2.5. Les travaux sur le riz au Bénin
Partant des nombreux travaux menés sur le riz au
Bénin, il ressort que cette spéculation occupe une place
importante dans la consommation alimentaire. Autrefois considéré
comme aliment de luxe, le riz est aujourd'hui abondamment consommé aussi
bien en milieu rural qu'en milieu urbain. En effet, on a estimé de 6
à 20 kg en zone rurale et entre 10 et 30 kg en zone urbaine, la
consommation de riz par tête et par an en Afrique (Troudé, 1997
cité par Adégbola et Sodjinou, 2003).
Les projets RIVERTWIN et IMPETUS conduisent depuis 2001 des
études sur le fleuve Ouémé, et en particulier au niveau de
sa vallée. Ces études sont souvent concentrées sur des
données techniques d'hydrologie, de maîtrise et d'utilisation de
l'eau en relation avec la production agricole. Ainsi, elles ont montré
par des modèles économétriques chronologiques,
qu'il existe dans le temps une corrélation positive
entre la pluviométrie et les rendements agricoles obtenus. Dans le cadre
de la conduite des ces études, les aspects socio-économiques ont
été très peu abordés. Selon la Direction du
Génie Rural du Ministère de l'Agriculture, de l'Elevage et de la
Pêche, les superficies bénéficiant d'irrigation pour la
production agricole ont accru de 25% entre 1995 et 2004. Au Nord-Bénin,
plus de 20000 producteurs des Communes de Karimaman et de Malanville ont
bénéficié au cours de la même période de
systèmes d'irrigation et de renforcement de capacité pour la
maîtrise de l'eau en production agricole (DGR, 2005). Mais ces
études menées par la direction du Génie Rural ne se sont
pas intéressées aux aspects économiques d'utilisation de
l'eau pour la production agricole. Or, ces aspects sont très importants
pour la conception et la mise en Suvre de projets de promotion de la
maîtrise de l'eau pour une production agricole durable. Pour Shiklamanov
(1991), moins de 1% des terres cultivables sont irriguées au
Bénin. Cette faible performance en maîtrise de l'eau serait due
à la moindre importance accordée à l'eau dans les
politiques agricoles. Les conséquences en sont que la
productivité agricole a diminué, l'offre des produits agricoles a
baissé et leurs prix ont augmenté.
Dans son étude sur l'approche participative de gestion
de l'eau pour une agriculture durable dans les pays
sous-développés, la FAO (1998) a montré que les
producteurs qui maîtrisent la gestion de l'eau avaient des revenus
supérieurs à ceux qui ne la maîtrisaient pas. Les derniers
avaient plus de difficultés à assurer la sécurité
alimentaire dans leur ménage.
Dans la région de l'Ouémé
supérieur au Bénin, Dagbénonbakin (2003) a montré
que l'utilisation de l'eau en production agricole était hautement
efficiente dans les systèmes de cultures à fumure minérale
et à combinaison de fumures minérale et organique,
comparativement à ceux sans fumure minérale ou organique.
Adégbola (1985), a révélé que
l'échec constaté de l'intensification de la production rizicole
dans le département du Borgou est dû à la non prise en
compte du fonctionnement du moulin de Royen.
Les résultats de Houndékon (1996) concernant le
Nord-Bénin ont montré, grâce à l'outil d'analyse
"Policy Analysis Matrix" (PAM), que la production de riz est rentable dans tous
les systèmes et seul le système irrigué permet aux paysans
de réaliser le profit le plus élevé à l'hectare
dans le cas où le dispositif d'irrigation fonctionnerait correctement.
L'auteur, en comparant le riz aux autres cultures de la zone, a montré
qu'il est financièrement plus rentable en ce qui concerne le
système irrigué et occupe la deuxième place aussi bien
dans le système de bas-fonds aménagé que non
aménagé. Dans tous les systèmes qu'il a définis,
seuls les systèmes irrigués et les systèmes de bas-fonds
non aménagés ont un avantage comparatif à
produire le riz pour concurrencer les importations. Mais cette
production rizicole est devenue compétitive aussi bien dans les zones de
production que les zones de consommation depuis la dévaluation du franc
CFA.
Sadou (1996), en étudiant l'économie des
systèmes de production de riz dans le département du Borgou
(Commune de Malanville), a abouti à la conclusion selon laquelle la
production de riz en système irrigué ou en bas-fonds est
rentable, mais la production du système de bas-fonds l'est encore
plus.
