Cycle International Long
Promotion Jean-Jacques
ROUSSEAU «2010-2011»
Master Affaires publiques
LES POLITIQUES FISCALES CAMEROUNAISE ET FRANCAISE FACE AU
DÉFI DE LA MONDIALISATION : Une analyse comparée de la
période 2007-2010.
Mémoire présenté par M.
Dieudonné TONGA
Sous la direction de :
M. Didier URI
Professeur à l'Université de
Paris-Dauphine
Mai 2011
REMERCIEMENTS
Au moment de clore ce travail, mes premiers mots de
remerciements vont aux autorités de l'Ecole nationale d'administration
(ENA) et à celles de l'université de Paris-Dauphine dont le
partenariat aura rendu cette recherche possible. Je pense, évidemment,
à Fabrice LARAT et à Kim
GRIFFIN du pôle master de l'ENA, et à Renaud
DORANDEU de Paris-Dauphine.
Ils vont ensuite à Monsieur Didier URI
qui a accepté le principe de l'encadrement de cette recherche.
Ils s'étendent également à
Sébastien BECOULET et à Marc
FIROUD, promotionnaires de l'ENA, dont l'appui documentaire et les
conseils avisés m'ont permis l'accès à des informations
actuelles et utiles.
Je n'oublie pas Henri Fiacre FOTUE dont le
regard exercé m'a permis d'éviter bien des incohérences
qui, non décelées, auraient sans doute ajouté à
l'imperfection globale de l'ouvrage.
Puisse chacune et chacun trouver ici l'expression modeste mais
sincère de ma profonde gratitude.
LISTE DES ABREVIATIONS
CAC : Centimes additionnels communaux
CCI : Contribution communautaire
d'intégration
CEEAC : Communauté économique des
Etats de l'Afrique centrale CFE : Contribution foncière
des entreprises
CEMAC : Communauté économique et
monétaire de l'Afrique centrale
CET : Contribution économique
territoriale
CGI : Code général des
impôts
CIR : Crédit d'impôt recherche
COBAC : Commission bancaire de l'Afrique
centrale
CPO : Conseil des prélèvements
obligatoires
CRDS : Contribution pour le remboursement de la
dette sociale CSG : Contribution sociale
généralisée
CVAE : Contribution sur la valeur ajoutée
des entreprises DGE : Direction des grandes entreprises
DSCE : Document de stratégie pour la
croissance et l'emploi
DSX : Douala stock exchange
EBM : Equipements et biens mobiliers
F CFA : Franc de la communauté
financière africaine
IGF : Inspection générale des
finances
IRPP : Impôt sur le revenu des personnes
physiques
IS : Impôt sur les
sociétés
ISF : Impôt de solidarité sur la
fortune
NTIC : Nouvelles technologies de l'information
et de la communication
OCDE : Organisation de coopération et de
développement économique
PIB : Produit intérieur brut
PME : Petite et moyenne entreprise
PPTE : Pays pauvre très endetté
R&D : Recherche développement
RFA : Redevance forestière annuelle
TEC : Tarif extérieur commun
TEPA : Travail, emploi et pouvoir d'achat
TEU : Taxe entrée usine
TIC : Taxe communautaire d'intégration
TVA : Taxe sur la valeur ajoutée
UE : Union européenne
SOMMAIRE
RESUME ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~... 7
SUMMARY...................................................................................................
8 INTRODUCTION GENERALE
.........................................................................
..9
PREMIERE PARTIE : UNE VOLONTE COMMUNE MAIS
DIFFERENCIÉE D'ANCRAGE DANS LA MONDIALISATION PAR LA FISCALITÉ
16
Chapitre 1 : Une politique fiscale expression d'une
volonté de démarrage économique au Cameroun 18
Section 1 : La résurgence de régimes et de mesures
fiscaux dérogatoires 19
Section 2 : L'émergence progressive d'une fiscalité
sécurisée 31
Chapitre 2 : Une politique fiscale expression d'une
volonté d'ancrage dans la compétition internationale en France ..
41
Section 1 : Les efforts de sacralisation du patrimoine et de
l'investissement ...................... 42 Section 2 : Le soutien à
la recherche, au travail et à la consommation
.............................. 49
DEUXIEME PARTIE : UN PARTAGE ATTESTÉ DE LA
PERTINENCE ET DE L'EFFICACITÉ MITIGÉES DES SOLUTIONS FISCALES
RETENUES 58
Chapitre 1 : Des mesures fiscales pertinentes pour une
efficacité mitigée .. 61
Section 1 : Pertinence mais efficacité mitigée des
mesures fiscales camerounaises de soutien à l'investissement
.............................................................................................
61
Section 2 : Pertinence mais efficacité mitigée
des solutions françaises de soutien fiscal à la
recherche et au travail
......................................................................................
69
Chapitre 2 : Des mesures fiscales non pertinentes pour
une inefficacité avérée . 78
Section 1 : Non pertinence et inefficacité des mesures
fiscales camerounaises de soutien à la consommation et au financement
de l'économie 78
Section 2 : Non pertinence et inefficacité des solutions
françaises de sédentarisation des grosses fortunes et de
soutien à la consommation et à l'emploi 86
CONCLUSION GENRALE
.........................................................................
95
BIBLIOGRAPHIE 97
TABLE DES MATIERES
...............................................................................
100
RESUME
Depuis 2007, les autorités camerounaises et celles
françaises ont adopté d'importantes mesures fiscales dont le but
commun affiché est de mieux s'intégrer dans la mondialisation.
L'analyse des différentes mesures révèle cependant une
différence de degré dans l'ambition globale ainsi
affichée. En France, il s'agit de s'inscrire résolument dans la
compétition mondiale. Au Cameroun, l'objectif recherché est plus
modeste : mettre la fiscalité à contribution pour susciter un
développement que les différents programmes économiques
contraints avec les institutions financières internationales n'ont pas
su générer.
Les deux politiques fiscales se retrouvent cependant dans
leurs résultats. Certaines des mesures fiscales adoptées de part
et d'autre sont en effet, soit pertinentes dans leur principe mais
mitigées dans leurs résultats, soit carrément non
pertinentes pour une inefficacité alors clairement avérée.
A la base de cette efficacité mitigée ou absence
d'efficacité, il y a que la fiscalité est parfois
instrumentalisée là où elle ne présente pas un
caractère évident d'utilité, ou là où elle
n'est pas l'instrument le plus efficace au regard de l'objectif poursuivi.
C'est le cas par exemple, au Cameroun, de la baisse de la fiscalité sur
les produits de première nécessité pour influencer
à la baisse des prix pourtant déterminés par la loi de
l'offre et de la demande sur le marché international, de la mise en
place d'un régime fiscal du secteur boursier pour susciter le
financement long de l'économie. C'est aussi le cas, en France, du
renforcement du bouclier fiscal pour limiter les effets de l'imposition de la
fortune, ou de la baisse de la TVA dans la restauration pour baisser les prix,
relancer la consommation et l'emploi dans ce secteur. A l'inverse, là
où elle est pertinente et adaptée, l'instrumentalisation de la
fiscalité fait parfois l'objet, soit d'une utilisation trop frileuse,
reposant sur des avantages a minima (le régime fiscal particulier des
projets structurants en est l'illustration parfaite au Cameroun), soit d'un
mauvais ciblage conduisant à des effets d'aubaine ou d'optimisation (le
cas du régime du réinvestissement au Cameroun, du crédit
d'impôt recherche et de la défiscalisation des heures
supplémentaires en France).
Aussi les solutions proposées vont-elles dans le sens
de renforcer les incitations fiscales là où leur pertinence et
leur utilité de principe sont prouvées, tout en améliorant
leur ciblage pour en limiter les effets d'aubaine et d'optimisation, d'une
part. D'autre part, et à l'inverse, il s'agirait de supprimer les
mesures qui ne présentent pas un caractère évident
d'utilité ou qui apparaissent comme inadaptées à la
réalisation de l'objectif poursuivi, et à les remplacer, le cas
échéant, par des mesures non fiscales adaptées.
SUMMARY
Since 2007, Cameroonian and French authorities have adopted
important fiscal measures, showing their common will to give appropriate
responses to globalization's constraints. The analysis of the various measures
reveals however a difference of degree in the global ambition so posted. In
France, it is a question of joining determinedly the world competition. In
Cameroon, the popular objective is more modest : put the tax system in
contribution to arouse a development which the various economic forced programs
with the international financial institutions did not know how to generate.
Both fiscal policies meet however in their results. Some of
the fiscal measures adopted on both sides are indeed, either relevant in their
principle but mitigated in their results, or downright not relevant for an
ineffectiveness then clearly turned out. The reason for this reserved
efficiency or absence of efficiency is that the tax system is sometimes
instrumented there where it does not present an evident character of utility,
or there where it is not the most effective instrument towards the pursued
objective. The case for example, in Cameroon, of the reduction of the taxation
on staple commodities in other to influence prices reduction, the
implementation of a tax regime of the stock-exchange sector to arouse the long
financing of the economy. It is also the case, in France, of the reinforcement
of the fiscal shield to limit the effects of wealth's taxation, or the
reduction of VAT in the restoration to lower the prices, boost the consumption
and the employment in this sector. On the contrary, there where it is relevant
and adapted, tax incentives are sometimes too weak, resting on a minimal level
of advantages (the particular tax regime of the structuring projects is an
illustration of that in Cameroon), or of a bad targeting leading to effects of
chance or optimization (the case of the reinvestment regime in Cameroon, the
tax credit for research and the tax exemption of additional hours in
France).
So the proposed solutions aim at strengthening the fiscal
incentives there where their relevance and utility are proved, while improving
their targeting to limit the effects of chance and optimization, on one hand.
On the other hand, and on the contrary, it would be a question of deleting the
measures which do not present an evident character of utility or which appear
as unsuitable to the realization of the pursued objective, and to replace them,
if necessary, by adapted non fiscal measures.
INTRODUCTION GENERALE
La crise économique traversée par le Cameroun
à partir de 1986 a conduit les autorités à mettre en
oeuvre, dès 1987, des mesures internes de réduction des
dépenses, et des réformes économiques soutenues par la
communauté internationale.
Au plan fiscal, ces réformes économiques
accompagnées ont eu pour leitmotiv la mobilisation optimale des
ressources. Le raisonnement était simple : le Cameroun dispose d'un
grand potentiel en ressources fiscales internes, tout juste suffit-il de savoir
les rechercher. Et la recherche a consisté à élargir
l'assiette fiscale en explorant les capacités contributives encore
dissimulées, mais aussi en supprimant ou en limitant à la portion
congrue les exonérations et autres dispositifs d'incitation fiscale
alors en vigueur. Elle est même souvent allée beaucoup plus loin
en débouchant sur la création de nouveaux mécanismes
d'imposition, la création d'impôts nouveaux et le
relèvement du tarif de ceux existant. C'était la politique
fiscale cantonnée dans son rôle originel de financement du budget
de l'Etat.
Les résultats de ces orientations de la
fiscalité sont perceptibles, du moins en ce qui concerne le rendement.
Les recettes fiscales ont ainsi enregistré une importante progression
durant les trois années ayant précédé l'atteinte du
point d'achèvement. Elles sont respectivement passées de 646,4
milliards de francs CFA en 2003, 653,1 en 2004, et à 752,4 en 2005, soit
une progression de 106 milliards en valeur absolue et de 15, 2 % en valeur
relative sur la période.
L'année 2006 marque officiellement la fin de ces
programmes, avec l'atteinte du point d'achèvement de l'Initiative dite
PPTE. Une fin qui signifie pour le Cameroun plus de liberté d'action,
plus de marge de manoeuvre dans la conception et la mise en oeuvre de ses
politiques publiques, notamment celle fiscale.
Dans ce contexte de « liberté »
retrouvée, les autorités se sont employées, à
partir de la loi de finances pour l'exercice 2007, à concevoir et
à mettre en place une politique fiscale nouvelle ; une politique fiscale
voulue et non plus subie, conforme à leur vision de l'avenir du
Cameroun. La nouvelle politique fiscale a pour cadre général la
circulaire présidentielle du 17 octobre 2007 relative à la
préparation du budget de l'Etat pour l'exercice 20081. Le
texte fait
clairement référence à la
nécessité de la mise en place d' « un dispositif
légal maîtriséd'accompagnement de
l'investissement ».
1 Circulaire n°001/CAB/PR du 17 octobre 2007.
Cette vision, nouvelle ou renouvelée2 de la
politique fiscale, est bâtie autour de l'idée que dans le contexte
actuel de la mondialisation, et en l'absence d'initiative privée forte,
« l'Etat restera un acteur déterminant de l'économie des
pays sous-développés ou il n'y aura pas de développement
»3 ; que la politique fiscale doit être
utilisée comme « un véritable levier de politique
économique et non seulement comme un moyen de collecter des recettes
pour rembourser la dette »4.
De son côté, la France est depuis longtemps
considérée comme ayant l'un des taux de pression fiscale globale
les plus élevés des pays de l'UE, notamment comparativement
à l'Allemagne avec laquelle elle est en concurrence directe. Depuis la
fin des années 80, le taux français de prélèvement
obligatoire s'est ainsi stabilisé autour de 43 % du PIB, alors qu'il est
de 39 % en Allemagne et de 37,3 % en Grande Bretagne.
Cette pression fiscale est décriée avec beaucoup
plus d'insistance encore s'agissant du patrimoine. Ce dernier est
considéré comme faisant l'objet d'un « cumul
d'imposition pratiquement sans équivalent dans les pays
développés »5. Et pour cause, en France,
« le patrimoine des particuliers est saisi ... par l'impôt dans
toutes ses manifestations : en raison des revenus qu'il produit, en raison des
gains de sa gestion avec l'imposition des plus-values, en raison de ses
mutations à titre gratuit (donations et successions) avec les droits
d'enregistrement et...en raison de sa détention avec l'ISF
»6 .
Or, la mondialisation et l'intégration
européenne obligent aujourd'hui à repenser un système de
prélèvements obligatoires conçu à une époque
où l'ouverture des économies, la mobilité des biens,
services et capitaux était bien moindre7. L'enjeu majeur de
cette réforme est, bien sür, celui de la
compétitivité de l'économie, et, au-delà, de sa
capacité à attirer des investissements étrangers.
La question se poserait sans doute avec moins d'acuité
pour la France si la fiscalité faisait l'objet d'une véritable
harmonisation au sein de l'UE. Celle-ci n'a cependant jusqu'ici axé
2 Vision renouvelée dans la mesure où
le Cameroun a, par le passé, expóimenté des régimes
fiscaux dóogatoires, notamment dans le cadre du code des
investissements. Ce dernier a cependant été progressivement
vidé de sa substance dans le cadre des programmes économiques.
3 KAMTO (M.), « Politique économique
», Mutations n°1210 du lundi 09 août 2004, p.3.
4 Idem
5 GEFFROY (J-B), « Aux sources du bouclier fiscal
: l'émergence difficile d'un principe de non-confiscation par
l'impôt », in Mélanges en l'honneur de Pierre
BELTRAME, PUAM, 2010, p. 176.
6 GEFFROY (J-B), op. cit.
7 Le CACHEUX (J.), Les Français et
l'impôt, Odile Jacob/La documentation française, 2008,
p.10.
son harmonisation fiscale qu'autour de la fiscalité
indirecte, et plus précisément de la TVA. Elle considère
les droits directs comme relevant de la souveraineté des Etats
membres8.
En l'absence d'harmonisation, le principe est donc celui de la
souveraineté fiscale, chacun des Etats pouvant librement donner à
son système fiscal les orientations qui lui paraissent les plus
pertinentes. Pourtant, la corrélation des économies fait qu'une
décision fiscale prise dans le pays « A » impacte, d'une
manière ou d'une autre, l'économie de « B ». Elle
oblige en conséquence à être attentif aux choix et
orientations des autres systèmes et, le cas échéant,
à prendre chez soi des mesures correctives.
Depuis 2007, la France a clairement affiché sa
volonté de ramener sa fiscalité à un niveau au moins
comparable à celui de ses principaux concurrents, avec à la
clé l'objectif de s'assurer une augmentation de sa croissance. Le cadre
de cette ambition reste la loi TEPA (Travail Emploi et Pouvoir d'Achat) du 22
aoüt 20079 qui a notamment allégé les droits de
succession, aménagé l'ISF, abaissé le seuil du «
bouclier fiscal » et défiscalisé les heures
supplémentaires.
Au Cameroun comme en France, la problématique de la
mondialisation est donc au coeur du débat fiscal qu'elle alimente et,
au-delà du débat, de la définition concrète des
orientations de la politique fiscale.
Mais d'abord, qu'est-ce que la politique fiscale et qu'est-ce
que la mondialisation ? Quel intérêt peut revêtir une
étude portant sur ces deux réalités ? Quelle
problématique soulèventelles et quelle méthode pour les
aborder ?
I -- DEFINITION DES CONCEPTS
Le droit fiscal est considéré comme la chasse
gardée des Etats, le domaine d'expression par excellence de leur
souveraineté. Le principe souvent admis est que « les
législateurs sont souverains pour déterminer les sujets et
l'assiette des impôts qu'ils établissent »10.
L'impôt constituant l'instrument de réalisation d'une justice dont
les principes sont établis par le Parlement, la doctrine a pu conclure
que la souveraineté fiscale va de pair avec la souveraineté tout
court. Il s'agit de la souveraineté conçue comme «
capacité effective,
8 S'il existe bien une Europe fiscale en
matière d'impôts indirects, comme le montre la TVA, tel est loin
d'être le cas en ce qui concerne les impôts directs. Dans
l'arrêt SCHUMACKER de 1995, la CJCE a affirmé de façon
péremptoire que « la fiscalité directe relève de
la compétence des Etats membres ».
9 Loi n° 2007-1223.
10 GUTMANN (D.), « Le juge fiscal et la loi
étrangère », in Regards critiques et perspectives sur le
droit et la fiscalité, tome 8, LGDJ, 2005, p. 192.
financière de l'Etat-Nation à déterminer
de façon autonome les lignes de sa politique »11,
et en particulier de sa politique fiscale.
Maurice LAURE définissait la politique
fiscale par sa finalité, qui est, selon lui, de «
déterminer les caractéristiques générales de
l'impôt »12, une fois le recours à ce dernier
décidé. La politique fiscale s'entend donc, au sens large, de l'
« ensemble des choix qui concourent à fixer les
caractéristiques d'un système fiscal »13, ou
encore de « l'ensemble des décisions prises pour instituer,
organiser, et appliquer les prélèvements fiscaux
conformément aux objectifs des pouvoirs publics
»14. Dans un sens plus strict, elle renvoie à
l'utilisation faite de l'impôt à des fins économiques ou
sociales. L'impôt apparaît alors ici comme un instrument de
politique économique utilisable en complément des autres moyens
de pilotage que sont notamment la monnaie, le crédit, la dépense
publique, le contrôle des prix ou des revenus15.
Au demeurant, l'une et l'autre acception font apparaître
la politique fiscale comme un instrument purement interne et confortent
l'idée du caractère indissoluble des liens entre fiscalité
et souveraineté16. De méme qu'un Etat est libre de
dessiner les lignes de sa politique étrangère, il l'est pour
déterminer les contours de sa politique fiscale. C'est le droit qui
l'y autorise, celui international qui proclame la souveraineté des
Etats, comme celui interne qui confère au législateur national la
compétence en matière de création d'impôts et taxes,
de détermination de l'assiette, du taux et des modalités de
recouvrement des impôts et taxes17.
D'un autre côté pourtant, les frontières
se sont depuis longtemps ouvertes aux marchandises et aux services, des
ensembles régionaux et sous-régionaux se sont constitués,
les échanges internationaux se sont intensifiés, la sphère
financière s'est progressivement globalisée, les marchés
et les bourses se sont intégrés, avec à la clé les
phénomènes de dérèglementation, de
délocalisations, d'interdépendance, de concurrence
et de dumping18. C'est la
réalitééconomique, celle de la
mondialisation ou de la globalisation, dont
on ne peut faire l'économie.
11 Idem. , p. 192.
12 LAURE (M.), Traité de politique
fiscale, PUF, Paris, 1956, 425 pp. 7 et 14.
13 CASTAGNEDE (B.), La politique fiscale,
PUF, Que sais-je ? 2008, p. 3.
14 BELTRAME (P.), La fiscalité en
France, Hachette supérieur, collection Les fondamentaux (droit),
2009, 15ème édition, p. 135.
15 Idem. P. 3.
16 GUTMANN (D.), op. cit. p. 192.
17 Articles 26 (1) d-3 de la constitution de la
République du Cameroun du 18 janvier 1996 et 34 de la constitution
française du 04 octobre 1958.
18 LEROY (M.), « Introduction », in
Mondialisation et fiscalité, la globalisation fiscale,
L'Harmattan, Collection finances publiques, p.8.
La globalisation renvoie à l' « expansion des
échanges et des modes de fonctionnement des marchés
au-delà des frontières nationales »19. Elle
suppose « intégration des productions et interconnexion des
marchés de biens et services (globalisation réelle), et des
marchés financiers (globalisation financière) au niveau mondial
»20. El MOUHOUD MOUHOUD s'est intéressé
à l'une des variantes de la mondialisation qu'est la
mondialisation des entreprises. L'appréhendant surtout en
termes de degré de mobilité internationale des firmes et des
facteurs de production, il la définit comme «
l'accélération sans précédent de la
liberté de localisation des firmes dans l'espace mondial
»21.
Ainsi définie, la mondialisation s'impose à tous
les pays, à ceux développés comme à ceux en voie de
développement, à la France comme au Cameroun. Elle ne remet pas
en cause la souveraineté des Etats. Elle en influence simplement
l'exercice dans le sens de l'ajustement au contexte qu'elle
génère. Et c'est cet ajustement qu'il est intéressant
d'étudier.
II -- INTERET ET DELIMITATION DU SUJET
:
Plusieurs études ont déjà
été consacrées à la question des rapports entre la
mondialisation et la fiscalité22. D'autres encore se sont
intéressées plus spécifiquement à la question de
l'attractivité fiscale des territoires23. Rares en revanche
sont celles qui se sont penchées sur une comparaison internationale du
comportement des pays face aux contraintes imposées par la
mondialisation. Tel est précisément l'intérêt de
cette étude. Confrontant les adaptations fiscales à la
mondialisation d'un pays développé, la France, à celles
d'un pays en développement, le Cameroun, elle révèle
qu'à objectif général identique, les objectifs
spécifiques et les procédés peuvent être
différents, précisément en raison de la différence
des niveaux de développement.
Mais au-delà de la simple identification de ces mesures
d'ajustement aux contraintes de la mondialisation, elle tente d'en
apprécier l'efficacité par mesure de la réalisation des
objectifs recherchés. L'étude n'a cependant aucune
prétention à l'exhaustivité. L'on pourra ainsi noter
qu'analysant les contraintes de la mondialisation et les ajustements
opérés dans chacun des
19 BERNARD (Y.), COLLI (J-C.), Vocabulaire
économique et financier, Editions du Seuil, 2003, p. 395.
20 SILEM (A.), ALBERTINI (J.-M.), Lexique
d'économie, 11ème édition, Dalloz 2010, p. 438.
21 EL MOUHOUD MOUHOUD, Mondialisation et
délocalisations des entreprises, Editions La Découverte,
2008, p. 7.
22 LEROY (M.), Mondialisation et
fiscalité : la globalisation fiscale, l'Harmattan 2006, collection
finances publiques, Paris, 286 p. ; HECKLY (C.), Fiscalité et
mondialisation, LGDJ 2006, Paris, 154 p. ; GASTELLU (J-M.), POURCET (G.),
MOISSERON (J-Y.), Fiscalité, développement et
mondialisation, Maisonneuve Et Larose, 1999, 216 p.
23 KAKE KAMGA (G.R.), L'attractivité du
système fiscal camerounais, Mémoire de DESS Administration
fiscale, Université Paris Dauphine - Panthéon Sorbonne, 2006 ;
MVOGO MVOGO (A.T.), Fiscalité et renforcement de
l'attractivité du territoire camerounais, Mémoire de Master
Administration publique, ENA, 2010.
deux pays, elle laisse délibérément de
côté la question de la fraude et de l'évasion fiscales
internationales (pour l'évasion fiscale, il s'agit de la question des
prix de transferts). Cette mise à l'écart, volontaire, d'une
question par ailleurs déjà abordée dans de
précédents travaux24, permet de s'intéresser,
plus étroitement et dans une perspective comparée, aux mesures de
promotion de l'attractivité et de la compétitivité.
Le point de départ retenu pour l'analyse,
l'année 2007, est à cet effet déterminant. Il correspond
en effet à un moment important de la vie de chacun des pays
concernés : atteinte du point d'achèvement de l'initiative PPTE
et fin des programmes économiques contraignants pour le Cameroun,
accession au pouvoir de Nicolas SARKOZY et sacralisation du travail et de
l'emploi dans le cadre de la loi TEPA pour la France.
III - PROBLEMATIQUE :
Depuis 2007, les autorités fiscales camerounaises et
françaises ont fait des choix nouveaux et importants, conformes à
leurs ambitions respectives du moment. Ces choix vont, pour l'essentiel, dans
le sens d'un soutien plus accru à l'investissement par la
fiscalité. Au Cameroun, ce soutien s'est traduit par l'institution ou la
restauration de nombreux régimes dérogatoires. Il s'agit du
régime du réinvestissement, du régime fiscal particulier
des projets structurants, du régime fiscal des contrats de partenariat
public-privé, et du régime fiscal du secteur boursier. D'autres
mesures encore vont dans le sens d'une amélioration de la
sécurité fiscale. Elles concernent, notamment, la doctrine
administrative et les procédures de contrôle et de contentieux
fiscaux.
En France, les domaines ciblés par les incitations
durant cette période sont le patrimoine, le travail et la recherche,
ainsi que la consommation. Les mesures prises vont de l'abaissement du seuil du
bouclier fiscal pour résoudre les problèmes d'un ISF jugé
trop élevé, l'exonération des successions entre conjoints,
la suppression de la taxe professionnelle, le renforcement du dispositif du
crédit d'impôt recherche, l'exonération de l'impôt
sur le revenu, de la CSG et des charges sociales pour les heures
supplémentaires, la baisse ciblée du taux de la TVA, notamment
dans le secteur de la restauration.
Dans l'un et l'autre cas, les mesures ainsi adoptées
sont des choix de politique publique. Elles vont dans le sens de la prise en
compte des contraintes de la mondialisation par la promotion fiscale de la
compétitivité des entreprises et de l'attractivité du
territoire. Elles traduisent la
24 MVOGO MVOGO (A.T.), op. cit.
volonté de créer « un choc fiscal »
qui permette de débloquer l'économie et de relancer la
croissance25. Cet objectif présente cependant une
différence de degré en fonction du pays considéré.
Ainsi, alors que le Cameroun tente avant tout de susciter, de créer de
toutes pièces par l'outil fiscal, une compétitivité et une
attractivité qui n'ont jamais véritablement pu voir le jour, il
s'agit pour la France de les améliorer.
Les mesures ainsi adoptées méritent d'être
appréciées au regard de leur pertinence et de
leur efficacité. Dans cette perspective, il n'est pas
inutile de rappeler qu'une politique est dite pertinente si ses objectifs et sa
théorie d'action sont adaptés à la nature du
problème qu'elle est censée résoudre26. De
même, une politique est dite efficace lorsqu'elle a des effets propres
compatibles aux objectifs recherchés27.
Dans le cadre de l'examen des politiques fiscales du Cameroun
et de la France sur la période 2007-2010, la question à la
réponse de laquelle s'attèle la présente recherche est
donc la suivante : dans les orientations majeures qu'elles
présentent depuis 2007, les politiques fiscales du Cameroun et de la
France s'insèrent-elles efficacement dans la mondialisation ? Autrement
dit, dans quelle mesure et pour quels résultats les deux politiques
fiscales prennent-elles en compte les contraintes liées à la
globalisation de l'économie ?
IV -- METHODE
Pour la réponse à cette question, la recherche
s'appuiera sur la méthode comparative. La nature du sujet l'y destine.
Cette comparaison sera d'abord juridique, descriptive ou
exégétique, pour identifier et analyser les mesures
adoptées dans chacune des législations des deux pays, au regard
des ambitions respectives affichées. Elle sera ensuite fondée sur
l'analyse économique. A cet effet, elle se penchera sur les faits tels
qu'ils sont et examinera à la fois la pertinence et l'efficacité
des mesures prises au regard des résultats obtenus.
Conjuguées, ces deux méthodes d'analyse
permettent de constater que dans leur volonté commune d'ancrage dans la
mondialisation par la fiscalité, les deux politiques fiscales
présentent une différence de trajectoire (Première
partie). Elles se retrouvent néanmoins dans le caractère
mitigés des résultats de leurs choix fiscaux (Deuxième
partie).
25 VILLEMOT (D.), Quelle réforme fiscale
? L'Harmattan, collection finances publiques, 2007, p. 11.
26 PERRET (B.), L'évaluation des politiques
publiques, nouvelle édition, La Découverte, Collection
Repères, Paris, 2008, p. 18.
27 Idem, p. 19.
PREMIERE PARTIE :
UNE VOLONTÉ COMMUNE MAIS DIFFERENCIÉE
D'ANCRAGE DANS LA MONDIALISATION PAR LA FISCALITÉ
La fiscalité est essentielle pour comprendre la marche
du phénomène complexe de la mondialisation dans la mesure
où elle est au croisement de l'Etat, de l'économie et de la
société28. De la méme manière, et
à l'inverse, la mondialisation est intéressante pour rendre
compte des changements qui s'opèrent dans le domaine de la
fiscalité, dans le souci de la prise en compte de la
réalité économique.
