajolés par le patron, qui n'était rien d'autre que leur congénère. Ainsi, ils n'étaient pas tenus par l'obligation de résultat, condition de renforcement de l'efficacité de l'entreprise. Dans ce contexte, certains reportages de la radio nationale étaient mal ficelés et relataient des faits mensongers, à cause des mauvaises prestations des auteurs ou des réalisateurs. En dépit de ses insuccès, la radio nationale connaissait très peu de mutations à sa direction143(*).

L'efficacité de la radio dépendait en partie de la diffusion libre de ses émissions. Car les informations et les idées véhiculées par la radio n'étaient utiles que si elles étaient objectives. Il allait de soit que la déontologie ne pouvait se développer à la radio que si celle-ci était libre. Cinq obstacles majeurs empêchaient la liberté de communication par la radio nationale. Le plus ancien était technologique. Le second était politique. En effet, le déploiement de la radio était freiné par les tribunaux et le pouvoir. L'État censurait et orientait l'information. La troisième menace était économique: l'utilisation de la radio dans le but de faire des profits. La troisième entrave était relative au conservatisme des professionnels. Leurs notions et usages étaient surannés. La dernière menace émanait des traditions, notamment le statut des femmes musulmanes, la loyauté envers la tribu, le respect des anciens. En clair, cette menace émanait du public.

Le poste national disposait de deux émetteurs Thomson de 100 kW en ondes courtes et interchangeables. L'un desservait le poste national proprement dit, et l'autre, la chaîne internationale. Le poste national disposait également d'un émetteur Thomson en ondes moyennes, couplé aux 100 kW en ondes courtes, d'un émetteur d'1 kW en ondes moyennes. L'émetteur de la chaîne internationale connaissait régulièrement des pannes techniques liées aux déficits de pièces de rechange. Il était courant que ledit émetteur fût dépecé pour assurer le dépannage de l'émetteur de 100 kW de la station provinciale du Nord, ou du poste national lui-même. En 1981, un véhicule était affecté à la S.D.P. et un autre à la S.D.N. Chaque sous-direction devait prendre en charge le transport de son personnel, pour des reportages et des services de nuit. Cela donnait lieu à une répartition d'un véhicule pour 28 cadres de production et assimilés au sein de la S.D.N. Bien que les effectifs du personnel aient augmenté, les véhicules disponibles étaient insuffisants. Il existait un déséquilibre remarquable entre les potentialités techniques disponibles des studios et les moyens logistiques dont disposaient les hommes de la radio nationale. Les cars étaient insuffisamment mis en valeur et allaient exceptionnellement en mission.

Les coupures d'émissions plus ou moins prolongées, des nouvelles peu travaillées, des programmes sans impact consistant, une animation parfois « brouillonne », déplaisaient aux auditeurs. Dès 1985, la télévision faisait grande concurrence à la radio. La plupart des cadres compétents de la radio avaient été sollicités pour officier à la télévision nationale. Il s'agissait notamment de Charles Ndongo, Barbara Nkono, Adamu Musa, Denise Epote. D'où l'affaiblissement de l'efficacité de la radio.

Au regard de ses difficultés, la radio publique camerounaise avait des défis importants à relever.

II.2. Les défis de la radio nationale du Cameroun

La radio nationale ne répondait pas suffisamment aux attentes des Camerounais. Elle n'offrait pas des programmes d'éveil. Les contenus des programmes étaient dominés par la musique, et ne contribuaient pas ainsi à l'élévation de l'esprit des citoyens; l'un des défis majeurs de l'État camerounais, à cette période, caractérisé par l'analphabétisme des populations, étant de cultiver un esprit responsable, la réflexion sur des problèmes relatifs à l'environnement et aux conditions de vie des populations. D'après les résultats de l'enquête menée en 1972 par Albert Mbida, les auditeurs, pour la plupart, priorisaient les informations.

II.2.1. La professionnalisation des ressources humaines et la répartition rationnelle des rôles

La professionnalisation des ressources humaines de la radio nationale était un cheval de bataille des autorités. En effet, la radio constituait un pole important du développement. La professionnalisation des ressources humaines de la radio passait par la formation de base en matière de techniques de transmission de l'information et de recyclage continu, d'autant plus que les sciences de la communication évoluaient sans cesse.

Au cours des réunions organisées par l'U.N.E.S.C.O. à Moshi au Tanganyika en 1961 sur le développement de la radiodiffusion éducative et scolaire, et à Paris sur le développement de l'information en Afrique, la formation du personnel de radiodiffusion a fait l'objet de nombreuses discussions entre les spécialistes. Pour certains d'entre eux, cette formation devait être dispensée exclusivement en Afrique: il n'était pas question d'entraîner à Paris ou à Londres des Africains qui devaient exercer leur métier dans un milieu et pour un auditoire totalement différent de celui des pays où ils l'ont appris. D'autres experts pensaient qu'il n'était pas encore possible de dispenser une formation d'un niveau suffisamment élevé en Afrique. Ils soutenaient que le fait de sortir de leur pays d'origine constituait déjà, pour les futurs hommes de radio, une expérience qui pouvait s'avérer utile, par la suite, dans leur vie professionnelle. Ils ajoutèrent que la formation dans un centre européen unique pouvait favoriser le contact entre Africains différents144(*). Mais, en Afrique, la radiodiffusion avait besoin d'animateurs nombreux, issus des groupes ethniques divers. La formation des animateurs en Europe avait déjà permis à la radio de faire ses premiers pas en Afrique. La formation des animateurs et des techniciens pouvait se poursuivre en Europe ou en Amérique, en attendant la création des centres régionaux ou nationaux. Dans des centres de formation régionaux, les enseignements devaient tenir compte des réalités africaines. Ainsi, les hommes de radio formés dans des écoles camerounaises pouvaient adapter au pays l'expérience acquise sur place. Certains Camerounais obtenaient des bourses tunisiennes consacrées à la formation des cadres en radio.

