UNIVERSITE DE DSCHANG
Faculty des Sciences Juridiques et
Politiques
Departement de droit public et de science
politique
|
|
1
UNIVERSITY OF DSCHANG
Faculty of Law and Political Science
Department of public law and political
science
|
Unite de formation doctorale droit et science
politique
LES SANCTIONS INTERNATIONALES AUX
VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME DANS
LE CADRE DU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE
LA SECURITE INTERNATIONALES
These presentee et soutenue publiquement en vue de
l'obtention du Master Droit public,
Par TCHAGNA TAKWI Arsene, licencie es droit et
science politique
Sous la direction de : Supervise par :
Monsieur le Docteur BILONG
Salomon
Année académique
200 9-2010 Janvier 2012
|
Monsieur le Professeur KEUTCHA TCHAPNGA
Célestin
|
L'Université de Dschang n'entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions émises dans le présent
travail ; celles-ci doivent etre considérées comme propres a
leurs auteurs.
DEDICACES
A ma mere, Mme NKEITCHA Jeannette, que je porte en grande
estime
A mon pere, M. TCHAGNA Jean Jacques sur qui j'ai toujours
pris modèle
REMERCIEMENTS
Parvenu au terme de ce travail, il m'est donne
l'occasion d'adresser mes profonds et sinceres remerciements a des personnes
qui, d'un bout a l'autre et de quelque maniere qu'il s'agisse, ont participe a
son elaboration. Toute ma gratitude est d'abord adressee aux enseignants de la
Faculte des Sciences Juridiques et Politiques de l'Universite de Dschang, et en
particulier :
- Le Professeur KEUTCHA TCHAPNGA Célestin, qui a
honoré ce travail en acceptant de le superviser ;
- Le Docteur BILONG Salomon, pour ses conseils, sa
patience, sa confiance et son suivi ferme et sans relache.
Ma gratitude est ensuite exprimee a des familles et
personnes cheres :
- Les Familles MBAKOP Daniel, MBADJITAT Augustin,
KOUANOU Edmond, YISSEU NZADI Jean Claude, NGUEPNANG Celestin, TSANA Lucioni,
ainsi que le Me TCHABO Herve ;
- Mes tantes PONDJA Sarah, TCHAPNGA Christine, NYA
Blandine ;
- Mes freres aines TCHAGNA DJEUTA H.W., TCHAGNA
PONDJA N., et cadets TCHAGNA DIANE V., TCHAGNA KOUANOU A., MBADJITAT MBABOU C.,
NGAHANE TCHAGNA E.R., KEITCHA SINTHIA O. et TONDJI Lesline ;
- Mes amis FOPY Sylvain C., MAGNITOUO LONLA J.B.,
NDENGANG TCHONGWANG P., TANKEU FOMENOU A., NGOUANEU YISSEU A.L., KWEDI
Virginie, AZAMBOU NGNINTEDEM D.T., SIETCHEPING Senghor S., TCHAMEGNI FOMENOU
J., PIEUMEGNI FOMENOU P., SIAKE SIAKE I., LAMBOU J. et PEUSSY B. ;
- Mes camarades de promotion, ainsi que toutes les
personnes que je n'ai pas nommement designees.
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : LES SANCTIONS POLITIQUES, MESURES
« A DOUBLE TRANCHANT » 16
CHAPITRE I : UNE DUALITE TYPOLOGIQUE DES SANCTIONS
POLITIQUES DANS L'OPTIQUE DU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SECURITE
INTERNATIONALES 19
SECTION 1 : LES SANCTIONS AUX VIOLATIONS DES DROITS
DE L'HOMME PRISES PAR LES ORGANISATIONS
INTERNATIONALES 20
SECTION 2 : LES SANCTIONS AUX VIOLATIONS DES DROITS
DE L'HOMME ADOPTEES PAR LES ETATS : LES CONTREMESURES 41
CHAPITRE II : SANCTIONS POLITIQUES ET RESPECT DES DROITS
DE L'HOMME : UNE COMPATIBILITE PROBLEMATIQUE 62
SECTION 1 : LA MISE EN EXERGUE DE L'INCOMPATIBILITE
ENTRE LES SANCTIONS POLITIQUES ET LE RESPECT DES DROITS DE L'HOMME
63
SECTION 2 : L'EFFORT DE LEGITIMATION DES SANCTIONS
POLITIQUES 79
SECONDE PARTIE : LES SANCTIONS JURIDICTIONNELLES,
MESURES « APPROPRIEES » 97
CHAPITRE I : LA MISE EN OEUVRE DE LA SANCTION
PENALE
SECTION 1 : LES CONDITIONS DE FORME A LA MISE EN OEUVRE
DE LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE 101
SECTION 2 : LES CONDITIONS DE FOND A L'APPLICATION DE LA
SANCTION PENALE INTERNATIONALE 116
CHAPITRE II : LES CONSEQUENCES DE LA SANCTION
PENALE INTERNATIONALE SUR LA PAIX ET LA SECURITE
INTERNATIONALES 129
SECTION 1 : LES CONSEQUENCES INHERENTES A L'APPLICATION
DE LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE 130
SECTION 2 : LES CONSEQUENCES LIEES AUX FONCTIONS DE LA
SANCTION PENALE INTERNATIONALE 138
CONCLUSION GENERALE 148
TABLE DES ABREVIATIONS
1- Abréviations bibliogra phiques
Ann.C.D.I Annuaire de la Commission du droit
international
A.F.D.I Annuaire frangais de droit
international
Ann.I.D.I Annuaire de l'Institut du droit
international
B.N.0 Bulletin des Nations Unies
ed. Edition
E.J.I.L European journal of international
law
Idem Référence ci-dessus
indiquée
I.L.R International law reports
I.R.R.C International review of red cross
J.D.I Journal du droit international
N. Numéro de la revue
O p.cit. Opuscule précitée
P. Page
PP. Pages
P.0.A.M Presse universitaire d'Aix-Marseille
Rec.C.I.J Recueil des arrIts de la Cour internationale
de justice
R.C.A.D.I Recueil des cours de l'Académie de
droit international
R.S.A.N.0 Recueil des sentences arbitrales des Nations
Unies
Rec.T.N.0 Recueil des traités des Nations
Unies
R.G.D.I.P Revue generale de droit international
public
R.Q.D.I Revue québécoise de droit
international
R.R.J Revue de recherche juridique
T. Tome
Vol. Volume
2- Abreviations techniques
A.G.N.0 Assemblee generale des Nations Unies
C.D.I Commission du droit international
C.I.J Cour internationale de justice
C.P.I Cour penale internationale
C.S.N.0 Conseil de securite des Nations
Unies
D.0.D.H Declaration universelle des droits de
l'homme
La Charte Charte des Nations Unies
O.N.0 Organisation des Nations Unies
O.T.A.N Organisation du traite de l'Atlantique
Nord
P.I.D.C.P Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
P.I.D.E.S.C Pacte international relatif aux droits
economiques, sociaux
et culturels
T.P.I.R Tribunal penal international pour le
Rwanda
T.P.I.Y Tribunal penal international pour
l'ex-Yougoslavie
T.S.S.L Tribunal special pour la Sierra
Leone
INTRODUCTION GENERALE
U.E.O Union de l'Europe occidentale
U.N.I.T.A Union nationale pour l'indépendance
totale de l'Angola
En signant, le 26 juin 1 945, a San Francisco, la
Charte de l'O.N.U, les peuples des Nations Unies ont proclamé leur foi
dans les droits fondamentaux de l'Homme. Ce faisant, ils ont introduit un
élément nouveau dans les relations internationales. Pour la
première fois, après les horreurs de la seconde guerre mondiale,
le respect des droits de l'homme, dans le monde entier, était
élevé au rang de préoccupation légitime de la
Communauté internationale. Ainsi, après les "injures
massives''1 faites a l'homme dans le siècle dernier, le sens
de la démarche contemporaine est clair : elle tend a faire de l'homme g
la transcendance universelle émergeant au dessus des trônes et des
dominations D2.
Jusqu'alors, les droits de l'homme concernaient les
relations entre individus ou entre individus et Etats. Leur inscription dans le
droit international marque un changement majeur dans l'histoire et la pratique
de ce droit, lequel étend sa protection aux individus et aux
entités non étatiques. La Déclaration Universelle des
Droits de l'homme du 10 juin 1 948 cristallise cette inscription. Ainsi, le
troisième age des Droits de l'homme3 - celui de leur
internationalisation voire de leur universalité- s'est
concrétisé tant par l'émergence des textes juridiques
internationaux concernant les Droits de l'homme4 que par
l'institutionnalisation des réactions de l'ordre juridique international
face aux illicéités susceptibles d'être portées a
l'endroit des droits de l'homme.
Cependant, et eu égard aux dispositions de
l'article 2, paragraphe 7, de la Charte des Nations Unies qui interdit toute
intervention dans les affaires intérieures d'un Etat, comment obliger
les gouvernements a agir tout
1 Voir DUPUY
René-Jean, * L'universel et l'international *, in DE RAYMOND
Jean-Frangois (Sous la direction de), Les enjeux des Droits de l'Homme,
Larousse, 1 988, p. 20 9.
2Voir ibid.
3 Voir BECET Jean-Marie
et COLARD Daniel, Les Droits de l'homme. Dimensions nationales et
internationales, éd. Economica, 1 982, p.75- 95. Les trois ages sont les
suivants : en premier lieu l'age de la proclamation juridique, en
deuxième lieu l'age de la socialisation et en troisième lieu
l'age de l'internationalisation.