Ahoyo (1996) mène une autre étude avec la
même approche d'analyse mais combinée avec la programmation
linéaire au Sud. Les conclusions auxquelles cette étude
économique des systèmes de production rizicole de la
région est parvenue, montrent que la culture du riz est
l'activité la plus exigeante en travail et le riz est cultivé
pour régler des problèmes de liquidité et de
trésorerie de la famille. Les rendements de riz dans les systèmes
identifiés par l'auteur sont faibles et la rémunération de
la journée de travail agricole est plus faible pour le riz que les
autres produits cultivés. Les contraintes essentielles de la culture du
riz dans cette région (l'exigence en travail, les rendements faibles, et
les prix bas) ne lui confèrent pas une rentabilité pour
concurrencer les autres cultures des systèmes de production.
A partir de la modélisation des exploitations agricoles
de la zone d'étude à l'aide de la programmation linéaire,
il a été constaté que l'amélioration des rendements
de riz peut avoir comme impact, l'augmentation de la production et du revenu
à condition de diminuer les emblavures des autres spéculations.
De plus, une plus grande disponibilité du travail agricole dans
l'exploitation provoquerait l'accroissement des superficies de riz et de
vivriers alors que celle du coton sera diminuée. L'augmentation du prix
au producteur augmentera le revenu familial au niveau du système
irrigué. La dévaluation du franc CFA a également
amélioré la rentabilité de la production du riz au
Sud-Bénin et le pays épargne des devises en substituant le riz
importé au riz local dans le cas du système pluvial.
Selon une étude menée par l'INRAB (2000) sur le
développement des technologies rizicoles, les rendements ont subi une
augmentation et les paysans interviewés ont toujours émis de
très bonnes appréciations sur les nouvelles technologies
introduites. Adégbola et Sodjinou (2003) dans l'une des plus
récentes études, mesurent la compétitivité des
systèmes de production du riz au Bénin en utilisant la Matrice
d'Analyse de Politique (MAP). Les systèmes ont été
identifiés, caractérisés et analysés dans de
grandes zones du pays.
- Au Sud, on distingue trois (03) systèmes : la
maîtrise totale de l'eau, les bas-fonds non aménagés et
les bas-fonds aménagés. La production du riz est
financièrement rentable dans ces systèmes. L'analyse de
l'avantage comparatif révèle que seul le premier système
dégage
un profit positif pour la collectivité alors que les deux
(02) autres ne possèdent pas un avantage comparatif dans la production
pour concurrencer le riz importé.
- Au Centre, cinq systèmes (05) ont été
identifiés, et se sont révélés socialement
rentables à l'exception du système pluvial strict qui seul ne
possède pas d'avantage comparatif à concurrencer le riz
importé.
- Au Nord-Est, dix (10) systèmes ont été
identifiés contre sept (07) au Nord-Ouest. Dans ces deux (02)
régions, seul le système bas-fond non aménagé
utilisant la variété traditionnelle ne possède pas un
avantage comparatif à concurrencer le riz importé.
Une autre étude concernant l'analyse de filière
effectuée par les mêmes auteurs présente la situation du
riz depuis la production jusqu'à la consommation. Cette analyse a
été effectuée dans chaque zone du pays à travers
des systèmes de production définis. Les résultats en ce
qui concerne la production montrent que les systèmes de riziculture du
Nord-Est sont relativement plus mécanisés que ceux des autres
régions. Les indicateurs de rentabilité ont montré que les
systèmes de riziculture irriguée sont plus rentables que les
autres systèmes. De même, les systèmes du Sud sont plus
performants financièrement que ceux des autres régions. Les
résultats les moins intéressants sont obtenus dans le
Nord-Ouest.
Ces auteurs concluent que la filière riz dégage
de façon globale une valeur ajoutée et des résultats
d'exploitation positifs. Cela suppose que la filière riz est globalement
rentable et donc viable.
Les résultats les plus intéressants sont
observés au Sud, ensuite vers le Centre. La région Nord-Ouest
donne des résultats négatifs au niveau du producteur. Quant aux
producteurs du Nord-est, ils n'obtiennent qu'une très faible partie du
total du résultat net d'exploitation généré par
toute la filière, contrairement à ceux du Sud et du Centre qui
ont une très forte proportion.
Ces études donnent une vision d'ensemble sur
l'évolution de la production du riz au plan national. Elles ont
identifié les grands systèmes, de même que les
sous-systèmes de production du riz rencontrés dans le pays. Elles
ont également montré la rentabilité comparée et la
compétitivité du riz de chaque type de système dans
différentes régions. Elles paraissent de ce fait trop globales et
n'abordent pas réellement les spécificités liées
aux productions dans chaque système comme par exemple les types de
variétés utilisées et la détermination des facteurs
qui influencent les rendements obtenus.