Par ailleurs, la radio nationale utilisait deux langues officielles héritées de la colonisation: le français et l'anglais. Le français ravissait la vedette à l'anglais, car il occupait l'essentiel des programmes. Ce qui constituait un handicap pour la communauté anglophone, le bilinguisme n'y étant encore qu'embryonnaire. Ainsi, le message radiophonique n'atteignait véritablement toutes ses cibles. Ajouté à cela, l'analphabétisme, l'une des principales difficultés sociales du pays. Voilà pourquoi la station centrale de la radio nationale drainait peu d'auditeurs; la majorité d'entre eux s'adonnant à l'écoute des stations provinciales dont certains programmes étaient diffusés en langues nationales. Le Cameroun présentait une multiplicité d'ethnies et de cultures. Au sein des ethnies, il existait des tribus et des clans, mais les parlers étaient différents. C'est l'exemple des Mbouda et des Dschang de l'Ouest-Cameroun, qui ne pouvaient communiquer verbalement, en raison de leurs différences dialectales. C'est également l'exemple des Yambassa du Centre. Certaines populations utilisant ces langues ne comprenaient et ne parlaient des dialectes adoptés comme langues des émissions des stations régionales. Il s'agit notamment des Banen des Baka du Centre. Elles se sentaient ainsi lésées du système de radiodiffusion nationale. Or la radio d'État devait concourir à l'épanouissement de ses hommes. Bien plus, les personnes en charge d'animer les émissions en langues nationales dans des stations régionales n'avaient pas la qualification professionnelle appropriée en la matière. D'où les défaillances observées dans leurs méthodes de travail: l'adoption d'un accent non conforme, la conception d'émissions banales, sinon comment expliquer qu'elles soient supprimées des programmes à une époque donnée? En outre, l'influence des langues officielles héritées de la colonisation contribuait à désintéresser une frange des populations élitistes de leurs langues maternelles. Cela accentuait le système d'acculturation mis en place par l'impérialisme européen et consolidait la domination occidentale au Cameroun. Il était donc plus que jamais nécessaire de créer des centres de formation en journalisme sur les canons du traitement de l'information en langues nationales, dans un contexte caractérisé par l'illettrisme, l'inculture et l'acculturation. Car l'E.S.S.T.I. et les structures de formation privées ne dispensaient jusque-là que des enseignements en français et en anglais.

La spécialisation de la radio est restée un pari original. Beaucoup d'émissions devaient être orientées vers la thématisation. En effet, le Cameroun faisait face à une crise des mentalités réelle. Le besoin de conscientisation des populations était évident. Ainsi, un accent particulier devait être mis sur des émissions de divertissement où sportives. La radio se devait de multiplier des émissions relatives à l'agriculture, et de les adapter aux préférences des auditeurs. L'idée ne saurait être de remettre en question l'importance des émissions que nous avons présentées plus haut. Nous estimons simplement que la conception et la diffusion d'émissions devaient tenir compte des priorités d'alors qu'étaient, par exemple, la nécessité d'asseoir l'autosuffisance alimentaire, de développer l'économie, de rendre concrète notre indépendance. Ainsi, la régionalisation de la radio devait s'accompagner de sa scientifisation poussée, prenant en compte les réalités locales. Elle allait intéresser les publics dans des domaines particuliers de la vie. Cela supposait qu'une frange d'auditeurs éprouvait le besoin de se cultiver dans des secteurs précis, ou de se familiariser avec des notions spécifiques. Les responsables de la radio devaient renouveler les programmes, se donner des moyens financiers et matériels appropriés, et trouver des équipes professionnelles imaginatives et réactives. Ce déploiement allait permettre au médium de service public de répondre à sa mission de défense et de promotion du patrimoine du pays.

L'un des défis majeurs de la radiodiffusion au Cameroun de 1961 à 1990 étaient d'asseoir son efficacité. Cela passait par la spécialisation accrue de ses cadres. Par exemple, il devait avoir des spécialistes qualifiés en matière de montage des programmes, de reportage sur le terrain, ceux ayant pour fonction la présentation du journal, et ceux compétents pour traiter spécifiquement des questions relatives au conflit israélo-arabe. Les cadres et les animateurs de la radio nationale devaient être soumis à la formation continue, en vue de s'enquérir des nouveaux canons du métier, et d'adapter le traitement de l'information radiophonique à l'origine socio-culturelle des auditoires. La prise de conscience devait donner aux responsables des services radiophoniques camerounais de réfléchir à des faiblesses de leur corps de métier: les insuffisances matérielles, le déficit de cadres spécialisés, notamment sur les émissions éducatives, le manque de coopération avec des services administratifs spécialisés, susceptibles de garantir l'efficacité à la radio. La prise de conscience pouvait également mettre la radio à l'abri de l'influence du gouvernement, ou des puissances étrangères. La radiodiffusion camerounaise avait grand besoin d'animateurs nombreux, issus des groupes ethniques divers susceptibles de séduire l'auditoire. Ces groupes ethniques devaient connaître l'auditoire dans ses détails. Il était utile de créer des centres de formation d'animateurs et de techniciens au Cameroun. Les personnels formés devaient être perfectionnés.

La redistribution des rôles dans des diverses techniques de l'information s'avérait nécessaire. Cela devait tenir compte des possibilités spécifiques de chacune de ces techniques, dans un esprit de coopération avec la télévision, et non de compétition. Il était impératif de repenser de nouvelles méthodes de réflexion et leur assigner des missions spécifiques.