4 Charte des Nations Unies,
DUDH, PIDCP, PIDESC, etc.
en respectant les considérations humanitaires ?
Comme le dit Sylvaine CARTA LE VERT :
g L'obstacle des souverainetés nationales, si
fréquemment invoqué pour refuser l'examen de la situation dans un
pays, était difficile a surmonter. Les promoteurs des droits de l'homme
devaient donc le contourner »5.
La mise en place des mécanismes visant a la
protection des droits de l'homme et a la répression de leur violation
procédait ainsi de la volonté de contourner l'obstacle des
souverainetés nationales. C'est dans ce contexte que sont apparues les
sanctions internationales. Il est raisonnable de commencer l'examen des
sanctions internationales (II) par un retour sur l'origine et la
définition de son objet c'est-A-dire les droits de l'Homme
(I).
I- ORIGINE ET DEFINITION DES DROITS DE L'HOMME
Incontestablement, le langage des droits de l'homme
dérive directement des philosophies du droit issues de la
révolution intellectuelle du moyen age. Comme l'affirme Kenneth MINOGUE,
l'on a, au début de l'ere moderne, tiré g l'origine des droits
d'une conception globale de la nature, conception véhiculée par
la philosophie depuis de nombreux siecles D6.
Au début des temps modernes, on parlait ainsi
de g droits naturels N, tandis qu'à une époque plus
récente, l'expression g droits de l'Homme D est entrée en usage.
Le terme g Homme D prend ici une force particuliére, signifiant que les
droits en question sont ceux qui, selon Kenneth MINOGUE, caractérisent
l'essence de la vie humaine7. A la seconde moitié du
17e
5 Voir CARTA LE VERT
Sylvaine, g L'action de l'O.N.U. : la stratégie de persuasion * in DE
RAYMOND Jean-Frangois (Sous la direction de), Les enjeux des Droits de l'Homme,
op.cit., P.202
6 Voir MINOGUE Kenneth, g
Historique de la notion de Droits de l'homme *, in LAQUEUR Walter et RUBIN
Barry (Textes réunis par), Anthologie des droits de l'homme, éd.
Nouveaux Horizons, 1 98 9, P. 9
7 Voir ibid.
siécle, les g droits naturels D se sont
substitues aux g droits divins D avec les penseurs comme GROTIUS et LOCKE.
Toutefois, c'est au 18e siècle sous la plume des philosophes
a l'instar de MONTESQUIEU, ROUSSEAU ou encore KANT que la doctrine des droits
naturels s'est revelee avec vigueur8. Ainsi, la doctrine des droits
naturels occupa le devant de la scene politique en se trouvant associee a deux
revolutions :
g Ce serait exagere quoique excusable, d'affirmer
qu'a son apogee l'idee de droits naturels renversa deux puissants gouvernements
- celui qu'exergait George III sur les colonies americaines et celui de Louis
XVI en France » 9.
C'est dans cette perspective que la Declaration
d'Independance americaine de 1776 et la Declaration frangaise des Droits de
l'Homme et du Citoyen de 178 9 consacrent les g droits naturels et inalienables
D10 de l'homme.
Cependant, la doctrine des droits naturels n'a pas
tarde a s'ebranler. En effet, l'infortune de cette doctrine devait etre portee
par Karl MARX. Ce dernier a fonde sa critique sur l'argument selon lequel les
pretendus droits naturels n'etaient que les droits d'une classe sociale. Par
exemple, le droit de propriete qui represente l'un des droits naturels de
l'homme ne pouvait etre revendique par les esclaves ou les
proletaires11.
Desormais, l'on parle de g droits de l'homme D plutOt
que de g droits naturels N, et cela tient au fait qu'il s'agit des droits lies
a g la dignite et la valeur de la personne humaine N12, et non plus
des droits lies a la g nature N.
En raison principalement des atrocites qui ont frappe
le XXe siecle13, les questions relatives aux droits de l'homme ne
relevaient plus exclusivement
8 Voir RICOEUR Paul,
texte extrait de l'introduction a l'ouvrage sur les Fondements philosophiques
des droits de l'homme, 1 988, publie dans Les enjeux des Droits de l'Homme,
op.cit., avec l'autorisation de l'UNESCO.
9 Voir MINOGUE Kenneth, * Historique de la notion de
Droits de l'homme *, op.cit., p.17.
10 Voir Preambule de la
Declaration frangaise des Droits de l'Homme et du Citoyen.
11 Voir MINOGUE Kenneth,
op.cit., pp.18-21.
12 Voir Preambule de la
Charte des Nations Unies et celui de la Declaration Universelle des Droits de
l'Homme.
de la juridiction interieure des Etats. Meme si avant
la creation de l'ONU, l'ordre juridique international etendait dejà sa
protection sur certains droits de l'homme14, il convient de
reconnaitre que le remarquable developpement de la legislation des droits de
l'homme debuta avec l'insertion de diverses dispositions relatives a ces droits
dans la Charte de l'ONU15. Puis, les travaux de la Commission du
droit international permirent que fut votee a l'unanimite, par l'Assemblee
generale, le 10 decembre 1 948 la DUDH. Suivirent en 1 966 le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international
relatif aux droits economiques, sociaux et culturels, adoptes par l'Assemblee
generale.
Desormais, a cote de ces deux generations des droits
de l'Homme16, une troisieme generation est nee et est representee
par les droits plus recents. Sont notamment inclus dans cette generation le
droit a un environnement sain, le droit au developpement et le droit a la paix.
C'est dire qu'une definition des g droits de l'homme D est complexe. Elle doit
necessairement prendre en compte le contenu des trois generations des droits de
l'homme. Pour notre part, nous definissons les droits de l'homme comme
l'ensemble des droits et prerogatives reconnus a tous les etres humains en tant
qu'hommes libres et egaux en dignite, afin de permettre tant l'epanouissement
de la personnalite de chacun d'eux que celui de l'espece humaine toute
entiere.
Par ailleurs, malgre que les Declarations de 178 9 et
de 1 948 denoncent l'ignorance des droits fondamentaux comme la cause
essentielle des malheurs de l'humanite, celle-ci ne peut plus constituer
aujourd'hui un
13 Nazisme, fascisme et
autres ideologies attentatoires aux droits de l'homme, regimes et guerres
totalitaires, et surtout les deux guerres mondiales qui ont bafoues les droits
de la personne humaine.
14 Il s'agissait du droit
a la protection des etrangers, du droit de ne pas subir l'esclavage et la
traite des esclaves, du droit de certaines personne en temps de guerre, du
droit a la protection des minorites ainsi que du droit de ne pas être
victime de piraterie. Voir DRISCOLL Dennis J., * La place grandissante des
Droits de l'homme dans le droit international *, in LAQUEUR Walter et RUBIN
Barry (Textes reunis par), Anthologie des droits de l'homme, op.cit.,
PP57-58.
15 Voir articles 1, 55, 56
notamment de la Charte des Nations Unies.
16 Les droits civils et
politiques et les droits sociaux, economiques et culturels
alibi. L'extraordinaire développement de la
presse17 place l'e-tre humain a l'abri de l'ignorance. Pourtant, les
violations répétées des droits de l'homme n'ont pas
régressé. C'est dans cette mesure que les sanctions
s'avérent nécessaires.
II- EVOLUTION ET DEFINITION DES SANCTIONS
INTERNATIONALES
Aucun droit ne peut compter uniquement sur sa force
morale pour se faire respecter. De me-me, le respect des droits de
l'homme au niveau interne et international est subordonné a la mise en
oeuvre des sanctions. Si a l'intérieur de l'Etat, le monopole du recours
aux mesures de coercition est détenu par les autorités
gouvernementales, l'ordre juridique international n'accorde pas a une seule
entité l'usage de telles mesures18. Un bref apergu historique
(A) précédera la définition de la sanction internationale
(B).
A- Evolution des sanctions internationales
Sous l'égide du droit international classique,
la sanction du droit international était constituée de la guerre
et des représailles1 9. Me-me si certains auteurs
ont contesté au recours a la guerre la qualification de sanction du
droit international20, il n'en demeure pas moins que d'importants
développements ont été réalisés dans ce
sens. Comme le
17 De nos jours, la presse
n'est plus seulement écrite, elle est surtout audio-visuelle et
cybernétique.
18 Voir NGUYEN QUOC Ndinh,
DALLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, 5e
édition, LGDJ, 1 994, pp 874-875.
1 9 a Les
représailles sont la privation forcée de certains biens seulement
protégés sans cela par le droit international ; elles sont un
empiétement contraire a la volonté de l'Etat atteint sur certains
de ses droits seulement, tandis que la guerre est, en principe, un
empiétement sur tous ses droits, comportant en particulier l'usage de la
force militaire * ; KELSEN Hans, K Théorie générale du
droit international public. Problemes choisis *, RCADI, vol.4, T.42, 1 932, p.
12 9.
