CHAPITRE I. NOTIONS GÉNÉRALES SUR LE
PALUDISME
En vue d'avoir une connaissance plus claire sur le paludisme,
nous avons jugé intéressant d'exposer certaines notions
générales sur cette maladie. Notre attention portera sur
l'historique de la maladie, ses causes et symptômes, les modes de
transmission de la maladie ainsi que les différents traitements
utilisés.
I.1. Definition
Le paludisme (du latin paludis, marais ),
appelé aussi malaria (de l'italien mal'aria, mauvais air ), est
une maladie parasitaire potentiellement mortelle causée par un
protozoaire du genre Plasmodium, transmise { l'homme par la
piqûre de certaines espèces de moustiques, les
anophèles. Le paludisme touche aujourd'hui les régions
tropicales et subtropicales, et il est responsable de plus d'un million de
décès. Il demeure la maladie la plus importante en Afrique
Subsaharienne et concerne majoritairement les enfants de moins de cinq ans et
les femmes enceintes48.
I.1.1. Concepts de malaria et de paludisme a) Malaria
Malaria et paludisme sont les deux termes compris partout, et
les plus communément utilisés pour désigner la maladie
dont nous parlons. De ces deux vocables, le premier impose { l'esprit
l'idée de mauvais air, l'autre celle des marais, c'està-dire les
deux causes étiologiques invoquées depuis des siècles pour
expliquer les fièvres périodiques que nous identifions
aujourd'hui au paludisme. Il était naturel, étant donné la
fréquence de la maladie en Italie et les nombreuses observations qui y
ont été faites, que la référence au « mauvais
air » ait trouvé son expression dans ce pays. Il semble que ce soit
au Moyen-Age que les deux mots mala et aria ont
été réunis, en un seul, malaria, qui ne
désignait d'ailleurs pas la maladie mais la cause la provoquant.
48 Encyclopédie du Congo belge, tome III,
Bruxelles, éd. Bieleveld, 1951, p. 86.
Le terme s'est maintenu jusqu'{ nos jours en langue anglaise.
D'après les recherches de P. F. Russel (en 1955), le mot malaria aurait
été écrit pour la première fois « en anglais
» en 1740 par Horace Walpole à l'occasion d'un voyage en Italie et
pour désigner la cause d'une « mortalité >> annuelle
et c'est seulement en 1743 qu'il serait apparu dans un texte médical
italien publié à Rome par F. Jacquier. Mais le Dictionary of
English Language, dans son édition de 1827, ne fait pas encore
figurer le mot malaria. Et c'est Macculloch (1775-1835) qui fut
vraisemblablement le premier auteur médical anglais à utiliser le
terme, qu'il déclare emprunter { l'italien, dans son ouvrage,
écrit en 1828, intitulé Malaria ; an essay on the production
and propagation of this poison49.
b) Paludisme
Le Dictionnaire de l'Académie Française
par J. B. Coignard en 1694 mentionne bien marais et « marécage
», mais il ne comprend ni « palus », ni « palud ».
Alors que le Dictionnaire de l'ancienne langue française par
Godefroy (1888) fait dater « palustreuse » de 1485, « paludeux
» de 1491, « palustre » de 1528, « paludineux » de
1530. Le Dictionnaire étymologique de Dauzat (1958) indique
1505 pour « palustre ».
Il s'agit toujours pour chacune de ces expressions soit de ce
qui a trait { la nature du marécage, soit encore de ce qui y vit ou
croît (hommes, plantes). Il ne sera pas question avant longtemps de
maladie pouvant avoir un rapport avec le « palud ».
Ce n'est qu'aux environs de 1840 que l'adjectif «
paludéen >> commence { apparaître dans la littérature
médicale associée { fièvre ou maladie. Ce n'est qu'en 1851
que le Nouveau Dictionnaire lexicographique et descriptif des Sciences
Médicales et Vétérinaires (RaigeDelorme, Boulet,
Daremberg) inclut « paludéen » avec la définition
suivante :
Paludéen, adj. (de palus, marais) : qui a un
rapport aux marais, qui est causé par les effluves marécageux ;
miasmes paludéens ; affections, fièvres
paludéennes50.