II.2.2. La promotion de l'objectivité et des impacts positifs de l'information

Toute information a la spécificité d'être objective. Une information destinée à la promotion d'un individu ou d'un groupe de personnes n'en est pas une. Elle doit être vraie et crédible. Elle exclut tout mensonge et toute forme de manipulation et de propagande, au risque de devenir un fait biaisé, falsifié. Le journaliste, chercheur et transmetteur de l'information, est ainsi considéré comme l'un des socles de l'évolution, un promoteur de la modernité, et un catalyseur de la démocratie, ainsi que le démontre Hervé Bourges, enseignant de journalisme: « Un journaliste doit être un agent du développement. Il doit être un vecteur de la démocratisation, un vecteur du progrès ».

Après l'indépendance nationale, les pouvoirs publics camerounais orientaient l'information à leur guise: la préoccupation majeure de l'État était d'asseoir son autorité, dans un contexte politique marqué par la multiplicité d'ethnies, et l'existence de deux communautés culturelles historiques, à savoir la communauté francophone et la communauté anglophone. Pourtant, aux termes des résolutions des Nations Unies et de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, l'information était un droit fondamental du citoyen. Elle était une garantie de la liberté. Selon l'économiste français Alfred Sauvy, l'avènement d'une démocratie triomphante pouvait être rendu possible si les citoyens disposaient d'une information complète et objective. À son avis, être libre, c'était être informé. Jacques Robert en donna une précision plus intelligible, quand il conclut : « Le droit à l'information est la consécration d'un devoir de liberté »145(*). La radio publique camerounaise avait donc pour obligation absolue de travailler en tant qu'institution de promotion du droit à une information vraie et crédible.

L'objectivité contribuait à « déconcerter le public égaré dans une information luxuriante ». En effet, l'information était communiquée après jugement des faits, avec neutralité dans le style, qui contrastait avec des chroniques et des commentaires d'actualité. Car, comme l'affirme Charles Ateba Eyené, Communicateur, « un homme des médias est neutre ». La vérité d'une information dépend de l'idée même qu'on se fait de celle-ci. L'informateur considère que l'important est la vérité de l'information qu'il diffuse. Il emploie parfois des procédés bien connus: il isole, grossit, personnalise et dramatise, avec le risque de plonger dans le saugrenu, le sensationnel. Ce que confirme Hilaire Kamga, enseignant de droit, lorsqu'il déclare: « La plupart des hommes de médias au Cameroun, du fait de la précarité, sont, depuis des lustres, entre les mains des hommes politiques ».

Par ailleurs, les discours occupaient des espaces importants au sein de la radio nationale. Ce qui déplaisait aux auditeurs, dont l'un avait déclaré: « Une allocution diffusée trois fois et intégralement nous lasse ». Et le même auditeur de poursuivre : « Il faudrait résumer les discours, et ne diffuser que des extraits importants »146(*). Pour les auditeurs, il importait de rappeler certains événements, en les rendant plus vrais. Il était aussi nécessaire de changer le style de présentation, la monotonie étant « le pire ennemi de l'expression radiophonique ». En outre, une propagande trop appuyée de communiqués et de discours risquait « de se tuer elle-même ».

Le droit du public à l'information n'était guère totalement acquis, même dans les pays démocratiquement avancés. Au Cameroun, ce droit était une « nouvelle conquête », car la lutte pour le développement ne devait exclure personne. Cette « nouvelle conquête » devait s'appuyer sur la participation libre et positive des citoyens à la construction du pays, dans tous les domaines de la vie nationale. Cela supposait la démocratisation de l'information, une mise à disposition complète de celle-ci au peuple. Dans ce cas, le traitement de l'information devait suivre un processus par lequel l'individu deviendrait un partenaire actif, et non un simple objet de la communication147(*). D'après l'enquête menée par Tjadé Eonè en 1981, les auditeurs de la radio nationale revendiquaient une participation accrue au fonctionnement de la société, aussi bien au niveau de la réflexion que de l'action. Ils refusaient le rôle passif de « communicateurs silencieux », des orientations prises pour eux et sans eux. La radio, pour eux, devait servir de courroie de transmission « de haut en bas, et de bas en haut ». Ils étaient favorables à l'ouverture de l'antenne aux publics divers, demandaient à être associés aux programmes qui leur étaient destinés. Une information diffusée dans ce contexte était compatible avec les fondements de la société camerounaise, où les règles de la communication orale étaient par définition basées sur le dialogue selon l'esprit de la palabre africaine qui exclut toute transmission à sens unique.

Le renforcement de l'objectivité de l'information nécessitait la prise en compte de l'opinion des auditeurs, car c'est à eux qu'était destiné le message radiophonique. Il importait donc, compte tenu de leurs comportements, d'interroger leurs réactions et leurs attentes, leur conception du rôle social de la radio.

Le consensus tenait à la recherche constante de la paix sociale. Ici, l'individu occupait une place importante. Chaque membre du groupe était consulté sur les questions débattues148(*). Pour les auditeurs, une réelle communication correspondait au niveau d'évolution atteint par le Cameroun. Cette mutation était susceptible de traduire dans les faits « l'intention démocratique » qui s'est manifestée au sein du pays149(*). L'adoption des principes favorables à la vertu et à la libre expression des opinions était propre à améliorer la représentation sociale150(*), l'une des missions dévolues à la radio.

Il importait pour la radio nationale du Cameroun d'intégrer l'approche genre dans la conception de ces politiques. Le personnel devait comprendre aussi bien les personnes de sexe masculin que celles de sexe féminin. Certes, dans les bureaux administratifs, les femmes tenaient les postes de secrétaires. Mais leur travail à la radio se limitait à ce niveau. Elles n'avaient pas accès aux studios. Il serait pourtant vain de penser que la radio n'avait pas besoin d'elles. Les femmes étaient sans doute plus habiles à parler d'une manière convaincante aux autres femmes que les hommes. Ayant les mêmes problèmes, les mêmes préoccupations que leurs auditrices, elles étaient susceptibles de leur donner des réponses qu'elles attendaient. Il est vrai que dans beaucoup de domaines, l'évolution de la femme camerounaise n'a pas suivi celle de son mari. En ce qui concerne la formation professionnelle dans le domaine de la radio, l'écart entre les personnes des deux sexes était remarquable.