20 Voir Louis CAVARE qui
voie en cette conception "une manifestation d'humour déplacée'',
K Les sanctions dans le cadre de l'ONU *, RCADI, vol.1, 1 952, PP.1 97-1
99.
remarque VATTEL, « ... la guerre est une situation
ou nous defendons nos droits par la force. *21
En effet, du XVIe au XIXe siecle, il est reconnu a
tout Etat souverain une competence de guerre qui lui permet de « defendre
ses droits par la force *. C'est le regne du « jus ad bellum *. Cette
liberte de faire la guerre etait la manifestation du droit de se faire justice
a soi même. Ce droit domina les relations internationales a cette epoque
jusqu'a la differenciation entre la guerre juste22 et la guerre
injuste. Mais, les premieres veritables tentatives d'institutionnalisation de
la sanction internationale ont debute avec la limitation, mieux le retrait de
la competence de guerre des Etats. La deuxieme Convention de La Haye de 1 907,
dite Convention « Drago-Porter *23 annonce cette limitation. Elle est
suivie par le Pacte de la Societe des Nations qui presente la premiere
tentative de « centralisation de la reaction a l'illicite *24
dans l'ordre juridique international. Cependant, les « fissures * du Pacte
de la Societe des Nations, tentees d'être comblees par la Convention de
Paris du 26 aoat 1 92825, n'ont pas permis l'efficacite du mecanisme
de mise en oeuvre des sanctions par le Conseil de la Societe des
Nations.
Ainsi, c'est a la suite de la seconde guerre mondiale
que les failles du systeme de securite collective ont ete comblees, ceci au
merite de la Charte des Nations Unies. Desormais, la guerre ne represente plus
la sanction du
21 Voir VATTEL, Le Droit
des gens ou principes de la loi naturelle appliqués a la conduite et aux
affaires des nations et des souverains, 1758, LIII, chapitre 1, paragraphe 1-3,
cite par DELIVANIS Jean, La légitime défense en Droit
international public moderne, Paris, LGDJ, 1 971, P. 9.
22 Les theologiens du
XVIe et du XVIIe siecle consideraient que seul serait juste la guerre tendant a
faire prevaloir une pretention legitime et seule la guerre juste serait
legitime. Selon VATTEL, est juste toute guerre declenchee loyalement, a la
suite d'une declaration de guerre ; dans ces conditions, seule est condamnable
la guerre « par surprise * ; NGUYEN QUOC Ndinh, DALLIER Patrick, PELLET
Alain, Droit international public, op.cit., P.876.
23 « Convention sur
la limitation de l'emploi de la force pour le recouvrement des dettes
contractuelles *, in ZOUREK Jaroslav, L'interdiction de l'emploi de la force en
droit international, , A. W. Sijthoff-Leiden, Geneve, 1 974, PP.23 et
24.
24 Voir MAISON Rafaelle,
La responsabilité individuelle pour crime d'Etat en droit international
public, ed. Bruylant, Bruxelles, 2004, P.18
25 Dit Pacte Briand-Kellog. C'est finalement cette
Convention qui met la guerre « hors-la-loi *, mais ne reussit pas a
renforcer le systeme de securite collective.
droit international26. Aussi, les
sanctions internationales sont principalement exercées par le Conseil de
sécurité des Nations Unies27 dans le but de maintenir
la paix et la sécurité internationales28. De
me-me, les contre-mesures interétatiques sont
considérées comme des sanctions en droit international
public2 9.
B- Definition de la sanction internationale
Afin de saisir pleinement le sens de la notion de
sanction en droit international public, il est indispensable de le comprendre
dans son contexte littéral. Ainsi, du latin Sanctio, formé a
partir du verbe sancire qui signifie g prescrire *, la sanction est g l'acte
par lequel le souverain, le chef du pouvoir exécutif reve-t une mesure
législative de l'approbation qui la rend exécutoire
*30.Dans ce sens, la sanction est un acte d'approbation, de
consécration ou encore de ratification. En outre, et dans un autre sens,
elle renvoie a une g conséquence inéluctable
*31.
Sous un angle juridique, le terme de « sanction
* est définit d'un double point de vue. Au sens large, la sanction est g
toute mesure, me-me réparatrice, justifiée par la
violation d'une obligation. Au sens étroit, elle est
26Voir article 2,
paragraphe 4, de la Charte qui dispose : g Les Membres de l'Organisation
s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir a la menace ou
a l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre
maniére incompatible avec les buts des Nations Unies *.
27 Voir article 24,
paragraphe 1, de la Charte qui stipule : g Afin d'assurer l'action rapide et
efficace de l'Organisation, ses Membres conférent au Conseil de
sécurité la responsabilité principale du maintien de la
paix et de la sécurité internationales et reconnaissent qu'en
s'acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité le Conseil
de sécurité agit en leur nom *.
28 Voir Chapitre 7 de la
Charte, en annexe, pp.153-156.
2 9 Voir VERHOEVEN Joe,
Droit international public, éd. Larcier, 2000, PP.651-66 9 ;
KOSMALACROZE Catherine, g La sanction en droit international *, in La sanction
en droit, colloque de l'Université de Lyon 3, du 27/11/2003, PP.2-8,
in
http://www.net-iris.fr/blogjuridique/14-catherine-kosma-lacroze/10842/la-sanction-en-droit-international
.
30 Voir Le petit Robert, dictionnaire de la langue
francaise 1, Vol.1, Paris, P.175 9.
31 Voir ibid.
la punition, la mesure repressive pouvant etre
prononcee par plusieurs organes(...) N32.
Toutefois, c'est la notion de sanction prise dans son
sens large qui sied mieux a la conception la plus usitee en droit international
public. En effet, la sanction renvoie en droit international public a l' *
ensemble des mesures diplomatiques, economiques ou militaires prises par l'Etat
ou par une organisation internationale pour faire cesser une violation du droit
international qu'une organisation a constatee ou dont un Etat s'estime victime
N33. C'est dire que differents types de sanctions sont envisages
dans l'ordre juridique international. Une premiere distinction34
prend en compte :
- Les sanctions economiques, qui peuvent etre soit
commerciales, soit financieres.
- Les sanctions touchant les voyages.
- Les sanctions diplomatiques
- Les sanctions militaires
- Les sanctions culturelles et sportives
Une deuxieme distinction oppose les sanctions non
violentes35 des sanctions violentes36. Une autre
distinction est a operer entre les sanctions prises par un Etat37 et
celles prises par les organisations internationales38.
Cependant, cette definition de la notion de sanction
en droit international public a l'inconvenient de ne pas integrer les sanctions
edictees
32 Voir Gerard CORNU,
Vocabulaire juridique, cite par PRADEL Jean, Droit penal, T.1, ed. Cujas,
Paris, 1 994, P.573.
33 Voir ABC du droit international public, p.34,
in
www.aidh.org/enseign/abc/Images/abc.pdf
.
34 Voir MANGIN Rene,
Rapport d'information no 3203 depose en application de l'article 145 du
Reglement par la Commission des Affaires Etrangeres sur les sanctions
internationales, PP.8- 9.
35 Article 41 de la Charte
des Nations Unies, voir annexe 1, p.153.
36 Article 42,
ibid.
37 Ou sanctions *
horizontales N
38 Ou sanctions * verticales
N
par les organes juridictionnels. Dans ce sens, il
apparait approprie de distinguer, en droit international public, les sanctions
prises par les organes politiques internationaux3 9 des sanctions
prononcees par les organes juridictionnels internationaux40. Au
cours de cette etude, les premieres sont rassemblees sous l'appellation de g
sanctions politiques D et les secondes sont denommees g sanctions
juridictionnelles D.
Malgre ces distinctions des types de sanctions en
droit international, une confusion semble demeurer avec des notions voisines.
Il s'agit des notions d'intervention(1) et de legitime defense(2)
principalement.
1- Sanction internationale et intervention
L'intervention et la sanction en droit international
public ont toutes les deux un fondement commun, c'est-à-dire dans le
cadre de cette etude, la violation des droits de l'homme. De plus, ces notions
representent des reactions de l'ordre juridique international a l'illicite.
Cependant, s'il est admis que les sanctions internationales sont une forme
d'intervention41, il faut neanmoins preciser que toutes les formes
d'intervention ne sont pas licites en droit international. C'est d'ailleurs
meme le principe de non intervention qui y est
consacre.42
Cependant, et comme l'affirme le Professeur Charles
ZORGBIBE, la seule intervention licite semble etre celle qui se fonde sur une g
Lesion de la
3 9 Voir entre autres Etats
et organisations internationales.
40 Voir Cour
Internationale de Justice, Cour Penale Internationale, Tribunal Penal
International pour l'ex-Yougoslavie, Tribunal Penal International pour le
Rwanda, Tribunal Special pour la Sierra Leone, Cour Europeenne de Justice, Cour
Inter Americaine de Justice, Cour Africaine de Justice et des droits de
l'homme, notamment.
41 Voir article 2, paragraphe 7, in fine de la
Charte.
42 Voir article 2,
paragraphe 7, de la Charte. Voir en outre la Declaration relative aux principes
du droit international touchant les relations amicales et la cooperation entre
les Etats conformement a la Charte des Nations Unies, in ZOUREK Jaroslav,
L'interdiction de l'emploi de la force en droit international, Editions A.W.
Sijthoff-Leiden, Institut Henry-Dunant, Geneve, 1 974, Pages
128-138.
1
société humaine D43. Il parle
ainsi indistinctement de l'intervention d'humanité et de l'intervention
humanitaire.44
Mais, si ces deux notions ont un fondement commun,
elles poursuivent des buts différents. Tandis que l'intervention vise a
protéger les populations victimes des violations des droits de l'homme,
la sanction internationale tend a mettre fin a ces violations, réprimer
l'auteur45 et obtenir réparation. Cette distinction ne
s'éloigne que de peu de celle existant entre sanction internationale et
légitime défense.