Cette réalité économique est celle de
l'accroissement des mouvements transfrontaliers de biens, de capitaux et de
personnes, du caractère mouvant de la matière imposable et de la
difficulté de la rattacher à un territoire29. A titre
d'illustration, les entreprises ont leurs implantations dans plusieurs pays
dans le monde, sous la forme de filiales ou de succursales. Elles sont
confrontées à des systèmes fiscaux et à des niveaux
de pression fiscale souvent différents les uns des autres, en fonction
des choix souverains du pays d'implantation. Se pose alors la question de
l'attractivité fiscale des territoires30, ainsi que celle de
la compétitivité des entreprises.
Certes, attractivité et compétitivité ne
se résument pas à la fiscalité. Certes, «
à l'attractivité fiscale, il faut opposer
l'attractivité globale du territoire qui résulte d'un
environnement de qualité : système éducatif performant
formant une main d'oeuvre de qualifiée, système de santé
reconnu, infrastructures publiques »31.
La fiscalité n'en reste pas moins un déterminant
de l'attractivité et de la compétitivité. Or,
l'internationalisation de l'économie et la mondialisation des
marchés ne permettent plus de la concevoir dans un cadre purement
national32. La bonne politique fiscale est en effet celle qui, par
réalisme, s'insère dans un environnement mondialisé.
Ce souci d'insertion fiscale dans la mondialisation, le
Cameroun et la France l'ont en partage. Il transparaît largement dans les
mesures adoptées par les deux pays depuis 2007. Ces dernières
révèlent cependant une différence de degré dans les
ambitions affichées : volonté de démarrage
économique au Cameroun (chapitre 1), volonté d'ancrage dans la
compétition mondiale en France (chapitre 2).
28 LEROY (M.), Mondialisation et fiscalité
: la globalisation fiscale, op. cit. p. 10.
29 VILLEMOT (D.), Quelle réforme fiscale
? op. cit. p. 24.
30 Lire KAKE KAMGA (G.R.), L'attractivité
du système fiscal camerounais,
op. cit. et MVOGO MVOGO (A.T.),
Fiscalité et renforcement de l'attractivité du territoire
camerounais, op. cit.
31 LOPEZ (C.), « La fiscalité comme
vecteur de l'attractivité du territoire », in LEROY (M.),
Mondialisation et fiscalité, la globalisation fiscale (sous la
dir.), op. cit. p. 253.
32 VILLEMOT (D.), p. 9.
CHAPITRE 1 : UNE POLITIQUE FISCALE EXPRESSION
D'UNE VOLONTÉ DE DÉMARRAGE ÉCONOMIQUE AU
CAMEROUN
Dès les années 90, le Cameroun a voulu donner
à la fiscalité une place centrale dans sa politique de
développement. Il a, dans cette perspective, adopté plusieurs
mesures incitatives visant à attirer les investisseurs étrangers.
Celles-ci ont, pour l'essentiel, eu pour cadre le code des
investissements33 et le décret d'application34 y
afférent. A l'image des subventions directes accordées aux
entreprises nationales, ces incitations sont la manifestation de la
volonté de l'Etat de jouer un rôle moteur dans le
développement économique, en l'absence d'initiative privée
forte en ce domaine.
La libéralisation de l'économie camerounaise et
les orientations des programmes économiques vont cependant remettre
progressivement en cause les mesures ainsi adoptées. L'idée,
véhiculée en particulier dans les programmes, est celle d'un
recentrage dans la fiscalité interne pour une meilleure mobilisation des
ressources. Cette mobilisation, il faut en convenir, a été
réalisée de manière optimale, les recettes fiscales ayant
depuis lors connu une augmentation exponentielle. Mais elle n'a pas
été sans heurt pour l'économie et le développement
qu'elle a, au-delà de son succès, contribué à
inhiber.
Depuis la fin des programmes économiques contraints en
2006, les autorités camerounaises ont défini une nouvelle
stratégie. Sans remettre fondamentalement en cause l'objectif de
mobilisation optimale des ressources internes, celle-ci tente de restaurer la
fiscalité dans son rôle d'impulsion du développement
économique du pays.
Les contours de la nouvelle politique fiscale du Cameroun ont
été précisés par une circulaire
présidentielle du 17 octobre 2007 relative à la
préparation du budget de l'Etat pour l'exercice 200835. Dans
ce texte, le Gouvernement est invité à maintenir les efforts de
mobilisation des recettes non pétrolière grace à
l'élargissement de l'assiette, une meilleure administration de
l'impôt et un partenariat constructif avec les opérateurs
économiques. Mais la circulaire insiste aussi sur la
nécessité de trouver un point d'équilibre entre
l'augmentation des recettes et la mise en place d'un dispositif légal
maîtrisé d'accompagnement fiscal des
33 Ordonnance n°90/007 du 08 novembre 1990
portant code des investissements, modifiée par les ordonnances
n°94/001, 002 et 003 du 24 janvier 1994 modifiant certaines dispositions
du Code des investissements dans le cadre de la réforme
fiscalo-douanière en UDEAC (Union douanière et économique
de l'Afrique centrale).
34 Décret n°91/215 du 02 mai 1991.
35 Circulaire n°001/CAB/PR du 17 octobre 2007.
investissements. C'est cette volonté d'accompagnement
qui justifie, depuis 2007, la résurgence de régimes
dérogatoires (section 1) et l'émergence d'une fiscalité
sécurisée (section 2).
Section 1 : La résurgence de régimes et de
mesures fiscaux dérogatoires
Dès les années 90, les autorités
camerounaises ont mis en place des régimes fiscaux dérogatoires
dans la perspective d'attirer les investissements étrangers. Ces
régimes avaient essentiellement pour cadre l'ordonnance de 1990 portant
code des investissements en république du Cameroun, modifiée en
199436. Intervenue dans le cadre de la réforme
fiscalodouanière et des programmes d'ajustement structurels, cette
modification a eu pour objet et pour effet de réduire les
exonérations d'impôts et taxes initialement accordés, afin
d'optimiser le rendement fiscal national. Les régimes fiscaux
accordés au titre du Code des Investissements ont ainsi
été remis en cause et chaque régime a dû être
renégocié avec le Ministère du Développement
Industriel et Commercial.
A la base de cette remise en cause, il y a d'abord le constat
que les régimes dérogatoires ainsi institués n'ont pas
produit les effets escomptés en termes d'attractivité du
territoire camerounais. Mais il y a aussi une stratégie de recentrage
dans la fiscalité interne dans l'optique de trouver des ressources
compensatoires à la baisse des droits de porte.
Ce recentrage dans la fiscalité interne est cependant
durement ressenti par les entreprises privées qui, de manière
récurrente, se plaignent d'une forte pression fiscale. « Le
fardeau additionnel imposé aux entreprises formelles, les multiples
contrôles opérés par l'administration et les notifications
fantaisistes, ainsi que la parafiscalité galopante »37
caractériseraient ainsi l'environnement fiscal camerounais.
Face à ces récriminations, les autorités
ont fait le choix, depuis 2007, de revenir au principe d'un soutien de
l'activité économique par la fiscalité. Il s'agira, soit
d'un soutien à l'investissement et à l'épargne longue
(§ 1), soit d'un soutien face aux chocs exogènes (§ 2).
36 Il s'agit de l'Ordonnance n°90/007 du 08
novembre 1990 portant code des investissements en République du Cameroun
et son décret d'application n°91/215 du 02 mai 1991. Ordonnance
modifiée en 1994 par les ordonnances n°94/001, 002 et 003 du 24
janvier 1994 modifiant certaines dispositions du code des investissements, dans
le cadre de la réforme fiscalo-douanière de 1994.
37 Groupement Inter patronal du Cameroun,
cité par MVOGO MVOGO (A.T.), Fiscalité et renforcement de
l'attractivité du territoire camerounais : enjeux et perspectives,
Mémoire de Master en Administration publique, ENA, 2010, p. 12.
§ 1 - Les régimes de soutien à
l'investissement et à l'épargne longue
Les mesures fiscales dérogatoires les plus
emblématiques adoptées au Cameroun depuis l'atteinte du point
d'achèvement de l'initiative PPTE vont dans le sens du soutien à
l'investissement (A). Mais à côté de ces mesures, le
législateur fiscal s'est évertué à imaginer des
solutions en vue de permettre le démarrage effectif de la bourse des
valeurs mobilières, la Douala Stock Exchange. Cette dernière
n'avait en effet, depuis sa mise en place en 2001, enregistré aucune
cotation. Un régime fiscal spécifique au secteur a ainsi
été imaginé pour encourager les cotations et promouvoir
à la fois le financement long de l'économie et la transparence
des comptes des entreprises (B).
A - Le soutien ciblé à l'investissement
Dans la perspective du soutien fiscal à
l'investissement, le régime du réinvestissement,
déjà présent dans le code des investissements mais
supprimé en 2003, a été restauré (1). Mais une
autre préoccupation forte des autorités reste l'émergence
de grands projets, industriels ou infrastructurels, pouvant avoir un effet
entraînant sur le développement de leur localité
d'implantation. Cette préoccupation est à la base de la
création de deux nouveaux régimes d'importance : le régime
fiscal particulier des projets dits structurants (2), institué par la
loi de finances pour l'exercice 2008 38 d'une part, et le
régime fiscal des contrats de partenariat public-privé (3)
institué par la loi de finances pour l'exercice 200939,
d'autre part.
1) La restauration du régime du
réinvestissement
Le régime du réinvestissement a
été restauré par la loi de finances pour l'exercice
200740. En application de ce régime, les personnes physiques
ou morales qui réinvestissent leurs bénéfices au Cameroun
peuvent bénéficier d'une réduction de l'impôt sur
les sociétés ou de l'impôt sur le revenu des personnes
physiques.
L'avantage octroyé consiste en une réduction du
bénéfice imposable sur la base de 50 % des dépenses de
réinvestissements admises. La réduction ainsi accordée ne
peut cependant dépasser la moitié du bénéfice
déclaré au cours de l'année considérée, les
insuffisances d'imputation éventuelles pouvant être
reportés sur les exercices suivants, dans la limite de trois exercices
clos. Pour les entreprises du secteur des nouvelles technologies de
38 Loi n°2007/005 du 26 décembre 2007
portant loi de finances de la République du Cameroun pour l'exercice
2008.
39 Loi n°2008/012 du 29 décembre 2008
portant loi de finances de la République du Cameroun pour l'exercice
2009.
40 Loi n°2006/013 du 29 décembre 2006
portant loi de finances de la République du Cameroun pour l'exercice
2007.
l'information et de la communication, cette réduction a
été ramenée en 200841 à 25 % des
réinvestissements admis, dans la limite du quart du
bénéfice déclaré au cours de l'année fiscale
considérée.
Les réinvestissements éligibles concernent la
construction ou l'extension d'immeubles bâtis en matériaux
définitifs à usage industriel, agricole, forestier, touristique
ou minier.
Sont également pris en compte l'acquisition, le
renouvellement ou l'installation des équipements de production,
transformation, conditionnement et conservation dans les activités
agroalimentaires, ainsi que les dépenses de préparation du sol,
d'ensemencement de plantations industrielles, ainsi que tout
réinvestissement à caractère social.
2) L'institution du régime fiscal particulier des
projets structurants
Le régime fiscal particulier des projets structurants a
été mis en place par la loi de finances pour 2008. A la base de
son institution, il y a la volonté de faire émerger au Cameroun
des projets de grande envergure, susceptibles d'avoir un effet entraînant
du développement dans leur environnement d'implantation, ainsi que
l'attestent les conditions d'éligibilité (b) aux avantages
consentis (a).
a- Les avantages consentis
Le régime aménage des avantages aussi divers
que l'exonération de la contribution des patentes au titre des deux
premières années d'exploitation ; l'enregistrement au droit fixe
de 50 000 F CFA pour les actes de constitution, prorogation et augmentation du
capital, ainsi que les mutations immobilières directement liés
à la mise en place du projet ; l'exonération de la TVA sur les
achats locaux de matériaux de construction et sur les importations
destinés à la mise en place du projet ; l'application de
l'amortissement accéléré au taux de 1,25 du taux normal
pour les immobilisations spécifiques acquises pendant la phase
d'installation ; la rallonge de la durée du report déficitaire de
quatre (04) à cinq (05) ans.
b- Les conditions
d'éligibilité
Plus qu'ailleurs, les conditions fixées par le
législateur pour le bénéfice des avantages
du régime fiscal particulier des projets structurants sont
révélatrices de l'objectif de développement
recherché. Ces conditions concernent d'abord les domaines visés.
Le régime
41 Loi n°2008/012 du 29 décembre 2008
portant loi de finances de la République du Cameroun pour l'exercice
2009.
s'applique ainsi aux projets intervenant dans les secteurs
agropastoral, industriel, énergétique, touristique, de l'habitat
social, éducatif, sanitaire, sportif et culturel.
Elles ont ensuite trait à l'importance financière
du projet. A cet effet, ne peuvent prétendre à
l'éligibilité que les projets donnant lieu à un montant
d'investissement au moins égal à 5 milliards de F CFA pour les
grandes entreprises et à 500 millions de F CFA pour les PME. D'autres
conditions, enfin, concernent les effets concrets attendus des projets. La loi
indique, de manière générale et plutôt vague, que
ces derniers doivent constituer des « pôles de développement
économique et social » et être «
générateurs d'emplois », de sorte que c'est à la
règlementation qu'il faut s'en référer pour saisir le sens
de ces exigences.
Ainsi, au sens du décret du 29 juillet
200842 précisant les modalités d'application du
régime, est considéré comme « pôle de
développement économique et social », le projet dont la mise
en oeuvre a vocation à s'accompagner, dans sa localité
d'implantation, du développement d'un réseau de sous-traitants ou
d'activités annexes, de l'utilisation de matières
premières locales, ainsi que d'un essor d'activités
créatrices de valeur ajoutée. Au plan social, le caractère
structurant s'apprécie au regard de la réalisation
d'infrastructures telles que les dessertes routières, les voies
d'évacuation, les logements pour le personnel, les écoles, les
structures de santé, les infrastructures socio collectives.
Le même souci de précision et de «
détaillisme » transparaît dans les exigences relatives
à l'emploi. Ces dernières touchent à la fois au nombre
minimum de postes permanents à créer, à leur
répartition par niveau de responsabilité et à la
proportion de nationaux à employer. Le projet structurant doit en effet
aboutir, pour les grandes entreprises, à la création d'au moins
80 emplois permanents au sein de l'entreprise, soit 10 postes d'encadrement, 20
postes de maîtrise et 50 postes d'exécution. Pour les PME, le
nombre minimum de postes requis est de 12, soit 02 postes d'encadrement, 02
postes de maîtrise et 10 postes d'exécution.
Au demeurant, dans l'un et l'autre cas, les postes ainsi
créés doivent être occupés par les nationaux,
à concurrence au moins de 70 % pour les emplois d'encadrement, de 80 %
pour les emplois de maîtrise et de 90 % au moins pour les emplois
d'exécution.
3) La mise en place d'un régime fiscal des
contrats de partenariat public-privé
L'attractivité d'un pays est largement tributaire de son
niveau d'infrastructures. Il s'agit d'un critère majeur pris en
compte par les investisseurs dans le choix de localisation de leurs
42 Décret n°2008/2304/PM du 29 juillet
2008 précisant les modalités d'application du régime
fiscal particulier des projets structurants du Code général des
impôts.
activités. Le Cameroun, dont le réseau
infrastructurel n'est que naissant, et donc embryonnaire, semble avoir pris la
pleine mesure de l'importance de ces infrastructures et, notamment, de leur
caractère structurant du développement. La réalisation de
celles-ci nécessite cependant des financements importants que l'Etat ne
peut, à lui tout seul, mobiliser. Le partenariat-public privé
permet alors de contourner cet obstacle en donnant aux investisseurs
privés la possibilité de s'associer à l'Etat pour
l'édification de grands ouvrages publics. Le principe de ce partenariat
est fixé au Cameroun par une loi du 29 décembre
200643.
En pratique cependant, les investisseurs privés se
montrent peu enclins à s'associer à cette démarche dans la
mesure où la rentabilité des financements engagée n'est
pas immédiate et ne peut être envisagée qu'à moyen
ou long terme. Pour les y encourager, la loi précitée de 2006
à prévu l'adoption d'une loi spécifique portant
régime fiscal, financier et comptable des contrats de partenariat. Cette
dernière a été promulguée le 16 juillet
200844.
Les avantages fiscaux consentis par cette dernière
concernent aussi bien la fiscalité interne que les droits de porte.
Pour la fiscalité interne, ces avantages varient
suivant que le cocontractant de la personne publique est en phase de
construction et d'installation ou en phase d'exploitation. En phase de
construction et d'installation, le co-contractant de la personne publique ne
réalise pas, a priori, de bénéfices, de sorte que seules
les impositions de la consommation et du patrimoine peuvent constituer pour lui
un obstacle financier à la réalisation du projet. C'est pour
faire échec à cet obstacle que la loi de 2008 prévoit la
prise en charge45, par le budget de la personne publique
contractante, de la TVA relative aux importations et aux achats locaux de
matériels effectués pour la construction de l'ouvrage.
Dans la même perspective, les conventions et actes
passés par le cocontractant de la personne publique en phase de
construction, obligatoirement présentés à la
formalité d'enregistrement, sont enregistrés gratis.
En phase d'exploitation, le co-contractant de
la personne publique réalise déjà, en principe, des
bénéfices normalement soumis à imposition au taux de droit
commun de 35%. Mais, ici encore, la législation lui accorde un
régime dérogatoire. Les allègements fiscaux
concernent aussi bien l'impôt sur les
sociétés que les droits d'enregistrement. Le co-contractant de
la
43 Loi n°2006/012 du 29 décembre 2006
portant régime général des contrats de partenariat.
44 Loi n°2008/009 du 16 juillet 2008 fixant le
régime fiscal, financier et comptable applicable aux contrats de
partenariat.
45 La prise en charge budgétaire de la TVA
est une alternative à l'exonération dont la mise en oeuvre est
souvent à la base de phénomènes de rémanence qui
empêchent les intervenants de la chaîne de facturation de
déduire leur TVA d'amont dans la mesure où, du fait
précisément de l'exonération, ils n'en collectent pas en
aval.
personne publique bénéficie ainsi, durant les
cinq premières années d'exploitation, d'une décote de 5
points sur le taux nominal46 de l'impôt sur les
sociétés. Cela signifie concrètement qu'il se voit
appliquer un taux réduit de 30% en lieu et place du taux de droit commun
de 35 %.
A ce taux réduit d'IS, il faut ajouter un régime
d'amortissement favorable, permettant une dépréciation comptable
rapide des immobilisations acquises. En effet, au lieu de l'amortissement
linéaire, qui est celui de droit commun retenu par le code
général des impôts, la loi accorde au co-contractant
d'appliquer à ses immobilisations, toujours durant les cinq
premières années de l'exploitation, le régime de
l'amortissement accéléré. Ce dernier permet au
co-contractant de déduire plus rapidement les dépenses
liées à ses immobilisations, d'une part. D'autre part, et
corrélativement, il facilite le renouvellement des outils de production
ou de construction des ouvrages.
Au niveau de la fiscalité de porte,
les dérogations consenties ne couvrent que la phase de construction et
d'installation. Elles s'analysent en l'application de deux principaux
régimes : le régime de la mise à la consommation des
matériels et équipements importés et le régime de
l'admission temporaire spéciale. Le régime de la mise à la
consommation autorise l'enlèvement direct des marchandises au port. Il
fait l'objet d'une déclaration de paiement de la TVA et des autres
taxes. La dérogation réside ici dans la prise en charge par la
personne publique contractante, des droits et taxes liés à
l'importation de ces matériels et équipements. Les droits et
taxes visés sont les suivants : Tarif Extérieur Commun (TEC), TVA
à l'importation, Centimes Additionnels Communaux (CAC), Taxe
Communautaire d'Intégration (TCI), Contribution Communautaire
d'Intégration (CCI), Taxe OHADA, à l'exception des redevances
pour services rendus.
En ce qui concerne le régime de l'admission temporaire
spéciale, il s'applique aux matériels et équipements
provisoirement importés pour la réalisation de projets
d'investissements. En l'espèce, la spécialité naît
de ce que les droits et taxes correspondant au séjour du matériel
sur le territoire national sont pris en compte par le partenaire public.
46 Le taux nominal ici visé est celui de 35%.
Il se distingue du taux réel de 38,5% qui intègre les centimes
additionnels communaux au taux de 10% du taux nominal.
B - Le soutien au financement long de l'économie
et à la transparence des entreprises : le régime fiscal du
secteur boursier
L'une des justifications à la création d'une
bourse des valeurs mobilières au Cameroun est objective47,
essentiellement économique. Il convient de la rappeler (1) avant de
présenter les avantages fiscaux aménagés par le code
général des impôts (2).
1) Une justification économique : la
volonté de promouvoir le financement long de
l'économie
La bourse des valeurs mobilières du Cameroun, la Douala
Stock Exchange, a été créée le 1er décembre
2001 et inaugurée le 23 avril 2005 avec la volonté de
résoudre un problème interne, d'ordre structurel, celui du
financement long de l'économie. Le Cameroun est en effet un pays dans
lequel les banques, en situation de surliquidité, hésitent
cependant à consentir des prêts conséquents aux entreprises
porteuses de grands projets. Ainsi, en 2002, sur près de 1.000 milliards
de francs CFA collectés par les banques commerciales, seulement 40
milliards ont été octroyés aux PME sous forme de
crédits. En outre, alors qu'en deux ans, de 2000 à 2002, les
dépôts collectés par les banques commerciales camerounaises
se sont accrus de près de 53%, le rythme d'octroi des crédits
n'évoluait que de 14,4% sur la même
période48.
Bien plus, les crédits ainsi octroyés par les
banques secondaires le sont essentiellement à court terme, les
crédits à long terme ne représentant en moyenne que 3,5 %
du total des crédits accordés49. Il est donc clair
qu'au Cameroun, le secteur bancaire ne finance pas une croissance durable.
En justification à cette frilosité, les banques
invoquent très souvent certaines restrictions de la Commission bancaire
de l'Afrique centrale (Cobac), notamment l'exigence de respect d'un ratio
prudentiel pour ce qui est du plafond de distribution des crédits
d'investissements. Elles soulignent également l'absence de projets
« bancables ».
Conscientes de ce qu'une croissance soutenue et durable,
porteuse de développement, ne peut être suscitée que par la
réalisation de grands investissements, les autorités
camerounaises ont eu à coeur de trouver un mode approprié de
financement de ces investissements. Grace à sa capacité de
mobilisation de l'épargne longue, le marché financier s'est
imposé comme une alternative à la frilosité des banques.
Une étude sur sa création a été initiée
dès 1994 et son
47 Nous verrons, en deuxième partie, qu'il
existe une autre justification, plus politique celle-là.
48
http://www.cameroon-one.com/site/news/index.php?op=view&id=10689.
49 Voir le Document de Stratégie pour la
Croissance et l'Emploi (DSCE), élaboré par les autorités
camerounaises à la fin des programmes économiques pour remplacer
le Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté
(DSRP).
rapport remis au gouvernement en 1995. Le 22 décembre
1999, la loi portant création et organisation d'un marché
financier au Cameroun50 a été promulguée. La
Bourse des valeurs mobilières a, quant à elle, été
mise sur pied en décembre 2001.
2) Les contours du régime fiscal du secteur
boursier
Les personnes physiques ou morales qui réalisent des
opérations sur le marché boursier camerounais
bénéficient d'avantages fiscaux qui vont de l'application de taux
réduits de l'impôt sur les sociétés et de
l'impôt sur le revenu des personnes physique, à
l'exonération pure et simple de ce dernier impôt. Ainsi, les
sociétés qui procèdent à l'admission de leurs
actions ordinaires à la cote de la Douala Stock Exchange
bénéficient, pendant trois ans, d'un taux réduit de 20 %
de l'impôt sur les sociétés lorsqu'il s'agit d'une
augmentation de capital représentant au moins 20 % de leur capital
social. Pour les cessions d'actions effectuées dans les mêmes
proportions du capital social, le taux réduit de l'IS est de 25%. Ce
taux est porté à 28% lorsque les augmentations ou cessions de
capital n'excèdent pas la limite de 20%51.
De même, les sociétés qui émettent
des titres sur le marché obligataire de la bourse
bénéficient d'un taux réduit d'IS de 30% pendant trois ans
à compter de la date d'admission52. En ce qui concerne les
dividendes et intérêts des obligations provenant des valeurs
mobilières des personnes physiques ou morales, ils sont imposés
à l'impôt sur les revenus des capitaux
mobiliers aux taux respectifs de 10 % et 5%53 selon
que les intérêts et dividendes concernés ont moins ou plus
de cinq ans de maturation54.
Enfin, la législation va plus loin en exonérant
complètement de l'Impôt sur le revenu des capitaux mobiliers aussi
bien les intéréts des obligations de l'Etat, les
intéréts des obligations des collectivités territoriales,
que les plus-values nettes réalisées sur le marché par des
personnes physiques ou morales55.
L'objectif clairement affiché à travers ces
dérogations est donc simple : mobiliser une épargne interne
longue pour permettre un meilleur financement de l'économie. Or,
l'épargne est tributaire du revenu dont une bonne part est issue du
commerce international. L'observation de ce dernier révèle
cependant une forte sensibilité du Cameroun aux chocs
exogènes.
50 Loi n°99/015 du 22 décembre 1999.
51 Article 108 (1) du CGI.
52 Article 109 du CGI.
53 Ces deux taux Il s'agit d'une dérogation
à l'article 70 du CGI qui prévoit l'imposition des revenus de
capitaux mobiliers au taux de 15%, taux ramené par le même article
à 10 % pour les plus-values sur cession de titre d'un montant net global
supérieur à 500 000 F CFA.
54 Article 111 (1) du CGI.
55 Article 111 (2) du CGI.
§ 2 - Les mesures de résistance aux chocs
exogènes
Selon la formule consacrée, « le Cameroun
produit ce qu'il ne consomme pas et consomme ce qu'il ne produit pas
». Il s'agit donc d'une économie extravertie, dépendant
fortement de l'extérieur. Les recettes d'exportation proviennent, pour
l'essentiel, du pétrole, du bois, de la banane plantain, du cacao, du
café, du coton et de l'huile de palme. Mais le pays importe aussi une
bonne part de ce qu'il consomme et, en particulier, les produits dits de
première nécessité. Or, les exportations, comme les
importations, sont soumises à la loi de l'offre et de la demande sur le
marché mondial. La crise économique financière de 2008 a
démontré les lourdes conséquences que peut avoir une
baisse de la demande internationale sur ces recettes et conduit les
autorités à adopter des mesures fiscales de résistance,
notamment pour les entreprises de la filière bois (A). Dans la
même perspective, des mesures fiscales ont été prises pour
limiter l'impact de l'envolée des cours mondiaux des produits de
première nécessité (B).
A - Crise économique mondiale et tentative de
soutien aux entreprises de la filière bois
La crise mondiale a ralenti le rythme de l'activité
économique du Cameroun en 2009, en raison essentiellement d'une baisse
de la demande et des prix de certains de ses principaux produits d'exportation.
Cette baisse a été plus ressentie encore au niveau de la
filière bois (1) et a justifié l'adoption de mesures en faveur
des entreprises opérant dans ce secteur (2).
1) Les difficultés de la filière
bois
Au Cameroun, les effets de la crise financière mondiale
se sont surtout fait sentir dans le secteur de l'économie réelle.
Ainsi dans le secteur bois, 30 % des commandes européennes et
américaines pour l'année 2008 avaient fait l'objet d'annulation.
Bien plus, jusqu'au mois de décembre 2008, aucune nouvelle commande de
bois n'avait été enregistrée pour le compte de
l'année 2009.
La situation était pour le moins alarmante, le secteur
forestier constituant au Cameroun le deuxième poste de recettes
d'exportations (13,3 %) après le pétrole (50,5 %) et contribuant
à hauteur de 6 % environ à la formation du PIB. A titre
d'illustration, les exportations de bois ont rapporté 500 milliards de F
CFA au budget de l'Etat en 2007.
La crise économique internationale a également
une incidence sur la demande mondiale de pétrole dont le Cameroun est
un modeste producteur. Cette dernière a en effet sensiblement
baissé en raison de la baisse des activités des
entreprises depuis l'aggravation de la crise. Le baril de pétrole qui
tournait autour de 150 dollars avant la crise, se situait, au moment de la
crise, en deçà des 60 dollars, avec pour conséquence une
baisse des recettes attendues du pétrole56.
Cette baisse de la demande des produits nationaux est
justifiée par la raréfaction des capitaux sur le marché
financier international. Elle a débouché sur une baisse des cours
des matières premières exportées par le Cameroun.
2) La consistance des mesures adoptées
Dans le cadre de la loi de finances pour l'exercice
200957, le législateur camerounais a adopté des
mesures dont l'objectif était d'assurer la survie des entreprises les
plus touchées par la crise financière internationale, en
l'occurrence les entreprises du secteur forestier. Elles ont consisté en
la dispense de caution bancaire et en l'exonération de la Taxe
d'Entrée Usine.
a- La dispense de la caution
bancaire
La caution bancaire est une somme provisionnée dans un
établissement financier par une entreprise forestière en vue de
garantir l'acquittement par cette dernière de ses obligations fiscales
et environnementales prévues par la loi. Elle est égale au
montant de la Redevance Forestière Annuelle (RFA). Sa suppression pure
et simple a constitué des années durant, l'une des principales
doléances des entreprises forestières qui évoquaient
déjà de nombreuses difficultés financières.