Les conséquences sanitaires de la mise en Suvre
d'aménagements hydro-agricoles de grande ampleur sont désormais
prises en compte par les aménageurs, opérateurs et autres
décideurs. Cependant, certains épisodes, certes de grande
importance pour la santé des populations, font
peut-être penser un peu à un
"déterminisme" inéluctable, et malheureusement négatif,
des aménagements hydro-agricoles sur la santé des populations
riveraines (Handschumacher et al, 2001). On peut ainsi citer le cas de
la vallée du Nil et le développement de la bilharziose qu'elle a
connu à la suite de la mise en eau du barrage d'Assouan.
D'après les recherches, le paludisme constitue une
contrainte majeure selon 34% des exploitants. De plus, l'implantation de
périmètres irrigués à proximité des villages
a favorisé la prolifération d'autres maladies notamment les
maladies hydriques. Ces résultats concordent avec les remarques faites
par Agbossou (2001) qui fait mention des maladies comme le paludisme, les
infections gastro-entériques, la bilharziose, les dermatoses, qui sont
plus fréquentes dans les milieux humides que sur les plateaux.
Dans une autre étude menée sur un
périmètre agricole irrigué, on retrouve le paludisme dans
93,75% des plaintes en matière de santé (Orékan, 1998).
Azonhè (2005) quant à lui, aboutit à une conclusion
similaire, quand il souligne que les petites retenues d'eau constituent de
très bons gîtes larvaires de moustiques.
Victhoekè (2006) en évaluant les impacts
socio-économiques et sanitaires de la mise en valeur du bas-fond «
Ouantégo » dans la commune de Covè, montre qu'aucune maladie
hydrique particulière ne menace ceux qui l'exploitent. Cet état
de chose est induit par le port des bottes par les producteurs. Toutefois, ils
contractent les maladies liées à l'eau. Par contre Alonzo et
al., (1991) dans une recherche parasitologique conduite entre 1982 et
1991 sur 18512 habitants des villages environnants de Zinvié ont
révélé que 9554 sujets (soit 50,6 %) sont atteints de
parasitoses.
En s'affranchissant des risques sanitaires liés au
milieu tropical et en créant des plans d'eau et des canaux d'irrigation
à ciel ouvert, les aménageurs ont, non seulement accru les
risques de transmission du paludisme par la multiplication des
écosystèmes favorables au développement des moustiques
mais ont encore favorisé l'implantation d'écosystèmes
favorables à la multiplication des mollusques, hôtes du parasite
responsable de la bilharziose. Le cas du Sénégal est flagrant et
fait ressortir les diverses maladies acquises par les producteurs au fil du
temps. En effet, les premiers cas de bilharziose intestinale ont
été diagnostiqués à Richard Toll (ville
située sur le fleuve Sénégal à une centaine de
kilomètres à l'Est de St Louis) en 1988 soit deux (02) ans
après la mise en service du barrage de Diama situé à 30
kilomètres au nord-est de Saint Louis au Sénégal. Depuis,
la prévalence dans cette ville est passée de 42 % en 1989
à plus de 90 % en 2003 avec une population importante d'enfants
touchés par ce fléau. En fait, c'est toute la population
riveraine du fleuve (non soumise au régime océanique) qui est
atteinte par ce fléau. Dans cette région tropicale du
Nord Sénégal, tous les facteurs sont
réunis pour favoriser la transmission de maladies infectieuses et
parasitaires : absence d'hygiène, inaccessibilité à l'eau
potable, absence de dispositif de traitement des eaux sales, présence de
vecteurs tels que moustiques, rats etc.&
Le développement de l'agriculture par irrigation laisse
entrevoir à la population une relative autosuffisance alimentaire. Mais
force est de constater que parallèlement, ce développement a
accru les risques sanitaires en exposant la population à des maladies
infectieuses supplémentaires (comme la bilharziose) dont l'impact
à déjà des effets contraires sur l'amélioration de
la vie des populations.
En effet le paludisme, responsable de la mort de millions de
personnes sur le continent africain a une incidence notoire sur son
économie. L'impact économique du paludisme se chiffre,
d'après l'OMS à 38 % du PNB du continent. Y ajouter l'incidence
des maladies dites hydriques comme les bilharzioses et les infections
diarrhéiques, ne fait qu'empirer une situation déjà bien
précarisée par l'absence de gestion des eaux. (Martegoutte,
2009).
Enfin, des études de rentabilité et
d'efficacité ont été menées sur le
périmètre rizicole de Malanville. Très peu d'études
se sont appesanties sur l~évaluation des facteurs expliquant
la variation des rendements du riz d'une part et les déterminants du
niveau de risques sanitaires y afférent d'autre part. La présente
étude vise à analyser les déterminants des
variabilités du rendement selon les divers systèmes d'irrigation
dans la commune de Malanville et à définir les facteurs
socio-économiques qui influencent le niveau de risque sanitaire
lié à la riziculture.
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