2- Sanction internationale et legitime
defense
Tout comme les sanctions internationales, la
légitime défense constitue une forme de recours a la force
autorisée par la Charte des Nations Unies46 en riposte a des
actes illicites. Elle peut Itre individuelle47 ou
collective48. Seulement, le champ d'application matériel de
la légitime défense est plus restreint que celui des sanctions
internationales4 9.En effet, la légitime défense est
une réaction face a un acte d'agression50 et g se
borne
43 Voir ZORGBIBE Charles, Le
droit d'ingérence, col. Que sais- je ?, éd. PUF, 1 994, P.
9.
44 L'intervention
d'humanité oblige un Etat a intervenir a l'étranger pour
protéger la vie de ses nationaux tandis que l'intervention humanitaire
vise a intervenir dans un autre pays pour protéger l'ensemble de la
population victime de la violation des droits de l'homme. Ces notions se
distinguent du droit d'ingérence. Leur contenu a évolué,
tout comme la terminologie les désignant et l'on parle désormais
de la responsabilité de protéger. Pour la distinction entre droit
d'ingérence, intervention d'humanité et intervention humanitaire,
Voir ZORGBIBE Charles, op.cit. ; Et plus loin sur l'évolution vers la
responsabilité de protéger, voir FOPY Sylvain Christian, Le droit
d'intervention de l'Union Africaine, mémoire de D.E.A, Université
de Dschang, 2006-2007, pp.3-5.
45 Etat ou entité non
étatique.
46 Voir article 51 de la
Charte ; pour les différentes formes de recours a la force
autorisée par la Charte, voir ZOUREK Jaroslav, L'interdiction de
l'emploi de la force en droit international, op.cit., PP.6 9-112.
47 A l'instar des
contre-mesures.
48 A l'image des sanctions
collectives.
49 Voir DELIVANIS Jean, La
légitime défense en droit international public moderne (Le Droit
International face a ses limites), Paris, LGDJ, 1 971, PP.6 9-72.
50 Voir résolution 3314 (XXIX) du 14
décembre 1 974 de l'Assemblée générale des Nations
Unies ; Voir en outre KAMTO Maurice, L'agression en droit international,
éd. A.Pedone, Paris, 2010, PP. 91-187.
A tenter d'arre-ter cette violation N51.
Quant aux sanctions internationales, elles sont exercées sous des
hypothéses plurielles52 et visent tant la cessation des
exactions, la répression de ses auteurs, que la réparation de
celles-ci.
Ainsi procédées a ces précisions
terminologiques, il convient de relever que tant dans la pratique que dans la
doctrine, les termes g mesures de contraintes N, g mesures coercitives N, g
mesures contraignantes D et g sanctions D sont indistinctement
usités53. De me-me, la notion de maintien de la
paix ne peut se détacher de celle de rétablissement de la paix.
C'est au vu de ces considérations générales que les
développements seront abordés.
INTERET DU SUJET
Le sujet qui interpelle notre attention tente de
concilier, prima farcie, la défense du droit a celle de la
paix54. Ainsi, les violations des droits de l'homme, comme nous
allons le développer, représentent désormais une «
menace contre la paix D. Ce qui invite l'ONU, les organisations
régionales ou les Etats a prendre les sanctions adéquates afin de
maintenir la paix et la sécurité internationales.
Mais, cette tentative de conciliation du droit et de
la paix ne se limite pas a ce niveau. Elle permet de se rendre compte a
fortiori que les organes juridictionnels,- plus précisément les
juridictions pénales internationales-, en appliquant les sanctions aux
individus responsables de violation des
51 Voir DELIVANIS Jean,
op.cit., P.70.
52 Voir chapitre VII de la
Charte des Nations Unies, annexe ; chapitre II, Partie III du Projet d'articles
sur la responsabilité des Etats pour fait internationalement illicite,
annexe ; chapitre II du statut de Rome de la Cour pénale internationale,
annexe ; etc.
53 Voir COUZICOU
Iréne, g Le Conseil de sécurité doit-il respecter les
droits de l'homme dans son action coercitive de maintien de la paix ? *, RQDI,
2007, P.108 ; Et sur le caractére inapproprié du terme g
Sanctions * en droit international, voir COMBACAU Jean, Le pouvoir de sanction
de l'O.N.U. Etude théorique de la coercition non militaire, Paris, A.
Pedone, 1 974, PP.23-24.
54 Voir NGUYEN QUOC Dinh,
DAILLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, op.cit.,
P.875.
droits de l'homme, participent tant sur le plan theorique
que pratique, au maintien de la paix et de la securite
internationales.
En bref, le sujet qui nous preoccupe permet la remise au
gout du jour de la question problematique des sanctions
internationales.
METHODE DE TRAVAIL
La demarche qui est suivie dans ce travail de
recherche est une demarche juridique. Elle est constituee principalement de la
dogmatique c'est-A-dire l'interpretation et l'explication des regles et
principes de droit en vue de leur application a des faits sociaux. Cette
derniere est de temps a autre soutenue par la casuistique c'est-A-dire
l'exploitation et la mise en exergue des cas de jurisprudence.
De me-me, l'exigence méthodologique
qui contraint a procéder a une taxinomie des sanctions internationales
ne nous soustrait point du cadre téléologique de
l'étude55.
PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESE
La correlation qui existe entre trois grands problemes
de notre temps c'est-A-dire d'un cote les sanctions internationales, de l'autre
cote le respect et l'épanouissement des droits de l'homme, et enfin le
maintien de la paix et de la sécurité internationales, est
établie non seulement dans le texte de la Charte des Nations Unies, mais
aussi dans celui d'autres instruments juridiques internationaux. A ce titre,
les sanctions, selon les termes de l'article 3 9 de la Charte, ne peuvent venir
qu'en reponse a une menace a la paix, une rupture de la paix ou un acte
d'agression. C'est dire que, d'un point juridique, les violations des droits de
l'homme doivent etre constitutives de menace a la paix, de rupture de la paix
ou d'acte d'agression
55 C'est-à-dire le
maintien de la paix et de la sécurité
internationales.
pour que les sanctions internationales puissent Itre
adoptées. Cette exigence nous améne a poser la
problématique de cette étude en ces termes : Dans quelle mesure
les sanctions internationales aux violations des droits de l'homme
contribuent-elles au maintien de la paix et de la sécurité
internationales ?
Ceci dit, et pour éviter tout commentaire
superflu, l'étude entreprise vise a défendre la thése qui
suit : Pour que les sanctions internationales aux violations des droits de
l'homme contribuent au maintien de la paix et de la sécurité
internationales, il faut qu'elles soient adaptées aux auteurs desdites
violations. En d'autres termes, dans la mesure ou les sanctions impliquant la
responsabilité collective cédent la place a celles impliquant la
responsabilité individuelle, le maintien de la paix et de la
sécurité internationales est mieux assuré.
PERSPECTIVES DE TRAVAIL
S'il est vrai que la détermination de l'organe
qui doit intervenir est moins commandée par la nature de la sanction a
appliquer que par celle de l'infraction commise56, il n'en demeure
pas moins vrai qu'au niveau international, les violations des droits de l'homme
font intervenir tant les organes politiques que les organes juridictionnels.
Dans cette perspective, la distinction dans cette étude, comme sus
évoquée, est opérée entre sanctions politiques,
c'est-A-dire celles mises en oeuvre par les organes politiques internationaux,
et sanctions juridictionnelles, c'est-A-dire celles appliquées par les
organes juridictionnels.
Ainsi, l'étude consiste a établir que
les sanctions adoptées par les organes politiques sont des mesures
« a double tranchant *57 (premiere
56 Voir CAVARE Louis, g Les sanctions dans le cadre de
l'O.N.U. *, RCADI, I, 1 952, P.52.
57 Expression empruntée a LEBEN Charles, g Les
contre-mesures interétatiques et les réactions a l'illicite dans
la société internationale *, AFDI, vol.28, 1 982, P.72 ; D'autres
auteurs identifient les sanctions politiques a une K victoire a double
tranchant *, voir COLONOMOS Ariel, g "Injustes'' sanctions : les constructions
internationales de la
partie) d'une part, tandis que celles prises par les
organes juridictionnels sont des meures g appropriées *58
(seconde partie) d'autre part.
dénonciation des embargos et l'escalade de la
vertu abolitionniste *, Revue Questions de recherche/Research in question, no
1, novembre 2001, in
www.cerisciencespo.com/publica/question/qdr1.pdf
58 Expression
empruntée a CAVARE Louis, g Les sanctions dans le cadre de l'O.N.U. *,
op.cit.
PREMIERE PARTIE : LES
SANCTIONS POLITIQUES,
MESURES « A DOUBLE
TRANCHANT 6
INTRODUCTION DE LA PREMIERE PARTIE
De facon elementaire, l'Etat est defini comme une
entite composee d'un territoire, d'une population et d'une autorite
gouvernementale en charge de la representation de l'ensemble de l'Etat. Cela
dit, l'Etat est une personne morale et par consequent, le principe de l'unite
d'action lui est reconnu. Autrement dit, les actions menees par l'autorite
gouvernementale engagent en principe la responsabilite de l'ensemble des
composants de l'Etat. Comme le soulignait le professeur GUGGENHEIM
:
g L'Etat agit pour un ensemble d'individus qui lui
sont attribues. A leur tour, les violations des droits commises par les
individus5 9 peuvent, dans certaines circonstances, engager la
responsabilite de l'Etat et l'exposer, c'esta-dire exposer l'ensemble des
individus qui lui sont rattaches aux sanctions prevues par le droit
international D60.
