A - Le principe de l'allègement : la suppression de
la taxe professionnelle
Deux inconvénients majeurs de la taxe professionnelle
ont été à la base de sa suppression par la loi de finances
initiale pour l'exercice 2010. Le premier inconvénient de la taxe
réside dans son caractère antiéconomique (1) tandis que le
second tient à son impact sur le budget de l'Etat (2).
1) Une taxe antiéconomique
Jusqu'en 2009, la taxe professionnelle frappe trois assiettes
différentes : pour toutes les entreprises, une assiette « foncier
» correspondant aux immeubles utilisés pour l'activité (17 %
du produit) ; pour les titulaires de bénéfices non commerciaux,
par exemple les professions libérales, les recettes tirées de
l'activité (3 % du produit) ; pour les autres entreprises, les
équipements et biens mobiliers (EBM), c'est-à-dire les outils de
production au sens large qui comprend le matériel et l'outillage
industriel, le matériel de transport, le matériel de bureau et le
mobilier. 80 % du produit de la taxe provient de cette dernière
assiette97.
La particularité de la taxe était donc de
reposer essentiellement sur des investissements productifs. De la sorte, plus
une entreprise investissait en France, plus elle avait d'impôts à
payer au titre de la taxe professionnelle, et ce, méme si ses
investissements n'étaient pas rentables. En ayant ainsi pour assiette
les immobilisations, la taxe constituait nécessairement un frein
à l'investissement98, pesant davantage sur l'industrie que
sur les services. Spécificité française, elle impactait
négativement la compétitivité des entreprises
françaises et en particulier celles qui, en difficulté,
continuaient néanmoins d'investir.
Elle a d'ailleurs auparavant constitué
également un frein à l'emploi dans la mesure où sa base
d'imposition intégrait les salaires versés par l'entreprise,
jusqu'à la suppression de cette part salariale par la loi de finances
initiale pour 1999.
2) Une taxe progressivement prise en charge par
l'Etat
Le deuxième inconvénient de la taxe
professionnelle tient à ce que l'Etat en était devenu
le principal contribuable, en lieu et place des entreprises pour lesquelles
elle avait pourtant été
97 Rapport n°1967 de la Commission des finances
de l'Assemblée nationale fait sur le projet de loi de finances initiale
pour 2010 (n°1946).
98 BOUVIER (M.), Les finances locales,
13ème édition, LGDJ, 2010, p. 64.
instituée. La raison en est que de nombreuses
réductions de base, ainsi que des exonérations99 pures
et simples, avaient été instituées pour soutenir certaines
catégories d'entreprises. Ces nombreux allègements, qui
obéraient considérablement le produit attendu de la taxe,
obligeaient l'Etat à prendre en charge, sous la forme de compensations,
et pour près de 50 %100, le manque à gagner qui en
résultait pour les collectivités bénéficiaires.
Pour ces deux motifs, une réforme était donc
indispensable. Elle a consisté en la suppression de la taxe
professionnelle et en son remplacement par un nouveau dispositif appelé
à s'intéresser plus à l'activité économique
des entreprises qu'à la valeur de leurs immobilisations.
B - L'accompagnement de la suppression : l'institution de
la contribution économique territoriale
La contribution économique territoriale
instituée par la loi de finances initiale pour 2010 est une contribution
constituée de cotisations (1) dont la vocation est de corriger les
inconvénients de la taxe professionnelle (2).
1) Une contribution constituée de deux
cotisations
La contribution économique territoriale est
constituée de la cotisation foncière des entreprises
(CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des
entreprises (CVAE). La cotisation foncière des entreprises est
entièrement destinée aux communes et aux groupements à
fiscalité propre. Elle est assise sur la valeur locative des
propriétés bâties et non bâties, comme l'était
en son temps la taxe professionnelle, notamment pour les immobilisations telles
que le matériel et l'outillage. En revanche, à la
différence de la défunte taxe, elle ne s'applique plus à
la valeur vénale des immobilisations telles que les immeubles et
terrains passibles des taxes foncières. Le montant dü de la CFE est
obtenu par application à la base imposable d'un taux voté par le
conseil de la collectivité.