Afin de permettre à ces entreprises de survivre aux
effets de la crise dont elles sont les plus durement touchées, le
législateur a, dans le cadre de la loi de finances pour l'exercice 2009,
supprimé cette exigence pour les entreprises à jour de leurs
obligations fiscales.
b- L'exonération de la Taxe d'Entrée
Usine (TEU
L'autre mesure retenue par la méme loi de finances est
l'exonération de la taxe d'entrée usine. Dans son principe, la
TEU est une taxe perçue sur les grumes à l'entrée des
usines. Elle est
56 Il faut d'ailleurs souligner à cet effet que
la loi de finances pour l'exercice 2009 avait été
élaborée sur la base de l'hypothèse d'un baril à
60,54 dollars.
57 Loi n°2008/012 du 29 décembre 2008
portant loi de finances de la République du Cameroun pour l'exercice
2009, articles 244 et 245.
calculée sur le volume réel de chaque grume
mesurée sous écorce à l'entrée de l'usine. Son taux
est fixé à 2,25 % de la valeur FOB58.
A la base de la consécration de cette
exonération, comme de la suppression de la caution bancaire, il y a
d'abord et avant tout la volonté de soutenir une filière
importante de l'économie nationale fortement impactée par les
effets de la crise financière internationale. Mais il y a aussi le souci
de favoriser une plus grande transformation locale du bois avant exportation.
Ainsi, ne bénéficient de l'exonération que les bois ayant
fait l'objet d'une deuxième ou d'une troisième transformation, ce
qui revient à exclure du champ de l'exonération les
premières transformations59. Pour l'application de
l'exonération ainsi consacrée par le législateur, les
deuxième ou troisième transformations doivent être
réalisées dans une exploitation implantée au Cameroun.
A ces deux mesures, il faut ajouter la réduction de 50
% du montant de la Redevance forestière annuelle (RFA). Il s'agit d'une
sorte de droit d'exploitation assis sur la superficie du titre
délivré à cet effet par l'administration
forestière.
B - Tendances inflationnistes et actions sur la consommation
de masse
Les prix des matières premières, notamment
agricoles, connaissent une importante évolution à la hausse
depuis 2006. Cette évolution à la hausse a abouti, en 2008, aux
« émeutes de la faim » dans des pays comme l'Egypte,
Haïti, mais aussi le Cameroun. A la base de cette envolée des prix,
se trouvent des motifs à la fois structurels et conjoncturels. Au plan
structurel, il y a la croissance économique dans les pays
émergents, notamment l'Inde, la Chine et le Brésil, avec pour
corollaire l'augmentation de leur demande en matières premières.
Au plan conjoncturel, il y a surtout eu les aléas climatiques. Hivers
rigoureux, inondations et sécheresse ont ainsi affecté les
récoltes dans les grands pays producteurs. Pour inverser cette tendance
inflationniste, les autorités camerounaises ont fait le choix d'une
baisse de la fiscalité des produits de première
nécessité (1), accompagnée de la mise en place d'une
structure de veille (2).
58 Article 245 du CGI.
59 Pour trouver un sens aux niveaux de transformations
allégués, il faut s'en référer à la
circulaire n°0001/MINFI/DGI/LC/L du 02 janvier 2009 précisant les
modalités d'application des dispositions fiscales de la loi
n°2008/012 du 29 décembre 2008 portant loi de finances de la
République du Cameroun pour l'exercice 2009. Au terme de ce texte, la
première transformation renvoie aux activités
d'équarrissage, de débitage, de déroulage et de tranchage
du bois. La deuxième transformation consiste quant à elle en le
modelage et aboutit à des produits finis ou semi-finis, utilisables peu
ou prou en l'état. Enfin, la troisième transformation est
liée aux activités de menuiserie et d'ébénisterie
aboutissant à des produits finis tels les meubles, les panneaux de
particules.
1) La baisse de la fiscalité sur les produits de
première nécessité
Les mesures fiscales adoptées par les autorités
camerounaises pour tenter de limiter les effets de la hausse des prix des
denrées de première nécessité ont concerné
à la fois le Tarif Extérieur Commun (TEC)60 et la taxe
sur la valeur ajoutée. Ainsi, par ordonnance n°2006/001 du 28
septembre 2006 portant révision de la fiscalité applicable aux
produits de première nécessité, les poissons
congelés, riz, sel brut, farine et tourteaux de maïs, anciennement
considérés comme « biens de consommation courante »
pour l'application d'un TEC au taux de 30 %, ont été «
décatégorisés " en « biens de première
nécessité » pour l'application du TEC de 5
%61.
Dans la même perspective de réduction de
l'impact de la hausse des prix à l'importation, le principe de
l'exonération complète de la TVA sur les importations des
produits ainsi identifiés a été retenu62.
S'inscrivant dans la méme logique, une ordonnance du
12 juillet 200863 est venue réviser, pour une période
de six mois, le tarif extérieur commun applicable à l'importation
des ciments non pulvérisés dits « clinkers ". Comme pour les
denrées de grande consommation, le TEC de ces ciments a
été ramené de 30 à 5% pour la période
considérée.
L'objectif de ces mesures cumulées est donc de baisser
les prix des produits visés et, corrélativement, d'augmenter le
pouvoir d'achat des camerounais. C'est aussi le sens de la mise en place d'une
mission de régulation et d'approvisionnement.
2) La création d'une mission de régulation
et d'approvisionnement
L'inflation et les pénuries récurrentes qui
caractérisent les produits de grande consommation depuis 2006 ont
conduit les autorités camerounaises à prendre des mesures plus
pérennes, allant au-delà de considérations purement
fiscales. Un décret du 1er février 2011 crée et
ainsi une Mission de Régulation des Approvisionnements en Produits de
grande consommation64 (MIRAP).
60 En CEMAC (Communauté économique et
monétaire de l'Afrique centrale), le TEC comporte quatre taux pour
quatre catégories de marchandises : 5%, catégorie I (biens de
première nécessité) ; 10%, catégorie II
(matières premières et biens d'équipement) ; 20%,
catégorie III (biens intermédiaires) ; 30%, catégorie IV
(biens de consommation courante).
61 Article 1er de l'ordonnance.
62 Article 2 de l'ordonnance.
63 Ordonnance n°2008/003 du 12 juillet 2008
portant révision du tarif extérieur commun applicable à
l'importation des ciments non pulvérisés.
64 Décret N° 2011/019 du 01 février
2011 portant création, organisation et fonctionnement de la Mission de
Régulation des Approvisionnements des Produits de grande
consommation.
Etablissement public de type particulier, doté de la
personnalité juridique et jouissant de l'autonomie financière, la
Mission est placée sous la tutelle technique du ministère en
charge du commerce et sous la tutelle financière du ministère en
charge des finances. Selon la formule du décret, elle est une «
structure d'alerte, d'achat, d'importation et de stockage des produits de
grande consommation, en vue d'un approvisionnement du marché dans les
meilleures conditions »65.
De manière concrète, elle a vocation à
observer l'évolution des cours des produits de grande consommation sur
les marchés internationaux, à acheter lesdits produits au
meilleur prix afin de constituer des stocks de sécurité. Les
produits ainsi achetés sont mis en vente dans des magasins
témoins mis en place par la mission qui en assure l'approvisionnement
régulier et le fonctionnement.
Au total, le dispositif camerounais comporte de nombreuses
mesures fiscales dérogatoires. Certaines ambitionnent de soutenir de
grands projets d'investissement alors que d'autres se contentent de doter le
pays d'instruments de résistance aux chocs exogènes, notamment
les effets de la crise et les fluctuations de l'offre et de la demande
internationales de certains produits. Elles sont complétées par
des mesures récentes de droit commun, plus générales,
allant dans le sens d'une amélioration de la sécurité
juridique dans son volet fiscal.
Section 2 : L'émergence progressive d'une
fiscalité sécurisée
Il est bien connu que l'attractivité et la
compétitivité d'une économie ne se résument pas
à une fiscalité minimale66. Autrement dit, il ne
suffit pas d'avoir une fiscalité attrayante, voire inexistante pour
attirer les capitaux, les entreprises et les personnes physiques. A cette
fiscalité minimale, à la supposer bien pensée, il faut
adjoindre un niveau suffisant de sécurité juridique. En effet,
plus que la fiscalité minimale, la sécurité juridique est
aux entreprises ce qu'est le pollen aux abeilles : elle les attire, elle leur
donne, par sa solidité, la matière première
nécessaire à leur ouvrage ; elle leur fournit un socle, une
assise. En cela, elle doit nécessairement être prise en compte
dans une politique de développement de l'attractivité et de la
compétitivité. Au Cameroun, le souci de cette prise en compte
transparaît dans certaines mesures prises par le législateur
fiscal depuis quelques lois de finances. Certaines de ces mesures se situent en
amont, au moment de la création ou du développement de
l'entreprise (§ 1), alors que d'autres s'intéressent plus
singulièrement à la vie de l'entreprise (§ 2).
65 Article 3 décret n°2011/019 op. cit.
66 LOPEZ (C.), « La fiscalité comme
vecteur de l'attractivité du territoire », in LEROY (M.),
Mondialisation et fiscalité (sous la dir.), L'Harmattan,
collection finances publiques, 2006, pp. 245-262.
§ 1 - La sécurisation du processus de
création et de développement de l'entreprise : le rescrit
fiscal
Dans un contexte de mondialisation des économies, les
créateurs de richesses sont de plus en plus demandeurs de
sécurité juridique et de connaissance exacte du traitement fiscal
applicable aux affaires qu'ils projettent, l'objectif étant celui d'une
meilleure prévisibilité dans la conduite desdites affaires.
Conscientes de cette exigence, les autorités camerounaises ont
institué, dans le cadre de la loi de finances pour l'exercice 2008, la
procédure du rescrit fiscal. Le rescrit fiscal est un
procédé qui permet à tout investisseur de connaître
à l'avance, et de manière précise, le régime fiscal
applicable aux opérations qu'il envisage de réaliser. Pour la
compréhension de cette innovation dans la législation fiscale
camerounaise, il convient de s'arrêter sur sa signification et de
préciser l'encadrement dont elle fait l'objet.
A - La signification du rescrit fiscal
De manière générale, deux traits
fondamentaux permettent de restituer la signification véritable du
rescrit fiscal. Il s'agit, d'une part, de la possibilité qu'ont les
contribuables de consulter l'Administration fiscale préalablement
à la conclusion d'un acte juridique ou à la réalisation
d'une opération d'une part et, d'autre part, de la garantie qui
résulte pour eux du fait de la réponse donnée par
l'Administration.
1) La possibilité de consultation préalable
de l'Administration fiscale
La loi de finances pour l'exercice 2008 a institué pour
les contribuables, la possibilité de consultation préalable de
l'Administration, avec obligation de réponse pour cette
dernière.
a- Le principe de la consultation
préalable
Les investisseurs ont souvent eu pour principale
récrimination à l'encontre de l'Administration fiscale
l'incertitude du régime fiscal qui leur est applicable. De fait, en
dépit de l'existence du Code Général des Impôts et
du Livre des Procédures Fiscales, l'instabilité souvent
constatée des interprétations faites par l'Administration
fiscale, notamment à l'occasion des contrôles, n'était pas
de nature à rassurer.
En consacrant formellement la procédure du rescrit
fiscal dans la loi de finances pour l'exercice 200867, le
législateur a voulu renforcer la sécurité juridique au
profit des investisseurs et, partant, améliorer l'environnement
fiscal des affaires au Cameroun. Ainsi,
67 Article L 33 bis du CGI.
depuis 2008, les investisseurs qui souhaitent réaliser
un projet, conclure un contrat ou mener une opération au Cameroun
peuvent, préalablement à la réalisation de leurs
opérations, saisir l'Administration fiscale d'une demande sur le
régime fiscal applicable à leurs opérations.
b- L'obligation de réponse de
l'Administration
L'Administration a l'obligation de répondre aux
sollicitations des contribuables relatives au rescrit fiscal dans un
délai de un (01) mois à compter de la réception de leurs
demandes. Dans sa réponse, elle leur donne alors des précisions
sur le régime fiscal applicable à leurs projets,
opérations ou actes. Les précisions ainsi données par
l'Administration fiscale procèdent d'une interprétation faite par
elle des dispositions légales en vigueur, interprétation sur
laquelle le contribuable peut légitimement se fonder dans la conduite de
ses affaires.
Il convient à cet effet de préciser que lorsque
le contribuable introduit son dossier de rescrit, l'Administration lui
délivre un accusé de réception dont la date est le point
de départ de la computation du délai de un (01) mois imparti
à l'Administration pour le traitement des demandes de rescrit.
L'accusé de réception n'est cependant délivré que
lorsque le dossier est complet et donc recevable.
Lorsque l'Administration ne répond pas dans le
délai sus-indiqué, aucun redressement ne peut etre mis en oeuvre
à l'encontre du contribuable sur la base de l'interprétation
qu'il a faite des dispositions fiscales.
2) L'octroi de garanties conséquentes au
contribuable
Les garanties offertes au contribuable dans le cadre de la
procédure du rescrit fiscal concernent d'une part la protection contre
les redressements fondés sur une interprétation autre que celle
acceptée ou donnée par l'Administration et, d'autre part, la
stabilité et l'irrévocabilité de cette
interprétation pour l'opération ou l'acte en cause.
a- La protection contre les redressements
fondés sur d'autres interprétations
La procédure du rescrit constitue une protection
offerte au contribuable contre les changements de doctrine souvent
opérés par l'Administration. Ainsi, lorsque le contribuable se
conforme à une position édictée par l'Administration
préalablement à la réalisation de son affaire, il ne peut
se voir opposer une position contraire par cette même administration,
notamment à l'occasion des contrôles fiscaux. Il se trouve ainsi
protégé contre les abus, souvent décriés, de
certains agents en charge de la conduite des opérations de
contrôle.
Par cette protection, le rescrit fiscal permet aux entreprises
de réaliser des gains indirects de trésorerie. En effet, si le
contribuable qui a sollicité et obtenu un rescrit ne peut pas faire
l'objet de redressements sur la base d'une interprétation autre que
celle donnée par l'Administration elle-méme, cela signifie
également qu'il n'aura pas à effectuer des décaissements
pour ce type de redressements. Ce faisant, il réalise une
économie indirecte qu'il peut consacrer au développement de son
activité.
b- La stabilité et
l'irrévocabilité du régime applicable à
l'opération du contribuable en vertu du rescrit
La position donnée par l'Administration à la
suite de sa saisine préalable par le contribuable l'engage. Elle ne peut
la modifier à l'encontre du contribuable demandeur : c'est ici
l'idée de stabilité et d'irrévocabilité du
régime applicable à l'opération. Cela signifie que la
position donnée par l'Administration reste applicable à
l'opération ou à l'acte juridique décrit par le
contribuable dans sa demande de rescrit.
Compte tenu de l'importance des incidences de cette
procédure, sa mise en oeuvre a été encadrée par la
loi afin d'en faciliter l'usage et d'en assurer une application uniforme par
les différents services fiscaux et par les contribuables
intéressés.
B - L'encadrement du rescrit fiscal
La loi a encadré la procédure du rescrit fiscal en
définissant les conditions de sa mise en oeuvre (1) et en
précisant sa portée (2).
1) Des conditions précises de mise en
oeuvre
L'usage de la procédure du rescrit fiscal par un
contribuable est subordonné au respect de conditions dont certaines ont
trait à la forme et d'autres au fond.
a- Les conditions de forme
Dans le cadre de la procédure du rescrit fiscal, une
demande, précisant clairement son objet (c'est-à-dire le rescrit
fiscal), doit être adressée par le contribuable à
l'administration fiscale préalablement à la conclusion du
contrat, de l'acte ou du projet. Dans le cas contraire (c'est-àdire
lorsque la demande n'est pas introduite préalablement à la
conclusion des contrat, acte ou projets du contribuable), il s'agirait
plutôt d'une simple demande d'éclaircissements. Cette
dernière, à la différence de la demande de rescrit, peut
intervenir à tout moment et vise
simplement à s'assurer une bonne compréhension
d'une disposition fiscale donnée. La demande ainsi introduite doit
être adressée par écrit, signée, timbrée et
transmise au Ministre en charge des Finances ou au Directeur
Général des Impôts.
b- Les conditions de fond
Les conditions de fond portent sur le contenu de la demande
adressée à l'Administration fiscale. Celle-ci doit contenir tous
les éléments utiles pour apprécier la portée
véritable de l'opération envisagée.
La demande de rescrit fiscal doit nécessairement
comporter un exposé clair, complet et sincère de
l'opération envisagée ; la désignation exacte de toutes
les parties au contrat ou à la convention ; la description des liens
existant déjà entre les parties ; une copie de tous les documents
utiles pour apprécier la portée véritable de
l'opération.
De plus, le contribuable doit être de bonne foi et
produire à l'Administration des informations complètes et exactes
sur l'opération ou l'acte par lui projeté. Au demeurant, il ne
peut se prévaloir des garanties précitées s'il a fourni
des éléments incomplets ou inexacts. Dans cette hypothèse,
en effet, l'Administration lui retourne son dossier qu'il lui appartient alors
de compléter.
Enfin, toujours dans sa demande, le contribuable peut exposer
lui-méme le régime fiscal qu'il estime applicable à son
opération.
2) Une portée limitée aux parties et
à la vigueur des dispositions fondant la position de
l'administration
La première limitation des effets du rescrit fiscal
concerne les bénéficiaires. En application de la loi, seules les
personnes ayant consulté l'administration fiscale par la
procédure de rescrit, dans le cadre d'une opération à
laquelle ils sont parties, peuvent valablement invoquer la position prise par
celle-ci. Il en résulte que cette position ne peut être
valablement invoquée par les tiers, même lorsque ces derniers
seraient dans la même situation que le demandeur. La stabilité et
l'irrévocabilité de la position de l'administration ne sont donc
que subjectives ou personnelles en ce sens qu'elles ne s'appliquent qu'à
la personne du contribuable demandeur ou aux parties à
l'opération ou au projet.
Les contribuables qui s'estiment être dans la
méme situation que celle d'un demandeur de rescrit donné ont
néanmoins la faculté d'introduire, à leur tour, une
demande aux mêmes fins auprès de l'Administration fiscale.
La deuxième limitation a trait à la
validité dans le temps de la position ou de l'interprétation
donnée par l'administration. Ces position ou interprétation,
censées découler de la loi qui est leur fondement, n'ont de sens
que par rapport aux dispositions légales ou règlementaires en
vigueur au moment de la saisine de l'administration. En d'autres termes, si ces
dispositions venaient à être ultérieurement
modifiées dans un sens qui ne soit plus celui qu'en donnait
l'administration, l'interprétation ou la position prise par celle-ci
dans le cadre de la procédure du rescrit serait regardée comme
caduque et le contribuable demandeur ne pourrait plus utilement l'invoquer
à son profit.
Au total, le rescrit fiscal constitue une garantie nouvelle
que la loi fiscale offre au contribuable. Il matérialise le mouvement de
normalisation des rapports entre l'Administration fiscale et les contribuables
et donne aux opérateurs économiques un instrument
supplémentaire d'aide à la décision, notamment dans les
choix à opérer pour la conduite de leurs affaires. Ce mouvement
de normalisation a également progressivement investi les champs du
contrôle et du contentieux fiscal.
§ 2 - La rationalisation du contrôle et du
contentieux fiscaux
Au Cameroun, les principales récriminations faites
à l'administration par les opérateurs économiques ont
trait au contrôle et au contentieux fiscaux. En matière de
contrôle, les plaintes sont celles de contrôles intempestifs et
répétitifs, souvent à durée
indéterminée et laissant aux opérateurs une impression de
harcèlement68. En matière contentieuse, il a
été reproché au système de rendre difficile
l'accès au juge de l'impôt et d'accorder de faibles garanties au
contribuable. Aussi le souci des autorités a-t-il été,
depuis lors, celui d'un meilleur encadrement des activités de
contrôle (A) et d'un allègement progressif de la procédure
fiscale contentieuse (B).
A - Un contrôle fiscal mieux encadré
Pour répondre aux nombreuses récriminations des
contribuables relatives au contrôle fiscal, ce dernier a
été progressivement réformé, devenant plus
sélectif (1) dans son déploiement, mais aussi
allégé et clarifié dans sa procédure (2).
68 MVOGO MVOGO (A. T.), Fiscalité et
attractivité du territoire camerounais : Enjeux et perspectives,
Mémoire de Master en Administration publique, ENA, octobre 2010, p.
51.
1) D'un contrôle systématique à un
contrôle sélectif
Depuis 2008, de nombreuses mesures administratives ont
été prises pour tempérer le caractère intempestif
et vexatoire de l'activité de contrôle fiscal. Certaines sont
d'ordre purement administratif alors que d'autres sont législatives. Les
premières concernent, notamment, la limitation du nombre de
contrôles à effectuer par structure de contrôle fiscal et
par agents, la préconisation d'une analyse risque approfondie avant
toute programmation d'un dossier en vérification, l'objectif
étant d'orienter une grande partie de l'activité de
contrôle sur des contribuables à risque, l'interdiction de
vérifier le méme contribuable sur deux exercices successifs,
ainsi que la prohibition de programmer une vérification de
comptabilité chez un contribuable ayant reçu au cours de
l'exercice une notification de contrôle sur
pièces69.
A ces mesures administratives, il faut ajouter la suspension
en 2008 de la pratique des vérifications partielles qui servait de
prétexte à une présence quasi permanente de
l'administration dans certaines entreprises70.
2) D'une procédure rigide et « arbitraire
» à une procédure allégée et
clarifiée
Les mesures prises pour alléger et clarifier la
procédure de contrôle fiscal ont, pour l'essentiel,
été d'ordre législatif. Ainsi, la loi de finances pour
2008 a allégé les pénalités dites de bonne foi qui
sont passées de 50 à 30 %71. Cet allègement
aboutit à une diminution substantielle de la charge fiscale du
contribuable dans le cadre des redressements faisant suite au contrôle
fiscal.
Toujours sur le chapitre de l'allègement, la loi de
finances pour l'exercice 2009 a ouvert au contribuable la possibilité de
réparer lui-même, dans le délai du droit de reprise reconnu
à l'administration72, les erreurs commises de bonne foi dans
les déclarations souscrites73.
Ce droit ne peut cependant valablement s'exercer qu'à
la condition que la réparation soit effectuée par le contribuable
avant l'envoi de l'avis de vérification, pour les contrôles et
vérifications de comptabilité, ou avant l'envoi de la
notification de redressements, pour les contrôles sur pièces.
Effectuée dans ces conditions, la réparation spontanée des
erreurs et omissions par le contribuable, n'entraîne pas application de
pénalités.
69 Lettre N°5954/MINFI/DGI/LC/C du 16
décembre 2008.
70 MVOGO MVOGO (A. T.), op.cit, p. 51.
71 Article L 96 du Livre des procédures
fiscales.
72 Le délai de reprise s'entend du
délai dont dispose l'administration fiscale pour contrôler et, le
cas échéant, corriger en les sanctionnant les insuffisances,
omissions ou erreurs contenues dans la déclaration librement souscrite
par le contribuable. Au Cameroun, ce délai est de quatre ans à
compter de l'année de souscription de la déclaration.
73 Article L 34 du Livre des procédures
fiscales.
En ce qui concerne la clarification, alors que les
opérations de contrôle et de vérification débouchent
sur une notification de redressements ou un avis d'absence de redressements,
aucune disposition législative n'indiquait le délai imparti
à l'administration pour adresser la notification ou l'avis au
contribuable. La loi de finances pour l'exercice 2009 a comblé ce vide
juridique en fixant ce délai à un mois à compter de la fin
des opérations de contrôle. Elle a par ailleurs
précisé que la fin des opérations sur place est
matérialisée par un procès verbal de fin de
contrôle. Le non respect de ce délai par l'administration emporte
nullité74de la procédure de contrôle ayant
abouti aux redressements tardivement notifiés75.
Dans la même logique de clarification et de renforcement
des droits et garanties du contribuable, le délai de réponse de
l'administration aux observations formulées par le contribuable à
la suite de la notification de redressements a été fixé
à trente (30) jours par la loi de finances pour l'exercice
201076.
La volonté affichée est donc celle d'un
allègement et d'une clarification de la procédure de
contrôle, mais aussi de celle contentieuse.
B -- Une justice fiscale moins coûteuse et plus
accessible
Les mesures prises par le législateur camerounais en
matière contentieuse trahissent une double volonté, celle de
l'allègement du coût du contentieux fiscal (1) et celle,
corrélative, de la facilitation de l'accès au juge de
l'impôt (2).
1) La volonté d'alléger le coût du
contentieux fiscal
Le contentieux fiscal a un coüt. Ce dernier tient
essentiellement en l'obligation de paiement préalable qui incombe au
contribuable qui veut contester les impositions mises à sa charge,
notamment dans le cadre d'un redressement faisant suite à un
contrôle fiscal. Cette obligation de paiement est néanmoins
tempérée par le sursis de paiement qui peut lui être
accordé à sa demande. Un autre facteur de coût est
constitué par les différentes cautions que doit acquitter
74 Article L 38 du Livre des procédures
fiscales.
75 Dans son interprétation de cette
disposition (contenue dans la circulaire n°0001/MINFI/DGI/LC/L du 02
janvier 2009 précisant les modalités d'application des
dispositions fiscales de la loi n°2008/012 du 29 décembre 2008
portant loi de finances de la République du Cameroun pour l'exercice
2009), l'administration considère cependant qu'il s'agit d'une
nullité relative pouvant déboucher sur une nouvelle programmation
en contrôle de l'exercice concerné. En contrepartie, est offerte
au contribuable, en cas d'annulation de la procédure de contrôle
et avant une nouvelle programmation, la possibilité, en application de
l'article L 34, de réparer lui-même les erreurs, insuffisances ou
omissions qui seraient contenues dans sa déclaration.
76 Article L 26 du Livre des procédures
fiscales.
le contribuable qui conteste ses impositions, dans le cadre de la
saisine préalable et obligatoire des différentes autorités
fiscales77.
La volonté d'allègement de ce coüt s'est
traduite notamment par la suppression de l'obligation de versement d'une
caution avant toute saisine du Directeur général des
Impôts. Elle est également perceptible dans la réduction de
la caution à payer pour la saisine du Ministre des Finances qui est
passée de 20% à 10% du montant des impositions
contestées78. Enfin, un progrès fondamental a
consisté en l'instauration, en matière contentieuse, d'un
délai à l'expiration duquel le silence de l'administration
à la demande de sursis de paiement à elle adressée par le
contribuable vaut acceptation et le sursis est considéré comme
acquis à ce dernier79 qui se rapproche ainsi du juge de
l'impôt.
2) La volonté de faciliter l'accès au juge
de l'impôt
Dans le prolongement du raisonnement retenu pour le suris
à exécution, le législateur camerounais considère
que le contribuable peut librement saisir le juge administratif dès lors
qu'ayant préalablement saisi le ministre en charge des finances, ce
dernier n'a pas donné suite à sa réclamation au terme d'un
délai de trois (3) mois à compter de la saisine80.
Dans la même perspective de facilitation de
l'accès au juge, la loi de finances pour l'exercice 2008 a
supprimé l'exigence de caution dans le cadre des requêtes
contentieuses à objet fiscal introduites devant la Chambre
Administrative de la Cour Suprême81. Le versement d'une
caution n'est donc plus nécessaire pour bénéficier du
sursis de paiement déjà appliqué au stade de la
réclamation.
Depuis 2008, le requérant qui entend
bénéficier du sursis devant ladite Chambre doit simplement en
renouveler expressément la demande dans sa requête introductive
d'instance. L'accès au juge se trouve donc simplifié pour les
contribuables.
Au total, l'analyse des mesures prises par le
législateur camerounais depuis 2007 révèle
une volonté de mettre la fiscalité au service du
démarrage économique souhaité depuis la fin
des programmes contraints avec les institutions financières
internationales. Certaines de ces
77 Il s'agit du chef de centre régional des
impôts ou du directeur des grandes entreprises au premier niveau, du
Directeur général des impôts au deuxième niveau, et
du Ministre des finances au troisième niveau.
78 Article L119 du Livre des procédures
fiscales CGI.
79 L'article L121 du Livre des procédures
fiscales fixe ce délai à 15 jours.
80 Article L124 du LPF.
81 Article L129 du LPF.
mesures sont dérogatoires au droit commun de
l'imposition et s'analysent en incitations ciblées. D'autres, de
portée plus générale, vont dans le sens de
l'amélioration de la sécuritéjuridique fiscale.
Associées, ces séries de mesures constituent l'ossature de
l'ancrage du
Cameroun dans la mondialisation par la fiscalité. Elles se
distinguent de celles françaises prises dans la même
perspective.