On ne peut donc pas concevoir l'Etat comme une volonte
generale independante des individus. C'est en tout cas dans cette logique que
s'inscrivent les sanctions politiques.
Or, les sanctions prises par les organes politiques
internationaux61 peuvent avoir des repercussions nocives sur la
population civile de l'Etat vise. En d'autres termes, les sanctions politiques
peuvent avoir des g consequences nefastes(...) pour la jouissance des droits de
l'homme N. Ainsi, se cree en effet paradoxal. Autrement dit, les sanctions
editees en vue de mettre fin a une situation de violation des droits de l'homme
se posent comme instruments de violation desdits droits. C'est dire que d'une
part, elles mettent effectivement un terme aux violations des droits de l'homme
et contribuent par là me-me au maintien de la paix et de la
securite internationales (Chapitre I) ; Mais d'autre part, elles creent,
parfois a la suite d'une bréve periode d'apaisement, un climat
deletére a l'interieur duquel les
5 9 Les representants
legitimes de l'Etat.
60 Voir GUGGENHEIM Paul, *
Les principes de droit international public *, RCADI, I, 1 952,
P.82.
61 Dans le cadre de cette
etude, il est question de l'Organisation des Nations Unies, des organisations
regionales ainsi que des Etats.
droits de l'homme sont bafoués (Chapitre II).
C'est dans ce sens qu'est compris le qualificatif g a double tranchant D
indexé aux sanctions politiques dans le cadre de cette
étude.
CHAPITRE I : UNE DUALITE TYPOLOGIQUE DES SANCTIONS
POLITIQUES DANS L'OPTIQUE DU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SECURITE
INTERNATIONALES
Les decisions de sanction prises par les organes
politiques internationaux tirent leur base juridique soit directement de la
Charte des Nations Unies62, soit indirectement du droit derive de la
Charte63, soit encore de facon presumee de la legalite
internationale64. A ce titre, les sanctions politiques ne souffrent
d'aucune illiceite.
Dans le cadre de notre etude, il s'agit des actions
coercitives violentes ou non-violentes prises contre les violations des droits
de l'homme en vue de maintenir la paix et la sécurité
internationales. Elles sont imposées par les organisations
internationales (section 1) ou prises par les Etats (section 2).
62 Le cas du Conseil de
sécurité qui fonde ses actions coercitives sur le chapitre VII de
la Charte.
63 Etant entendu les
resolutions ou recommandations du CSNU qui conférent aux Etats ou
organisations regionales le pouvoir de sanction sur la base de l'article 53,
paragraphe 1, de la Charte.
64 Voir dans ce cas le Projet
d'articles sur la responsabilité des Etats pour fait internationalement
illicite, troisiéme partie, chapitre 2, intitulé a contre-mesure
*.
SECTION 1 : LES SANCTIONS AUX VIOLATIONS DES DROITS DE
L'HOMME PRISES PAR LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES
Plusieurs organisations internationales veillent au
respect des droits de l'homme et, le cas echeant, mettent en oeuvre des
sanctions dans le but de mettre fin aux violations de ceux-ci. C'est le cas de
l'Organisation des Nations Unies qui detient la responsabilite principale en
matiere de sauvegarde de la paix et de la securite internationales (paragraphe
1). C'est aussi le cas des organismes regionaux ou crees g en vertu d'accords
regionaux p65, a condition que g ces accords ou ces organismes et
leurs activites soient compatibles avec les buts et les principes des Nations
Unies ))66 (paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : Les sanctions imposees par l'Organisation
des Nations Unies
La reference au chapitre VII de la Charte des Nations
Unies justifie les actions coercitives adoptees par les organes politiques de
l'ONU67. Pendant la periode de la guerre froide , l'antagonisme
entre l'Est et l'Ouest n'a pas permis une reelle mise en application du systeme
de securite collective prevu dans la Charte. Des la fin de l'antagonisme, les
references au chapitre VII se sont multipliees68. C'est dans cette
perspective que le Professeur DUPUY a pu ecrire qu' g on n'est passe d'une
exploitation minimale du chapitre VII, heritee de la periode post-glaciaire
d'entente reduite entre les grands, a une sorte de surchauffe du systeme de
securite collective D69.
Ainsi dit, aux termes de l'article 24, paragraphe 1, de
la Charte :
65 Voir la Charte des Nations
Unies, chapitre VIII.
66 Voir la Charte des Nations Unies, chapitre VIII,
article 52 paragraphe 1, in fine.
67 Voir KERBRAT Yann, La
reference au chapitre VII de la Charte des Nations Unies dans les resolutions a
caractere humanitaire du Conseil de sécurité, LGDJ, Paris, 1 995,
120 P.
68 Voir KERBRAT Yann, La
reference au chapitre VII ..., op.cit., P.1.
6 9 Voir DUPUY P.-M, Droit international public, Dalloz,
Paris, 2e ed., 1 994, P.42 9.
2
g Afin d'assurer l'action rapide et efficace de
l'Organisation, ses membres conferent au Conseil de securite la responsabilite
principale du maintien de la paix et de la securite internationales et
reconnaissent qu'en s'acquittant des devoirs que lui imposent cette
responsabilite, le Conseil de securite agit en leur nom * (A).
Malgre cela, d'autres organes de l'ONU se sont affirmes
dans la prise de mesures de contraintes (B).
A- La competence de princi pe de Conseil de securite dans
le cadre du maintien de la paix et de la securite internationales
Il est question dans les développements qui
suivent de démontrer que les droits de l'homme constituent une (( menace
contre la paix *. Par consequent, le Conseil de securite se fonde sur le
chapitre VII de la Charte (1) afin de prendre des sanctions internationales
(2).
1- La reference au cha pitre VII, fondement de la
competence du
Conseil de securite en cas de violation des droits de
l'homme
Le respect des droits de l'homme est consacré
par la (( Constitution *70 des Nations Unies. Ceci montre la valeur
constitutionnelle des droits de l'homme et la forte protection dont ils font
l'objet. Toutefois, lorsque les droits de l'homme ont été
violés par certains Etats, le CSNU n'a pu agir sur le fondement du
chapitre VII de la Charte des Nations Unies que par un elargissement de la
notion de « menace contre la paix * (a). Mais, toutes les violations
avérées des droits de l'homme ne peuvent constituer une «
menace
70 L'expression g constitutionnel * a été
utilisée par Michel VIRALLY dans g l'ONU devant le droit *, J.D.I., 1
972, PP.501-533 ; Sur le caractére constitutionnel de la Charte de
l'ONU, voir TCHEUWA Jean-Claude, g L'Union Africaine et les changements
anticonstitutionnels de gouvernement *, R.R.J-DP, N'XXXIV-127, edition PUAM,
PP.1002-1005; Voir en outre les chartes constitutives de l'OIT, de l'OMS, de
l'UNESCO, intitulées g Constitution *.
contre la paix D. Pour cela, elles doivent atteindre un
certain (( seuil de gravité D (b).
a- ''elargissement de la notion de « menace contre
la paix » aux situations de violation des droits de l'homme
L'élargissement de la notion de « menace
contre la paix D est rendu juridiquement possible a travers le pouvoir de
qualification unilatérale dont dispose le CSNU71,
étant entendu qu'il s'agit d'un pouvoir
discrétionnaire72. Ainsi, le CSNU dans ses résolutions
a pu qualifier des situations de violation des droits de l'homme de «
menace contre la paix D. Une évolution est a relever dans ce
sens.
Dans les résolutions 217(1 965) et 221(1 966)
sur la Rhodésie du Sud, le CSNU a conclu que les violations des droits
de l'homme dans ce pays pouvaient constituer une menace contre la paix. De
me-me, le CSNU a lié dans la résolution 418(1 977) du
4 novembre 1 977 la qualification de menace contre la paix a la politique
d'Apartheid pratiquée en Afrique du Sud73. Mais, dans ces
deux cas, la qualification de menace contre la paix a été
justifiée par des éléments extérieurs : le danger
d'un conflit en Afrique australe pour la Rhodésie, l'acquisition d'armes
et de matériels militaires pour l'Afrique du Sud. C'est dire que la
qualification de ces situations de violation des droits de l'homme en menace
contre la paix était justifiée par les éléments
extérieurs74.
Par la suite, lors de l'invasion du KoweIt par l'Irak,
le CSNU se déclare « profondément préoccupé
par la répression des populations civiles irakiennes (...), laquelle a
conduit a un flux massif des réfugiés vers les
71 Voir article 3 9 in limine de la Charte qui dispose
que g le Conseil de sécurité constate l'existence d'une menace
d'une menace a la paix (...) *.
72 Voir WECKEL Philipe, g Le
chapitre VII de la Charte et son application par le Conseil de
sécurité *, AFDI, vol.37, 1 991, PP.168-16 9 et
177-178.
73 Voir CADOUX Charles, g
L'Organisation des Nations Unies et le probleme de l'Afriqueaustrale.
L'évolution de la stratégie des pressions internationales *,
AFDI, vol.23, 1 977, PP.136-13 9.
74 Voir KERBRAT Yann, La
reference au chapitre VII ..., op.cit., P.1 9
frontières internationales et a travers
celles-ci a des violations de frontières qui menacent la paix et la
sécurité internationales dans la région D75.
