Introduction
Il est de coutume de dire que la « jeunesse est l'avenir
de demain ». Cela est vrai car c'est à elle que reviendra la charge
quand les aînés auront disparu, de conduire la
société vers un avenir que, nous tous, espérons meilleur.
Cependant, pour que cette jeunesse puisse mener à bien cette mission,
elle doit être instruite et capable de relever les défis. C'est
dans ce cadre que s'inscrit l'instruction, tant traditionnelle que moderne avec
ses cycles primaires, ses humanités et son enseignement
supérieur. Dans nos sociétés modernes, l'initiation
traditionnelle a pratiquement disparu, et là où elle existe
encore, elle a été supplantée par le modèle
européen d'instruction. C'est donc dans les universités
d'aujourd'hui que se forme l'élite de demain.
I. Intérêt du sujet
L'intérêt de ce travail est d'analyser et de
comprendre chacune des étapes par lesquelles est passée
l'enseignement supérieur ainsi que les implications qui en ont
découlé ; car c'est de ces anciennes réalités que
résulte notre système universitaire actuel. Pour songer à
l'améliorer, il faudrait d'abord comprendre la nature du mal qui le
ronge.
Cela est important car le rôle de l'université
dans la formation de l'élite est essentiel pour qu'un pays aille de
l'avant. C'est cette élite qui sera amenée à avoir entre
ses mains les destinées du pays. Le développement de
l'enseignement universitaire est donc un facteur capital pour
l'épanouissement d'un pays.
II. Problématique
La question, en matière de politique d'enseignement,
qui se posa au départ, fut celle de savoir pourquoi l'Etat colonial, qui
se fiait totalement aux missions catholiques en leur confiant la conception
d'un secteur prioritaire de la vie nationale qu'était l'enseignement de
base, ne voulait il pas favoriser le développement de l'enseignement
supérieur. La pyramide de l'enseignement dont la base est l'enseignement
primaire pour la masse s'est fort peu souciée du développement de
l'enseignement secondaire et encore moins de l'enseignement universitaire
durant la période coloniale.
Fut-il facile pour l'Etat de se débarrasser de cette
politique qui favorisait l'enseignement de masse au détriment de celle
d'une élite ? Quelles sont les décisions qui furent prises pour
marquer une volonté d'aller de l'avant? Quelles furent les orientations
données à l'enseignement universitaire naissant ? Quels furent
les divers intervenants et les questions majeures qui marquèrent
l'évolution de cette politique ?
Comment l'Etat postcolonial chercha-t-il à s'assurer le
contrôle de l'institution universitaire ? Quel serait le profil d'hommes
à former et pour quelle utilité sociale ? Voulait-on former des
élites proches ou coupés de leur peuple ? Des cadres faisant
preuve d'une conscience nationale ou totalement aliénés et
extravertis ?
Voilà autant de questions qui mériteraient de
trouver une réponse dans le cadre de la présente étude.
III. Méthode
Dans ce travail, nous avons fait usage de la méthode
historique non seulement dans l'heuristique, c'est-à-dire, dans la
recherche des documents relatifs à notre sujet d'étude, leur
confrontation et leur critique mais aussi dans l'explication et la relation des
faits permettant de réaliser une synthèse historique. Celle-ci
est soucieuse de montrer non seulement la succession des faits dans le temps,
les continuités mais aussi les ruptures dans les
évènements passés.
Cette approche s'imposait car en tant qu'historien, il ne
convient pas seulement d'évoquer un thème de recherche, mais il
faut aussi l'analyser objectivement en le replaçant dans son contexte.
C'est à ce niveau que se situe l'intérêt de cette
méthode qui permet de ressortir les faits dans leur totalité mais
aussi dans leurs époques afin de pouvoir en saisir les différents
aspects, autant les continuités que les cassures, ainsi que leurs
causes. Grâce à cela, il devient plus aisé, comme dans
notre cas, de cerner les véritables problèmes qui se posent
durant la période étudiée.
IV. Délimitation du sujet
Le présent travail commencera en 1949 et se terminera en
1993.
Le choix de l'année 1949, date de la reconnaissance
officielle de la C.U.L. qui deviendra UL comme « terminus a quo » n'a
pas été aisé pour nous. Car d'aucun pourrait penser que
l'aventure universitaire commence de nombreuses années plus tôt.
En 1926 avec la FOMULAC de Kisantu, ou en 1933 avec la CADULAC parce que
même si le pouvoir colonial les considéraient comme des
écoles professionnelles, pour les concepteurs du projet, il était
question d'arriver à long terme à la mise en place d'un
établissement d'enseignement supérieur dans la colonie belge et
à une formation universitaire pour les autochtones du Congo. Deux autres
dates ultérieures auraient pu être prises comme « terminus a
quo » de notre travail; l'année 1954 date de l'ouverture de l'UL,
la première université de notre pays, ou encore l'année
1947 date de la création du C.U.L.
Il nous a pourtant paru plus pertinent de choisir
l'année 1949 comme « terminus a quo » car, c'est de cette
année que date la reconnaissance officielle du C.U.L par un
arrêté royal promulgué le 21
février 1949. Et même si la première année
académique d'une université au Congo ne débuta qu'en
octobre 1954, cette reconnaissance officielle marque, pour nous, le
véritable début de l'enseignement universitaire au Congo, puisque
le climat tant national qu'international se prêtait beaucoup mieux
à la mise au point de ce projet qui était en gestation depuis
1945 déjà.