CHAPITRE 2 : UNE POLITIQUE FISCALE EXPRESSION
D'UNE VOLONTÉ D'ANCRAGE DANS LA COMPÉTITION INTERNATIONALE EN
FRANCE
L'attractivité et la compétitivité ont
beau ne pas se réduire à une baisse des
prélèvements obligatoires82, le niveau et la structure
de ceux-ci n'en restent pas moins déterminants pour leur
développement83. Le niveau et la structure des
prélèvements obligatoires sont d'autant plus déterminants
pour l'attractivité et la compétitivité qu'en l'absence
d'harmonisation fiscale, les Etats se livrent une véritable concurrence
fiscale. En règle générale, la préférence
est marquée pour les mesures fiscales en vue d'attirer des entreprises
étrangères ou d'empêcher les délocalisations de
celles déjà installées sur leur territoire. Ces mesures
fiscales sont préférées aux subventions dont l'usage est
souvent strictement encadré, notamment par le droit de l'UE. Elles ont
pour dénominateur commun l'allègement de la pression fiscale.
Une des références majeures en matière de
compétitivité et d'attractivité est donc le niveau de
pression fiscale que les Etats s'ingénient à maintenir ou
à ramener au niveau le plus bas possible.
Selon le rapport publié en 2010 par l'OCDE sur les
« statistiques des recettes publiques »84 2008-2009 dans la trentaine
de pays membres, la pression fiscale est la plus élevée au
Danemark (48,3%), suivi par la Suède (47,1%). A l'inverse, le Mexique
(21,1%) et la Turquie (23,5%) prélèvent le moins d'impôts
rapportés à leur PIB. La Suisse figure, elle, en sixième
position des pays où la pression fiscale est la plus faible,
après la Corée du Sud, les Etats-Unis et le Japon. Avec ses 43,1
%, la France se maintient dans le peloton de tête (cinquième) des
pays où la pression fiscale est la plus forte, comparée à
l'Allemagne et au Royaume-Uni qui, avec 36,4 % de pression, se situent en
milieu de tableau. Cette situation n'est du reste pas nouvelle pour la France
dont de précédents rapports ont par le passé
souligné le niveau élevé de pression
fiscale85.
Ces constats empiriques sur l'environnement fiscal
international et le souci d'améliorer l'attractivité fiscale
de la France sont à la base de l'adoption par le législateur
français de la
82 LOPEZ (C.), « La fiscalité comme
vecteur de l'attractivité du territoire », op. cit.
83 Lire BAREL (E.), BEAUX (C.), KESLER (E.) et SICHEL
(O.), Economie politique contemporaine, 3ème édition,
Armand Colin, 2007, p. 189.
84
http://www.oecd.org/document/47/0,3343,en_2649_34533_44115887_1_1_1_37427,00.html.
85 Ces taux sont cependant à considérer
avec prudence dans la mesure où en France, ils intègrent les
prélèvements obligatoires au sens large qui inclut les
cotisations sociales.
loi TEPA du 21 août 200786. Cette
dernière marque une nette volonté de sacralisation fiscale du
patrimoine et de l'investissement (Section 1) pour une économie plus
compétitive et un territoire plus attractif. Une autre volonté
bien perceptible est celle de faire de la France un paradis fiscal en
matière de recherche développement, l'objectif étant de
garder ou d'attirer les cerveaux et les entreprises de pointe sur son
territoire. C'est tout le sens de la réforme du crédit
d'impôt recherche intervenue en 2008 et qui a abouti au renforcement du
caractère incitatif du dispositif. A ce deuxième objectif, il
faut ajouter celui, lui aussi contenu dans la loi TEPA, de sanctuariser le
travail et de favoriser la consommation (Section 2).
Section 1 : Les efforts de sacralisation du patrimoine
et de l'investissement
L'analyse des législations fiscales en UE
révèle la pratique de taux d'imposition souvent très
différents d'un pays à un autre et attestant de l'existence d'une
réelle concurrence fiscale entre Etats. Cette concurrence s'est
d'ailleurs renforcée depuis 2004, à la suite de
l'élargissement de l'Union à l'Europe de l'Est. Les taux de
l'impôt sur les sociétés des nouveaux membres ont en effet
depuis lors connu des baisses substantielles, passant de 27 à 19% pour
la Pologne, de 25 à 19% pour la Slovaquie, de 18 à 16% pour la
Hongrie, de 19 à 15% pour la Lettonie87. Ce taux est
respectivement de 4,5% et de 0% à Chypre88 et en
Estonie89.
En réaction à ce mouvement, l'Autriche a, en
2005, ramené son taux d'IS de 34 à 25% pour éviter la
délocalisation de ses entreprises en direction de l'Europe de
l'Est90. L'Allemagne a, quant à elle, fait passer son taux
d'IS de 36,1% en 2006 à 29,8% en 2008. Le méme taux est de 28,9%
au Royaume-Uni91.
Un autre constat est celui d'un mouvement de suppression de
l'imposition de la fortune observé notamment dans les pays comme
l'Irlande, l'Autriche, l'Allemagne, le Danemark et les
Pays-Bas92.
Avec la loi TEPA, la France semble vouloir s'inscrire dans ce
mouvement généralisé ou, à tout le moins,
s'évertuer à ne pas trop s'en éloigner. Les mesures
d'allègement de l'imposition des revenus des personnes physiques,
notamment ceux issus du patrimoine (§1), et de l'imposition des
entreprises (§2), confortent du reste cette idée.
86 Loi n°2007-1223 du 21 avril 2007 en faveur du
travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
87 HECKLY (C.), Fiscalité et
mondialisation, LGDJ, 2006, pp. 7-8.
88 VILLEMOT (D.), Quelle réforme fiscale
? op. cit. p. 137.
89 Ces taux faibles doivent cependant être
relativisés s'agissant de pays qui, situés à la
périphérie de l'Europe, ne sont pas en concurrence directe avec
la France.
90 HECKLY (C.), op. cit, p. 8. Cette baisse aurait
entraîné la création de plus de 6 000
sociétés avant son entrée en vigueur.
91 VILLEMOT (D.), op. cit. p. 137.
92 HECKLY (C.), op. cit, p. 139.
§ 1 - L'all~gement de l'imposition du
patrimoine
Prise dans la perspective de mieux résister à la
grande attractivité fiscale observée dans les autres pays de
l'OCDE, la loi TEPA vise, entre autres, l'allègement de la
fiscalité du patrimoine. Sont emblématiques de cette
volonté d'allègement l'aménagement de l'ISF et la baisse
du seuil du « bouclier fiscal » (A), d'une part, et la refonte des
droits de transmission du patrimoine (B), d'autre part.
A - L'aménagement de l'ISF et la baisse du seuil du
« bouclier fiscal »
Souvent contesté dans son principe par ses redevables,
l'ISF a été aménagé par la loi, directement,
à travers une redéfinition de sa base d'imposition (1), mais
aussi indirectement par la baisse du seuil du « bouclier fiscal »
(2).
1) L'aménagement de la base imposable à
l'ISF
Sont pris en compte pour le calcul de la base imposable de
l'ISF les biens meubles et immeubles non exonérés, y compris la
résidence principale. Toutefois, jusqu'en 2008, un abattement de 20%
pouvait être opéré sur la valeur de celle-ci, à
condition que le redevable y ait effectivement habité au cours de
l'année de référence de l'imposition. La loi TEPA a
porté ce taux d'abattement à 30% depuis 2009.
A également été votée dans le
cadre de la loi TEPA une réduction de 75 % d'ISF dans la limite de 50
000 euros pour les contribuables qui investissent dans des PME non
cotées, avantage fiscal ramené à 50% dans la limite de
45.000 euros pour l'ISF 2011.
Un troisième réduction, plus faible (dans la
limite de 20 000 euros, ramenés à 18 000 euros pour l'ISF 2011)
est instituée pour les redevables faisant des dons aux
établissements publics et privés de recherche, aux fondations
reconnues d'utilité publique et aux entreprises, associations, ateliers
et chantiers d'insertion.
2) L'abaissement du seuil du « bouclier fiscal
»
Le renforcement du « bouclier fiscal » faisait partie
des grandes réformes annoncées par la Droite durant la campagne
présidentielle.
« Quand on voit, le lundi matin à 6 heures 17
à la Gare du Nord, tous ces jeunes venus occasionnellement passer le
week-end en France et qui n'aspirent qu'à y vivre, prendre l'Eurostar
pour aller passer leur temps et effectuer l'ensemble de leurs dépenses
au profit de
l'économie britannique, on se dit qu'il serait bon
d'en faire revenir un certain nombre sur le sol national... ». Cette
formule de la ministre des finances, Christine LAGARDE, lors de son audition
sur le projet de loi TEPA à la Commission des finances de
l'Assemblée nationale le 4 juillet 2007, est illustrative de l'objectif
recherché dans le cadre du renforcement du bouclier fiscal93.
Il s'agit de cesser « de dissuader les gens qui gagnent de l'argent,
qui créent des richesses et qui les font circuler dans
l'économie, de le faire en France »94, de limiter
l'exode fiscal de personnalités françaises vers la Suisse, la
Belgique et le Rouyaume-Uni.
Dans cette perspective, l'article 5 de la loi TEPA a
ramené le seuil du « bouclier fiscal » de 60 à 50 % de
l'ensemble des impositions. Il est d'ailleurs allé plus loin en ajoutant
au calcul du nouveau seuil la CSG et la CRDS. De la sorte, un contribuable qui
a payé plus de 50 % d'impôt peut demander à
l'administration fiscale le remboursement du surcroît.
L'intégration des cotisations sociales, CSG, CRDS, a
considérablement renforcé le seuil effectif de protection fiscale
par rapport au bouclier fiscal 2006, une protection fiscale également
confortée par la refonte des droits de transmission du patrimoine.
B - La refonte des droits de transmission du patrimoine
Avant de recenser les mesures illustrant la refonte des droits de
transmission (2), il convient de s'interroger sur la justification d'une telle
démarche (2).
1) La justification de la refonte
Comme le renforcement du « bouclier fiscal », la
réduction des droits de succession (droits de mutation) était une
des grandes promesses de la Droite lors de la campagne présidentielle
2007. A la base de cette refonte des droits de mutations, il y a l'idée
que « bien souvent...on ne travaille pas pour soi mais surtout pour
son foyer et pour ses enfants »95 et qu'il convient en
conséquence de faciliter cette transmission en exonérant des
droits de mutation 95 % des successions, de sorte que seuls restent
imposés les héritages les plus élevés. D'où
le projet d'exonération des droits de transmission entre conjoints. La
mesure serait d'ailleurs plus profitable aux femmes qui vivent plus longtemps
que les hommes et qui se trouvent parfois dans une situation de
précarité après le décès de leur
conjoint.
93 Audition de Christine LAGARDE à la
Commission des finances de l'Assemblée nationale. Voir compte rendu
http://www.assemblee-nationale.fr/13/cr-cfiab/06-07/c0607002.asp
94 Idem.
95 Audition de Christine LAGARDE op. cit.
Mais il y a aussi, dans une certaine mesure, l'idée que
les droits de succession, impôt sur le patrimoine, feraient double emploi
avec l'ISF, la taxe foncière et la taxe d'habitation, de sorte que leur
allègement ne serait que justifié. Il serait d'autant plus
justifié que les biens objet de transmission ont été
acquis par un revenu imposé au titre de l'impôt sur le revenu.
2) La consistance de la refonte
La promesse de réduction des droits de succession a
été concrétisée dans le cadre de la loi TEPA
à travers quatre mesures principales :
- la suppression des droits de succession pour le conjoint
survivant, que le couple soit marié ou pacsé ;
- l'institution d'un abattement par enfant ;
- l'institution d'un abattement pour les personnes
handicapées quel que soit leur lien de parenté ;
- l'institution d'un abattement pour les frères et
soeurs, étant entendu que certaines successions entre frères et
soeurs peuvent être exonérées de taxation à trois
conditions : le bénéficiaire de la succession doit être, au
moment de la transmission, célibataire, veuf, divorcé ou
séparé de corps ; il doit être, toujours au moment de
l'ouverture de la succession, âgé de 50 ans ou atteint d'une
infirmité le mettant dans l'impossibilité de subvenir par son
travail aux nécessités de l'existence ; il doit enfin avoir
été constamment domicilié avec le défunt pendant
les cinq années ayant précédé le
décès.
L'idée est donc d'ouvrir au défunt la
possibilité de pouvoir transmettre librement à son conjoint ou
proche parent, le fruit de son travail, un travail par ailleurs
sacralisé en amont par la défiscalisation des heures
supplémentaires ou complémentaires.
§ 2 - L'all~gement de l'imposition des
entreprises
En France, deux principaux prélèvements,
à destinations distinctes, caractérisent l'imposition des
entreprises. Il s'agit de l'impôt sur les sociétés et de la
taxe professionnelle. Le premier, impôt d'Etat, finance le budget de
l'Etat tandis que la deuxième, impôt local par excellence,
finançait le budget des collectivités locales dont elle
était, jusqu'en 2009, la principale ressource. Jugée
pénalisante pour les entreprises, la taxe professionnelle a cependant
été supprimée (A) par la loi de finance initiale pour
l'exercice 201096 et remplacée par une Contribution
économique territoriale (B).
96 Loi n°2009-1673 du 30 novembre 2009.
A - Le principe de l'allègement : la suppression de
la taxe professionnelle
Deux inconvénients majeurs de la taxe professionnelle
ont été à la base de sa suppression par la loi de finances
initiale pour l'exercice 2010. Le premier inconvénient de la taxe
réside dans son caractère antiéconomique (1) tandis que le
second tient à son impact sur le budget de l'Etat (2).
1) Une taxe antiéconomique
Jusqu'en 2009, la taxe professionnelle frappe trois assiettes
différentes : pour toutes les entreprises, une assiette « foncier
» correspondant aux immeubles utilisés pour l'activité (17 %
du produit) ; pour les titulaires de bénéfices non commerciaux,
par exemple les professions libérales, les recettes tirées de
l'activité (3 % du produit) ; pour les autres entreprises, les
équipements et biens mobiliers (EBM), c'est-à-dire les outils de
production au sens large qui comprend le matériel et l'outillage
industriel, le matériel de transport, le matériel de bureau et le
mobilier. 80 % du produit de la taxe provient de cette dernière
assiette97.
La particularité de la taxe était donc de
reposer essentiellement sur des investissements productifs. De la sorte, plus
une entreprise investissait en France, plus elle avait d'impôts à
payer au titre de la taxe professionnelle, et ce, méme si ses
investissements n'étaient pas rentables. En ayant ainsi pour assiette
les immobilisations, la taxe constituait nécessairement un frein
à l'investissement98, pesant davantage sur l'industrie que
sur les services. Spécificité française, elle impactait
négativement la compétitivité des entreprises
françaises et en particulier celles qui, en difficulté,
continuaient néanmoins d'investir.
Elle a d'ailleurs auparavant constitué
également un frein à l'emploi dans la mesure où sa base
d'imposition intégrait les salaires versés par l'entreprise,
jusqu'à la suppression de cette part salariale par la loi de finances
initiale pour 1999.
2) Une taxe progressivement prise en charge par
l'Etat
Le deuxième inconvénient de la taxe
professionnelle tient à ce que l'Etat en était devenu
le principal contribuable, en lieu et place des entreprises pour lesquelles
elle avait pourtant été
97 Rapport n°1967 de la Commission des finances
de l'Assemblée nationale fait sur le projet de loi de finances initiale
pour 2010 (n°1946).
98 BOUVIER (M.), Les finances locales,
13ème édition, LGDJ, 2010, p. 64.
instituée. La raison en est que de nombreuses
réductions de base, ainsi que des exonérations99 pures
et simples, avaient été instituées pour soutenir certaines
catégories d'entreprises. Ces nombreux allègements, qui
obéraient considérablement le produit attendu de la taxe,
obligeaient l'Etat à prendre en charge, sous la forme de compensations,
et pour près de 50 %100, le manque à gagner qui en
résultait pour les collectivités bénéficiaires.
Pour ces deux motifs, une réforme était donc
indispensable. Elle a consisté en la suppression de la taxe
professionnelle et en son remplacement par un nouveau dispositif appelé
à s'intéresser plus à l'activité économique
des entreprises qu'à la valeur de leurs immobilisations.
B - L'accompagnement de la suppression : l'institution de
la contribution économique territoriale
La contribution économique territoriale
instituée par la loi de finances initiale pour 2010 est une contribution
constituée de cotisations (1) dont la vocation est de corriger les
inconvénients de la taxe professionnelle (2).
1) Une contribution constituée de deux
cotisations
La contribution économique territoriale est
constituée de la cotisation foncière des entreprises
(CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des
entreprises (CVAE). La cotisation foncière des entreprises est
entièrement destinée aux communes et aux groupements à
fiscalité propre. Elle est assise sur la valeur locative des
propriétés bâties et non bâties, comme l'était
en son temps la taxe professionnelle, notamment pour les immobilisations telles
que le matériel et l'outillage. En revanche, à la
différence de la défunte taxe, elle ne s'applique plus à
la valeur vénale des immobilisations telles que les immeubles et
terrains passibles des taxes foncières. Le montant dü de la CFE est
obtenu par application à la base imposable d'un taux voté par le
conseil de la collectivité.
La CVAE remplace quant à elle la part de la taxe
professionnelle qui était assise sur la valeur ajoutée des
grandes entreprises. Y sont assujettis les contribuables imposables à la
contribution foncière des entreprises dont le chiffre d'affaires est
supérieur à 152 500 euros. Son taux est de 1,5%. Ici, la valeur
ajoutée taxable est plafonnée à 80 % du chiffre
d'affaires
99 Les exonérations revêtaient un
caractère tantôt permanent, tantôt temporaire. Les
premières concernaient notamment les sociétés mutualistes,
les exploitants agricoles, les artisans exerçant seuls, les
établissements d'enseignement privé sous contrat, les
avocats-stagiaires, les artistes. Les deuxièmes pouvaient, sur
délibération du conseil de la collectivité locale,
s'appliquer à des entreprises situées dans certaines zones dites
prioritaires, les jeunes entreprises innovantes, les médecins et
auxiliaires médicaux exerçant à titre libéral pour
la première fois et s'installant pour la première fois dans une
commune de moins de 2 000 habitants.
100 BOUVIER (M.), Les finances locales, op.cit. p.
66.
pour les entreprises de moins de 7,6 millions d'euros de chiffre
d'affaires et à 85 % pour celles dont le chiffre d'affaires est
supérieur à ce seuil.
A la différence de la CFE, la CVAE est un impôt
partagé entre les communes et leurs groupements qui perçoivent
26,5 % de son produit, les départements qui en reçoivent 48,5% et
les régions, 25 %101.
2) Une vocation corrective des insuffisances de la taxe
professionnelle
A la base de l'institution de la CET, il y a la volonté
d'alléger la pression fiscale sur les entreprises (a), mais aussi de
rééquilibrer la fiscalité des entreprises en faveur de
l'industrie (b).
a- Une moindre pression fiscale sur les
entreprises
L'objectif de la réforme de la taxe professionnelle
était avant tout économique. Alors que le taux moyen de la taxe
était passé de 24,1 % à 27,2 % entre 2002 et 2008,
engendrant une pression fiscale à la hausse de plus de 13 %, la
réforme diminue sensiblement la fiscalité des entreprises. En
valeur absolue, cet allègement était estimé à 12,3
milliards d'euros en 2010 pour les entreprises et de 6,3 milliards d'euros par
an à compter de 2011102.
Selon le rapport de la Commission des finances de
l'Assemblée nationale103, la quasi-totalité des
entreprises devrait profiter de la suppression de l'assiette EBM dans la mesure
où celle-ci est répartie de manière relativement
homogène entre l'ensemble des secteurs d'activité. Cette base
représenterait en effet entre 70 % et 80 % du produit de la taxe, quel
que soit le secteur d'activité. L'allègement
bénéficie donc à une grande majorité d'entreprises,
sans favoriser davantage un secteur ou un autre.
b- Un rééquilibrage de la
fiscalité des entreprises en faveur de l'industrie
L'instauration d'une contribution assise sur la valeur
ajoutée permet de rééquilibrer la charge fiscale au profit
de l'industrie et au détriment des services et des activités
à forte valeur ajoutée. L'effort de chaque secteur est en effet
proportionné à sa valeur ajoutée, qui est plus
représentative de sa capacité contributive que les EBM.
101 BOUVIER (M.), Les finances locales, op.cit. p.
68.
102 Idem, p.66.
103 Rapport n°1967 op. cit.
Selon le rapport précité de la Commission des
finances de l'Assemblée nationale, l'industrie serait gagnante dans la
mesure où son taux d'effort sur la taxe professionnelle, qui rapporte sa
contribution à sa valeur ajoutée, est aujourd'hui
supérieur au taux moyen de 2,34 %. Ainsi, en 2007, l'industrie des biens
intermédiaires aurait acquitté 11,1 % du produit de la taxe
professionnelle alors qu'elle ne représentait que 7,5 % de la valeur
ajoutée.
Le constat est donc celui d'une volonté de sacraliser
le patrimoine et l'investissement. Une volonté de sacralisation que
matérialisent l'aménagement de l'ISF, la baisse du seuil du
« bouclier fiscal » et la refonte des droits de transmission du
patrimoine, d'une part et, d'autre part, la suppression-réforme de la
taxe professionnelle. Mais il y a aussi le souci de soutenir la recherche, le
travail et la consommation.
Section 2 : Le soutien à la recherche, au
travail et à la consommation
Lors du Conseil européen de Lisbonne de mars 2000, les
chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne ont initié
un programme destiné á répondre aux évolutions
économiques induites par la mondialisation. Ils se sont notamment
engagés á mettre en oeuvre des politiques et réformes en
vue de faire de l'Europe en 2010, l'économie de connaissance et
d'innovation la plus compétitive et la plus dynamique au monde. Deux ans
plus tard, au sommet de Barcelone des 15 et 16 mars 2002, les dirigeants des
pays de l'Union européenne ont considéré que «
l'ensemble des dépenses en matière de R&D et d'innovation
dans l'Union [devait] augmenter, pour approcher 3 % du PIB d'ici 2010 »,
les deux tiers de ce nouvel investissement devant provenir du secteur
privé qu'il convenait alors d'encourager dans ce sens. La réforme
du crédit d'impôt recherche, intervenue en France en 2008,
procède de cette logique (§ 1). Une autre logique, plus interne,
annoncée par le candidat de l'UMP lors de la campagne
présidentielle 2007, était celle liée á la
valorisation du travail et au soutien de l'emploi et de la consommation. Comme
les mesures liées au patrimoine et à l'investissement,
déjá évoquées, elle a été
concrétisée dans la loi TEPA de 2007 (§ 2).
§ 1 - Un soutien réaffirmé
à la recherche et à l'innovation
Le renouvellement du soutien à la recherche et à
l'innovation a surtout consisté en le renforcement du crédit
d'impôt recherche en 2008 (B). A la base de ce renforcement, il y a
l'idée que, dans son principe, la recherche a un impact positif de long
terme sur l'économie nationale et rend en conséquence
nécessaires et légitimes des efforts budgétaires
supplémentaires en ce domaine (A).
A - Le principe et la justification du crédit
d'impôt recherche
Dans son principe, le crédit d'impôt recherche
permet une réduction de l'impôt sur les bénéfices
des entreprises (1) qui engagent d'importantes dépenses en recherche
développement. Cette réduction d'impôt a une justification
essentiellement économique (2) qu'il convient d'examiner.
1) Le crédit d'impôt recherche permet une
réduction de l'impôt sur les bénéfices par
imputation d'une quote-part des dépenses engagées
Le crédit d'impôt en faveur de la recherche
consiste en l'imputation sur l'impôt sur les bénéfices de
l'entreprise, impôt sur les sociétés ou impôt sur le
revenu, d'une quote-part des dépenses de recherche développement
engagées au titre de l'année. L'excédent de crédit
d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat
d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le
paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois
années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée.
Puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée
à l'expiration de cette période. Cette restitution est cependant
immédiate pour les entreprises nouvelles et les jeunes entreprises
innovantes104.
Les entreprises qui ne peuvent ni imputer le CIR, ni se le
voir rembourser ont la possibilité de mobiliser leur créance
auprès d'un établissement financier105 (BNP Paribas,
Oséo, Société Générale).
Sont éligibles à la réduction
d'impôt, les dotations aux amortissements des immobilisations,
créées ou acquises à l'état neuf et
affectées directement à la réalisation d'opérations
de recherche scientifique et technique. Sont également prises en compte
les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et
techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à
ces opérations. Il est à préciser que lorsque cette
deuxième catégorie de dépenses se rapporte à des
personnes titulaires d'un doctorat ou d'un diplôme équivalent,
elles sont prises en compte pour le double de leur montant pendant les
vingt-quatre premiers mois suivant le premier recrutement des
intéressées, à condition que le contrat de travail de ces
personnes soit à durée indéterminée et que
l'effectif salarié de l'entreprise ne soit pas inférieur à
celui de l'année précédente 106.
104 Article 199 ter B du CGI.
105 Il peut s'agir de BNP Paribas, d'Oséo ou de la
Société Générale.
106 Article 244 quater B du CGI.
A ces dépenses, s'ajoutent les frais de prise et de
maintenance de brevets et de certificats, ainsi que les dépenses de
veille technologique effectuées lors de la réalisation
d'opérations de recherche107.
2) Le crédit d'impôt recherche a une
justification essentiellement économique
Selon le rapport 2010 de la mission d'évaluation du
crédit d'impôt recherche108 réalisée par
l'Inspection générale des finances (IGF), la dépense de
recherche développement agit très positivement sur la performance
des entreprises, qu'il s'agisse de leur productivité, de leur
présence à l'exportation ou de leurs résultats
commerciaux. Bien plus, au plan macroéconomique, une hausse de un (1)
euro de la dépense privée de recherche développement
entraînerait un accroissement de plus de deux (2) euros du PIB
après 15 ans.
Or, l'activité de recherche développement
engendre des « externalités positives », c'est-à-dire
qu'elle ne profite pas seulement à ceux qui la mènent et la
financent, mais également à d'autres entreprises et à
l'ensemble de la société du fait de la diffusion technologique.
Ainsi, les rendements privés de la R&D sont plus faibles que les
rendements sociaux en raison de transferts de connaissances entre les
différents acteurs. L'innovation produit des effets dans l'entreprise
mais sa diffusion par différents canaux (brevets, littérature
scientifique, échanges de savoir faire, échanges de personnels,
échanges de biens entre firmes ou nations) va produire des effets
complémentaires très importants109.
Ne pouvant capter tous les bénéfices de leur
activité de R&D, les entreprises tendraient à sous-investir
par rapport à ce qui serait souhaitable du point de vue de la
société. Dès lors, un soutien public à cette
activité, tendant à abaisser son coût pour les entreprises,
apparaît à la fois légitime et potentiellement efficace
d'un point de vue économique.
Une autre justification de l'intervention publique tient au
risque inhérent à la recherche. En effet, si la R&D suppose
des coûts fixes difficilement récupérables, ses
résultats sont en revanche aléatoires et ne s'obtiennent souvent
qu'à long terme. Financer la recherche comporte donc une part de risque
qui peut dissuader certaines entreprises de l'assumer seules. L'aide publique
vise alors à faire prendre en charge par la puissance publique une part
du
107 Idem.
108 Rapport n°2010-M-035-02 de septembre 2010.
109 Rapport d'information du Sénat n°493 du 25 mai
2010.
risque110. Parce qu'il répond à ces
défaillances de marché, le crédit d'impôt recherche
a été renforcé en 2008.
B - Le renforcement du crédit d'impôt
recherche en 2008
Le renforcement du dispositif du CIR opéré par
l'article 69 de la loi de finances pour l'exercice 2008111 (2) est
la résultante d'un constat : celui suivant lequel une incitation
fondée sur le critère de l'accroissement de la dépense de
R&D peut être pénalisant pour certaines entreprises et avoir
pour elles des effets inverses à ceux recherchés (1).
1) Le diagnostic : un dispositif pénalisant pour
certaines entreprises
Entre 1983 et 2003, le CIR était exclusivement assis
sur la croissance de la R&D des entreprises. A partir de 2004 et jusqu'en
2007, il ne l'était plus que partiellement. Depuis lors en effet, le CIR
était égal à la somme d'une « part en volume »,
égale à 10 % des dépenses de recherche exposées au
cours de l'année, et d'une « part en accroissement »,
égale à 40 % de la différence entre les dépenses
exposées au cours de l'année et la moyenne des dépenses
exposées au cours des deux années précédentes. Il
était plafonné à 16 millions d'euros par an et par
entreprise112.
Ce choix initial en faveur d'une assiette « en
accroissement » reposait sans doute sur la volonté de limiter les
effets d'aubaine, l'idée étant que l'aide fiscale doit servir
à financer un effort de recherche qui, sans elle, n'aurait pas
été engagé par l'entreprise. Or, comme il est impossible
de savoir ce qu'aurait dépensé l'entreprise sans le CIR, la
solution alternative a consisté à aider les seules entreprises
qui accroissent leur R&D.
Le dispositif en accroissement soulevait néanmoins
plusieurs difficultés. D'une part, il excluait les entreprises matures
dont la dépense de R&D était élevée mais stable
dans le temps. Ces dernières ne pouvaient en effet
bénéficier de la part en accroissement. D'autre part, il pouvait
conduire les entreprises à développer une stratégie
opportuniste de « stop and go » en matière de R&D
pour bénéficier à plein du crédit d'impôt
dans les phases de « go ». Enfin, ce mode de calcul
s'avérait complexe, en particulier pour les petites et moyennes
entreprises.
110 Rapport IGF n°2010-M-035-02.
111 Loi de finances pour 2008 n° 2007-1822 du 24
décembre 2007.
112 Rapport n°276 du 11 octobre 2007 de la Commission des
finances de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour
2008, tome 1, p. 39.