C'est ainsi dire que la violation des droits de l'homme n'atteint pas
directement la paix et la sécurité internationales. C'est ce que
confirme le professeur Philipe WECKEL en ces termes :
g L'organe principal des Nations Unies s'en tient au
mandat dont il a été investi par l'article 24 de la Charte. Sa
décision est motivée explicitement par le franchissement massif
des frontières Turques par une population en exode. La violation des
droits de l'Homme est retenue seulement dans ses implications internationales,
cette sorte de trouble anormal de voisinage résultant de l'afflux des
réfugiés D76.
La liaison devient enfin directe entre les violations
des droits de l'homme et la menace contre la paix avec la première
résolution sur la Somalie77, et, surtout, avec la
résolution 7 94 du 3 Décembre 1 992 dans laquelle le CSNU estime
que g l'ampleur de la tragédie humaine causée par le conflit en
Somalie (...) constitue une menace contre la paix et la sécurité
internationales N.
Ainsi est expressément consacré, a
partir du cas Somalien, que les violations des droits de l'homme constituent
une menace contre la paix. D'autres résolutions vont entériner
cette consécration78, tout en maintenant la condition que les
violations doivent présenter une certaine gravité.
75 Voir résolution 688
(1 991) du 3 Avril 1 991.
76 Voir WECKEL Philipe, * Le
chapitre VII de la Charte et son application par le Conseil de
sécurité *, op.cit., PP.194-195
77 Voir résolution 733
du 23 Janvier 1 992.
78 En ex -Yougoslavie
après son éclatement en 1 991, au Rwanda en 1 994, etc. En outre,
le terrorisme international a été élevé au rang de
menace contre la paix et la sécurité internationales ; voir
résolution 1368 (2001) du 12 septembre 2001, résolution 1377
(2001) du 12 novembre 2001, résolution 13 90(2002) du 16 janvier 2002,
etc.
b- La prise en com pte du seuil de gravite des violations
des droits de l'homme
Toutes les violations des droits de l'homme ne sont
pas constitutives de menace contre la paix et la sécurité
internationales. Elles doivent atteindre un certain seuil de gravité. La
violation des droits d'un individu ne peut pas menacer -me-me d'un
point de vue empirique- la paix et la sécurité internationales.
Comme l'écrit Monsieur DELBROCK :
« It Is also correct to state massive and Gross
violations of human rights of genocidal dimension, particulary if carried out
by military means, are incompatible with an understanding of peace as a legal
order and they therefore constitute a threat to international peace
D79.
Il doit alors s'agir de violations graves d'une
dimension genocidaire. Cette exigence est prise en compte dans les resolutions
a caractere humanitaire du CSNU80. Ainsi, le CSNU parle des «
violations flagrantes et generalisees D ou de « violations flagrantes,
generalisees et systematiques D des droits de l'homme, de « tragedies
humaines N, ou encore de « catastrophes humanitaires D. Dans la resolution
827 sur la situation en ex-Yougoslavie, il parle de « tueries massives D
et de « nettoyage ethnique D.
Comme le conclut Monsieur KERBRAT, « seuls les
crimes particulierement odieux et commis de facon massive peuvent constituer en
eux- memes une menace contre la paix N81.
Ainsi, la competence du CSNU en cas de violation des
droits de l'homme n'a été rendue possible qu'à travers un
elargissement de la notion de menace contre la paix aux situations de violation
des droits de l'homme et une prise en consideration d'un certain seuil de
gravité desdites violations. Des lors, nous pouvons dire, a la suite du
professeur COHEN-JONATHAN, qu' « a tort ou a raison, le fait de constater
qu'une situation releve de l'article
7 9 Voir DELBRUCK, « A
fresh look at humanitarian Intervention Under the Authority of United Nations
*, Indiana Law Journal, vol.87, 1 992, P. 900.
80 Voir KERBRAT Yann, La
reference au chapitre VII ..., op.cit., P.13.
81 Voir ibid.
3 9 et du chapitre VII evoque immediatement la menace de
sanction D82. C'est dire que la reference au chapitre VII emporte
des consequences notables.
2- La portee de la competence du Conseil de securite en
cas de violation des droits de l'homme
La qualification d'une situation de crise -
humanitaire ou non- comme menace contre la paix par le CSNU autorise ce dernier
a prendre toutes les mesures necessaires « pour maintenir ou retablir la
paix et la securite internationales D83. Ces mesures constituent des
sanctions internationales qui peuvent etre de deux ordres : celles n'impliquant
pas l'emploi de la force armee (a) et celles plus radicales du recours aux
armes (b).
a- La prise de mesures de contrainte non armee dans le
but de maintenir la paix et la securite internationales
Aux termes de l'article 41 de la Charte :
g Le Conseil de securite peut decider quelles mesures
n'impliquant pas l'emploi de la force armee doivent etre prises pour donner
effet a ses decisions, et peut inviter les membres des Nations Unies a
appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l'interruption complete ou
partielle des relations economiques et des communications ferroviaires,
maritimes, aeriennes, postales, telegraphiques, radioelectriques et des autres
moyens de communication, ainsi que la rupture des relations
diplomatiquesD84.
Il s'agit de diverses mesures coercitives g
n'impliquant pas l'emploi de la force armee D que le CSNU est competent pour
prendre contre les Etats, auteurs de violations des droits de l'homme. Ces
sanctions internationales
82 Voir COHEN-JONATHAN
Gerard, * Article 3 9 D, in COT J.P, PELLET A., La charte des Nations Unies.
Commentaire article par article, Economica, Paris, 2e ed. 1 991,
P.654.
83 Voir article 3 9 de la
Charte, annexe 1, p.153.
84 Voir annexe 1,
p.153.
dites non violentes constituent de veritables actes de
contrainte85. Elles sont de natures differentes et peuvent etre
mises en oeuvre de facon partielle ou globale86.
S'agissant de leurs natures, elles peuvent etre
economiques (les sanctions economiques sont soit financieres, soit
commerciales), communicationnelles ou encore diplomatiques. Elles peuvent aussi
etre des embargos, des blocus ou des boycotts.
L'embargo est « une sanction a caractere
economique consistant a prohiber tout echange commercial avec l'Etat envers
lequel l'embargo est instaure N87. Quant au blocus, il est d~fini
comme une « operation navale conduite par un pays en guerre, visant a
isoler les ports de l'adversaire, depuis l'exterieur, pour lui interdire tout
commerce avec l'etranger et pousser ainsi l'ennemi vers la defaite militaire en
le privant de ses approvisionnements et de toute possibilite de communication
N88. Enfin, le boycott renvoie a « l'interruption des relations
commerciales dans le but d'exercer une pression N.
Ces definitions données par le dictionnaire
« Microsoft Encarta 2008 N renvoient a la conception classique de ces
institutions. C'est la raison pour laquelle elles sont tres peu satisfaisantes.
Pour notre part, l'embargo renvoie A l'interruption du transfert des produits
commerciaux ou financiers ainsi que communicationnels des Etats membres de
l'ONU vers le pays indexé. Le blocus quant a lui est l'interruption du
transfert des produits commerciaux, financiers, communicationnels et autres du
pays indexé vers les pays Membres de l'ONU. S'agissant du boycott il est
une sanction que l'on peut qualifier de synthese c'est-A-dire constituée
a la fois de l'embargo et du blocus.
85 Voir NGUYEN QUOC Dinh,
DAILLIER Patrick, PELLET lain, Droit international public, op.cit. P.
931.
86 L'on parle de sanctions
partielles ou de sanctions globales.
87 Voir « embargo N. Microsoft® Etudes 2008
[DVD]. Microsoft corporation, 2007.
88 Voir « blocus N.
Ibid.
Lorsque ces mesures s'averent "inadéquates'' a la
situation de violation des droits de l'homme, le CSNU peut faire recours a la
force armée.
b- La prise de mesures de coercition armee dans l'o
ptique du maintien de la paix et de la securite internationales
L'usage de la force armée releve aussi de la
compétence du CSNU. Elle sera mise en oeuvre par l'intermédiaire
g d'un ensemble d'Etats qui agiront dans le cadre de la sécurité
collective *8 9. Les sanctions internationales dites violentes sont
prévues par l'article 42 de la Charte en ces termes :
g Si le Conseil de sécurité estime que
les mesures prévues a l'Article 41 seraient inadéquates ou
qu'elles se sont révélées telles, il peut entreprendre, au
moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il
juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de
la sécurité internationales. Cette action peut comprendre des
démonstrations, des mesures de blocus et d'autres opérations
exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres
de Membres des Nations Unies * 90.
Pour la mise en application effective des
différentes mesures contenues dans cet article 42, un recours a
l'article suivant est nécessaire. En effet, l'article 43 pose les
conditions devant etre remplies en cas de prise de mesures de contrainte
armée par le CSNU. Il stipule dans son paragraphe 1 que :
g Tous les membres des Nations Unies, afin de
contribuer au maintien de la paix et de la sécurité
internationales, s'engagent a mettre a la disposition du Conseil de
sécurité, sur son invitation et conformément a un accord
spécial ou a des accords spéciaux, les forces armées,
l'assistance et
8 9 Voir KOSMA-LACROZE
Catherine, g La sanction en droit international*, in La sanction en droit,
colloque de l'Université de Lyon 3, 27 novembre 2003, P.8, in
http://www.netiris.fr/blog-iuridique/14-catherine-kosma-lacroze/10842/la-sanction-en-droit-international
90 Voir annexe 1, pp.153-154.
les facilites, y compris le droit de passage, necessaires
au maintien de la paix et de la securite internationales
D91.