Le mot paludéen n'est admis { l'Académie
Française qu'en 1878 en même temps que son synonyme «
palustre >>. Quant au mot « paludisme >>, il n'apparaît
toujours pas. Par exemple, il n'existe pas dans le Grand Dictionnaire
Universel de Pierre Larousse de
49 DEBACKER, Paludisme: Historique, Mythes,
Croyances et idées reçues, Thèse de Doctorat,
Université de Paris XII Val de Marne, Créteil, 2000, p.19.
50 Idem, p. 20.
1874. En revanche, « impaludisme >> que l'on
commence { lire dans les rapports médicaux et les communications
à partir de 1846, est défini en 1873 comme un <<
état général de l'économie, avec
prédisposition aux affections intermittentes de la rate, amené
par les séjours dans les marais51. Il faudra attendre 1857,
date à laquelle on retrouve le mot paludisme sous la plume de F.
Jacquot, médecin militaire appartenant au Corps d'Occupation des Etats
Romains. Mais pour lui, le terme paludisme semble toujours (comme impaludisme)
se rapporter plutôt à la cause provoquant les fièvres
intermittentes qu'{ la maladie elle-même. En 1867, A. Verneuil,
chirurgien de l'hôpital Lariboisière, parlant au Congrès
international de Médecine de Paris des patients, dit :
<<...l'opéré est(...) imprégné d'un
poison comme dans la syphilis, le paludisme, la diphtérie, les
fièvres éruptives et typhoïdes... ». Et voici le
paludisme inclus, sous ce nom, en tant que maladie parmi d'autres affections
déjà reconnues52.
En 1881, toujours Verneuil, dans une série d'articles
publiés dans la Revue de chirurgie, dit à propos des
divers synonymes employés, (fièvre intermittente, fièvre
palustre, paludisme, impaludisme, malaria, tellurisme), qu'il
préfère le terme paludisme comme plus court et plus clair et
parce qu'il est possible d'en tirer le mot paludique qui s'applique aux
personnes et aux choses. Toutefois, en cette même année 1881, dans
deux communications { l'Académie des Sciences et { l'Académie de
Médecine, Alphonse Laveran continue d'employer fièvre palustre et
impaludisme.
En 1884 enfin, dans son Traité des fièvres
palustres avec descriptions des microbes du paludisme, Laveran
écrivait dans son introduction :
<< Les mots paludisme, paludique, qui ont
été adoptés par Monsieur le professeur Verneuil (...) me
paraissent excellents pour désigner l'ensemble des troubles morbides
produits par les microbes des fièvres palustres et les maladies qui sont
sous le coup de ces troubles morbides ». En 1907, il souhaitait dans
son Traité du paludisme que le mot paludisme soit
employé de préférence à ses nombreux synonymes. Il
écrivait : << Le mot paludisme a été
préconisé par Verneuil. (...) Il est devenu familier au public
médical et je l'ai inscrit sans hésiter en tête de ce livre
». De fait, à cette date, le mot paludisme était
déjà entré dans l'histoire de la médecine
tropicale53.
51 MBALANDA, L.W., Op. cit, p. 53.
52 DEBACKER, Op. cit, p. 20.
53 Idem, p. 21.
La date officielle, sanctionnée par les dictionnaires,
de l'entrée du mot dans la langue française est fixée
à l'année 1884. Il apparaît dans le Dictionnaire
Encyclopédique d'A. Dechambre.
Il fallut toutefois attendre 1920 et la 7° édition
du Dictionnaire des termes techniques de Médecine par M.
Garnier et V. Delamare pour voir accolé au mot paludisme le nom de A.
Verneuil, le chirurgien auquel revient le mérite de l'avoir
préconisé et fait adopté par Laveran
lui-même54.
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