2) La thérapie : une amélioration de
l'incitation fiscale de la recherche
Au regard des difficultés posées par le CIR, la
réforme proposée dans le cadre de l'article 69 de la loi de
finances 2008 avait un objectif clair : rendre le dispositif plus simple et
plus efficace. Elle a alors consisté en la suppression de la part en
accroissement, en l'augmentation du taux du crédit d'impôt et en
la suppression du plafonnement de 16 millions d'euros.
Aux termes du nouvel article 244 quater B, issu de la loi de
finances pour 2008, le taux du crédit d'impôt est porté,
depuis le 1er janvier 2008, à 30 % pour les dépenses
de recherche n'excédant pas 100 millions d'euros et à 5 %
au-delà de ce seuil.
Toutefois, le taux de 30% est porté à 50% et 40%
au titre respectivement de la première et de la deuxième
année qui suivent l'expiration d'une période de cinq
années consécutives, au titre desquelles l'entreprise n'a pas
bénéficié du crédit d'impôt. Pour le
bénéfice de ce taux majoré, aucun lien de
dépendance ne doit exister entre cette entreprise et une autre
entreprise ayant bénéficié du crédit d'impôt
au cours de la même période de cinq années.
Le soutien à la recherche s'est ainsi trouvé plus
affirmé, comme, avant lui, le soutien au travail, à l'emploi et
à la consommation dans le cadre de la loi TEPA.
§ 2 - Un soutien affirmé au travail,
à l'emploi et à la consommation
Deux mesures principales ont été prises depuis
2007 en vue du soutien au travail, à l'emploi et à la
consommation. Il s'agit de la défiscalisation des heures
supplémentaires (A) et de la baisse du taux de la TVA dans certains
secteurs d'activités (B).
A - Le soutien au travail par la défiscalisation des
heures supplémentaires
La défiscalisation des heures supplémentaires
consiste en une exonération de l'impôt sur le revenu et des
cotisations sociales (1). Elle est justifiée économiquement par
le lien supposé entre travail et croissance (2).
1) La consistance de la défiscalisation :
l'exonération de l'impôt sur le revenu et des cotisations
sociales
En application de l'article 81 quater du CGI issu de
l'article 1er de la loi TEPA, l'exonération d'impôt sur
le revenu s'applique à la rémunération des heures
supplémentaires, effectuées audelà de la durée
légale du travail fixée à trente-cinq heures, et des
heures considérées comme telles dans le cadre des
différents dispositifs d'aménagement du temps de travail dans
l'entreprise (accords collectifs d'organisation du temps de travail par cycles
de travail, de modulation/annualisation du temps de travail...). Les heures
complémentaires, qui correspondent aux heures effectuées par les
salariés à temps partiel au-delà de la durée
contractuelle de travail, bénéficient également de la
mesure.
Pour les salariés, la loi exonère d'impôt
sur le revenu et allège de cotisations sociales les salaires
versés à compter du 1er octobre 2007 pour les heures
supplémentaires ou complémentaires. L'ensemble des
salariés du privé comme du public, à temps complet ou
partiel, peut en bénéficier.
Pour les employeurs, les heures supplémentaires
bénéficient d'une réduction forfaitaire de cotisations
sociales.
2) La motivation de la défiscalisation : la
relation travail-croissance
Comme le soutien public à la recherche, le soutien
public au travail voulu par la Droite dans le cadre de la loi TEPA a une
motivation économique. L'idée est que le travail produit des
« externalités positives », c'est-à-dire qu'il a un
impact sur la société dans son ensemble. En cela, il ne peut
être qu'utile de l'augmenter en volume.
Il y a d'abord, évidemment, l'intérêt
immédiat du travailleur qui, augmentant son volume de travail, augmente
parallèlement son revenu et, donc, son pouvoir d'achat. C'est ici
l'idée du « travailler plus pour gagner plus ». Mais il y a
aussi l'intérêt plus global de l'économie nationale dans la
mesure où plus de travail signifie plus de productivité et plus
de croissance.
B - Le soutien à la consommation et à
l'emploi par la baisse de la TVA dans la restauration
Lors du Conseil des ministres de l'Union européenne du
10 mars 2009, la France a obtenu de ses partenaires européens la
possibilité d'appliquer un taux réduit de TVA dans certains
secteurs dont la restauration113. Cet accord a
été entériné, à la suite du Conseil Ecofin
du 5 mai de la même année114, par l'adoption d'une
nouvelle directive115 modifiant la directive n°2006/112/CE du
28 novembre 2006 relative au système commun de TVA. La baisse de la TVA
a ainsi été intégrée en France dans la loi de
développement et de modernisation des services
touristiques116. Cette dernière fixe respectivement à
5,5 % et à 2,1 %, le taux de la TVA applicable à la restauration
en métropole et dans les départements d'Outre-mer. Conçue
comme outil de relance économique sectorielle (1), cette réforme
a eu pour contrepartie des engagements concrets de la part des restaurateurs
(2).
1) Une baisse conçue comme outil de relance
économique sectorielle
Les motifs économiques de la baisse de la TVA dans la
restauration sont contenus dans le rapport présenté par la
Commission de l'économie, du développement durable et de
l'aménagement du territoire du Sénat sur le projet de loi de
développement et de modernisation des services
touristiques117. Ils sont de trois ordres.
Selon le rapport du Sénat, une telle baisse serait
d'abord susceptible d'être en partie répercutée sur les
prix. Elle aurait en conséquence un impact positif sur le pouvoir
d'achat des ménages et inciterait les clients à davantage
fréquenter les restaurants. Cette hausse de la consommation dans le
domaine de la restauration pourrait elle-même avoir des effets
bénéfiques sur l'emploi et le rendement fiscal.
Ensuite, la part non utilisée pour réduire les
prix de l'effet de la baisse de la TVA permettrait de rétablir
l'équilibre économique d'un secteur dont la profitabilité
était en diminution constante depuis plus de dix ans, avec de
très grandes difficultés pour les grandes tables
françaises à équilibrer leurs comptes.
Concrètement, la part de la baisse non répercutée sur
les
113 La directive du Conseil n°2006/112/CE du 28 novembre
2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée
offrait aux Etats membres la possibilité d'avoir un ou deux taux
réduits de TVA fixés au minimum à 5 %. La liste des
catégories de biens et services susceptibles de se voir appliquer ce
taux réduit était cependant définie de manière
limitative par le droit communautaire et n'incluait pas la restauration.
114 Il est à noter que ce taux réduit
était demandé par la France depuis 2002. Cette dernière se
heurtait cependant au refus de pays comme le Danemark et l'Allemagne qui,
appliquant eux-mêmes des taux normaux sur la restauration, s'opposaient
à une mesure qui, bien que facultative, aurait pu les contraindre
à suivre la même voie du fait de la pression de leurs opinions
publiques. L'accord ainsi obtenu vient au demeurant réparer une
injustice. En effet, le droit communautaire autorisait les Etats qui
connaissaient des taux réduits de TVA avant 1991 à les conserver,
ce qui constituait en soi une inégalité de traitement.
115 Directive 2009/47/CE du Conseil du 5 mai 2009 modifiant la
directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux réduits de taxe sur la
valeur ajoutée.
116 Loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de
développement et de modernisation des services touristiques
publiée au Journal Officiel du 24 juillet 2009.
117 Rapport n°507 du 1er juillet 2009.
prix serait utilisée pour améliorer l'emploi et les
conditions de rémunération et de travail dans ce secteur.
Enfin, cette baisse serait la correction d'une injustice
économique, les restaurateurs traditionnels ayant toujours mal
vécu de se voir appliquer un taux normal de TVA là où la
restauration rapide à emporter voyait ses ventes taxées à
taux réduit.
2) Une baisse assortie d'engagements concrets des
restaurateurs
Comme contrepartie à la baisse de la TVA, les
restaurateurs se sont imposés, dans le cadre du « Contrat d'avenir
» conclu avec le gouvernement le 28 avril 2009 à l'occasion des
états généraux de la restauration, quatre engagements
majeurs.
Tout d'abord, les restaurateurs traditionnels se sont
engagé à baisser leurs prix d'au moins 11,8 %, correspondant
à une répercussion intégrale de la baisse de TVA sur au
moins 7 des 10 produits pouvant constituer la base d'un repas complet. Ces
produits iraient de l'entrée, au plat, aux diverses formules ou menus et
jusqu'au café.
Ensuite, les intéressés créeraient 40 000
emplois supplémentaires sur deux ans (2010 et 2011), dont 20 000
contrats en alternance, contrats d'apprentissage et contrats de
professionnalisation.
Troisièmement, une négociation sociale serait
immédiatement ouverte par les restaurateurs en vue de
l'amélioration de la situation des salariés dans les domaines des
salaires, de la protection sociale et de la formation. Ces négociations
seraient conclues avant la fin de l'année 2009.
Enfin, les restaurateurs s'engageaient à
réaliser un surcroit d'investissement à l'effet de mettre aux
normes leurs établissements, d'en améliorer l'accueil et le
confort et d'acquérir de nouveaux équipements118 et de
moderniser les restaurants119.
En France, l'objectif est donc celui d'un ancrage dans la
compétition mondiale. Un ancrage qui passe d'abord par le soutien au
patrimoine et à l'investissement et ensuite par celui à la
recherche, au travail et à la consommation.
118 Dans le contrat d'avenir, les restaurateurs s'engagent
d'ailleurs à porter le nombre de chefs d'établissements disposant
du titre de « maître restaurateur » à 3 000 dans les
trois ans. Ce titre distingue les professionnels s'engageant sur des
critères de qualité de service et de fabrication et permet de
bénéficier d'un crédit d'impôt pour les
dépenses de modernisation.
119 Pour accompagner les restaurateurs dans cette
démarche de modernisation, un fonds de modernisation avait
été créé. Il visait à apporter, sur trois
ans, via des cofinancements bancaires associés, 1 milliards d'euros de
prêts à l'investissement.
Au total, l'analyse des mesures fiscales prises depuis 2007
par les autorités camerounaises et françaises
révèle une volonté commune, celle de l'ancrage dans la
mondialisation par la fiscalité. Les mesures prises de part et d'autre,
notamment en matière de promotion de l'investissement, confirment cette
préoccupation commune. Il en est ainsi, au Cameroun, de la restauration
et/ou de la création de nouveaux régimes fiscaux
dérogatoires. Il en est de même, en France, de l'allègement
de l'imposition du patrimoine et du revenu.
Dans cette démarche commune, il faut cependant noter
une différence de degré. Au Cameroun, l'objectif est surtout,
dans un contexte post point d'achèvement de l'initiative PPTE, de
susciter par la fiscalité un démarrage économique que les
programmes successifs, conduits avec les institutions financières
internationales, n'ont pas favorisé. En France, l'ambition
affichée est celle d'un ancrage dans la compétition mondiale. En
témoigne, notamment, la défiscalisation des heures
supplémentaires, le renforcement de la fiscalité
dérogatoire applicable à la recherche et à l'innovation et
la suppression de la taxe professionnelle.
Au demeurant, au-delà des différences
d'approche, les mesures adoptées dans l'un et l'autre pays doivent
être analysées, appréciées dans leur pertinence et
dans leur efficacité. Elles présentent alors un caractère
mitigé.
DEUXIEME PARTIE :
UN PARTAGE ATTESTÉ DE LA PERTINENCE ET
DE L'EFFICACITÉ MITIGÉES DES SOLUTIONS FISCALES
RETENUES
Le système fiscal idéal est sans doute celui qui
est le moins interventionniste possible et, donc, le plus économiquement
neutre. La raison en est que l'interventionnisme fiscal crée des
distorsions dans le choix de l'allocation des ressources par les contribuables
et fausse ainsi la décision économique. Les capitaux sont
orientés vers les secteurs privilégiés par l'intervention
publique, au détriment d'autres secteurs de l'économie nationale.
Bien plus, les entreprises relevant d'un méme secteur d'activités
n'étant pas toutes éligibles aux mesures fiscales
préférentielles instituées, il s'en suit
nécessairement une distorsion de la concurrence au détriment de
celles non éligibles. Pour ces motifs, l'on a pu considérer que
« les impôts sont des instruments conçus pour
prélever et non pour guider >120, que « la
fiscalité est une chirurgie, non pas du corps, mais du portefeuille
>121.
La vérité est cependant qu'un système
fiscal peut difficilement répondre à cette exigence de
neutralité, compte tenu notamment de la faiblesse des marges de la
politique économique dans un contexte de mondialisation d'une part et de
tensions budgétaires internes d'autre part. En effet, « alors
que la politique monétaire est largement contrainte par les forces du
marché, la politique budgétaire est strictement encadrée
par des moyens toujours insuffisants >122. La politique
fiscale apparaît alors comme « un champ privilégié
de la politique économique >123, le «
terrain de prédilection du politique dans l'économique
>124.
Bien que souvent nuisible, l'interventionnisme est donc
inévitable voire nécessaire. Maurice LAURE disait lui-même
comprendre que la précision et la variété des
mécanismes fiscaux inspirent la tentation de les faire servir non
seulement à l'alimentation des caisses de l'Etat, mais encore à
toute sorte de bonnes causes. Mais encore faut-il pour cela, précisait
l'auteur, connaître la délicatesse des mécanismes
utilisés ainsi que la limite des services que l'on peut en
attendre125. Autrement dit, il faut prendre garde «
d'apercevoir plus d'interventions fiscales utiles qu'il n'y en a
>126.
Plus que sur la question de l'opportunité de
l'intervention fiscale considérée en elle-même, le
débat doit donc porter sur l'utilité de cette intervention, sur
son efficacité, c'est-à-dire sur « l'adéquation
du moyen employé et de la fin poursuivie >127. Au
Cameroun comme en France, la fiscalité a depuis toujours
été instrumentalisée par la politique économique.
Ainsi
120 LAURE (M.), Traité de politique fiscale, PUF,
1956, p. 321.
121 Idem.
122 BAREL (E.), BEAUX (C.), KESLER (E.), SICHEL (O.),
Economie politique contemporaine, 3ème
édition, Armand Colin, Paris, 2007, p. 200.
123 Idem.
124 Ibid.
125 LAURE (M.), op. cit. p. 320.
126 Idem.
127 LAITHIER (Y.-M.), « Etude comparative des sanctions
de l'inexécution du contrat >, cité par Cécile PERES,
« Rapport introductif >, in BOLLEE (S.), LAITHIER (Y.-M.), PERES (C.),
L'efficacité économique en droit, op. cit. p. 9
que nous l'avons vu128, d'importantes mesures ont
ainsi été prises depuis 2007, avec pour objectif noble de mieux
s'intégrer dans un environnement mondialisé. Leurs analyse et
évaluation révèlent cependant qu'elles n'ont pas toujours
permis d'atteindre les buts visés. Certaines sont pertinentes dans leur
principe mais présentent une efficacité mitigée (Chapitre
1). D'autres en revanche manquent ouvertement de pertinence, leur
inefficacité est alors clairement avérée (chapitre 2).
128 Voir première partie.
CHAPITRE 1 :
DES MESURES PERTINENTES POUR UNE EFFICACITÉ
MITIGÉE
Ainsi que nous l'avons vu, l'interventionnisme fiscal
présente des dangers qui doivent incliner à la circonspection.
Mais, comme l'écrit Bernard CASTAGNEDE, « l'ensemble des
mesures d'incitation fiscale dont l'objet est de favoriser la création
d'entreprises, leur croissance, leur financement, leur accompagnement en cas de
difficultés, les recherches qu'elles entreprennent en vue de maintenir
leur avance technologique, participent de l'objectif général
d'adaptation à la mondialisation »129. C'est dire
que les dangers de l'interventionnisme ne doivent pas détourner des
interventions fiscales utiles. En raison de leur importance pour la croissance,
l'investissement, le travail et la recherche font assurément partie des
domaines où l'intervention fiscale peut être
considérée comme utile. Il s'ensuit que les mesures fiscales de
soutien à l'investissement prises depuis 2007 par les autorités
camerounaises sont pertinentes dans leur principe, même si, en raison de
leur déclinaison, elles se révèlent mitigées dans
leurs résultats (Section 1). Le même constat est applicable aux
mesures fiscales françaises de soutien au travail et à la
recherche (section 2).
Section 1 : Pertinence mais efficacité
mitigée des mesures fiscales camerounaises de soutien à
l'investissement
La plupart des mesures fiscales de soutien à
l'investissement adoptées par les autorités camerounaises depuis
la loi de finances pour l'exercice 2007 ont du sens en ce qu'elles apparaissent
appropriées au regard des objectifs recherchés. Il en est ainsi
du régime du réinvestissement dont l'objectif est de favoriser le
renouvellement de l'outil de production et, donc, la productivité des
entreprises. Il en est de même du régime fiscal particulier des
projets structurants qui vise à faire émerger au Cameroun des
projets de grande envergure, susceptibles d'avoir un effet entraînant du
développement dans leur environnement d'implantation. Les deux
régimes présentent cependant des avantages et
inconvénients inverses. Ainsi, alors que le régime du
réinvestissement est un régime mal ciblé pour une
dépense fiscale croissante (§ 1), le régime fiscal
particulier des projets structurants est quant à lui bien encadré
mais présente une ambition réduite (§ 2).
129 CASTAGNEDE (B.), La politique fiscale, op. cit. p.
117.
§ 1 - Le régime du
réinvestissement : un régime ma! cib!é pour une
dépense fisca!e croissante
En dépit de sa pertinence de principe, le régime
du réinvestissement reste mal ciblé, entraînant des effets
d'aubaine qui justifient, dans une certaine mesure, l'évolution de la
dépense fiscale qui lui est consacrée depuis 2007 (A). En cela,
il rend nécessaire une clarification des conditions
d'éligibilité ainsi que des objectifs recherchés (B).
A - Un régime mal ciblé, favorable à
des effets d'aubaine
Le régime du réinvestissement peut être
considéré comme mal ciblé en ce que, pour son application,
les notions d'investissement et de réinvestissement se confondent (1),
d'une part. D'autre part, il consacre malencontreusement
l'éligibilité de certaines entreprises qui auraient pu, sans
conséquences, être exclues de son champ (2). Conjuguées,
ces deux lacunes justifient en partie l'augmentation observée du
coüt de la mesure (3).
1) La confusion entre investissement et
réinvestissement
Dans sa configuration actuelle, le régime de la
réduction d'impôt par suite de réinvestissement
présente deux lacunes majeures. L'article 105 du CGI camerounais indique
que « les personnes physiques ou morales qui réinvestissent au
Cameroun peuvent bénéficier...d'une réduction de
l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu
des personnes physiques ». La disposition ne précise pas le
type de réinvestissement qu'elle vise. On peut néanmoins
inférer de l'alinéa 2 de l'article 107130 du
méme code qu'il s'agit du réinvestissement des
bénéfices.
Or, dans son principe, le réinvestissement des
bénéfices ne peut normalement concerner que des entreprises ayant
achevé leur phase d'installation et, donc, d'acquisition du
matériel nécessaire à leur exploitation. Il doit en
conséquence s'agir d'entreprises entrées, depuis quelques
années au moins, en phase de production. La loi n'indique
malheureusement pas à partir de quel moment une entreprise peut
valablement invoquer des réinvestissements pour le
bénéfice d'une réduction d'impôts. Il suffit donc
qu'une entreprise réalise des réinvestissements de
bénéfices pour bénéficier de la réduction
d'impôt. Telle est la première lacune de la loi. En pratique, des
entreprises, souvent nouvellement installées, font valoir de tels
réinvestissements et obtiennent indüment la réduction
d'impôt sollicitée.
130 Article 107-2 : « La réduction est
accordée sur la base de 50% des réinvestissements admis, et sans
pouvoir dépasser la moitié du bénéfice
déclaré au cours de l'année fiscale
considéré ».
La deuxième lacune tient, quant à elle, à
la mollesse de la loi qui n'indique pas avec suffisamment de détails les
attentes du législateur par rapport au régime de la
réduction d'impôt par suite de réinvestissement. La lecture
de l'article 105 laisse simplement entrevoir que le régime a vocation
à encourager le renouvellement de l'outil de production. Or, le
renouvellement de l'outil de production ne peut en soi être
considéré comme une finalité. Il s'agirait, au plus, d'un
moyen pour atteindre une fin plus précise et plus
détaillée parce que pensée à l'avance.
Cette définition imprécise des objectifs
recherchés illustre la difficulté qu'il y a encore
intégrer dans l'élaboration des normes les exigences liées
à l'efficacité.
2) L'éligibilité superflue des entreprises
du secteur de la téléphonie mobile
La dépense fiscale doit être nécessaire
voire absolument nécessaire. Elle doit être le moyen indispensable
et incontournable d'impulsion d'un secteur d'activités dont les
autorités estiment qu'il est, en raison de ses externalités
positives, important pour dynamiser l'économie nationale. Autrement dit,
l'octroi d'une incitation fiscale n'a de sens que s'il est clairement
avéré que le secteur auquel elle s'applique, au-delà de
son importance pour l'économie nationale, présente un
déficit d'allocation de ressources qui justifie une intervention
publique. L'intervention publique doit donc avoir valeur corrective d'une
carence. A cet effet, on peut s'inquiéter avec Maurice LAURE de voir que
certaines incitations ont pour objet d'encourager des détaxations
d'activités pourtant connues pour leur grande
rentabilité131.
Au Cameroun, les entreprises du secteur des nouvelles
technologies de l'information et de la communication, notamment celles
opérant dans la téléphonie mobile, sont sans doute
très importantes pour l'économie nationale. Mais il n'est pas
certain qu'elles soient nécessiteuses de soutien financier public. La
raison en est simple, le secteur de la téléphonie est un secteur
naturellement croissant, capable d'autofinancer son développement. Il
s'agit en effet d'un secteur à haute valeur ajoutée, qui
connaît une expansion notable depuis son implantation au Cameroun vers la
fin des années 1990, avec une évolution constante du nombre
d'abonnés. Le tableau ci-dessous, qui reprend l'évolution du
chiffre d'affaires des deux principales entreprises de téléphonie
mobile sur la période 2007-2010, illustre cette expansion.
131 LAURE (M.), Traité de politique fiscale, op.
cit. p. 322.
Tableau 1 : EVOLUTION DU CHIFFRE D'AFFAIRES DES
ENTREPRISES DU SECTEUR DES TIC132 Données en milliards de
franc CFA
|
2007
|
|
|
|
2008
|
|
|
|
2009
|
|
|
|
2010 (au 30 octobre)
|
MTN
|
141
|
732
|
061
|
604
|
164
|
787
|
163
|
921
|
171
|
119
|
891
|
635
|
140
|
448
|
539
|
235
|
ORANGE
|
123
|
843
|
072
|
153
|
122
|
754
|
992
|
260
|
124
|
700
|
857
|
929
|
123
|
568
|
133
|
884
|
A l'argument de l'autofinancement de l'expansion, il faut
ajouter celui de l'absence d'impact de cette incitation fiscale sur le
coût des communications au Cameroun. Ce dernier reste en effet
anormalement élevé, comparativement à ceux observés
dans les pays à niveau de développement comparable comme le
Sénégal133. La dépense consentie est donc
superflue et doit s'analyser en perte sèche pour l'Etat.
3) Une dépense fiscale croissante depuis
2008
Au cours des exercices 2007 et 2008, vingt et sept (27) et
vingt et deux (22) entreprises134 ont respectivement
bénéficié de la réduction d'impôts par suite
de réinvestissements. La dépense consentie à cet effet par
l'Etat s'est chiffrée à dix (10) milliards de FCFA en
2008135. Elle a ensuite connue une légère inflexion en
2009, passant à un peu moins de sept (7) milliards ; une inflexion
essentiellement justifiée par la baisse du taux de réduction
appliqué aux entreprises du secteur des NTIC. La dépense est
néanmoins remontée en 2010 à un peu plus de 9 milliards en
2010. Il est à noter que près de 50% de cette dépense
bénéficie aux deux principales entreprises de
téléphonie mobile. Un réaménagement du
régime pourrait du reste donner à la fois du sens et de
l'utilité à cette dépense.
B - La nécessaire clarification de
l'éligibilité et des objectifs recherchés
Le réaménagement à opérer s'agissant
du régime du réinvestissement concerne à la fois
l'éligibilité (1) et les objectifs recherchés (2).
132 Source : Direction génóale des impôts du
Cameroun, Direction des grandes entreprises.
133 Chez l'opérateur Orange, le coût de la minute
de communication est de 89 FCFA vers le réseau Orange, et de 110 FCFA
vers les autres réseaux alors même qu'au Sénégal, le
prix pratiqué par le même opérateur est de 85 FCFA et
concerne les appels vers tous les réseaux. L'autre opérateur,
MTN, retient, quant à lui, le prix invariable de 99 FCFA pour tous les
appels. Lire à cet effet le quotidien camerounais Le Jour du 29
décembre 2009 (
http://www.journalducameroun.com/article.php?aid=3618).
134 MVOGO MVOGO (A. T.), Fiscalité et renforcement de
l'attractivité du territoire camerounais : enjeux et perspectives,
Mémoire de Master en Administration publique, ENA, octobre 2010, p.
32.
135 Source : Direction génóale des impôts du
Cameroun, Direction des grandes entreprises.
1) Réaménager les conditions
d'éligibilité
L'éligibilité au régime du
réinvestissement pourrait avoir pour critère premier la
distinction entre investissement et réinvestissement.
En effet, alors que l'investissement se situe en amont de l'entreprise et
désigne les moyens engagés pour sa création, le
réinvestissement suppose l'existence d'une entreprise engagée
depuis des années dans son processus de production ou d'exploitation, et
qui réaffecte une partie de ses bénéfices à
l'acquisition de nouveaux équipements.
Ainsi, seules devraient être retenues comme
éligibles les entreprises ayant achevé la phase d'installation,
soit trois années, et engagées depuis deux années au moins
dans la production ou l'exploitation. Au total, ne seraient visées que
les entreprises justifiant d'au moins cinq années d'existence.
Le deuxième critère à prendre en compte
pourrait être celui de la nécessité de la
dépense fiscale. La dépense fiscale doit en effet servir
à quelque chose. Elle doit être consentie aux entreprises pour
lesquelles un soutien public est effectivement indispensable. Sur la base de ce
critère, il apparaît que les entreprises de
téléphonie mobile, en raison de leur capacité
d'autofinancement, n'ont pas besoin de cet avantage. Il conviendrait en
conséquence d'aller au-delà de la réduction136
de l'avantage fiscal opéré en 2008 pour supprimer purement et
simplement ce dernier.
2) Clarifier les attentes à l'endroit des
entreprises bénéficiaires
Pour le bénéfice définitif de la
réduction d'impôt, la finalité recherchée doit
être clairement précisée aux bénéficiaires de
la mesure. Ce travail de précision appartient au législateur qui
doit formuler, dans la loi, ses attentes précises à l'endroit des
entreprises qui se verraient ainsi assigner des objectifs. A titre
d'illustration, la réduction d'impôt obtenue, suite au
contrôle a priori de l'effectivité des
réinvestissements opéré par l'administration fiscale, ne
serait définitivement acquise à l'entreprise que si cette
dernière justifiait, trois années au plus après le
bénéfice de ladite réduction, alternativement : d'une
augmentation de son chiffre d'affaires et, corrélativement, de son
bénéfice imposable, d'une baisse des prix pratiqués, de la
création de nouveaux emplois, d'une amélioration de la
qualité des prestations offertes137.
136 L'avantage accordé consiste en une réduction
du bénéfice imposable sur la base de 50% des
réinvestissements admis. La loi de finances pour l'exercice 2008 a
ramené ce taux à 25% pour les entreprises de
téléphonie mobile.
137 Pour ne prendre que le cas de l'entreprise du secteur
ferroviaire, les éléments d'appréciation pourraient
être l'amélioration du confort des passagers, la baisse des
déraillements ainsi qu'une plus grande rapidité des voies.
Ces conditions feraient l'objet d'un contrôle a
posteriori, distinct du contrôle a priori de
l'effectivité des réinvestissements précité. Dans
l'hypothèse où elles ne seraient pas remplies, la
réduction d'impôt obtenue serait rétroactivement remise en
cause avec pénalités.
Au total, il s'agit de donner un sens au régime du
réinvestissement en en limitant l'accès aux seules entreprises
dont les réinvestissements seraient susceptibles d'avoir un impact
réel sur l'économie nationale. Ainsi réformé, le
régime du réinvestissement se rapprocherait de la rigueur
conceptuelle du régime fiscal particulier des projets structurants.
§ 2 - Le régime fiscal particulier des
projets structurants : un régime bien ciblé pour une ambition
réduite
A la différence du régime du
réinvestissement, le régime fiscal particulier des projets
structurants présente une rigueur conceptuelle faisant clairement
apparaître les objectifs recherchés par le législateur (A).
Le caractère limité des avantages fiscaux qu'il aménage
trahit cependant une ambition insuffisante et explique la faiblesse du
succès qu'il enregistre (B).
A - Un régime bien ciblé, laissant clairement
entrevoir les objectifs visés
Les conditions d'application du régime fiscal
particulier des projets structurants sont précisées par le
décret du 29 juillet 2008138. La lecture de ce dernier laisse
entrevoir deux objectifs
principaux : un objectif général, qui est le
développement économique et social de la
localitéd'implantation de l'entreprise (1) ; un objectif,
plus spécifique, relatif à l'emploi (2).