La rumeur était susceptible de prendre une envergure plus importante que la communication médiatisée. Ainsi, des indiscrétions échappaient et véhiculaient des courants de pensées, d'attitudes, l'étonnement, l'admiration ou la joie, la panique ou la haine. Les sources de la rumeur relevaient des situations inhabituelles et des insolites. Son mode de transmission était oral et impliquait une proximité physique de l'émetteur par rapport au récepteur, avec des relais multiples, « sous forme de guides d'opinions ». Le mode de transmission de la rumeur, très aléatoire, finissait par en altérer le fond. Mais la rumeur ne traduisait pas moins l'existence réelle d'une situation, en vertu même de l'adage africain, selon lequel « il n'y a pas de fumée sans feu ».

Au-delà des désinformations multiples, la rumeur ou « radio-trottoir » puisait à la bonne source. Selon Albert Mbida, au lendemain de l'indépendance du Cameroun, un nombre important d'auditeurs consentait à des dépenses d'argent, pour satisfaire leurs besoins d'information. Le désir d'informations traduisait l'envie de connaître des faits nouveaux, même si cette connaissance n'avait pas d'incidence directe sur la vie individuelle et collective. Les auditeurs de la radio voulaient en fait une information complète. Le besoin d'explications s'avérait donc crucial. Aussi certains citoyens suggéraient-ils que des spécialistes fussent invités à Radio-Cameroun pour expliquer dans les détails des événements de portée nationale et internationale.

L'efficacité des ressources humaines de la radio nationale du Cameroun était fonction de la formation reçue et de leur spécialisation. Cela devait passer par l'amélioration de la qualité des équipements techniques disponibles. Entre 1960 et 1990, la radio nationale du Cameroun avait connu des difficultés relatives aux équipements techniques faibles et de mauvaise qualité. Mais les gouvernements qui se sont succédés au sein du pays ont mis un point d'honneur à l'amélioration des équipements techniques de ladite radio. Ils ont eu à contracter des dettes colossales, afin d'équiper la radio nationale et les radios provinciales. Ces améliorations de l'équipement technique se faisaient en même temps que s'opéraient des transformations administratives ou statutaires. Si autrefois la solution de l'émetteur d' 1 kW en ondes moyennes, pour la capitale et ses environs, et de l'émetteur de 4 kW en ondes courtes, pour l'ensemble du pays, avait triomphé, après l'indépendance, le pays voulait avoir « une radio susceptible de lui parler vraiment, de parler au reste du monde »151(*). Tout cela explique l'achat et l'installation de matériels puissants.

Il avait été constaté, chez les auditeurs camerounais, une préférence nette pour l'écoute des radios étrangères. Cela était lié à la qualité des programmes diffusés par ces radios, et à l'exotisme exacerbé de ces auditeurs, tenant pour idéal ce qui était étranger. Ces radios disposaient des services internationaux diffusant des programmes conçus à l'intention des publics étrangers. Leurs activités avaient un double objectif: faire entendre, à l'intérieur des pays étrangers, la voix des puissances dont elles véhiculaient l'idéologie et la culture; maintenir le lien radiophonique nécessaire.

Nous avons souligné plus haut que la coopération de la France avec le Cameroun, dans le domaine de la radiodiffusion, utilisait exclusivement le français comme langue de communication. Il était nécessaire de créer des conditions d'une coopération véritable, en marge de toute domination d'un partenaire sur l'autre. Cette coopération devait être fondée sur des principes d'égalité et de réciprocité. Car les dons d'émissions créaient, chez les producteurs de R.C., un sentiment d'assistés, qui limitait leur capacité d'enquête. Elle les rendait incapables et inconscients de ce que F. Ballet considère comme « la plus dangereuse des colonisations, celle des esprits »152(*). Au vu des difficultés qu'elle rencontrait, dans sa coopération avec l'Occident, R.C. avait l'obligation de solliciter l'aide des pays du Sud, notamment ceux de l'U.R.T.N.A.

En tant que moyen de communication des masses, la radio nationale est apparue comme le médium le plus démocratique. Elle s'est avérée une voie de construction de la culture démocratique. En effet, la radio nationale devait accompagner l'État dans le fonctionnement libre de ses trois pouvoirs (le Législatif, l'Exécutif et le Judiciaire). Elle devait ainsi jouer un rôle d'intermédiaire entre le peuple et l'État, en créant un esprit d'ensemble, dans la mesure où il y existait un partage d'informations. La démocratie étant aussi le fait d'écouter, d'échanger des idées avec les autres, la radio d'État devait ouvrir un champ de dialogue à distance. Par la radio publique, l'État et le gouvernement se devaient de donner au peuple des explications sur leurs feuilles de route. Ainsi, les sessions de l'Assemblée nationale étaient diffusées en directe de la radio nationale. Leurs succès et leurs échecs devaient être connus au grand jour par le canal de ladite radio. Instrument de la citoyenneté, la radio nationale devait devenir un moyen d'expression libre de l'opinion publique, permettre l'émergence des débats porteurs, garantir une meilleure transparence du pouvoir et démystifier l'État. Ainsi, elle devait diffuser sans manipulation les résultats des élections présidentielles, et contribuer par son large champ d'écoute à la consolidation de la démocratie. Elle devait être un instrument privilégié de la formation d'une conscience nationale et un important outil d'endoctrinement. Caractérisé par l'absence dans certaines zones des voies de communication, l'existence d'ethnies multiples ayant des difficultés de communication entre elles, la présence des populations étrangères les unes aux autres, le Cameroun devait saisir l'opportunité qu'offrait sa radio pour assurer la transmission d'idées gouvernementales sur toute l'étendue du territoire, en se dotant d'émetteurs plus puissants et en en accentuant la régionalisation. Aussi, la radio devait-elle se montrer efficace en donnant une information utile, vraie, vérifiée et vérifiable, conformément à ce que pensait Wihiard Johnson, lorsqu'il disait:

Au moment où les pays du Tiers-Monde revendiquent à corps et à cri l'établissement d'un nouvel ordre mondial de l'information, il est tout aussi impératif de s'entourer de dispositifs internes permettant la circulation de l'information, parce qu'il est déplorable de constater que même dans la poignée de régimes politiques qui dans le discours se portent garants de la liberté de presse, des barrières permanentes s'élèvent érigées par des acteurs de la vie politique, simplement parce que ces derniers sont incapables de maîtriser l'information. Une politique d'information oubliant de prendre en compte les aspirations du peuple ne peut prétendre oeuvrer au service de ce peuple153(*).

Par ailleurs, la radio était l'institution d'accès à l'information la moins coûteuse. De ce fait, la radio nationale devait introduire dans sa grille des programmes des émissions en toutes les langues régionales, de manière à informer toutes les couches de la société du fonctionnement de l'État, mais en les mettant en marge de tout appel au trouble et au désordre. Par la promotion de la démocratie, la radio nationale serait à même de protéger les personnes, les biens et l'État.

De surcroît, la radio permettait l'accès à des informations relatives à l'actualité de l'époque post-coloniale. Elle était le moyen de communication le plus accessible à toutes les couches sociales, parce qu'émettant sur un rayon large. En plus, avoir un poste de radiodiffusion était peu coûteux, par rapport aux autres supports médiatiques. Il existait des postes portables, miniaturisés et facilement transportables. Ainsi, les élections municipales et législatives pouvaient être suivies de bout en bout par tous les citoyens qui s'y intéressaient, en dépit de leurs occupations. Moyen de communication le plus adapté à tous les milieux (zones enclavées, zones urbaines, zones rurales), la radio véhiculait l'information avec promptitude. Mais la nature des informations véhiculées était susceptible d'influer négativement sur les mentalités des auditeurs. Des informations masquées ou biaisées donnaient à l'auditeur une fausse idée de l'action des pouvoir publics. Elles semaient le doute sur la fiabilité des institutions publiques. Des émissions liées à la politique suscitaient des révoltes et des comportements immoraux au sein de la société. Diffusant quelques fois des informations incertaines, la radio était devenue une source de désinformation. Les informations diffusées conduisaient parfois aux troubles mentaux et traumatisaient des personnes sensibles. Tel était le cas des informations de la page nécrologique et les résultats aux examens et concours lus à la radio. La radio diffusait aussi des informations qui incitaient des personnes à la haine envers les autres et accentuaient le tribalisme. C'était l'exemple des informations concernant des projets de construction des infrastructures qui suscitaient des révoltes des ressortissants de certaines régions (Nord-Cameron; Est- Cameroun) se considérant comme lésés par le gouvernement, par rapport à d'autres considérés comme privilégiés (Centre; Littoral). Quelques fois, la radio hantait et manipulait les consciences. Elle était utilisée pour discréditer des personnes jugées subversives. Le manque de professionnalisme de certains cadres rendait inefficace l'action de la radio. Remédier à ces problèmes ferait de la radiodiffusion un facteur déterminant du progrès de la nation.

L'une des missions fondamentales de la radio était le changement positif des mentalités des peuples. L'éducation n'était pas réservée à la seule école. Elle pouvait aussi être promue par la radio. L'école était considérée comme le foyer éducatif et des transformations sociales, de la croissance économique. Elle était aussi considérée comme un cadre de valorisation humaine, une étape du processus permanent de formation. La radio devait servir de canal à cette entreprise d'information, d'éducation et de formation. À ce propos, André Célarie écrit ce qui suit :

Il est certain que la radiodiffusion doit prendre une part importante à cette tâche dans les pays à traditions orales où elle établit le contact permanent entre tous les individus, où elle apporte le témoignage du progrès du groupe évolué et favorise son rayonnement154(*).

La radiodiffusion était l'animatrice de la culture. Elle devait conduire au modernisme. Elle devait apprendre à la population le bien-fondé de son être et l'encourager à sauvegarder son patrimoine culturel. Mais l'éducation par la radio était un facteur de complémentarité. La radiodiffusion pouvait triompher dans cette mission importante assignée aux mass-médias, car elle était pratique. Elle triomphait du facteur de distance. L'école radiophonique était l'élément moteur de la culture populaire. Les auditeurs ayant reçu une éducation certaine par la radio pouvaient devenir des interprètes dans les villages. Pour chaque type de sujet, il existait des auditeurs qui se chargeaient de recueillir des informations et de les diffuser ensuite dans des cercles qu'ils fréquentaient. Ils devenaient alors des chefs de file de l'opinion à l'intérieur des groupes. Ils étaient écoutés religieusement et étaient de l'avis général des sources dignes de confiance155(*). La priorité devait être donnée à deux secteurs : la formation élémentaire et l'éducation sociale. Ces programmes sociaux étaient destinés à familiariser l'Homme avec la technique. Le contenu de ces programmes devait tenir compte des aspirations des personnes et des priorités, ainsi que le disait Paolo Freire : « Pour qu'il y ait communication efficace, il faut que l'éducateur et l'Homme politique soient capables de comprendre les conditions structurelles dans lesquelles la pensée et le langage du peuple prennent une forme dialectique ».