Pour mieux saisir la pertinence de ce paragraphe, il
faut se reporter au chapitre I sur les « Buts et Principes D de l'ONU, et
precisement au paragraphe 5 de l'article 2 qui impose aux membres de l'ONU une
double obligation : une obligation negative caracterisee par le devoir
d'abstention et une obligation positive caracterisee par le devoir d'assistance
92.
Ainsi, sur la base d'un accord special ou des accords
speciaux, les forces armees des Membres des Nations Unies ont le devoir de
pre-ter leur concours a l'action coercitive armee entreprise par le
CSNU. Ce faisant, ce dernier s'impose en droit et en pratique comme l'organe
principal des Nations Unies en charge du maintien de la paix et de la securite
internationales. Cependant, d'autres organes des Nations Unies, parfois
me-me au gre des circonstances, tendent a surplomber le CSNU dans
son role principal de maintien de la paix et de la securite
internationales.
B- L'affirmation de la competence des autres organes
des Nations Unies dans le cadre du maintien de la paix et de la securite
internationales
Il ressort des dispositions de l'article 1, paragraphe
1, de la Charte que la realisation du but du maintien de la paix et de la
securite internationales incombe a l'Organisation toute entiére, sans
egard a l'organe politique ou juridictionnel qui interviendra effectivement.
Mais, surtout, l'on se rend bien compte, a la lecture du texte de la Charte,
que le probléme des droits de l'homme ne rentre pas directement dans la
competence du CSNU. Il rentre dans celle des autres organes politiques de l'ONU
(1). De me-me, le climat
91 Voir annexe 1,
p.154.
92 Article 2, Paragraphe 5 :
* Les Membres de l'Organisation donnent a celle-ci pleine assistance dans toute
action entreprise par elle conformement aux dispositions de la presente Charte
et s'abstiennent de pre-ter assistance a un Etat contre lequel l'Organisation
entreprend une action preventive ou coercitive *.
international qui s'est installe apres la seconde
Guerre Mondiale n'a pas permis au CSNU de remplir son role d'organe principal
en charge du maintien de la paix et de la securite internationales. Un autre
organe de l'ONU, en l'occurrence l'Assemblee Generale, a du alors remplir cette
fonction (2).
1- La primaute formelle des autres organes de l'ONU en
matiere de droits de l'Homme
Au vu de la Charte de l'ONU, d'autres organes
politiques ont pour tache de veiller au respect voire a la protection des
droits de l'homme. Sont pris en compte ici le Secretariat General, l'Assemblee
Generale, le Conseil Economique et Social et le Conseil des Droits de
l'Homme93. En effet, comme l'explique le Professeur DUPUY
:
« 7lexiste dans la Charte deux dimensions de la
paix internationale : une dimension structurelle (...) dont la prise en charge
releve d'abord de l'Assemblee generale, du Conseil economique et social et du
Secretaire general ; une dimension securitaire, ensuite, dont la prise en
charge releve specifiquement du Conseil de securite 94
N.
Pour ainsi dire, le respect et la protection des
droits de l'homme ainsi que la resolution des situations de violation des
droits de l'homme relevent en principe de la dimension structurelle de la paix.
C'est en ces termes que se posent les dispositions de l'article 55 de la Charte
:
« En vue de creer les conditions de stabilite et
de bien-être necessaires pour assurer entre les nations les relations
pacifiques et amicales fondees sur le respect du principe de l'egalite des
droits des peuples et leur droit a disposer d'eux-mêmes, les Nations
Unies favoriseront :
93 Ancienne Commission des droits de l'homme, le Conseil
des droits de l'homme a vu le jour en 2006.
94 Voir DUPUY Pierre-Marie,
Droit international public, op.cit., PP.42 9-430.
a. Le relevement des niveaux de vie, le plein emploi et
des conditions de progres et de developpement dans l'ordre economique et social
;
b. La solution des problemes internationaux dans les
domaines economique, social, de la sante publique et d'autres problemes
connexes, et la cooperation internationale dans les domaines de la culture
intellectuelle et de l'education ;
c. Le respect universel et effectif des droits de
l'homme et des libertes fondamentales pour tous, sans distinction de race, de
sexe, de langue ou de religion. D
Par consequent, le CSNU n'est en principe pas
competent pour résoudre les problemes de crises humanitaires. Ceux-ci
relevent de la competence des organes suscités. Cependant,
l'élargissement de la notion de menace contre la paix aux situations de
violation des droits de l'homme a pour effet d'impliquer le CSNU dans la
dimension structurelle de la paix internationale. Ainsi, l'on assiste a un
concours de competence entre les différents organes politiques dans le
cadre du maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Faisant echo aux dires de Monsieur KERBRAT, nous pouvons affirmer que g
l'élargissement de la notion de menace contre la paix aux problemes
humanitaires brouille ainsi les cartes entre la dimension sécuritaire et
la dimension structurelle N 95, permettant l'immixtion du CSNU dans
un domaine traditionnellement reserve aux autres organes politiques de l'ONU.
Depuis l'année 1 950 cependant, une voie s'est ouverte permettant a
l'AGNU de s'immiscer dans la dimension sécuritaire de la paix
internationale.
3
2- La resolution de l'Assemblee generale du 03 Novembre
1950, « Union pour le maintien de la paix »
Il convient de preciser de prime abord que la Charte
ne confere pas formellement a l'AGNU un pouvoir de sanction 96. Mais
l'on peut soutenir que cette competence derive de l'article 11, paragraphe 2,
qui l'autorise a discuter de toute question se rattachant au maintien de la
paix et de la securite internationales, a la double condition qu'elle soit
saisie de ces questions, soit par un Etat membre des Nations Unies, soit par le
CSNU, soit me-me par un Etat non membre 97 ; et que le CSNU ne
remplisse pas ses fonctions au sujet de ce differend ou de cette situation
98. Ainsi, g la Charte n'a confere a l'Assemblee generale qu'un role
subsidiaire et reduit en matiere de maintien de la paix
D99.
Toutefois, la pratique a favorise un elargissement des
pouvoirs de l'AGNU en vue de suppleer les g defaillances D du CSNU. En effet,
par le biais de la Resolution A/377 (V) de g l'Union pour le Maintien de la
Paix D (ou Resolution Acheson) prise par l'AGNU le 3 Novembre 1 950, le role du
CSNU en matiere de maintien de la paix et de la securite internationales a
diminue en importance. Mais cela a ete rendu possible moins par la prise de la
Resolution « Union pour le Maintien de la Paix D que par l'impuissance du
CSNU en raison du g veto N100. La Resolution de l'AGNU n'a ete en
realite que la consequence de l'impuissance101 du Conseil de
securite. Elle a permis d'empe-cher la paralysie totale de l'ONU. Comme le
precise le Professeur Louis CAVARE, La Resolution A/377 (V) g affirme nettement
que la carence du Conseil de securite ne libere de leurs obligations ni les
Membres, ni l'Organisation, et notamment l'Assemblee elle-me-me,
decide sa substitution
96 Exception faite des
sanctions touchant a la nature interne de l'ONU telles que la suspension ou
l'exclusion d'un membre (article 5 et 6 respectivement) et des sanctions
morales (Blame, Reprobation).
97 Article 11, paragraphe 2, de la Charte des Nations
Unies.
98 Article 12, paragraphe 1, de la Charte des Nations
Unies.
99 Voir NGUYEN QUOC Dinh, DAILLIER Patrick, PELLET Alain,
Droit international public, op.cit., P. 930.
100 Voir CAVARE Louis, * Les
sanctions dans le cadre de l'O.N.U. *, op.cit., P.280.
101 L'impuissance du Conseil
de securite etait due a l'antagonisme entre l'USA et l'URSS qui
a debouche sur la * guerre froide *.
immediate au Conseil de securite, en cas de carence ou
d'impossibilite de decider de ce dernier D102.
Au debut de sa resolution du 1er fevrier 1 951, l'AGNU
s'exprime en ces termes : Prenant acte de ce que le CSNU, en raison « du
manque d'unanimite entre ses membres permanents, n'a pas ete en mesure de
s'acquitter (...) de sa fonction principale qui consiste a maintenir la paix et
la securite internationales N103. C'est dire que l'AGNU n'agit sur
la base de la Resolution de 1 950 qu'a la condition d'une abstention du CSNU.
Mais cette condition n'est pas suffisante. Il faut que le CSNU saisisse l'AGNU
et reclame la reunion d'une session extraordinaire chargee d'examiner une
situation internationale dangereuse pour la paix ; ou que l'AGNU se saisisse
ellememe d'un tel probleme lorsque, « du fait que l'unanimite n'a pu se
realiser parmi ses membres permanents, le Conseil de securite manque a
s'acquitter de sa responsabilite... N104.
Cela etant, la resolution de l'AGNU lui confere la
competence pour edicter des sanctions internationales : « l'Assemblee
generale a acquis aujourd'hui par cet artifice la possibilite d'exercer en
matiere de sanctions une fonction subsidiaire, la responsabilite primaire
incombant toujours au Conseil de securite. N105 .
L'AGNU peut donc adopter des sanctions
internationales. La Resolution met en place, a cette fin, une « commission
des mesures collectives D chargee de definir les mesures eventuellement plus
souples que celles prevues au chapitre VII106.