1) L'objectif de développement économique
de la localité d'implantation
Au terme du décret du 29 juillet 2008 en effet, ne sont
éligibles que les projets ayant vocation à constituer des
pôles de développement économique. Selon le même
texte, est considérécomme « pôle de
développement économique et social », le projet dont la mise
en oeuvre a
vocation à s'accompagner, dans sa localité
d'implantation, du développement d'un réseau de sous-traitants ou
d'activités annexes, de l'utilisation de matières
premières locales, ainsi que d'un essor d'activités
créatrices de valeur ajoutée. Au plan social, le caractère
structurant s'apprécie au regard de la réalisation
d'infrastructures telles les dessertes routières, les voies
138 Décret n°2008/2304/PM du 29 juillet 2008
précisant les modalités d'application du régime fiscal
particulier des projets structurants du Code général des
impôts.
d'évacuation, les logements pour le personnel, les
écoles, les structures de santé, les infrastructures socio
collectives.
2) L'objectif de création d'emplois
Le même souci de précision transparaît dans
les exigences relatives à l'emploi. Ces dernières touchent
à la fois au nombre minimum de postes permanents à créer,
à leur répartition par niveau de responsabilité et
à la proportion de nationaux à employer. Le projet structurant
doit en effet aboutir, pour les grandes entreprises, à la
création d'au moins 80 emplois permanents au sein de l'entreprise, soit
10 postes d'encadrement, 20 postes de maîtrise et 50 postes
d'exécution. Pour les PME, le nombre minimum de postes requis est de 12,
soit 02 postes d'encadrement, 02 postes de maîtrise et 10 postes
d'exécution.
Bien plus, les postes ainsi créés doivent
être occupés par les nationaux, à concurrence au moins de
70 % pour les emplois d'encadrement, de 80 % pour les emplois de maîtrise
et de 90 % au moins pour les emplois d'exécution.
B -- De faibles incitations, trahissant une ambition
réduite
Malgré la clarté de ses objectifs, le
régime fiscal particulier des projets structurants n'a pas réussi
à prendre son envol depuis sa création en 2008. La raison en est
la faiblesse des incitations qu'il aménage (1). Un renforcement de ces
dernières le rendrait sans doute plus attractif (2).
1) La faiblesse des incitations explique
l'insuccès du régime
Le régime fiscal particulier des projets structurants
est un régime paradoxal. Et pour cause, alors qu'il fixe en amont des
exigences maximales d'éligibilité, il n'octroie en aval que des
avantages mineurs dont on peut douter du caractère incitatif.
Ainsi, l'exonération de la contribution des patentes
est limitée aux deux seules premières années
d'exploitation ; les actes de constitution, prorogation et augmentation du
capital, ainsi que les mutations immobilières directement liés
à la mise en place du projet ne sont pas exemptés de droits
d'enregistrement : ils bénéficient de l'enregistrement au droit
fixe de 50 000 F CFA, au lieu de celui aux droits proportionnels ; la
durée du report déficitaire est rallongée de quatre (04)
à cinq (05) ans. Plus incitative que les autres, l'exonération de
la TVA sur les achats locaux de matériaux de construction et sur les
importations destinés à la mise en place du projet fait figure de
mesure phare. Il en est de méme de l'application de
l'amortissement accéléré au taux de 1,25 %
du taux normal pour les immobilisations spécifiques acquises pendant la
phase d'installation.
Au total, les avantages accordés s'apparentent plus
à des incitations à la création qu'à de
véritables mesures de soutien à l'existence et à la
pérennité. Elles ne justifient pas la rigueur des conditions
d'éligibilité et expliquent l'absence de succès du
régime. Adopté en 2008, le régime des projets structurants
présente en effet à ce jour un résultat plus que modeste.
En effet, seules cinq (05) entreprises ont pu solliciter et obtenir un
agrément à ce dispositif incitatif. De plus, les entreprises
concernées semblent plutôt être de taille
modérée aucune d'entre elles ne relevant notamment de la
DGE139.
2) Un renforcement des incitations rendrait le
régime plus attractif
Le choix d'instrumentaliser la fiscalité pour
influencer l'allocation des ressources dans un secteur ou dans un autre doit
être un choix éclairé et pleinement assumé. Une fois
le choix opéré, les mesures concrètes à prendre ne
doivent trahir aucune hésitation ni approximation qui jetterait le doute
sur la pertinence du recours à la fiscalité.
Susciter au Cameroun la création de grands pôles
à méme d'impulser le développement économique et
social des localités d'implantation exige des efforts plus soutenus en
termes d'accompagnement fiscal. Ces efforts sont d'autant plus justifiés
qu'en demandant aux entreprises bénéficiaires de s'impliquer dans
la construction de routes, d'hôpitaux, d'écoles, l'Etat
transfère à ces dernières une responsabilité qui
lui incombe au premier chef. A ce transfert de charge, doit correspondre une
allocation conséquente de moyens sous la forme d'incitations
fiscales.
En l'espèce, la solution consisterait à associer
aux actuelles mesures de facilitation et d'accompagnement de l'implantation, un
véritable système d'incitation portant sur les
bénéfices réalisés en phase d'exploitation par le
contribuable. Dès lors que des résultats concrets sont attendus
du bénéficiaire de la mesure en termes de création
d'ouvrages publics et d'embauche de personnels, il ne serait pas excessif
d'envisager une exonération complète de l'impôt sur les
sociétés ou de l'impôt sur le revenu pour les trois (03)
premières années d'exploitation. En renonçant,
provisoirement, à prélever des impôts en contrepartie
d'exigences précises, le législateur susciterait en effet un plus
grand intérêt pour le régime
139 MVOGO MVOGO (A. T.), Fiscalité et renforcement de
l'attractivité du territoire camerounais : enjeux et perspectives,
op. cit. p. 33.
fiscal particulier des projets structurants. Ce faisant, il
réaliserait les objectifs économiques et sociaux qu'il lui a si
précisément assigné.
Au total, pertinentes dans leur principe, certaines mesures
fiscales de soutien à l'investissement adoptées par le
législateur camerounais se révèlent mitigées dans
leur efficacité. Mal ciblées pour certaines, elles visent des
entreprises non nécessiteuses de soutien public et sont
imprécises dans les finalités recherchées : elles
entraînent une dépense fiscale inutile. Bien ciblées pour
d'autres, en raison de la précision sur les attentes vis-à-vis
des bénéficiaires, elles apparaissent malheureusement faiblement
incitatives. En cela, elles rejoignent les solutions retenues par le
législateur fiscal français pour le soutien à la recherche
et au travail.
Section 2 : Pertinence mais efficacité
mitigée des solutions françaises de soutien fiscal à la
recherche et au travail
Comme au Cameroun, certaines des mesures adoptées par
le législateur français depuis 2007 sont pertinentes dans leur
principe mais se révèlent souvent mitigées dans leurs
résultats, au regard des objectifs initiaux affichés. Le
crédit d'impôt recherche, dans sa version issue de la
réforme de 2008, ainsi que la défiscalisation des heures
supplémentaires dans le cadre de la loi TEPA de 2007, font partie de
cette catégorie de mesures. Le premier est globalement satisfaisant mais
présente quelques insuffisances qui le rendent perfectible (§ 1).
Plus mitigée dans ses effets, la seconde nécessite un recentrage
(§ 2).
§ 1 - L'efficacité certaine mais
perfectible du crédit d'impôt recherche
Le crédit d'impôt recherche réformé
en 2008 présente, à la fois réellement et potentiellement,
un impact positif sur la recherche développement (A), même si
quelques améliorations pourraient lui être apportées
(B).
A - Un impact globalement positif sur la recherche
La réforme du crédit d'impôt recherche en
2008 poursuivait trois objectifs majeurs : la hausse de la dépense
intérieure de recherche développement (1), le renforcement de
l'attractivité du territoire français pour les activités
de R&D et l'encouragement aux embauches de jeunes docteurs (2). Depuis
2009, les résultats en ces trois domaines apparaissent encourageants.
1) Une stabilisation de la dépense
intérieure de R&D en dépit de la crise
Selon le rapport concluant les travaux de la mission
d'évaluation et de contrôle de la commission des finances de
l'Assemblée nationale sur le crédit d'impôt
recherche140, en 2007, les travaux de R&D exécutés
en France représentaient une dépense de 38,9 milliards d'euros,
ce qui correspond à 2,06 % de la richesse nationale. Cette
dépense s'est élevée à 40,2 milliards d'euros en
2008, soit une progression de 3 %, qui porte l'intensité de la R&D
à 2,07 % du PIB. Cette légère amélioration du ratio
mesurant l'intensité de la R&D intervient dans un environnement
économique particulièrement défavorable, marqué par
la crise, en vertu duquel on aurait logiquement pu s'attendre à une
baisse de la dépense de recherche. Le rapport souligne qu'elle serait
imputable au renforcement du soutien direct à la R&D des entreprises
et, plus précisément, à la réforme du CIR
intervenue en 2008141.
Du fait de la réforme, cette dépense pourrait
d'ailleurs connaître une évolution plus notable dans les
années à venir. Selon certaines études
économétriques142 en effet, à court terme, un
euro de CIR a un « effet additif » sur la dépense
privée de recherche. Il induit une hausse de celle-ci de l'ordre de un
euro supplémentaire. A long terme, le méme euro a « un effet
de levier » puisqu'il porte la hausse de la dépense privée
à 2,6 euros. Cela signifie non seulement que les entreprises emploient
chaque euro de CIR reçu pour accroître leur budget de R&D,
mais qu'elles mobilisent à terme, chaque année, 1,6 euro
supplémentaires sur leurs fonds propres par rapport à ce qu'elles
auraient financé en l'absence de CIR.
2) Des résultats encourageants en matière
d'attractivité et d'emploi
Malgré la crise observée en 2008, la France
affiche en 2009 des résultats satisfaisants en matière d'accueil
des investissements directs étrangers. L'Agence française pour
les investissements internationaux a en effet enregistré 639
décisions d'investissement étranger créateur d'emplois,
soit un peu plus que les 624 enregistré une année
auparavant143.
L'implantation de nouveaux centres de R&D occupe une place
de choix parmi ces projets d'investissements. En effet, 41 projets
d'implantation de centres de R&D ont été annoncés
en France en 2009, ce qui représente une évolution de 64 % par
rapport à 2008. Bien plus, ces
140 Rapport d'information n°2686 de la Commission des
finances de l'Assemblée nationale du 30 juin 2010, déposé
en conclusion des travaux de la MEC sur le CIR, p. 12
141 Idem, p. 14.
142 MULKAY, MAIRESSE (2008), Financing R&D Through Tax
Credit in France. Preliminary Draft, cité par MARTEL (L.), MASSE
(A.), in Rapport n°10-M-035-02 du MESR de la Mission d'évaluation
sur le crédit d'impôt recherche, p. 15.
143 Rapport d'information n°2686, op. cit. p. 22.
projets devraient, à terme, permettre la
création de 2 115 emplois, soit une progression de 142 % qui place la
France en tête des pays européens créateurs d'emplois
liés aux investissements internationaux dans la
recherche144.
Cette progression du taux d'emplois est rendue possible grace
aux conditions d'embauche particulièrement favorables
aménagées par le dispositif du CIR. En effet, lorsqu'une
entreprise embauche un chercheur pour son premier contrat après son
doctorat, le salaire de l'intéressé est pris en compte dans
l'assiette du CIR pour le double de son montant pendant les 24 premiers mois.
La mesure aurait du reste déjà incité près de 30 %
des entreprises bénéficiaires du CIR à recruter de jeunes
docteurs. Le volume de dépenses de personnel relatives aux jeunes
docteurs est ainsi passé de 30 567 K€ en 2007 à 77 134
K€ en 2008145. L'impact sur l'emploi est donc certain. Mais il
ne dissimule pas les quelques inconvénients que présente le
dispositif et qui mériteraient d'être corrigés.
B - Un dispositif à améliorer pour en limiter
les effets d'aubaine et d'optimisation
Si le dispositif du CIR nécessite encore des
améliorations en dépit de son impact globalement positif, c'est
qu'il est nécessaire d'en limiter les effets d'aubaine (1) et
d'optimisation (2).
1) Limiter les effets d'aubaine
En matière fiscale, l'effet d'aubaine peut être
défini comme l'avantage que retire un contribuable d'une mesure fiscale
l'incitant à effectuer une action qu'il aurait pourtant
réalisée, même en l'absence de l'intervention publique. Les
effets d'aubaine sont comme inhérents aux mesures fiscales
dérogatoires. Luc GODBOUT note ainsi que « lorsqu'un
gouvernement met en place une mesure fiscale préférentielle
visant à modifier le comportement des contribuables en vue de les
inciter à poser une action donnée, il semble difficile, par les
critères d'admissibilité, d'éliminer les contribuables qui
auraient fait de toute manière cette action donnée
»146. Dans ce cas, l'aide économique ne stimule aucune
activité économique supplémentaire.
S'ils ne peuvent être totalement évités,
les effets d'aubaine peuvent néanmoins être limités dans
leur occurrence, notamment par un meilleur ciblage des
bénéficiaires des mesures dérogatoires.
144 Idem.
145 Ibid. p. 24.
146 GODBOUT (L.), L'intervention gouvernementale par la
politique fiscale, Economica, 2006, p. 13.
Pour le bénéfice du CIR, L'article 244
quater B du CGI se contente de viser les entreprises industrielles,
commerciales ou agricoles et de retenir certaines des dépenses
exposées par celles-ci. Cette démarche est, à l'analyse,
trop générale qui aboutit à rendre éligible la
majorité des entreprises. Une solution, plus efficace, consisterait
à avoir une vision plus ciblée de l'encouragement de la R&D,
privilégiant les secteurs les plus porteurs de croissance, mais aussi
ceux les plus à méme d'améliorer les standards de vie.
Cette solution serait du reste proche de celle retenue dans le
cadre de la « stratégie nationale de la recherche »
présentée par la ministre de l'Enseignement supérieur et
de la recherche lors du Conseil des ministres du 2 décembre 2009 et
retenue dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour
2010 (« grand emprunt »). Elle permettrait par exemple
d'éviter que des secteurs, à l'instar de ceux de la banque et de
l'assurance, fassent partie des gros bénéficiaires du
CIR147. Le dispositif de financement de la recherche retenu dans le
cadre du « grand emprunt » ne vise en effet que quelques secteurs,
retenus comme prioritaires. Il s'agit des secteurs de la santé, du
bien-être, de l'alimentation, des biotechnologies, de l'urgence
environnementale et des écotechnologies et, enfin, de l'information, de
la communication et des nanotechnologies.
Sans nécessairement reprendre les secteurs ainsi
visés, une amélioration du dispositif pourrait conduire à
en limiter l'application aux seules entreprises pour lesquelles il
apparaît clairement efficace, conformément aux
préconisations du CPO148. Un travail d'identification serait
alors rendu nécessaire.
2) Limiter les effets d'optimisation
Ainsi que nous l'avons vu149, le taux du CIR a
été relevé de 10 à 30 % depuis 2008 pour la
fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale
à 100 millions d'euros. Par ailleurs, les entreprises qui sont pour la
première fois éligibles au CIR bénéficient d'un
taux majoré, pour la première tranche, de 50 % la première
année et de 40 % la deuxième. Au-delà de 100 millions de
dépenses de recherche, le taux est ramené à 5 %.
147 Les auditions de la Mission d'évaluation et de
contrôle de l'Assemblée nationale sur le CIR, auxquelles nous
avons pris part en 2010 à l'occasion de notre stage à la
Commission des finances, ont malheureusement révélé que
ces deux secteurs faisaient partie des gros bénéficiaires du
CIR.
148 Conseil des prélèvements obligatoires, «
Entreprises et niches fiscales et sociales : des dispositifs
dérogatoires nombreux », Rapport 2010, p. 304.
149 Cf. première partie.
a- Le procédé de
l'optimisation
Pour les sociétés de groupe, le CGI
prévoit que le CIR est déterminé au niveau de chaque
filiale et non au niveau de la société mère150.
Celle-ci se substitue à ses filiales pour l'imputation des
crédits d'impôt dégagés par chaque
société du groupe. Le CIR est ainsi imputé sur le montant
de l'impôt sur les sociétés dont la société
mère est redevable. Par ailleurs, la société mère
demeure seule propriétaire des CIR transmis par ses filiales et peut les
réutiliser à sa convenance.
Dans son rapport 2010, la Mission parlementaire
d'évaluation et de contrôle sur le CIR151 a
démontré que cette disposition du CGI constitue, pour les
entreprises têtes de groupes qui effectuent des dépenses de
R&D supérieures à cent (100) millions, une invite à
avoir recours à l'optimisation fiscale. Le procédé
consisterait à créer des filiales intégrées
fiscalement afin de répartir sur celles-ci des dépenses de
R&D, et se soustraire ainsi à la limitation du taux à 5 % au
delà de 100 millions d'euros de dépenses
déclarées152.
Cette analyse est du reste confortée par le rapport
2010 du Conseil des prélèvements obligatoires qui note qu'en
2008, seules 20 entreprises ont déclaré des dépenses de
R&D supérieures à 100 millions d'euros153. A
contrario, « le nombre de holdings bénéficiaires du CIR
a plus que doublé entre 2007 et 2008, passant de 971 en 2007 à 2
436 en 2008, alors que la part des entreprises indépendantes a peu
progressé en comparaison (6 314 en 2007 et 6 379 en 2008)
»154.
b- Les possibles solutions de limitation des
comportements d'optimisation
Dans son rapport, le CPO propose trois solutions en vue de
limiter les effets d'optimisation155 observés en
matière de CIR. La première consisterait à abaisser le
seuil de passage du taux de 30 % à celui réduit de 5 %. Jugeant
le seuil de 100 millions élevé, le Conseil suggère en
effet de le ramener à 75, 50 voire 30 millions d'euros. La
deuxième solution consisterait à combiner l'abaissement du seuil
avec la suppression du taux réduit de 5 %. Il s'agirait de revenir au
principe du plafonnement des dépenses de recherche, en vigueur avant la
réforme de 2008. Une troisième solution, enfin, va dans le sens
de la modification du mode d'application du principe de l'intégration
fiscale en matière de R&D. L'ensemble des
150 Voir le b) du 1 de l'article 223 O du CGI.
151 Rapport d'information n°2686 op. cit. p. 26.
152 Idem.
153 Conseil des prélèvements obligatoires, «
Entreprises et niches fiscales et sociales : des dispositifs
dérogatoires nombreux », op. cit. p. 304.
154 Rapport d'information n°2686 op. cit. p. 27.
155 Conseil des prélèvements obligatoires, op. cit.
pp. 304-306.
dépenses déclarées par les filiales seraient
remontées à la société mère et le CIR
calculé au niveau du groupe, au lieu de l'être dans chacune des
filiales.
A l'analyse, les deux premières solutions ont un
avantage essentiellement budgétaire en ce qu'elles conduisent à
limiter la dépense fiscale de l'Etat au titre du CIR. Mais en diminuant
ainsi la contribution publique à la recherche, elles sont susceptibles
de décourager les entreprises bénéficiaires qui pourraient
alors réduire leurs dépenses en la matière.
En revanche, la troisième solution est plus recevable
en ce qu'elle s'attaque uniquement et directement à la question de
l'optimisation fiscale en matière de CIR dans les sociétés
de groupe. En retenant le principe du calcul du CIR au niveau de la
société mère, elle limite en effet les risques
d'optimisation, sans affecter le niveau de l'intervention publique en
elleméme. Cette logique de traitement direct des défaillances
d'un dispositif pourrait également trouver à s'appliquer aux
problèmes posés par la défiscalisation des heures
supplémentaires.
§ 2 - L'efficacité mitigée de la
défiscalisation des heures supplémentaires
Instituée dans le cadre de la loi TEPA de 2007, la
défiscalisation des heures supplémentaires a eu des effets
positifs, notamment en termes de hausse du pouvoir d'achat de ceux qui les
effectuent (A). Mais il n'est pas certain qu'elle ait à chaque fois
abouti à une augmentation de la durée réelle de travail et
qu'elle ait eu un impact sur l'emploi (B).
A - La certitude de la hausse du pouvoir d'achat de ceux
qui effectuent des heures supplémentaires
En valorisant le travail, la défiscalisation des heures
supplémentaires ne remettait pas en cause la logique des 35 heures.
Bâtie sur l'idée du « travailler plus pour gagner plus
», elle introduisait juste plus de flexibilité dans la durée
légale de travail afin de donner à ceux qui le souhaiteraient, la
possibilité de travailler au-delà de cette durée pour des
gains plus conséquents. La défiscalisation était donc
regardée comme « l'instrument idéal pour dynamiser
l'économie française »156.
Pour les salariés qui effectuent réellement des
heures supplémentaires, une baisse de la fiscalité pesant sur
ces dernières incite naturellement à travailler encore plus. En
admettant que ces travailleurs soient payés selon leur
productivité marginale et que les ressources
156 CAHUC (P.) et CARCILLO (S.), « La défiscalisation
des heures supplémentaires : les enseignements de l'expóience
française », octobre 2010, p.1.
nécessaires au financement de cette baisse de la
fiscalité ne viennent pas annuler leurs gains salariaux, il est certain
que les intéressés bénéficient d'une hausse de leur
pouvoir d'achat. Selon les chiffres communiqués par le ministère
des finances, le volume d'heures supplémentaires effectuées par
les salariés du secteur agricole et non agricole se situerait aux
alentours de 750 millions en 2008 et concernerait environ 5,5 millions de
salariés157. Par ailleurs, la proportion
d'entreprises ayant recours au dispositif d'exonération aurait
progressé, passant de 37,1 % fin 2007 à 40,9 % au
troisième trimestre 2008. Enfin, l'effet favorable sur le PIB serait de
près de 0,15 %, soit environ la moitié de l'effet favorable sur
la croissance de la loi TEPA158.
Sans qu'une évaluation plus précise et plus
détaillée soit nécessaire, il est donc possible de
conclure que la défiscalisation des heures supplémentaires a
effectivement permis une augmentation des revenus de ceux qui y ont eu recours.
Toutefois, si des heures supplémentaires ont pu être
invoquées, il n'est pas certain qu'elles aient toujours correspondu
à un accroissement réel de la durée de travail.
B - L'incertitude de l'accroissement de la durée
réelle de travail et de l'impact sur l'emploi
Si l'efficacité de la défiscalisation des heures
supplémentaires peut être remise en cause, c'est essentiellement
en raison des comportements opportunistes qui empéchent l'accroissement
réel de la durée de travail (1), d'une part. D'autre part,
méme lorsqu'il est effectif, l'accroissement de la durée
réelle de travail peut avoir un impact négatif sur l'emploi
(2).
1) Des comportements opportunistes empêchent
l'accroissement de la durée réelle de travail
L'on ne peut exclure qu'une baisse de la fiscalité sur
les heures supplémentaires conduise à des comportements
opportunistes pouvant même, à terme, diminuer drastiquement les
recettes publiques. Ainsi, un employeur et son salarié pourraient
conjointement gagner à abaisser le taux de salaire des heures normales
et à déclarer fictivement un grand nombre d'heures
supplémentaires (ce qui est très difficilement contrôlable)
afin de bénéficier des baisses fiscales. En effet, lorsqu'il
s'agira d'accroître les salaires mensuels, salariés et employeurs
auront aussi intérêt à intégrer dans la durée
du travail des temps de pause, de transport, où des heures de travail
réalisées à la maison plutôt qu'augmenter les
salaires horaires. Ces
157
http://www.lemonde.fr/politique/article/2009/01/29/la-defiscalisation-des-heures-sup-n-a-pas-eu-l-effetescompte
1148275 823448.html
158 Idem.
intégrations indues sont d'autant plus possibles qu'elles
sont très difficiles à repérer dès lors que les
employeurs et les salariés les acceptent d'un commun
accord159.
Ainsi, en 2008, au plus fort de la crise, les heures
supplémentaires ont continué d'augmenter. A titre d'illustration,
le nombre d'heures supplémentaires déclarées par les
entreprises de 10 salariés et plus a augmenté de 12,4 % sur un an
au quatrième trimestre 2008. Pourtant, une diminution de
l'activité, sous l'effet de la crise, était perceptible et le PIB
de la France s'était contracté de 1,1% au quatrième
trimestre, la plus forte contraction enregistrée depuis
1974160. Selon Pierre CAHUC et Stéphane CARCILLO, seul un
tiers de l'augmentation des heures supplémentaires déclaré
se serait traduit par un accroissement de la durée réelle de
travail161. L'impact sur l'accroissement de la durée
réelle de travail est donc douteux, de méme d'ailleurs que celui
sur l'emploi.
2) L'impact sur l'emploi est ambigu
Méme en supposant qu'il soit effectif du fait de la
défiscalisation des heures supplémentaires, l'accroissement de la
durée de travail a un impact ambigu sur l'emploi et les salaires, en
raison de l'existence d'effets jouant en sens opposés. En effet,
l'accroissement de la durée du travail incite les entreprises à
substituer des heures de travail aux hommes, ce qui est défavorable
à l'emploi. En revanche, la réduction du coüt du travail
(pour l'entreprise), consécutif à l'allègement des
prélèvements, est favorable à l'emploi.
L'effet global sur l'emploi d'une baisse de la
fiscalité sur les heures supplémentaires est donc a priori ambigu
; il dépendrait des contraintes technologiques et de la
sensibilité de la demande des biens produits à leur
prix162. Pour cela, un meilleur encadrement de la mesure pourrait
s'avérer nécessaire.
C - Le recentrage à opérer
Les comportements opportunistes pourraient être
partiellement surmontés en limitant les possibilités de
contournement par voie légale. Il s'agirait par exemple d'imposer des
restrictions sur les possibilités d'intégration du temps de
transport, des temps de pause ou des temps de travail à domicile. Mais,
ainsi que le notent ARTUS, CAHUC et ZYLBERBERG163, la contrepartie
serait une complexité accrue du code du travail et la multiplication des
recours
159 ARTUS (P.), CAHUC (P.) et ZYLBERBERG (A.), Temps de
travail, revenu et emploi, Rapport du Conseil d'analyse économique,
2007, pp 55-56.
160 L'Express du 29 avril 2009,
http://lexpansion.lexpress.fr/economie/la-defiscalisation-des-heures-sup-remiseen-cause-par-la-crise_180334.html.
161 CAHUC (P.) et CARCILLO (S.), op. cit. p. 55.
162 ARTUS (P.), CAHUC (P.) et ZYLBERBERG (A.), op. cit. p. 55.
163 Idem.
juridiques. Cet encadrement reste néanmoins
nécessaire pour limiter les risques d'un dérapage des finances
publiques consécutif à une multiplication des heures
supplémentaires fictives.
On le voit donc, au Cameroun comme en France, certaines des
mesures fiscales prises depuis 2007 sont pertinentes dans leur principe mais
se révèlent souvent mitigées dans leur efficacitéen
raison de leur déclinaison. Pour le premier pays, il s'agit des mesures
liées à la promotion
de l'investissement ; dans le second, il s'agit de celles
destinées au soutien de la recherche développement et à la
valorisation du travail. Dans l'un et l'autre cas, des ajustements
s'avèrent nécessaires, à la fois pour une limitation des
effets d'aubaine et pour une plus grande efficacité. D'autres mesures
manquent en revanche carrément de pertinence. Elles se
révèlent alors clairement inefficaces et jettent doute sur
l'utilité de l'instrumentalisation de l'outil fiscal.
CHAPITRE 2 : DES MESURES FISCALES NON
PERTINENTES POUR UNE INEFFICACITÉ AVERÉE
Pour être pertinente, l'instrumentalisation de la
fiscalité doit avoir un caractère utile. Les interventions
fiscales doivent en effet être menées avec prudence et être
exercées dans les domaines où il est réellement
nécessaire de stimuler l'activité
économique164. Pour l'appréciation de cette
nécessité, une évaluation ex ante est
indispensable. Elle a notamment pour intérét d'identifier
clairement l'objectif recherché par la dépense fiscale, de
démontrer qu'une intervention fiscale est nécessaire et que
l'instrument retenu est préférable à
d'autres165.
Cette démarche n'est malheureusement pas toujours
suivie dans l'adoption des mesures fiscales dérogatoires. Les
contraintes de la conjoncture, le lobbying des entreprises, les calculs
politiques et la prise en compte des tendances de l'opinion, conduisent en
effet le plus souvent à prendre dans l'urgence des mesures fiscales de
soutien à l'activité économique. Parce qu'elles ne
reposent pas sur des considérations objectives, les mesures ainsi prises
sont, dans la majorité des cas, inadaptées à la solution
du problème identifié. Manquant de pertinence ex ante,
leur inefficacité est clairement avérée ex post.
Il en est ainsi, au Cameroun, des mesures fiscales de soutien à la
consommation et au financement de l'économie (section 1). Il en est de
même, en France, des mesures de sédentarisation des grosses
fortunes et de soutien au secteur de la restauration (section 2).
Section 1 : Non pertinence et inefficacité
des mesures fiscales camerounaises de soutien à la consommation et au
financement de l'économie
Les mesures fiscales adoptées par les autorités
camerounaises en vue du soutien à la consommation (§ 1) et de
l'incitation au financement long de l'économie (§ 2) peuvent
être regardées comme dépourvues de pertinence dans leur
principe. Leur incapacité à atteindre les objectifs visés
atteste du reste de ce défaut originel.
164 LAURE (M.), Traité de politique fiscale, op.
cit. p. 323.
165 MIGNOT (G.), « La fiscalité dérogatoire :
pour un réexamen des dépenses fiscales », synthèse du
21ème rapport du Conseil des impôts, in Doctrines
et idéologies fiscales, RFFP n°84, décembre 2003, p.