Le processus de décentralisation de la radiodiffusion avait commencé au Cameroun avec sa régionalisation, quelques années avant l'indépendance. La régionalisation avait pour but d'étendre la diffusion d'émissions à travers le territoire national. Car l'émetteur de la radio gouvernementale ne pouvait permettre une diffusion large au Cameroun. D'où la multiplication des radios régionales à travers le pays. Mais il convient de relever que la décentralisation de la radio, par le truchement de la régionalisation, ne suffisait pas à parachever sa portée au Cameroun. En effet, au sein de chaque région, il existait des différences, du point de vue des préférences des auditeurs, de leurs occupations quotidiennes. Ainsi, l'Est et le Sud du pays ne bénéficiaient pas des services radiophoniques concourant à y promouvoir l'agriculture156(*). Le Centre et le Littoral du Cameroun, spécialisés notamment dans l'administration et le commerce, ne bénéficiaient pas de la diffusion d'émissions susceptibles de promouvoir le développement de ces activités. Il aurait donc été nécessaire d'intégrer, dans les programmes des radios régionales, des émissions conformes aux réalités de chaque localité, et, pour ce faire, de créer des radios municipales.

L'État disposant des moyens pour la radio devait donner à celle-ci un essor certain. Voulant se présenter aux autres États, le Cameroun devait se faire connaître. De ce fait, il devait trouver un auditoire consistant à l'extérieur. Ainsi, il devait équiper sa radio en matériel de diffusion puissant, pour mieux faire entendre sa voix au niveau international. Il importait aussi d'améliorer la qualité des émissions. Mais tous les pays voulant diffuser leurs émissions le plus loin possible se servaient du spectre des autres fréquences. Ce qui risquait de détériorer le réseau radiophonique, avec des effets parasitaires nuisibles venant de l'extérieur. Or les auditeurs moyens ne voulaient pas simplement accepter une émission difficile à écouter, quel que fut l'intérêt de son contenu. Et les services radiophoniques faisant usage des bandes à haute fréquences souffraient d'interférences dues aux émissions internationales à longue distance. Il était donc utile d'utiliser des ondes tropicales pour la diffusion d'émissions métropolitaines. Il était en outre nécessaire d'installer la modulation des fréquences dans des régions relativement peuplées.

La radio nationale s'est voulue une entreprise parapublique. Et comme tel, ses financements étaient fournis aussi bien par l'État que par elle-même. En tant qu'entreprise, la radio nationale constituait un gisement important d'emplois. Y officiaient: les journalistes, les techniciens spécialisés, les animateurs, les photographes, les filmographes, les agents d'entretien, les administrateurs, les consultants, les juristes, les secrétaires, les conducteurs de véhicules, les informaticiens. Des équipes similaires étaient affectées au niveau des stations régionales ou provinciales. Vu le caractère sélectif des recrutements, il était impossible que toutes les personnes formées y soient admises. La crise économique des années 1980 aidant, la structure et l'État n'affectaient plus de financements conséquents susceptibles de supporter la masse salariale qui allait crescendo. Les personnels officiant au sein de la structure n'avaient de cesse de se plaindre de la modicité des salaires. Il était à déplorer les cumuls des fonctions des cadres. Par exemple, il n'était pas exclu que le Directeur général exerce en même tant comme Président du conseil d'administration. Cela était lié au fait que les dirigeants entendaient limiter les charges de l'entreprise, car un cadre cumulant deux ou trois fonctions était rémunéré à un taux « supportable ». Ainsi, la nécessité de créer des emplois productifs en termes de richesses et de rendements était réelle. La régionalisation accentuée de la radio, sa municipalisation et sa départementalisation génèreraient davantage d'emplois et contribueraient de façon significative à la résorption du chômage. Le renforcement de son efficacité par sa nationalisation poussée au moyen de l'utilisation accentuée des langues locales augmenterait le nombre de recrues au sein de la structure. Par ricochet, cela nécessiterait la formation d'enseignants spécialisés et leurs recrutements dans des structures d'encadrement. Des emplois serraient accordés aux personnes en charge de la conception des documents appropriés.

Le système de cumul des fonctions à des postes clés s'avérait impropre au renforcement de l'efficacité de la radio nationale. De ce fait, au lieu que le Directeur général de la C.R.T.V. exerce en même temps comme Président du conseil d'administration de l'institution, il aurait été nécessaire que le poste revienne à une personne libre. Elle donnerait certainement le meilleur d'elle-même. La modernisation des équipements améliorerait la qualité du son et du traitement de l'information. La mise à disposition des appareils sophistiqués rendrait possible la diffusion en directe d'émissions dans des zones d'ombres. Des séminaires de recyclages réguliers boosteraient la qualité des prestations et arrimeraient la radio nationale aux normes de diffusion internationales. Des méthodes de contrôle rigoureux inciteraient le personnel à l'ardeur au travail et à rechercher l`excellence dans leur déploiement. La confection des programmes devraient tenir compte du fait que la radio d'État est un medium national, et non une propriété des gouvernants. Si la nation regroupe toutes les personnes ayant la même histoire, les mêmes langues et partageant le sentiment de vivre ensemble, les émissions diffusées sur les antennes de la radio d'État ne devraient mettre exclusivement l'accent sur les actes des dirigeants, à l'instar des discours officiels ou des commentaires autour de ces discours; elles devraient porter sur le Cameroun dans son ensemble, et contribuer ainsi à son progrès, à son rayonnement international.

CONCLUSION GÉNÉRALE

La radiodiffusion avait été introduite au Cameroun par la colonisation française et britannique. Elle était alors destinée à satisfaire les intérêts de la colonisation franco-anglaise. Dans le Cameroun sous tutelle française, la radiodiffusion était une ramification de la radio-télévision métropolitaine. Dans le Cameroun sous tutelle anglaise, la radiodiffusion était rattachée aux services du Nigéria. D'une manière indirecte, la radiodiffusion a été un facteur déterminant de décolonisation du Cameroun, par sa mission d'éducation, de divertissement et d'instruction des masses. En mettant à la disposition des Camerounais des connaissances nécessaires à leur édification, la radiodiffusion a suscité une prise de conscience des effets néfastes de la colonisation. L'écoute des radios étrangères, véhiculant des messages anticoloniaux (Radio-Pékin et Radio-Moscou), à vocation socialiste, avait concouru à raffermir le combat contre le colonialisme.