La CVAE remplace quant à elle la part de la taxe
professionnelle qui était assise sur la valeur ajoutée des
grandes entreprises. Y sont assujettis les contribuables imposables à la
contribution foncière des entreprises dont le chiffre d'affaires est
supérieur à 152 500 euros. Son taux est de 1,5%. Ici, la valeur
ajoutée taxable est plafonnée à 80 % du chiffre
d'affaires
99 Les exonérations revêtaient un
caractère tantôt permanent, tantôt temporaire. Les
premières concernaient notamment les sociétés mutualistes,
les exploitants agricoles, les artisans exerçant seuls, les
établissements d'enseignement privé sous contrat, les
avocats-stagiaires, les artistes. Les deuxièmes pouvaient, sur
délibération du conseil de la collectivité locale,
s'appliquer à des entreprises situées dans certaines zones dites
prioritaires, les jeunes entreprises innovantes, les médecins et
auxiliaires médicaux exerçant à titre libéral pour
la première fois et s'installant pour la première fois dans une
commune de moins de 2 000 habitants.
100 BOUVIER (M.), Les finances locales, op.cit. p.
66.
pour les entreprises de moins de 7,6 millions d'euros de chiffre
d'affaires et à 85 % pour celles dont le chiffre d'affaires est
supérieur à ce seuil.
A la différence de la CFE, la CVAE est un impôt
partagé entre les communes et leurs groupements qui perçoivent
26,5 % de son produit, les départements qui en reçoivent 48,5% et
les régions, 25 %101.
2) Une vocation corrective des insuffisances de la taxe
professionnelle
A la base de l'institution de la CET, il y a la volonté
d'alléger la pression fiscale sur les entreprises (a), mais aussi de
rééquilibrer la fiscalité des entreprises en faveur de
l'industrie (b).
a- Une moindre pression fiscale sur les
entreprises
L'objectif de la réforme de la taxe professionnelle
était avant tout économique. Alors que le taux moyen de la taxe
était passé de 24,1 % à 27,2 % entre 2002 et 2008,
engendrant une pression fiscale à la hausse de plus de 13 %, la
réforme diminue sensiblement la fiscalité des entreprises. En
valeur absolue, cet allègement était estimé à 12,3
milliards d'euros en 2010 pour les entreprises et de 6,3 milliards d'euros par
an à compter de 2011102.
Selon le rapport de la Commission des finances de
l'Assemblée nationale103, la quasi-totalité des
entreprises devrait profiter de la suppression de l'assiette EBM dans la mesure
où celle-ci est répartie de manière relativement
homogène entre l'ensemble des secteurs d'activité. Cette base
représenterait en effet entre 70 % et 80 % du produit de la taxe, quel
que soit le secteur d'activité. L'allègement
bénéficie donc à une grande majorité d'entreprises,
sans favoriser davantage un secteur ou un autre.
b- Un rééquilibrage de la
fiscalité des entreprises en faveur de l'industrie
L'instauration d'une contribution assise sur la valeur
ajoutée permet de rééquilibrer la charge fiscale au profit
de l'industrie et au détriment des services et des activités
à forte valeur ajoutée. L'effort de chaque secteur est en effet
proportionné à sa valeur ajoutée, qui est plus
représentative de sa capacité contributive que les EBM.
101 BOUVIER (M.), Les finances locales, op.cit. p.
68.
102 Idem, p.66.
103 Rapport n°1967 op. cit.
Selon le rapport précité de la Commission des
finances de l'Assemblée nationale, l'industrie serait gagnante dans la
mesure où son taux d'effort sur la taxe professionnelle, qui rapporte sa
contribution à sa valeur ajoutée, est aujourd'hui
supérieur au taux moyen de 2,34 %. Ainsi, en 2007, l'industrie des biens
intermédiaires aurait acquitté 11,1 % du produit de la taxe
professionnelle alors qu'elle ne représentait que 7,5 % de la valeur
ajoutée.
Le constat est donc celui d'une volonté de sacraliser
le patrimoine et l'investissement. Une volonté de sacralisation que
matérialisent l'aménagement de l'ISF, la baisse du seuil du
« bouclier fiscal » et la refonte des droits de transmission du
patrimoine, d'une part et, d'autre part, la suppression-réforme de la
taxe professionnelle. Mais il y a aussi le souci de soutenir la recherche, le
travail et la consommation.
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