203.
§ 1 - Le constat de l'inefficacité des
mesures fiscales de soutien à la consommation
Les mesures fiscales de soutien à la filière
bois n'ont pas résolu le problème d'une demande mondiale
déclinante (A), pas plus que la baisse de la fiscalité applicable
aux produits de première nécessité n'a conduit à
une baisse des prix à la consommation (B).
A - Les mesures de soutien à la filière
bois n'ont pas résolu le problème de la demande
mondiale
Si les mesures fiscales de soutien à la filière
bois n'ont pas résolu le problème d'une demande mondiale
déclinante, c'est parce que la fiscalité est inadaptée
à la solution des problèmes de demande internationale (1) ; que
si des mesures fiscales doivent néanmoins être prises en ce
domaine, elles doivent être orientées de préférence
vers plus de transformation locale du bois (2).
1) L'inadaptation de principe de la fiscalité
à la solution de problèmes de demande internationale
Le commerce des pays de la Communauté économique
des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC) est dominé par l'exportation de
produits de base. Il s'agit, notamment, du pétrole, des produits
miniers, du bois et des produits agricoles. Au Cameroun, comme dans les autres
pays de la CEEAC, le tissu économique est très extraverti et, en
conséquence, exposé à la volatilité des cours
mondiaux des produits d'exportation. Ainsi que le relève la Commission
économique des Nations-Unies pour l'Afrique166, cette
structure des exportations a une implication évidente : puisque les pays
concernés n'ont aucune influence sur les prix internationaux de ces
produits, ils sont vulnérables aux chocs des termes de l'échange
et leurs balances des paiements et comptes courants subissent
régulièrement les variations des cours de la demande mondiale.
Autrement dit, le prix des matières premières est
déterminé, au niveau international, par le jeu de la rencontre
entre l'offre et la demande des matières concernées. Lorsque
cette demande augmente, comme c'est le cas depuis quelques années pour
le pétrole, il est possible que les quantités disponibles ne
soient pas à la hauteur de la demande ou n'évoluent pas à
son rythme. Les prix pratiqués augmentent alors logiquement. A
l'inverse, lorsque la demande baisse, comme ce fut notamment le cas en 2008
pour le bois, la production s'accumule et les prix ont tendance à
baisser.
La demande internationale est donc une variable qui
échappe aux pays producteurs de matières premières.
Pris isolément, ces pays ne peuvent en effet parvenir à
l'influencer dans
166 Highlight (hebdomadaire du bureau sous-régional pour
l'Afrique centrale de la Commission économique des Nations-Unies pour
l'Afrique) n°062 du 29 octobre 2010.
un sens ou dans un autre, y compris lorsqu'ils recourent
à des allègements de charges fiscales au profit des entreprises
opérant dans le secteur sinistré. De tels allègements
peuvent tout au plus être regardés comme des mesures d'aide
à la résistance en période de crise.
Pour inverser la tendance baissière de la demande,
seule une relance de la consommation dans les pays importateurs peut
s'avérer décisive. Ainsi, ce sont bien les plans de relance
adoptés en Europe, et non pas les allègements fiscaux nationaux,
qui ont permis de relancer la demande mondiale de matières
premières comme le pétrole et le bois qui avaient connu une
baisse suite à la crise financière commencée en 2007. .
1) Une nécessaire réorientation de
l'incitation fiscale vers la transformation locale du bois
Les produits commercialisés par le Cameroun le sont
essentiellement à l'état brut, c'est-à-dire sans aucune
forme de transformation significative avant la vente. Cela signifie que les
producteurs locaux, et donc l'économie nationale dans son ensemble,
n'obtient qu'une part infime de la valeur ajoutée finale des biens. Il
n'est donc pas économiquement pertinent que la fiscalité soit
instrumentalisée pour encourager ce type d'exportation. Une telle
instrumentalisation ne peut en effet avoir de sens que si elle vise une plus
grande transformation locale des produits exportés. D'un point de vue
économique en effet, cela signifierait plus de valeur ajoutée,
plus d'emplois et, donc, plus d'impact sur la croissance.
Sous ce rapport, l'application aux entreprises du secteur
forestier du régime de la réduction d'impôt par suite de
réinvestissements ne paraît pas pertinente, pas plus d'ailleurs
que la suppression de la caution bancaire garantissant le paiement de la
redevance forestière annuelle (RFA) intervenue en 2008. En revanche,
l'exonération de la taxe d'entrée usine (TEU) pour les
deuxième et troisième transformations peut être
considérée comme un signal positif sur le chemin de l'incitation
à la transformation locale des matières.
Mais sans doute faudra-t-il aller beaucoup plus loin sur ce
chemin, notamment en consacrant, au niveau de la fiscalité de porte,
l'exonération totale de droits de douanes pour l'importation des
machines et outils nécessaires à cette transformation locale. A
quelques nuances près, le même raisonnement pourrait être
appliqué aux produits de première nécessité.
B - La baisse de la fiscalité sur les produits de
première nécessité n'a pas abouti à une baisse des
prix
De même que pour la solution des problèmes de
demande internationale, la fiscalité est impropre à agir sur le
prix des produits de première nécessité (1). Ici, la
solution efficace ne peut être qu'extra fiscale. Elle consisterait en le
développement d'une production locale de tels produits (2).
1) L'incapacité de la fiscalité à
agir sur les prix de produits importés
Selon les projections du ministère camerounais de
l'économie, de la planification et de l'aménagement du
territoire, le Cameroun, du fait de la structure de ses exportations,
dépendra pendant longtemps encore des mouvements des prix des
matières premières, des variations du taux de change (dollar) et
de la volatilité des prix du pétrole167. Cette
dépendance sera d'autant plus durable pour les produits dits de
première nécessité que le pays en est importateur net. Il
s'agit, notamment, de produits de consommation de masse tels que le riz, les
tourteaux de maïs, la farine, le sel brut et le poisson congelé.
Ainsi, l'application d'un TEC de 5 % à ces produits et
l'exonération complète de TVA applicable à leur
importation dans le cadre de l'ordonnance du 28 septembre 2006168,
n'ont pas réussi à endiguer la flambée de leurs prix. La
dépense fiscale a été réelle, mais inutile, le
résultat escompté n'ayant pas été atteint. Bien
plus, non seulement les prix n'ont pas été revus à la
baisse, mais ils ont allègrement poursuivi leur progression. La raison
de cette absence d'impact est simple : de même que la fiscalité
est inapte à redresser une demande internationale en baisse, elle est
n'est pas l'instrument le plus approprié pour agir durablement sur des
prix qui dépendent essentiellement de la demande et de l'offre des
produits. Que ceuxci deviennent rares, en raison notamment de conditions
climatiques difficiles, ou que leur demande augmente, du fait de la
consommation grandissante des pays émergents, une hausse de leurs prix
est inévitable. C'est donc en dehors du champ fiscal qu'il faut
rechercher la bonne solution.
2) Une solution non fiscale : développer une
production locale en produits de première
nécessité
Le climat et la végétation variés du
Cameroun en font un pays où toutes les techniques d'agriculture et
d'élevage les plus intensives peuvent prospérer. La production
des cultures
167 Voir le Document de stratégie pour la croissance et
l'emploi (DSCE), p. 48.
168 Ordonnance n°2006/001 du 28 septembre 2006 portant
révision de la fiscalité applicable aux produits de
première nécessité.
d'exportation et de celles vivrières y reste
néanmoins insuffisante. Une solution durable à la flambée
des prix des produits de grande consommation passe pourtant par une
autonomisation en la matière. Celle-ci passe par la mise en oeuvre d'un
programme d'accroissement de la production en vue de satisfaire non seulement
les besoins alimentaires des populations, mais aussi des agro-industries.
Ainsi que le souligne le DSCE169, il s'agirait,
notamment, de redynamiser la filière riz, à travers la relance
des grandes exploitations agricoles des zones septentrionale et de l'Ouest. Une
redynamisation qui permettrait de réduire la dépendance
vis-à-vis des importations, de renforcer la sécurité
alimentaire et de lutter contre la vie chère. Cette relance devrait
également se traduire par des plans de développement de la
production de maïs et du manioc. Dans le domaine des productions
halieutiques, un appui particulier devrait être apporté au
développement de la pêche maritime et continentale, ainsi
qu'à l'aquaculture commerciale. Pour la péche maritime en
particulier, il s'agirait d'accorder plus d'agréments aux
pécheurs en vue de mieux exploiter l'énorme potentiel halieutique
de la zone de Bakassi.
On le voit donc, ni les mesures de soutien à la
filière bois, ni la baisse de la fiscalité applicable aux
produits de première nécessité n'ont atteint leurs
objectifs. Non pertinentes dans leur principe ces mesures se sont logiquement
révélées inefficaces en pratique. Une inefficacité
qui confirme que l'instrumentalisation de la fiscalité n'était
pas ici nécessaire, pas plus qu'elle ne l'était pour inciter les
entreprises à se coter en bourse.
§ 2 - Le constat de l'inefficacité du
dispositif de soutien au financement long de l'économie
Le législateur camerounais a mis en place un
régime fiscal du secteur boursier, basé sur des taux
réduits de l'impôt sur les sociétés. Le
régime, comme rappelé en première partie, est applicable
aux sociétés qui procèdent à l'admission de leurs
actions ordinaires à la cote de la bourse des valeurs mobilières
du Cameroun, la Douala Stock Exchange. Il s'applique également à
celles qui émettent des titres sur le marché obligataire.
L'objectif était d'encourager les cotations et de permettre le
démarrage effectif du marché boursier national. Si le
marché boursier a effectivement démarré ses
activités, le niveau des cotations reste anormalement bas (A) et
amène à se demander, ici encore, si la fiscalité
était le meilleur instrument pour dynamiser le marché boursier
(B).
169 Voir Document de Stratégie pour la croissance et
l'Emploi, p. 65.
A - Un niveau de cotation demeuré anormalement
bas
En dépit de l'incitation fiscale, et pour des raisons
multiples, à la fois politiques et économiques (2), le niveau des
cotations à la Douala Stock Exchange reste très faible (1).
1) Le constat de la faiblesse des cotations en
dépit des incitations
Depuis l'institution de ces mesures dérogatoires,
seules trois entreprises sont entrées dans le marché des actions.
Elles ont pour dénominateur commun d'opérer dans le domaine de
l'agroalimentaire. Ainsi, la première entreprise à
intégrer le marché aura été, en 2006, la
société des eaux minérales du Cameroun (SEMC), une filiale
du groupe français CASTEL. L'y a rejoint deux ans plus tard, le 9
juillet 2008, la société africaine forestière et agricole
du Cameroun (SAFACAM). Enfin, le 26 novembre 2008, ce fut le tour de la
société camerounaise des palmeraies (SOCAPALM).
Dans la mesure où les trois sociétés
mettent à la disposition de potentiels investisseurs, 20 % de leur
capital, soit exactement le seuil d'ouverture requis pour le
bénéfice des taux réduits d'IS, on peut avancer que leur
introduction en bourse a été motivée par les incitations
fiscales proposées. Celles-ci auraient alors tout leur sens et toute
leur justification.
La faiblesse de leur nombre ne permet malheureusement pas
d'aboutir à cette conclusion. Bien au contraire, ce faible niveau de
cotation, qui établit clairement l'inefficacité du dispositif
d'incitation, jette un doute sur la pertinence méme du recours à
ce dernier. Le doute est d'autant plus permis que le caractère incitatif
du dispositif a été renforcé par la loi de finances pour
l'exercice 2008. Depuis cette loi en effet, la réduction du taux de l'IS
au profit des entreprises admises à la cote de la bourse intègre
une logique de proportionnalité progressive. Les nouvelles dispositions
du régime fiscal boursier permettent ainsi de bénéficier
d'un taux d'IS d'autant plus réduit que la société place
un ratio important de ses titres sur le marché.
A ce renforcement de la portée incitative du
régime, il faut ajouter la possibilité offerte de le cumuler avec
les régimes du Code des investissements. En effet, pour les entreprises
qui bénéficient déjà de l'un des régimes
incitatifs de ce Code, à l'instar du « régime des
entreprises stratégiques » dont le taux de l'IS est réduit
de moitié, et qui sont par ailleurs éligibles au régime du
secteur boursier, le taux de l'IS applicable est la moitié de celui
retenu pour ce dernier régime. Autrement dit, la réduction de
moitié du taux de l'IS s'applique dans ce cas, non au taux de droit
commun, mais plutôt, selon les cas, au taux de 30, 28, 25 ou de 20 %. De
la sorte, selon la situation de l'entreprise dans le marché boursier, le
cumul entre le
régime des entreprises stratégiques et celui du
secteur boursier aura pour effet de ramener le taux de l'IS à 15, 14,
12,5 ou à 10 %170.
Il est donc clair que ce n'est pas le niveau de l'incitation qui
est en cause dans la réticence des entreprises à intégrer
le marché boursier. Il y a bien plus que des considérations
fiscales.
2) La justification de la faiblesse des
cotations
Deux raisons pourraient expliquer la réticence des
entreprises à intégrer le marché boursier en dépit
de l'importance des allègements fiscaux accordés. La
première est liée à la difficulté qu'il y a pour
ces entreprises à intégrer la culture de la transparence des
comptes inhérente à ce marché. La plupart des entreprises
se sont en effet exercées, pendant longtemps, à la pratique des
« trois bilans » : un bilan pour le banquier, qui surestime les
résultats de l'entreprise, un autre bilan pour le fisc, qui sous-estime
les mêmes résultats, et un troisième bilan, pour
l'entreprise elle-même, et qui reflète la réalité de
son activité. Or, une cotation en bourse signifierait des comptes
transparents et accessibles à tous.
Une deuxième justification peut être
trouvée dans la coexistence de deux marchés financiers qui se
livrent concurrence dans un espace économique réduit : la Douala
Stock Exchange (DSX) et la Bourse des valeurs mobilières de l'Afrique
centrale (BVMAC). L'émergence d'un marché financier viable
passerait pourtant par une solution politique à cette coexistence.
B - Une solution plus politique que fiscale
Parce que la DSX a été créée sur
fond de querelles de leadership sous-régional entre le Cameroun et le
Gabon, elle doit d'abord être regardée comme un problème
politique (1) devant être abordé comme tel (2).
1) Une création sur fond de querelles de
leadership sous-régional
La mise en place de la Douala Stock Exchange est d'abord
l'expression politique d'un désaccord profond du Cameroun face à
une importante décision des Chefs d'Etat et de gouvernement de la CEMAC
réunis le 14 décembre 2000 à N'Djamena au Tchad : celle de
créer une bourse des valeurs mobilières sous-régionale et
d'en attribuer le siège au Gabon. La bourse des valeurs
mobilières de l'Afrique centrale (BVMAC) verra finalement le jour le 27
juin 2003 à Libreville et commencera effectivement ses activités
en février 2006.
170 Circulaire n°002/MINFI/DGI/LC/L du 11 janvier 2008,
précisant les modalités d'application de la loi n°2007- 005
du 26 décembre 2007 portant loi de finances de la République du
Cameroun pour l'exercice 2008.
A la base du désaccord camerounais sur le choix de
localisation de ce marché financier sousrégional, il y a des
arguments d'ordre économique, démographique et
stratégique. Au plan économique, le Cameroun représente
à lui tout seul 52% du PIB de la CEMAC. Il est le seul pays de la
sous-région à exporter vers les autres, sans pratiquement rien
importer de ses voisins en retour. Pays enclavés, la Centrafrique et le
Tchad dépendent à 80% pour leurs échanges commerciaux, du
Cameroun, tandis que le Gabon et la Guinée Equatoriale se ravitaillent
en vivres essentiellement à partir du Cameroun.
Au plan démographique, avec ses 20 millions
d'habitants, le Cameroun concentre près de 55% de la population totale
de la sous-région estimée à 35 millions d'habitants.
Enfin, sa position stratégique au centre de la sous-région, sa
proximité avec le Nigéria ainsi que la vitalité du port de
Douala en font un carrefour incontournable en Afrique centrale.
Le contexte de création est donc celui de la revendication
d'un leadership contesté par le Gabon qui s'appuie essentiellement sur
ses ressources pétrolières.
2) Le nécessaire rapprochement des deux places
financières
La question du fonctionnement de la Douala Stock Exchange
amène donc, nécessairement, à s'interroger sur la
pertinence de la coexistence de deux marchés boursiers en zone CEMAC,
une coexistence qui justifierait en partie la frilosité observée
sur les deux marchés.
A l'analyse, plus que de simples incitations fiscales, dont
l'inefficacité est du reste clairement avérée, c'est
à une solution politique qu'il faut avoir recours. Celle-ci doit aller
dans le sens du rapprochement, voire de la fusion des deux places
financières pour aboutir à un marché sous-régional
intégré. Ce rapprochement est d'autant plus justifié que
les potentialités actuelles de la sous-région ne permettent pas,
objectivement, le fonctionnement optimal de deux marchés financiers.
Au demeurant, lors du sommet de Bangui tenu en janvier 2010,
les chefs d'Etat de la CEMAC ont donné mandat à la Banque
africaine de développement de mener une réflexion approfondie
afin d'aboutir au rapprochement des deux bourses et d'en faire un marché
véritablement régional et intégré.
Les mesures fiscales adoptées par les autorités
camerounaises en vue du soutien à la consommation et de l'incitation au
financement long de l'économie sont donc dépourvues de pertinence
et d'efficacité. Dans la première catégorie de mesures, le
soutien fiscal à la filière bois n'a par exemple eu aucun impact
sur le niveau de la demande qui est resté bas du fait de la crise
financière. Dans la même logique, la baisse de la fiscalité
applicable aux produits de
première nécessité n'a pas permis une
baisse des prix desdits produits. Dans la deuxième catégorie, le
soutien fiscal au secteur boursier n'a permis l'envolée des cotations
qui sont restées faibles, confirmant, en ces espèces,
l'inefficacité des solutions retenues. Une inefficacité
également perceptible pour certaines des solutions retenues par le
législateur fiscal français.
Section 2 : Non pertinence et
inefficacité des solutions françaises de sédentarisation
des grosses fortunes et de soutien à la consommation et à
l'emploi
La mesure fiscale la plus emblématique de la
volonté de sédentariser les grosses fortunes en France est sans
doute le plafonnement des impôts directs, plus connu sous le nom de
« bouclier fiscal ». Institué la loi de finances pour
l'exercice 2006, il a été renforcé par la loi TEPA du
1er août 2007 qui a fait passer son seuil de 60 à 50 %
et a intégré dans son calcul les contributions sociales que sont
la CSG et la CRDS. Malgré ce renforcement, force est de constater que le
dispositif n'a pas réussi à empécher l'exode des grosses
fortunes. Il est la manifestation du refus ou de la peur d'une réforme
fiscale plus globale (§ 1), intégrant la problématique de
l'imposition du revenu. Une autre mesure emblématique aura
été la baisse de la TVA applicable à la restauration, dans
le cadre de la loi de développement et de modernisation des services
touristiques171. Cette dernière a en effet fixé
respectivement à 5,5 % et à 2,1 %, le taux en métropole et
dans les départements d'Outre-mer. Deux ans après, il est
loisible de constater que la mesure n'a eu qu'un impact limité pour un
coüt élevé (§ 2).
§ 1 - Le « bouclier fiscal » ou le
refus d'une réforme fiscale globale
Pierre-Joseph PROUDHON considérait comme absurde le
système qui consiste à lever des impôts forts et à
établir l'égalité des fortunes172. Pour
l'auteur, l'absence de tout obstacle au cours naturel des richesses est une des
conditions du progrès social. De ce fait, l'impôt ne saurait
s'élever indéfiniment et doit, au contraire, indéfiniment
se réduire, d'où la nécessité de lui assigner un
maximum173. Cette limitation serait d'autant plus nécessaire
que « si les impôts gonflent au point d'excéder une
limite modérée, ils cessent d'être des contributions
fiscales et
171 Loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de
développement et de modernisation des services touristiques
publiée au Journal Officiel du 24 juillet 2009.
172 PROUDHON (P.-J.), Théorie de
l'impôt, cité par GEFFROY (J.-B.), « Aux sources du
bouclier fiscal : l'émergence difficile d'un principe de non
confiscation par l'impôt », in Mélanges en l'honneur de
Pierre BELTRAME, PUAM 2010, p. 178.
173 Idem.
deviennent destructeurs de l'économie de
marché »174. Dans son principe, le bouclier fiscal
se veut une réponse à cette exigence de limitation. Il s'agit
malheureusement d'un dispositif inapproprié car, manquant d'approche
globale (B), il apparaît comme un simple outil de contournement de l'ISF
(A).
A - Un dispositif de contournement de l'ISF plus que de
solution au problème de la taxation du patrimoine et du
revenu
Si le bouclier fiscal manque de pertinence et
d'efficacité, c'est parce qu'il a, avant tout, été
conçu comme solution de contournement du problème posé par
l'ISF (1), là où une mesure plus radicale aurait pu être
envisagée. Il s'est malheureusement, mais logiquement,
révélé inadapté (2).
1) Le bouclier fiscal a été
institué pour atténuer les effets de l'ISF
Instauré par le gouvernement MAUROY en 1982, l'ISF a
été supprimé en 1986 par le gouvernement CHIRAC, avant
d'être rétabli en 1989 par le gouvernement ROCARD, assorti cette
fois d'un plafonnement à 70 %, puis à 85 % des revenus de
l'année précédente175. En 1995, le gouvernement
JUPPE institue le « plafonnement du plafonnement », principe suivant
lequel la diminution de l'ISF résultant du plafonnement de 85 %, ne peut
excéder 50 % de la cotisation due avant plafonnement.
Selon, Dominique VILLEMOT, c'est de cette dernière
disposition que résultent le caractère confiscatoire de l'ISF et,
son corollaire, l'expatriation fiscale des grosses fortunes176. Et
c'est précisément pour corriger ce caractère
confiscatoire, et l'expatriation qui en résulte, que le bouclier fiscal
a été institué en 2006 par le gouvernement De VILLEPIN et
renforcé en 2007 par le gouvernement FILLON dans le cadre de la loi
TEPA. Mais c'est aussi en raison de cette approche parcellaire que le bouclier
fiscal s'est révélé inefficace.
2) Le bouclier fiscal s'est révélé
inefficace et inadapté
Le bouclier fiscal n'a pas réussi à
sédentariser les grosses fortunes dont le nombre de
départs s'est même accru depuis le renforcement du dispositif
en 2007. Selon les chiffres
174 VON MISE (L.), in L'Action humaine, 1949, cité par
GEFFROY (J.-B.), op. cit. p. 178.
175 Pour la vérification du non dépassement du
seuil de 85 %, sont alors pris en compte l'ISF, l'impôt sur le revenu, la
CSG, la CRDS et le prélèvement social sur les revenus du
patrimoine et de placement.
176 VILLEMOT (D.), Quelle réforme fiscale, op.
cit. p. 106. L'auteur écrit en substance que c'est « le
gouvernement JUPPE qui a déséquilibré le dispositif
institué par le le gouvernement ROCARD et fait de l'ISF un impôt
à problèmes ».
communiqués par le ministre des finances177,
en 2007, avec un bouclier à 60 % des revenus, le nombre de
départs de contribuables redevables de l'ISF s'est élevé
à 719 contribuables. En 2008, première année de mise en
oeuvre du bouclier fiscal à 50 %, ce nombre a été
porté à 821. Certes, l'on observe également une
progression du nombre de retours des redevables de l'ISF sur la méme
période. Ainsi, alors qu'ils n'étaient que 246 à revenir
en France en 2007, ils ont été 312 en 2008178. Le
Syndicat national unifié des impôts précise cependant que
« depuis une dizaine d'années, le nombre de retour
représente en tendance un tiers des départs
»179. Sans compter qu'en « tendance », les retours
restent proportionnellement faibles par rapport aux départs, il y a que
l'évolution positive des retours entre 2007 et 2008 n'est pas
forcément imputable au renforcement du bouclier. La raison en est que
certains retours, comme du reste certains départs, peuvent être
motivés par des raisons professionnelles ou familiales.
Une certitude se dégage donc : celle selon laquelle il
n'y a pas forcément de corrélation entre le bouclier fiscal et le
retour des grosses fortunes ou le maintien de celles restées sur le sol
français. Or, dès lors que le mouvement de vas-et viens des
fortunes se poursuit allègrement, en dépit de l'existence du
bouclier, il y a lieu de conclure à l'inefficacité de celui-ci
ou, à tout le moins, à son inutilité et d'appeler à
une réforme plus ambitieuse et plus volontariste de la fiscalité
du patrimoine.
B -- Une solution nécessitant une réforme
globale et cohérente
Sophie GONSARD et Gilles ETIENNE notent qu'en France, le
principe est celui du recours systématique du pouvoir politique aux
constructions ambigües et compliquées qui le dispense de faire dans
la clarté le choix d'une politique cohérente180. Pour
VILLEMOT, la raison de cette démarche est essentiellement politique :
« chaque camp a besoin de donner des gages à ceux qui a priori
ne le soutiennent pas. La gauche doit montrer qu'elle est consciente des
problèmes des entreprises, la droite qu'elle n'oublie pas le financement
des politiques sociales »181. L'ISF fait assurément
partie de ces mesures sur lesquelles les autorités on du mal à se
positionner avec clarté et à prendre des décisions
cohérentes. Il faudra pourtant aller dans ce sens (1), en méme
temps qu'il faudra réfléchir à une réforme de
l'imposition du revenu et des bénéfices (2).
177
http://www.lepoint.fr/archives/article.php/441767.
178 Idem.
179 Ibid.
180 GONSARD (S.) et ETIENNE (G.), Le bouclier fiscal,
Armand Franel Editions, 2008, préface.
181 VILLEMOT, op. cit. p. 23. C'est ce qui justifierait que
« les discours des responsables politiques, tenus en période
électorale, ne se reflètent pas systématiquement dans
leurs décisions quand ils accèdent aux responsabilités
». p. 21.
1) Se positionner clairement par rapport à
l'ISF
La configuration actuelle de l'ISF, qui révèle
un impôt à la fois ambigu et complexe, rend illisible le
positionnement du législateur français par rapport à ce
prélèvement. Dans son principe, l'ISF se veut l'une des
expressions de la « tradition de solidarité »182
à la française, celle-là même qui veut que les plus
riches contribuent au bien être et à l'épanouissement des
plus pauvres. En cela, il serait une sorte de « mal nécessaire
»183. Le paradoxe est cependant que, en méme temps que
l'ISF se veut fondé sur une logique redistributive, les
mécanismes d'allègement qui l'entourent lui font perdre de son
sens et de son utilité. En effet, outre le plafonnement
spécifique à 85 % du revenu de référence, il y a le
plafonnement global de 50 % prévu dans le cadre du bouclier fiscal. Il
s'agit certes de deux plafonnements différents, mais qui ont pour
dénominateur commun d'alléger la charge fiscale résultant
de l'application de l'ISF.
De faible rendement, l'ISF a donc, nécessairement, un
faible effet redistributif184. Son coût de recouvrement serait
par ailleurs plus élevé que son rendement185. L'ISF
nécessite en effet l'intervention de plusieurs fonctionnaires, notamment
pour effectuer, a posteriori, des vérifications de la
sincérité des déclarations. Dans le même temps, son
produit, quatre (4) milliards d'euros environ, dépasse rarement 1
%186du total des recettes fiscales. Il devrait d'ailleurs être
plus insignifiant encore avec la réforme annoncée de l'imposition
du patrimoine187. Il s'en suit que, dans sa configuration actuelle,
l'ISF a simple valeur de symbole. Son existence rappelle que la
société française est fondée sur l'idée de
solidarité, une solidarité que ses nombreuses atténuations
ne lui permettent cependant pas de réaliser.
Au demeurant, l'exigence de clarté commande qu'un
choix, plein et entier, soit opéré entre deux
options opposées. La première consisterait à laisser
s'épanouir un véritable impôt sur la fortune. Il s'agirait
de l'ISF dans sa configuration actuelle, qui prévoit un plafonnement
à 85 % du revenu de référence, mais sans le bouclier
fiscal. La conséquence, au plan interne, serait un impôt plus
rentable et, corrélativement, un effet redistributif
amélioré. Mais il
182 Ibidem, p. 105.
183 Ibidem, p. 95.
184 GONSARD (S.) et ETIENNE (G.), Le bouclier fiscal,
op. cit. préface.
185 Ibidem.
186 HECKLY (C.), Fiscalité et mondialisation, op.
cit. p. 141.
187 Selon l'annonce faite par les autorités
françaises, le seuil d'entrée à l'ISF, 790 000 en 2010,
devrait être relevé à 1,3 millions d'euros de patrimoine,
ce qui exonèrerait les 300 000 contribuables de la première
tranche. Bien plus, les taux seraient abaissés à 0,25 % pour un
patrimoine jusqu'à trois (3) millions d'euros et 0,5 % au-delà.
Le plafonnement de 85 % serait supprimé. Cette réforme
ramènerait le produit de l'ISF à 2,5 milliards d'euros, une
baisse qui serait en partie compensée par les effets de la suppression
du bouclier fiscal (gain estimé à 700 000 millions d'euros),
également prévue par réforme. Sur ce sujet, lire Les
Echos du jeudi 3 mars 2011.
faudrait alors, du fait de l'augmentation de la pression fiscale
qui en résulterait, craindre un impact négatif sur la
localisation des grosses fortunes en France.