L'indépendance du Cameroun sous tutelle française, en 1960, et celle du Cameroun sous tutelle anglaise, en 1961, avait conduit le pays à la nationalisation poussée de la radiodiffusion. Dès lors, la gestion des services de la radio nationale incombait à un personnel camerounais. Cela était une nécessité, dans la mesure où le Cameroun, en tant qu'État, se devait d'affirmer sa souveraineté, et de se libérer de la domination occidentale. La radio nationale du Cameroun éprouvait des déficits de cadres formés. Les cadres disponibles étaient inadaptés aux réalités locales, car formés dans des écoles occidentales. La radiodiffusion du Cameroun manquait de financements conséquents. De ce fait, les services de la radio se contentaient des équipements incorrects, datant de l'époque coloniale, et parfois en état de détérioration avancée. La radio nationale était sous le contrôle du gouvernement. Ainsi, elle était vouée à conforter la politique de celui-ci.

La radiodiffusion, vue la faible puissance de ses émetteurs, ne pouvait assurer la diffusion d'émissions sur toute l'étendue du territoire national. Le gouvernement camerounais s'était ainsi investi dans la création des stations de radio provinciales, en vue d'atteindre au maximum sa cible (les populations camerounaises). Pour ce faire, les dirigeants de l'institution avaient taché d'intégrer dans la grille des programmes, des émissions en langues locales, celles en rapport avec les préoccupations des auditeurs (les pratiques agricoles locales, les coutumes, etc.).

Par la suite, il né au Cameroun une certaine élite intellectuelle, qui tenait pour vraies et crédibles, des informations diffusées de l'étranger. Ce fut ce qu'il était convenu d'appeler « exotisme radiophonique ». Ladite élite s'adonnait à l'écoute des radios étrangères, dont les plus courues étaient la R.F.I., la B.B.C., la V.O.A. Ce qui portait un coup fatal à la radio nationale, qui ne bénéficiait plus alors de l'écoute massive des intellectuels ayant entre autres missions d'éclairer l'opinion nationale sur des questions engageant l'avenir du pays.

Les programmes de la radiodiffusion nationale étaient calqués sur le model occidental. Ses journalistes et ses animateurs étaient formés en Europe ou en Amérique. La pratique des connaissances acquises en Occident par des cadres de la radio ne tenait pas compte des préoccupations de l'auditoire national. Cela signifiait que la radio nationale, par le truchement de ses acteurs, reproduisait les modèles occidentaux ou pro-occidentaux. Elle contribuait ainsi à conforter l'influence des puissances occidentales au Cameroun, en dépit de l'indépendance. À cela s'ajoute les accointances entre la radio nationale et les pouvoirs publics. En effet, d'après le président Ahmadou Ahidjo, le Cameroun, en raison de sa posture de jeune État, se devait d'asseoir son système politique et socio-culturel, en tenant compte du contexte local. La radiodiffusion nationale était un moyen d'accomplissement de ces idéaux, ce d'autant plus que l'analphabétisme y était réel. La radio avait alors cette mission, à la fois lourde et noble, d'assumer un important rôle d'éducation et d'instruction, car médium de masse, et le plus accessible, quand nous analysons en profondeur l'épineuse question du faible pouvoir d'achat des Camerounais à cette période157(*). En tant que médium d'État, la radio nationale devait promouvoir la politique des pouvoirs publics de l'époque. Que l'action de ceux-ci eut été efficace ou inefficace, la radio nationale avait le devoir de défendre les intérêts de l'État camerounais. Ainsi, les défaillances des plus inadmissibles en république étaient systématiquement voilées, au profit de leurs auteurs, et au grand dam de la masse d'auditeurs camerounais, à qui ladite radio était pourtant destinée. La radio nationale était également marquée par la mauvaise gestion de ses ressources financières et humaines, conjuguée à leur déficit et aux recrutements des personnels pas toujours efficaces et compétents. D'où les défaillances observées au sein de la radio nationale, du point de vue de la qualité des émissions diffusées. Les cadres de la radio nationale faisaient montre d'inertie. La diffusion d'émissions était laxiste. Voilà pourquoi les programmes de la radio nationale déplaisaient aux auditeurs. Les problèmes de la radio nationale du Cameroun l'avaient empêchée d'accomplir ses missions. Formés à l'école coloniale, les gouvernants de la république avaient entretenu au sein de la radio nationale des attitudes destinées à les promouvoir. Après l'indépendance, le Cameroun avait signé avec la France des accords de coopération radiophoniques. À travers ces accords, la France entendait aider le Cameroun à consolider sa politique radiophonique, en mettant à sa disposition une aide technique et matérielle variable. Mais la France avait pour objectif, dans ce mécanisme d'aide, de perpétuer son rayonnement culturel et scientifique, par la promotion de sa langue et de ses idées.

L'avènement de la télévision nationale, en 1985, avait concouru à la diminution de l'audience de la radio nationale, mais pas de manière significative. La crise économique ayant affecté le Cameroun dans les années 1980, il n'était pas évident, pour des personnes à revenus insuffisants (les plus nombreuses), de se procurer d'un poste-récepteur. Ainsi, il était courant de rencontrer, au sein des communautés, des personnes s'adonnant à « l'écoute collective », faute de disposer d'un poste-récepteur à usage individuel.