Comme « terminus ad quem », nous avons choisi de
nous arrêter en 1993 parce que c'est durant cette année que fut
promulguée la loi de « libéralisation » de
l'enseignement universitaire. L'Etat n'avait plus le monopole de l'organisation
de l'enseignement supérieur et universitaire. Les particuliers, qui
répondaient aux critères instaurés par le Ministère
de l'Enseignement supérieur et universitaire, pouvaient créer des
établissements d'enseignement supérieur et universitaire.
La seconde raison qui a motivé ce choix, c'est qu'il
fallait éviter la dispersion. Ainsi, nous avons
préféré nous limiter à la période où
il n'existait que trois grandes institutions universitaires dans notre pays.
V. Revue de la littérature
Nous allons commencer cette revue de la littérature par
les publications officielles de la période coloniale.
Nous avons les bulletins officiels qui contiennent les
différentes lois qui ont ponctué les débuts de
l'enseignement universitaire dans la colonie belge.
Ensuite viennent les Comptes Rendus Analytiques du Conseil
Colonial, qui sont des documents reproduisant les débats qui avaient
lieu alors. Ils nous donnent une vision assez nette de tous les débats
au sein du conseil colonial, donc l'esprit des décrets, lois et
règlements concernant la colonie.
Nous avons aussi les Rapports Annuels sur l'Administration du
Congo Belge, présentés aux chambres. Ils sont une source
importante pour dresser une liste des différents changements qui ont eu
lieu et de leur effectivité dans la colonie.
Nous avons utilisé des publications de
l'université, des discours de rentrée académique,
prononcés par Mgr Luc Gillon, recteur de l'Université Lovanium et
Mgr Tharcisse Tshibangu ou encore des discours prononcés à
l'université de Louvain en Belgique et qui ont eut une grande importance
pour le Congo. « L'appel de la colonie à l'université
» de Mgr Van Waeyenbergh, que nous avons utilisé pour notre
travail, en fait partie.
Des programmes de cours. Nous avons eu à travailler
avec les programmes de l'UL ainsi que ceux de l'UOC. Analyser ces documents
permet d'avoir une idée de l'orientation de l'enseignement dans les
universités en présence.
Ces publications de l'université nous ont permis de
nous plonger dans la réalité de ces universités dont nous
parlons. Car au-delà de tout ce qui aura été écrit,
il est important parfois de se servir des sources de première main pour
se faire une idée qui ne soit pas faussée par les
préjugés qu'un auteur pourrait introduire dans son
étude.
Deux livres nous ont particulièrement
intéressés : « Servir en acte et en
vérité » paru à Kinshasa en 1995 et «
L'université Lovanium des origines lointaines à 1960
» paru à Kinshasa en 2008. Ces deux ouvrages sont respectivement
des biographies de deux personnages importants dans l'histoire de Lovanium,
Monseigneur Luc Gillon le premier recteur de l'UL et Guy Malengreau professeur
mais aussi un des fondateurs de Lovanium. Ils retracent de manière
étonnamment vivante la naissance et les premiers pas de l'UL.
Pour la période traitant de l'Université sous la
deuxième République et des différentes réformes
sous cette période, le livre de Monseigneur Tharcisse Tshibangu «
L'université congolaise, étapes historiques, situation
actuelle et défis à relever » paru à Kinshasa en
2006 nous a été d'une aide considérable. Au delà de
son étude sur l'université congolaise, ce livre nous donne la
retranscription de nombreux documents originaux, et des rapports des
commissions ayant promulgué les différentes réformes.
Malgré cela on pourrait regretter le caractère impersonnel de
l'ouvrage où il parle des faits auxquels il a participé comme
l'aurait fait un simple rapporteur. Ses impressions nous aurait pourtant permis
d'avoir une meilleure perception du pouvoir réel de décision
qu'avait les autorités académiques et du poids de l'Etat sur les
décisions de l'université.
Nous pouvons aussi citer l'ouvrage de Galen Spencer Hull
« Université et Etat : l'UNAZA Kisangani » paru en
1976 à Bruxelles qui nous donne une vision de l'ULC assez
complète pour permettre une bonne compréhension de cet
établissement et de son fonctionnement.
D'autres ouvrages qui traitent de la question de
l'université avec cette fois ci un regard beaucoup plus critique ont
été pour nous d'une aide précieuse dans l'écriture
de ce mémoire. Il s'agit, entre autres, de « Pouvoir et
structure de l'Université Lovanium » de Bernadette Lacroix, du
livre du professeur Verhaegen « L'enseignement supérieur au
Zaïre. De Lovanium à l'UNAZA » ainsi que du livre du
professeur Bongeli « L'université contre le
développement au Congo-Kinshasa ». Ces ouvrages ne se
contentent pas de relater les faits comme les ouvrages que nous avons
cités plus haut,
ils nous proposent surtout une analyse assez pertinente de
l'université et de son insertion dans la société.
Nous avons aussi utilisé des ouvrages collectifs. Tels
que « L'Université dans le devenir de l'Afrique : Un demi
siècle de présence au Congo Zaïre ». Cet ouvrage
dirigé par le professeur Isidore Ndaywel est écrit pour
commémorer les cinquante ans de l'Université au Congo. On y
retrouve des témoignages d'hommes et de femmes ayant participé
à la grande histoire de l'université congolaise.
VI. Division du travail
Notre travail est divisé en trois chapitres. Le premier
chapitre est axé sur les conditions de naissance d'un enseignement
universitaire au Congo belge.
Les deux derniers chapitres traitent respectivement de la
politique de l'enseignement universitaire au Congo durant la première
période qui va de 1954 à 1971 puis durant la seconde
période qui commence en avec la nationalisation des universités
et se termine par une libéralisation du système d'enseignement
universitaire.
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