Section 1 : Les efforts de sacralisation du patrimoine
et de l'investissement
L'analyse des législations fiscales en UE
révèle la pratique de taux d'imposition souvent très
différents d'un pays à un autre et attestant de l'existence d'une
réelle concurrence fiscale entre Etats. Cette concurrence s'est
d'ailleurs renforcée depuis 2004, à la suite de
l'élargissement de l'Union à l'Europe de l'Est. Les taux de
l'impôt sur les sociétés des nouveaux membres ont en effet
depuis lors connu des baisses substantielles, passant de 27 à 19% pour
la Pologne, de 25 à 19% pour la Slovaquie, de 18 à 16% pour la
Hongrie, de 19 à 15% pour la Lettonie87. Ce taux est
respectivement de 4,5% et de 0% à Chypre88 et en
Estonie89.
En réaction à ce mouvement, l'Autriche a, en
2005, ramené son taux d'IS de 34 à 25% pour éviter la
délocalisation de ses entreprises en direction de l'Europe de
l'Est90. L'Allemagne a, quant à elle, fait passer son taux
d'IS de 36,1% en 2006 à 29,8% en 2008. Le méme taux est de 28,9%
au Royaume-Uni91.
Un autre constat est celui d'un mouvement de suppression de
l'imposition de la fortune observé notamment dans les pays comme
l'Irlande, l'Autriche, l'Allemagne, le Danemark et les
Pays-Bas92.
Avec la loi TEPA, la France semble vouloir s'inscrire dans ce
mouvement généralisé ou, à tout le moins,
s'évertuer à ne pas trop s'en éloigner. Les mesures
d'allègement de l'imposition des revenus des personnes physiques,
notamment ceux issus du patrimoine (§1), et de l'imposition des
entreprises (§2), confortent du reste cette idée.
86 Loi n°2007-1223 du 21 avril 2007 en faveur du
travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
87 HECKLY (C.), Fiscalité et
mondialisation, LGDJ, 2006, pp. 7-8.
88 VILLEMOT (D.), Quelle réforme fiscale
? op. cit. p. 137.
89 Ces taux faibles doivent cependant être
relativisés s'agissant de pays qui, situés à la
périphérie de l'Europe, ne sont pas en concurrence directe avec
la France.
90 HECKLY (C.), op. cit, p. 8. Cette baisse aurait
entraîné la création de plus de 6 000
sociétés avant son entrée en vigueur.
91 VILLEMOT (D.), op. cit. p. 137.
92 HECKLY (C.), op. cit, p. 139.
§ 1 - L'all~gement de l'imposition du
patrimoine
Prise dans la perspective de mieux résister à la
grande attractivité fiscale observée dans les autres pays de
l'OCDE, la loi TEPA vise, entre autres, l'allègement de la
fiscalité du patrimoine. Sont emblématiques de cette
volonté d'allègement l'aménagement de l'ISF et la baisse
du seuil du « bouclier fiscal » (A), d'une part, et la refonte des
droits de transmission du patrimoine (B), d'autre part.
A - L'aménagement de l'ISF et la baisse du seuil du
« bouclier fiscal »
Souvent contesté dans son principe par ses redevables,
l'ISF a été aménagé par la loi, directement,
à travers une redéfinition de sa base d'imposition (1), mais
aussi indirectement par la baisse du seuil du « bouclier fiscal »
(2).
1) L'aménagement de la base imposable à
l'ISF
Sont pris en compte pour le calcul de la base imposable de
l'ISF les biens meubles et immeubles non exonérés, y compris la
résidence principale. Toutefois, jusqu'en 2008, un abattement de 20%
pouvait être opéré sur la valeur de celle-ci, à
condition que le redevable y ait effectivement habité au cours de
l'année de référence de l'imposition. La loi TEPA a
porté ce taux d'abattement à 30% depuis 2009.
A également été votée dans le
cadre de la loi TEPA une réduction de 75 % d'ISF dans la limite de 50
000 euros pour les contribuables qui investissent dans des PME non
cotées, avantage fiscal ramené à 50% dans la limite de
45.000 euros pour l'ISF 2011.
Un troisième réduction, plus faible (dans la
limite de 20 000 euros, ramenés à 18 000 euros pour l'ISF 2011)
est instituée pour les redevables faisant des dons aux
établissements publics et privés de recherche, aux fondations
reconnues d'utilité publique et aux entreprises, associations, ateliers
et chantiers d'insertion.
2) L'abaissement du seuil du « bouclier fiscal
»
Le renforcement du « bouclier fiscal » faisait partie
des grandes réformes annoncées par la Droite durant la campagne
présidentielle.
« Quand on voit, le lundi matin à 6 heures 17
à la Gare du Nord, tous ces jeunes venus occasionnellement passer le
week-end en France et qui n'aspirent qu'à y vivre, prendre l'Eurostar
pour aller passer leur temps et effectuer l'ensemble de leurs dépenses
au profit de
l'économie britannique, on se dit qu'il serait bon
d'en faire revenir un certain nombre sur le sol national... ». Cette
formule de la ministre des finances, Christine LAGARDE, lors de son audition
sur le projet de loi TEPA à la Commission des finances de
l'Assemblée nationale le 4 juillet 2007, est illustrative de l'objectif
recherché dans le cadre du renforcement du bouclier fiscal93.
Il s'agit de cesser « de dissuader les gens qui gagnent de l'argent,
qui créent des richesses et qui les font circuler dans
l'économie, de le faire en France »94, de limiter
l'exode fiscal de personnalités françaises vers la Suisse, la
Belgique et le Rouyaume-Uni.
Dans cette perspective, l'article 5 de la loi TEPA a
ramené le seuil du « bouclier fiscal » de 60 à 50 % de
l'ensemble des impositions. Il est d'ailleurs allé plus loin en ajoutant
au calcul du nouveau seuil la CSG et la CRDS. De la sorte, un contribuable qui
a payé plus de 50 % d'impôt peut demander à
l'administration fiscale le remboursement du surcroît.
L'intégration des cotisations sociales, CSG, CRDS, a
considérablement renforcé le seuil effectif de protection fiscale
par rapport au bouclier fiscal 2006, une protection fiscale également
confortée par la refonte des droits de transmission du patrimoine.
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