En 1989, l'Empire soviétique chute. La France entend seconder les États-Unis dans l'oeuvre d'expansion de l'idéologie libérale et de démocratie en Afrique. Le Cameroun, comme les autres États d'Afrique francophone, n'échappe pas à cette poussée démocratique occidentale. C'est ainsi que la liberté de communication sociale y devient une réalité institutionnelle. La libéralisation du secteur de l'audiovisuel, qui intervint en 1990, annonçait une ère nouvelle pour la radio nationale. Aux informations pro-gouvernementales allaient, 10 années après, s'opposer des informations contre-gouvernementales, levant ainsi la loi contre la subversion. De ce fait, la radio nationale se devait d'intéresser le maximum de personnes à ses émissions, au niveau national et international.

SOURCES

I-OUVRAGES

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* 126 Entretien avec Augustin Ondoa Ondoa, Enseignant retraité, 71 ans, Yaoundé, 11 janvier 2010.

* 127 Entretien avec André Ewodo, 66 ans, membre de l'équipe de la console technique de la radio nationale, Okola, 25 décembre 2010.

* 128 Les paroles de ce générique avaient été composées par Marie Archangelo, artiste-musicien camerounais.

* 129Albert Mbida, « L'audience de..., » p. 32.

* 130 Michel TJadé Eonè, Radio, publics et, p.61.

* 131 Entretien avec Louis-Marie Enama, Ancien Vérificateur, 66 ans, Okola, 2 janvier 2010.

* 132 Allport et Postman, « The Basic Psychology of Rumor », Traduction française, in Levy, Textes fondamentaux de psychologie sociale, Paris, Dunod, 1968, p.16.

* 133 Longin Franck Onana Belibi, La trentaine révolue, Observateur neutre du fonctionnement des institutions du Cameroun, Yaoundé, 26 août 2010.

* 134 Thierry Mbarga, 33 ans, Enseignant d'histoire et géographie, Yaoundé, 27 aout 2010.

* 135 M. Tjadé Eonè, Radio, publics et, p.63.

* 136 Les enseignements dispensés à l'ESIJY étaient conformes aux canons occidentaux. L'accent, le style et la forme du papier journalistique, tels qu'enseignés à l'ESIJY, respectaient les normes françaises. Ce qui n'était pas du goût des auditeurs de la radio nationale qui souhaitaient qu'on leur propose des émissions à la camerounaise. Et les sujets traités lors des cours magistraux étaient relatifs à l'actualité internationale, n'abordant que quelques aspects de l'actualité nationale. Ainsi, les diplômés de l'ESIJY, recrutés comme cadres à Radio-Cameroun, étaient détournés des objectifs de développement national assignés à ladite radio.

* 137 Enquête menée en 1983 par M. Tjade Éonè.

* 1 Radio-Africa n°1 avait en effet été mise en service le 7 février 1981, lors de l'inauguration des émetteurs de Moyabi. Les studios avaient été installés à Brazzaville, au Congo.

* 138 Ladite loi avait consacré le régime de l'autonomie interne au Cameroun. Cela supposait que les autorités camerounaises pouvaient prendre des décisions d'utilité publique, sans nécessairement se référer à la métropole (la France).

* 139 Convention n°2205 du 27 juillet 1960.

* 140 Convention de Coopération dans le domaine de la radiodiffusion entre la France et le Cameroun, publiée dans le Journal Officiel de la République française du 12 mai 1965, p.15.

* 141 Ahmadou Ahidjo, in « Anthologie des Discours », Discours d'inauguration de l'émetteur de 30 kW O.C. de Garoua, 23 juillet 1963, p.304.

* 142 Entretien avec Louis-Marie Enama, 66 ans, Vérificateur, Okola, 02 février 2010.

* 143 J.P. Biyiti Bi Essam, « Une radio régionale africaine et ... », p.63.

* 144 F. Bebey, La Radiodiffusion en Afrique Noire, Afrique-Monde, Paris, St. Paul, 1963, p. 162.

* 145 Robert Jean, Libertés publiques, Paris, Ed. Montchrestien, 1977, p. 469.

* 146 Confer Archives sonores de la C.R.T.V.

* 147 Mac Bride, « Voix Multiples », Rapport sur la communication aujourd'hui et demain, Paris, U.N.E.S.C.O., Nouvelles éditions africaines, 1980, p.207.

* 148 Lire Benoît Ngom, Les Droits de l'Homme et l'Afrique, Éd. Silex, 1984, pp. 21-26.

* 149 Charly Gabriel Mbock, L'intention démocratique, Yaoundé, SO.P.E.CAM., 1985, pp.8-9.

* 150 Déclaration de Yaoundé, in « Rapport final de la conférence intergouvernementale sur les politiques de la communication en Afrique », Paris, U.N.E.S.C.O., décembre 1980, p.28.

* 151 Michel Tjadé Eonè, Radio, publics et, p.163.

* 152 F. Ballet, « Communication sur la position du Tiers-Monde », Colloque de Strasbourg consacré à la circulation des informations et le droit international, Paris, A. Pedone, 1978, pp. 55-64.

* 153 Wihiard Johnson, Camerounologue à l'Institut de technologie de Cambridge aux États-Unis d'Amérique, ESSTI Forum du 02 fevrier 1985, p.19.

* 154 André Célarie, « Radiodiffusion au service du développement », Les cahiers africains, p.10.

* 155 Lasks Mana Rio, « La pratique de la grande information », U.N.E.S.C.O., Études et documents d'information, 1972, p.28.

* 156Ces deux régions étaient essentiellement agricoles. Le développement de l'agriculture ici était favorisé par l'existence d'un climat de type équatorial, caractérisé par des précipitations abondantes, des températures un peu moins élevées, et par des sols humifères.

* 157 Justin Bodo, 70 ans, producteur de cacao, Okola, 02 novembre 2008. Selon lui, un poste récepteur coûtait relativement cher, soit au minimum 4000 fcfa. Les conditions de vie n'étaient certes pas des plus rudes, mais disposer de suffisamment d'argent liquide relevait d'un luxe.

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