L'autre option, plus en phase avec l'idée d'ancrage
dans la mondialisation, consisterait à supprimer concomitamment l'ISF et
le bouclier fiscal et à mettre en place une imposition assise, non sur
le patrimoine considéré en lui-même, mais sur les revenus
qui en sont issus. Cette deuxième solution permettrait d'en finir avec
un symbole qui n'aura eu d'effets que négatifs (effet redistributif
quasi inexistant du fait de la faiblesse du rendement, délocalisations),
d'une part. D'autre part, elle favoriserait une amélioration de
l'attractivité de la France qui, avec l'imposition des revenus du
patrimoine, compenserait sans doute le faible manque à gagner qui
résulterait de la suppression.
2) Réformer l'imposition du revenu et des
bénéfices
L'imposition du revenu et des bénéfices sont
deux autres domaines privilégiés d'expression des contradictions
du système fiscal français : progressivité
proclamée de l'impôt sur le revenu mais étroitesse de
l'assiette qui en annihile l'effet, taux voulu élevé de
l'impôt sur les sociétés mais nombreuses niches fiscales et
sociales qui en réduisent la portée.
Malgré ses tranches de progressivité,
l'impôt sur le revenu représente en effet en France une faible
part des prélèvements obligatoires. Cette part aurait
été de 6,5 % en 2004, soit environ 3 % du PIB, contre une moyenne
européenne de 11 %188. Raison de cette faiblesse du
rendement, une étroitesse de l'assiette, elle-même
justifiée par plusieurs facteurs : le mécanisme de la
décote, le quotient familial qui exclurait près de trois (3)
millions de foyers, la présence d'abattements et de niches fiscales, et
la forte progressivité du barème qui aboutirait à
concentrer l'impôt sur les hauts revenus alors méme que de
nombreuses exemptions annihilent cette progressivité pour les
contribuables aisés189.
Le méme raisonnement peut être appliqué
à l'impôt sur les sociétés dont le taux
affiché paraît très élevé, comparativement
aux autres pays de l'UE ou de l'OCDE, mais dont les nombreuses niches fiscales
relativisent la portée.
A l'évidence, dans l'un comme l'autre cas, cette absence
de clarté dans les orientations de la politique fiscale est
pénalisante. D'abord pour l'attractivité et la
compétitivité, dans la mesure où le système
fiscal est présenté comme asphyxiant. Ensuite pour
l'efficacité budgétaire, du
188 LANG (J.), Faire la révolution fiscale, Plon,
Paris, 2006, P. 73.
189 Ibidem, p. 74.
fait des nombreux abattements, réductions,
exonérations et exemptions qui limitent le rendement.
Des choix clairs de politique fiscale doivent donc être
opérés. En matière d'imposition du revenu comme des
bénéfices, ils doivent prendre en compte la contrainte de la
mondialisation et aller dans le sens d'une baisse des taux, couplée
à une remise en cause de certaines niches fiscales et sociales. Cette
baisse des taux est plus urgente encore en matière d'IS. Elle
permettrait en effet à la France de ne pas se maintenir en marge d'un
mouvement de baisse généralisée de cet impôt dans
lequel se sont engagés ses principaux partenaires190, et de
garder une économie compétitive dans les secteurs à forte
rentabilité (pharmacie, banque, luxe, services)191.
Plus qu'une solution globale à la question de
l'imposition du patrimoine, le bouclier fiscal aura donc été une
solution de contournement. Telle aura été sa faiblesse. Tel aura
aussi été la raison de son inefficacité. Une
inefficacité également perceptible s'agissant de la baisse de la
TVA dans la restauration.
§ 2 - La baisse ciblée de la TVA dans la
restauration : un impact limité pour un coût
élevé
Dans le rapport présenté par la Commission de
l'économie, du développement durable et de l'aménagement
du territoire du Sénat sur le projet de loi de développement et
de modernisation des services touristiques192, la baisse de la TVA
dans la restauration était regardée comme susceptible
d'être en partie répercutée sur les prix. Il était
aussi envisagé qu'elle aurait des effets bénéfiques sur
l'emploi, du fait de la hausse de la consommation résultant de la baisse
des prix.
L'analyse du CPO193 révèle cependant
que la baisse du taux de la TVA a, potentiellement, un impact limité sur
les prix et sur l'emploi, pour un coüt élevé (A). Une
réforme s'avère alors nécessaire qui aurait au moins pour
effet de limiter le coût de la mesure pour la collectivité (B).
190 Il s'agit de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de l'Italie, de
l'Espagne et des Etats-Unis.
191 VILLEMOT (D.), op. cit. p. 130. L'auteur affirme plus loin
: « Le maintien de la compétitivité fiscale de notre
pays nécessite d'abaisser le poids de l'IS. Cela est indispensable si
nous voulons conserver sur notre territoire des centres de recherche ou des
industries manufacturières (automobile, télécoms) et
rester fiscalement compétitif face au Royaume-Uni, à l'Allemagne
et à l'Irlande », p. 137.
192 Rapport n°507 du 1er juillet 2009.
193 Voir Synthèse du Rapport 2010 du CPO, Entreprises
et niches fiscales et sociales, op. cit.
A - Le constat d'un faible impact sur les prix et sur
l'emploi
Si la baisse de la TVA dans la restauration se
révèle inefficace, c'est d'abord en raison des comportements de
marge des entreprises opérant dans ce secteur, et qui rendent difficile
la baisse escomptée des prix (1). Mais c'est aussi parce que cette
mesure n'est pas la plus indiquée pour améliorer l'emploi dans ce
secteur (2).
1) Une baisse des prix rendue difficile par le
comportement de marge des entreprises
Les baisses ciblées de TVA visent à stimuler
l'emploi par le canal de la demande. Ils sont en principe d'autant plus
efficaces que la baisse des coûts se répercute dans les prix de
vente. Or, il arrive souvent qu'une partie du coüt soit accaparée
par le comportement de marge des entreprises, limitant ainsi
l'efficacité de la mesure par rapport à l'objectif de baisse des
prix. Le CPO juge ainsi que, parmi les secteurs bénéficiant de
taux réduits de TVA, le comportement de marge des entreprises est
très élevé pour les hôtels-cafés-restaurants
(HCR) et faible en matière de construction de logements194.
Ainsi s'explique-t-il qu'aucune baisse sensible des prix pratiqués n'ait
été enregistrée dans le domaine de la restauration depuis
l'adoption du taux réduit, pas plus d'ailleurs qu'une évolution
de l'emploi dans le secteur.
2) Un impact peu significatif sur l'emploi pour un
coût élevé
Toujours d'après le CPO dans son rapport 2010, l'impact
des baisses ciblées de TVA sur l'emploi est moindre que celui des
allègements généraux de charges, pour un méme
coüt. A titre d'illustration, l'emploi marchand non agricole
s'accroîtrait de 1,7 % pour les allègements généraux
de charges contre 0,8 % pour une baisse de TVA. De plus, le coût brut par
emploi créé ou sauvegardé suite à une baisse de la
TVA serait au moins trois à quatre fois plus élevé que
pour les allègements généraux de charges et serait compris
entre 80 000 et 135 000 euros par emploi.
Par ailleurs, l'impact d'une baisse de TVA varierait selon les
domaines auxquels elle s'applique. Ainsi, alors qu'un taux réduit de TVA
dans l'entretien et l'amélioration du logement créerait un nombre
d'emplois compris entre 30 000 à 50 000 emplois, l'impact potentiel d'un
taux réduit de TVA sur la restauration pourrait être compris entre
10 000 et 50 000 emplois créés, selon l'estimation de la
direction de la prévision en 2003195. Au regard de
194 Synthèse du Rapport 2010 du CPO, Entreprises et
niches fiscales et sociales, op. cit. p. 20.
195 Ibidem. Il s'agit bien évidemment ici d'une
évaluation ex ante. Le CPO reconnaît qu'ex post, l'impact de
la baisse ciblée de la TVA sur la restauration demeure incertain.
Compte tenu de ces effets limités et incertains sur
cet impact limité et incertain sur les prix et l'emploi,
une réorientation de la mesure s'avère nécessaire.
B - La nécessaire réorientation de la
mesure vers plus d'efficacité ou moins de coût
Les effets sur l'emploi de la baisse de la TVA étant
plus incertains que ceux constatés dans le secteur du logement, et la
part du coût de la mesure accaparée par le comportement de marge
des entreprises se révélant beaucoup plus importante que dans les
autres secteurs, deux solutions alternatives pourraient être
envisagées.
La première est une solution d'efficacité ; elle
consisterait, sur le fondement de l'analyse du CPO qui précède,
à supprimer le taux réduit de TVA dans la restauration pour le
remplacer par de simples allègements généraux de charges
en faveur des restaurateurs. Les effets, notamment en termes d'accroissement de
l'emploi dans le secteur, seraient sans doute plus perceptibles.
La deuxième solution va dans le sens de la limitation
du coüt d'une mesure aux effets incertains. Il s'agirait d'exploiter la
possibilité, offerte par le droit communautaire, d'appliquer deux taux
réduits de TVA, en instituant un taux intermédiaire. Ce dernier
s'appliquerait à certains biens et services, notamment ceux de la
restauration, actuellement soumis au taux réduit de 5,5 %. Le CPO estime
que pour une réduction significative du coût de la baisse de la
TVA dans la restauration, le nouveau taux ne devrait pas être
inférieur à 10 ou 12 %196.
Comme celles de sédentarisation des grosses fortunes,
les solutions fiscales françaises de soutien à la consommation et
à l'emploi sont donc à la fois non pertinentes et inefficaces. Il
en est de même des mesures fiscales camerounaises de soutien à la
consommation et au financement long de l'économie. Les unes et les
autres pourraient, en cela, être remaniées tel que
déjà proposé.
Au total, au Cameroun comme en France, certaines des mesures
fiscales adoptées depuis 2007 par le législateur sont, soit
pertinentes dans leur principe mais mitigées dans leurs résultat,
soit carrément non pertinentes pour une inefficacité alors
clairement avérée. Dans le premier cas, se trouvent les mesures
fiscales de soutien à l'investissement, à la recherche et au
travail. Il en
l'emploi par rapport aux allègements
généraux de charges sur les bas salaires, il considère que
les baisses ciblées de TVA ne peuvent être, au plus, que des
mesures additionnelles en matière d'emploi.
196 Ibidem, p. 21.
est ainsi, pour le cas du Cameroun, du régime du
réinvestissement et du régime fiscal particulier des projets
structurants. Il en est de même, en France, du renforcement du
crédit d'impôt recherche et de la défiscalisation des
heures supplémentaires.
Dans le deuxième cas, sont essentiellement
concernées les mesures de soutien au financement de l'économie,
à la consommation et à l'emploi, ainsi que celles relatives
à l'imposition de la fortune et des revenus. Il s'agit, pour le
Cameroun, de la mise en place d'un régime fiscal du secteur boursier, de
l'allègement de la fiscalité applicable au secteur bois, de la
baisse de la fiscalité sur les produits de première
nécessité. Il s'agit aussi, en France, de la baisse de la TVA
dans la restauration, mais aussi du renforcement du bouclier fiscal.
CONCLUSION GENERALE
Au total, les mesures fiscales adoptées au Cameroun et
en France ne laissent aucun doute sur la volonté des deux pays
d'instrumentaliser la fiscalité pour un meilleur ancrage dans la
mondialisation. Les mesures prises de part et d'autre, notamment en
matière de promotion de l'investissement, confirment cette
préoccupation commune. Il en est ainsi, au Cameroun, de la restauration
et/ou de la création de nouveaux régimes fiscaux
dérogatoires. Il en est de méme, en France, de
l'allègement de l'imposition du patrimoine et du revenu. Dans cette
démarche commune, il faut cependant noter une différence de
degré. Au Cameroun, l'objectif est surtout, dans un contexte de
liberté retrouvée à la faveur de la fin des programmes
économiques contraints, de mettre la fiscalité à
contribution pour la réalisation d'un démarrage économique
que les programmes successifs conduits avec les institutions financières
internationales, n'ont pas favorisé. En France, l'ambition
affichée est celle d'un réel ancrage dans la compétition
mondiale. En témoignent, notamment, l'allègement de l'imposition
de la fortune, la défiscalisation des heures supplémentaires, le
renforcement de la fiscalité dérogatoire applicable à la
recherche et à l'innovation, et la suppression de la taxe
professionnelle.
Mais au-delà de la noblesse des objectifs ainsi
poursuivis, la question posée est celle de la pertinence et de
l'efficacité des mesures adoptées. A ce sujet, l'analyse a
révélé qu'au Cameroun comme en France, certaines des
mesures fiscales adoptées depuis 2007 par le législateur sont,
soit pertinentes dans leur principe mais mitigées dans leurs
résultat, soit carrément non pertinentes pour une
inefficacité alors clairement avérée. Dans le premier cas,
se trouvent les mesures fiscales de soutien à l'investissement, à
la recherche et au travail. Il en est ainsi, pour le cas du Cameroun, du
régime du réinvestissement et du régime fiscal particulier
des projets structurants. Il en est de même, en France, du renforcement
du crédit d'impôt recherche et de la défiscalisation des
heures supplémentaires.
Dans le deuxième cas, sont essentiellement
concernées les mesures de soutien au financement de l'économie,
à la consommation et à l'emploi, ainsi que celles relatives
à l'imposition de la fortune et des revenus. Il s'agit, pour le
Cameroun, de la mise en place d'un régime fiscal du secteur boursier, de
l'allègement de la fiscalité applicable au secteur bois, de la
baisse de la fiscalité sur les produits de première
nécessité. Il s'agit aussi, en France, de la baisse de la TVA
dans la restauration, mais aussi du renforcement du bouclier fiscal.
Les raisons de cette efficacité mitigée ou de
cette absence d'efficacité sont de plusieurs ordres. Il y a d'abord que
« l'analyse des mérites comparés d'une mesure
dérogatoire et des mesures alternatives est trop rarement conduite
»197. Il y a ensuite que les objectifs des
réductions, exonérations ou exemptions sont rarement
identifiés. Enfin, certaines mesures, justifiées dans leur
principe, sont souvent très mal ciblées par rapport à
l'objectif poursuivi198. Il est donc indispensable que soient
clairement identifiés, ex ante, les objectifs recherchés
par chaque mesure dérogatoire avant son adoption définitive et
précisément mesurée, ex post, l'efficacité
du dispositif au regard de l'objectif recherché, d'une part. D'autre
part, méme là où ils apparaissent pertinents, «
les dispositifs dérogatoires (ne) devraient être
utilisés (que) lorsqu'ils apparaissent comme le mode d'intervention
publique le plus adéquat »199.
Enfin, lorsque leur nécessité, leur
utilité voire leur caractère incontournable est
avéré, il faut que les dispositifs dérogatoires soient
bien ciblés afin d'éviter notamment les effets d'aubaine et
d'optimisation qui leur feraient précisément perdre ce
caractère.
Telle est la démarche à suivre pour un ancrage
réussi dans la mondialisation mais aussi, plus globalement, dans
l'élaboration de la politique fiscale.
197 Synthèse du Rapport 2010 du CPO, Entreprises et
niches fiscales et sociales, op. cit. p. 12.
198 Ibidem, p. 17.
199 Ibid. p. 11. Le CPO précise d'ailleurs que la
création ou l'extension de tels dispositifs devrait être
limitée aux cas où leurs avantages seraient supérieurs
à leurs inconvénients.
BIBLIOGRAPHIE
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nationale ;
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L'application de la loi fiscale, Commission des finances Assemblée
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l'aménagement du territoire, 2010 ;
5) Highlight n°062 du 29 octobre 2010 : «
Performance macroéconomique de l'Afrique centrale dans un contexte de
financement des infrastructures de transport » ;
6) Highlight n°063 du 02 novembre 2010 : «
Etat d'avancement du processus d'intégration en Afrique centrale :
forces et faiblesses de la coopération régionale » ;
7) Rapport n°2493 de l'Assemblée nationale
sur la proposition de loi tendant à abroger le « bouclier fiscal
» ;
8) Rapport 2010 du Conseil des prélèvements
obligatoires : « Entreprises et niches fiscales et sociales
» ;
9) RFFP n°60, LGDJ, novembre 1997, Budget et
fiscalité : quelles réformes ? ;
10) RFFP n°84, LGDJ, décembre 2003,
Doctrines et idéologies fiscales ;
11) RFFP n°98, LGDJ, juin 2007, Logique de
performance et pays en développement ;
C- Articles
1) CHASTAGNARET (M.), « Eléments pour une
interrogation citoyenne : faut-il encore défendre l'impôt ?
», In Mélanges en l'honneur de Pierre Beltrame, PUAM,
2010, pp. 145-160 ;
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L'efficacité économique en droit (sous la dir.),
Economica, 2010, pp 111-120 ;
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dérogatoire : pour un réexamen des dépenses fiscales
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impôts, In RFFP n°84, décembre 2003, pp 205- 218 ;
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droit (sous la dir.), Economica, 2010, pp 1-22 ;
7) STERDYNIAK (H.), « La redistribution par la
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Justice sociale et action publique : des principes à leur mise en
oeuvre, La documentation française n°949-950 juin-juillet
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D- Thèses et Mémoires
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système fiscal camerounais, Mémoire de DESS Administration
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2) MVOGO MVOGO (A. T.), Fiscalité et renforcement de
l'attractivité du territoire camerounais, Mémoire de Master
Administration publique, ENA, 2010.
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Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale : Approche comparative au
regard de la Taxe sur la valeur ajoutée, Mémoire de DESS
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droit national au droit communautaire de la CEMAC : le cas de la Taxe sur la
valeur ajoutée, Mémoire de DEA en droit public,
Université de Yaoundé II-Soa, 2008.
TABLE DES MATIERES
RESUME..............................................................................................
7
SUMMARY 8
INTRODUCTION GENERALE
........................................................................ 16
PREMIERE PARTIE : UNE VOLONTÉ COMMUNE
MAIS DIFFERENCIÉE D'ANCRAGE DANS LA MONDIALISATION PAR
LA FISCALITÉ . 16
CHAPITRE 1 : UNE POLITIQUE FISCALE EXPRESSION D'UNE
VOLONTÉ DE DEMARRAGE ÉCONOMIQUE AU CAMEROUN .. 18
Section 1 : La résurgence de régimes et de mesures
fiscaux dérogatoires....... 19
§ 1- Les régimes de soutien à
l'investissement et à l'épargne
..................................... 20
A - Le soutien ciblé à l'investissement
..................................................................20
1) La restauration du régime du réinvestissement
................................................ 20
2) L'institution du régime fiscal particulier des projets
structurants ........................... 21
3) La mise en place d'un régime fiscal des contrats de
partenariat public-privé .......... 22
B - Le soutien au financement long de l'économie et
à la transparence des entreprises ......... 25
1) Une justification économique : la volonté de
promouvoir le financement long del'économie
.....................................................................................
25
2) Les contours du régime fiscal du secteur boursier
......................................... 26
§ 2 -- Les mesures de résistance aux chocs
exogènes ................................................
27
A - Crise économique mondiale et tentative de soutien
aux entreprises de la filière bois ....... 27
1) Les difficultés de la filière bois
.................................................................. 27
2) La consistance des mesures adoptées
......................................................... 28
B - Tendances inflationnistes et actions sur la
consommation de masse ........................ 29
1) La baisse de la fiscalité sur les produits de
première nécessité ............................ 30
2) La création d'une mission de régulation et
d'approvisionnement .......................... 30
Section 2 : L'émergence progressive d'une
fiscalité sécurisée ......................................
31
§ 1 - La sécurisation du processus de
création et de développement de l'entreprise : le rescrit
fiscal..........................................................................................................
32
A -- La signification du rescrit fiscal
.....................................................................
32
1) La possibilité de consultation préalable de
l'Administration fiscale ...................... 32
2) L'octroi de garanties conséquentes au contribuable
~~~~~~~~~~~~~.. 33 B - L'encadrement du rescrit fiscal
....................................................................... 34
1) Des conditions précises de mise en oeuvre
..................................................... 34
2) Une portée limitée aux parties et à la
vigueur des dispositions fondant la position de
l'administration
....................................................................................
35
§ 2 -- La rationalisation du contrôle et du
contentieux fiscaux ..................................... 36
A - Un contrôle fiscal mieux encadré
.................................................................. 36
1) D'un contrôle systématique à un
contrôle sélectif
.......................................... 37
2) D'une procédure rigide et « arbitraire »
à une procédure allégée et clarifiée
.......... 37
B - Une justice fiscale moins coûteuse et plus
accessible ........................................... 38
1) La volonté de faciliter l'accès au juge de
l'impôt ..............................................38
2) La volonté d'alléger le coüt du
contentieux fiscal .......................................... 39
CHAPITRE 2 : UNE POLITIQUE FISCALE EXPRESSION D'UNE
VOLONTÉ D'ANCRAGE DANS LA COMPÉTITION INTERNATIONALE EN FRANCE
41
Section 1 : Les efforts de sacralisation du patrimoine
et de l'investissement ...................... 42
§ 1 -- L'allègement de l'imposition du patrimoine
.................................................... 43
A - L'aménagement de l'ISF et la baisse du seuil du
« bouclier fiscal » ......................... 43
1) L'aménagement de la base imposable à l'ISF
................................................ 43
2) L'abaissement du seuil du « bouclier fiscal »
43
B - La refonte des droits de transmission du patrimoine
............................................. 44
1) La justification de la refonte
.....................................................................
44
2) La consistance de la refonte
................................................................... 45
§ 2 -- L'allègement de l'imposition des
entreprises .................................................... 45
A - Le principe de l'allègement : la suppression de
la taxe professionnelle ...................... 46
1) Une taxe antiéconomique
........................................................................
46
2) Une taxe progressivement prise en charge par l'Etat
....................................... 46
B - L'accompagnement de la suppression : l'institution de la
contribution économique
territoriale...........................................................................................
47
1) Une contribution constituée de deux cotisations
.............................................. 47
2) Une vocation corrective des insuffisances de la taxe
professionnelle ..................... 48
Section 2 : Le soutien à la recherche, au
travail et à la consommation ............................. 49
§ 1 Un soutien réaffirmé à la
recherche et à l'innovation ~~~~~~~~~~~~~.. 49
A -- Le principe et la justification du crédit
d'impôt recherche ~~~~~~~~~~~. 50
1) Le crédit d'impôt recherche permet une
réduction de l'impôt sur les bénéfices par
imputation d'une quote-part des dépenses engagées ~~~~~~~~~~~..
50
2) Le crédit d'impôt recherche a une justification
essentiellement économique ~~~~. 51
B -- Le renforcement du crédit d'impôt recherche
en 2008 ~~~~~~~~~~~~~.. 52
1) Le diagnostic : un dispositif pénalisant pour
certaines entreprises ~~~~~~~~ 52
2) La thérapie : une amélioration de l'incitation
fiscale de la recherche ~~~~~~~. 53
§ 2 -- Un soutien affirmé au travail, à
l'emploi et à la consommation ~~~~~~~~~~ 53
A -- Le soutien au travail par la défiscalisation des
heures supplémentaires ~~~~~~~ 53
1) La consistance de la défiscalisation :
l'exonération de l'impôt sur le revenu et des
cotisations sociales~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 54
2) La motivation de la défiscalisation : la relation
travail-croissance ~~~~~~~~ 54
B -- Le soutien à la consommation et à l'emploi
par la baisse de la TVA dans la restauration... 54
1) Une baisse conçue comme outil de relance
économique sectorielle ~~~~~~~.. 55
2) Une baisse assortie d'engagements concrets des restaurateurs
~~~~~~~~~ 56
DEUXIEME PARTIE : UN PARTAGE ATTESTÉ DE LA
PERTINENCE ET DE L'EFFICACITÉ MITIGÉES DES SOLUTIONS
FISCALES
RETENUES ..58
CHAPITRE 1 : DES MESURES FISCALES PERTINENTES POUR UNE
EFFICACITÉ MITIGÉE . 61
Section 1 : Pertinence mais efficacité mitigée des
mesures fiscales camerounaises de soutien à l'investissement
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~61
§ 1 -- Le régime du réinvestissement :
un régime mal ciblé pour une dépense fiscale
croissante 62
A -- Un régime mal ciblé, favorable à des
effets d'aubaine ~~~~~~~~~~~~~~. 62
1) La confusion entre investissement et réinvestissement
~~~~~~~~~~~~~ 62
2) L'éligibilité superflue des entreprises du
secteur de la téléphonie mobile ~~~~~.. 63
3) Une dépense fiscale croissante depuis 2008
~~~~~~~~~~~~~~~~~ 64
B -- La nécessaire clarification de
l'éligibilité et des objectifs recherchés ~~~~~~~~.. 64
1) Réaménager les conditions
d'éligibilité ~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 65
2) Clarifier les attentes à l'endroit des entreprises
bénéficiaires ~~~~~~~~~~ 65
§ 2 -- Le régime fiscal particulier des projets
structurants : un régime bien ciblé pour une
ambition réduite
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 66
A - Un régime bien ciblé, laissant clairement
entrevoir les objectifs visés ~~~~~~~.. 66
1) L'objectif de développement économique de la
localité d'implantation .................. 66
2) L'objectif de création d'emplois
................................................................ 67
B - De faibles incitations, trahissant une ambition
réduite ........................................... 67
1) La faiblesse des incitations explique l'insuccès du
régime ................................... 67
2) Un renforcement des incitations rendrait le régime
plus attractif ........................... 68
Section 2 : Pertinence mais efficacité mitigée des
solutions françaises de soutien fiscal à la recherche et au
travail
......................................................................................
69
§ 1 - L'efficacité certaine mais perfectible du
crédit d'impôt recherche ...........................
69
A - Un impact globalement positif sur la recherche
................................................... 69
1) Une stabilisation de la dépense intérieure de
R&D en dépit de la crise .................... 70
2) Des résultats encourageants en matière
d'attractivité et d'emploi ........................... 70
B - Un dispositif à améliorer pour en limiter
les effets d'aubaine et d'optimisation .............. 71
1) Limiter les effets d'aubaine
....................................................................... 71
2) Limiter les effets d'optimisation
................................................................. 72
§ 2 -- L'efficacité mitigée de la
défiscalisation des heures supplémentaires
........................ 74
A - La certitude de la hausse du pouvoir d'achat de ceux qui
effectuent des heures
supplémentaires......................................................................................
74
B - L'incertitude de l'accroissement de la durée
réelle de travail et de l'impact sur l'emploi. ..75
1) Des comportements opportunistes empéchent
l'accroissement de la durée réelle de
travail.................................................................................................75
2) L'impact sur l'emploi est ambigu
............................................................... 76
C - Le recentrage à opérer
.................................................................................76
CHAPITRE 2 : DES MESURES FISCALES NON PERTINENTES POUR
UNE INEFFICACITÉ AVERÉE .. 78
Section 1 : Non pertinence et inefficacité des mesures
fiscales camerounaises de soutien à la consommation et au financement
de l'économie .......................................................
78
§ 1 - Le constat de l'inefficacité des mesures
fiscales de soutien à la consommation ............ 79
A - Les mesures de soutien à la filière bois n'ont
pas résolu le problème de la demande
mondiale...............................................................................................
79
1) L'inadaptation de principe de la fiscalité à la
solution de problèmes de demande
internationale.......................................................................................
79
2) Une nécessaire réorientation de l'incitation
fiscale vers la transformation locale du bois
~~~~~~......................................................................................
80
B - La baisse de la fiscalité sur les produits de
première nécessité n'a pas abouti à une baisse
des
prix............................................................................................................
81
1) L'incapacité de la fiscalité à agir sur
les prix de produits importés ......................... 81
2) Une solution non fiscale : développer une production
locale en produits de première
nécessité.............................................................................................
81
§ 2 -- Le constat de l'inefficacité du
dispositif de soutien au financement long de l'économie ... 82
A - Un niveau de cotation demeuré anormalement bas
............................................... 83
1) Le constat de la faiblesse des cotations en dépit des
incitations ............................. 83
2) La justification de la faiblesse des cotations
.................................................... 84
B - Une solution plus politique que fiscale
............................................................. 84
1) Une création sur fond de querelles de leadership
sous-régional ............................. 84
2) Le nécessaire rapprochement des deux places
financières ................................... 85
Section 2 : Non pertinence et inefficacité des solutions
françaises de sédentarisation des grosses fortunes et de
soutien à la consommation et à l'emploi
................................................ 86
§ 1 -- Le « bouclier fiscal » ou le refus
d'une réforme fiscale globale ..............................
86
A - Un dispositif de contournement de l'ISF plus que de solution
au problème de la taxation du patrimoine et du revenu
....................................................................................
87
1) Le bouclier fiscal a été institué pour
atténuer les effets de l'ISF ............................ 87
2) Le bouclier fiscal s'est révélé
inefficace et inadapté .......................................... 87
B - Une solution nécessitant une réforme
globale et cohérente ...................................... 88
1) Se positionner clairement par rapport à l'ISF
.................................................. 89
2) Réformer l'imposition du revenu et des
bénéfices ............................................. 90
§ 2 -- La baisse ciblée de la TVA dans la
restauration : un impact limité pour un coût élevé
... 91
A - Le constat d'un faible impact sur les prix et sur l'emploi
........................................ 92
1) Une baisse des prix rendue difficile par le comportement de
marge des entreprises ..... 92
2) Un impact peu significatif sur l'emploi pour un coüt
élevé .................................. 92
B - La nécessaire réorientation de la mesure
vers plus d'efficacité ou moins de coüt ............ 93 CONCLUSION
GENERALE
.............................................................................
95 BIBLIOGRAPHIE
..........................................................................................
97
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