102 Voir CAVARE Louis,
«Les sanctions dans le cadre de l'O.N.U. *, op.cit., p.281.
103 Voir B.N.U., 15 fevrier 1
951, P.169.
104 Voir NGUYEN QUOC Dinh,
DAILLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, op.cit. P.
930.
105 Voir KELSEN Hans, The Law of the United Nations,
2e ed., 1 951, P. 95 9.
106 Voir NGUYEN QUOC Dinh,
DAILLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, op.cit., P.
934.
Cependant, l'AGNU ne peut émettre que des
recommandations107, ce qui réduit a l'évidence la
portée juridique des mesures coercitives qu'elle peut prendre. Ainsi,
seul le CSNU peut prendre des sanctions obligatoires, a moins d'autoriser une
organisation régionale a cette fin108.
PARAGRAPHE 2 : Les sanctions prises « en vertu
d'accords regionaux »
Les organismes régionaux ou ceux
créés en vertu d'accords régionaux sont admis
explicitement ou implicitement par la Charte. Ils font partie du systéme
universel de maintien de la paix et de la sécurité
internationales. Toutefois, ces organismes régionaux ne doivent pas
e-tre animés d'un esprit différent de celui de l'ONU. La Charte
le stipule expressément dans le paragraphe 1 de l'article 52. En effet,
pour e-tre licites, les mesures prises par les organismes régionaux
doivent e-tre « compatibles avec les buts et principes des Nations Unies D
et elles doivent e-tre destinées « A régler les affaires
qui, touchant au maintien de la paix et de la sécurité
internationales, se pre-tent a une action de caractére
régional D. c'est ainsi reconnaitre qu'il est mis en place des
mécanismes régionaux d'application des sanctions en cas de
violation des droits de l'homme (A), me-me si les critéres de
reconnaissance des organismes régionaux concernés ne sont pas
biens déterminés (B).
107 Dans la résolution
15 98(XV) du 13 avril 1 961, l'AGNU constate que l'Afrique du Sud aggrave *
délibérément * la situation (apartheid) bientôt
qualifiée de * explosive * ; Elle invite en conséquence le
Conseil de sécurité a prendre les mesures appropriées et
invite aussi les Etats membres de l'ONU * a envisager de prendre des mesures
individuelles ou collectives *. Voir CADOUX Charles, * Le probléme de
l'Afrique australe ... *, op.cit., PP.132-135.
108 La doctrine soutient
aujourd'hui que la Résolution * Acheson * est désormais caduque
du fait de la fin de l'antagonisme Est-Ouest.
A- Les mecanismes regionaux d'a pplication des
sanctions aux violations des droits de l'homme
Les situations de violation des droits de l'homme ont
été élevées au rang de menace contre la paix et la
sécurité internationales10 9. Ainsi, pour que les
mécanismes régionaux d'application des sanctions puissent Itre
activés, il faut d'abord que les situations de crise humanitaire soient
qualifiées de menace contre la paix (1) et ensuite que le CSNU
délivre a l'organisme régional une autorisation (2).
1- La qualification des situations de violation des
droits de l'homme
D'entrée de jeu, force est de relever qu'il
n'est pas question d'étudier dans les développements suivants la
qualification de situations de violation des droits de l'homme comme menace
contre la paix et la sécurité internationales, cela ayant
été fait précédemment. Il s'agit dans cette
étude d'envisager la possibilité d'un pouvoir de qualification
reconnu aux organismes régionaux.
En effet, l'article 3 9 de la Charte confére un
pouvoir de constatation discrétionnaire au CSNU110. Sur la
base de ce pouvoir discrétionnaire, il peut utiliser, g s'il y'a lieu,
les accords ou organismes régionaux pour l'application des mesures
coercitives prises sous son autorité D111. C'est dire que les
organismes régionaux n'ont pas formellement de pouvoir de constatation
d'une situation de menace contre la paix et la sécurité
internationales. Ils ne se contentent que de transposer dans l'ordre juridique
régional la constatation faite par le CSNU. Ou encore, ils
réitérent la qualification d'une situation de menace contre la
paix soit explicitement, soit implicitement par la prise de mesures
contraignantes contre l'entité indexée.
10 9 Voir supra, pp.
22-24.
110 Voir WECKEL Philipe, * Le
chapitre VII de la Charte ... *, op.cit., PP.177-178.
111 Article 53, paragraphe 1, de la Charte.
C'est ainsi qu'a la suite de l'adoption d'un regime de
sanctions renforce a l'encontre des Taliban par le CSNU, le Conseil de l'Union
europeenne a adopte, le 26 fevrier 2001, une position commune sur des mesures
coercitives a l'encontre des Talibans et, le 6 mars 2001, un reglement
communautaire112. Il a l'obligation du respect scrupuleux de la
constatation d'une situation operee par le CSNU.
Par ailleurs, la Charte exige une autorisation du CSNU
pour toute action coercitive entreprise par les organismes
regionaux.
2- L'exigence d'un mandat prealable du Conseil de
securite pour l'a pplication des sanctions par les organismes
regionaux
D'apres l'article 53, paragraphe 1, in medio, g aucune
action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords regionaux ou par des
organismes regionaux sans l'autorisation du Conseil de securite D. Cette
disposition de la Charte cree un rapport de subordination -ou de hierarchie-
entre le CSNU et les organisations regionales de securite. Certains auteurs ont
pergu dans ce rapport l'etablissement d'une sorte de "federalisme -plus
fonctionnel qu'institutionnel- dont le Conseil de securite occupe le
sommet''113 . D'autres, une "tutelle'' du CSNU sur les actions
entreprises par les organismes regionaux114.
Dans tous les cas, la Charte prevoit formellement que
toute sanction mise en oeuvre par les organismes regionaux doit etre au
prealable autorisee
112 Voir MANGIN Rene, Rapport
d'information no 3203 déposé en application de l'article 145 du
Reglement par la Commission des Affaires Etrangere sur les sanctions
internationales, 27 juin 2001, P.14. L'on soulignera que l'adoption de ce
reglement a connu des difficultes, malgre un accord sur l'objectif poursuivi.
Plusieurs Etats membres se sont opposes a la Commission europeenne, lui
reprochant d'etablir un regime autonome de sanctions ne se conformant pas
strictement a la resolution 1333, soit en omettant des exemptions, soit en
ajoutant des procedures. Ces Etats ont finalement obtenu que le reglement
respecte scrupuleusement les obligations formulees par la resolution, et que la
Commission ne s'arroge pas de prerogatives inappropriees a cette occasion, afin
de ne pas creer un precedent.
113 Voir NGUYEN QUOC Dinh,
DAILLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, op.cit., P. 93
9.
114 Voir FOPY Sylvain
Christian, Le droit d'intervention de l'Union africaine, op.cit.,
PP.56-57.
par le CSNU. D'ailleurs, cette exigence s'inscrit dans
la logique de la supériorité de l'ONU par rapport aux organismes
régionaux établie par l'article 103 de la Charte115.
Dans la meme lancée, toutes les activités de ces organismes
régionaux en matiere de sécurité sont placées sous
le contrOle du CSNU, qui doit en etre pleinement informé116
.
Cependant, une exception a l'exigence d'un mandat
préalable s'éleve dans les dispositions de l'article 53,
paragraphe 1, in fine, me-me si sa caducité ne fait plus
aujourd'hui l'objet de débats : ce sont les sanctions internationales
prises par les organismes régionaux a l'encontre des g Etats ennemis
»117.
Toutefois, certains Etats soutiennent que les
initiatives régionales doivent avoir la priorité sur les
interventions de l'ONU. Ils invoquent, pour justifier ce renversement de la
hiérarchie indiquée par la Charte, des arguments pratiques de
rapidité et d'efficacité, mais aussi une considération
juridique : le mandat implicite du CSNU.
Cette these n'a pas été approuvée
par la majorité de la doctrine118. Cette derniere s'est
demandée si toutes les organisations régionales étaient
compétentes pour mener des actions coercitives prévues par le
chapitre VII de la Charte.
115 Article 103 * En cas de
conflit entre les obligations des Etats Membres des Nations Unies en vertu de
la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord
international, les premières prévaudront *.
116 L'article 54 de la
Charte dispose que * le Conseil de sécurité doit, en tout temps,
être tenu pleinement au courant de toute action entreprise ou
envisagée, en vertu d'accords régionaux ou par des organismes
régionaux, pour le maintien de la paix et de la sécurité
internationales * ; Voir aussi Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua, Rec.CIJ, 1 984, P.440.
117 Voir article 107 de la
Charte des Nations Unies.
118 Malgré cela, dans
le cadre de la crise Yougoslave, une coopération s'est instituée
entre l'ONU et la communauté européenne, et l'OTAN et l'UEO ont
été chargées de mettre en oeuvre le blocus maritime de la
Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et l'interdiction de survol de
la Bosnie-Herzégovine ; Voir les résolutions 752, 757, 781 et 787
(1 992) et la résolution 820(1 993) du CSNU.
B- La determination de l'organisme regional
competent
Les dispositions de la Charte portant sur les
organisations regionales11 9 ont ete sujettes a de nombreuses
controverses. En effet, des interrogations sur l'organisme regional competent
ont pullule ici et là, ouvrant la voie a des interpretations variees.
Elles ont concerne la determination des domaines de validite territorial et
personnel de l'organisme regional concerne. En d'autres termes, l'on s'est
demande si le qualificatif g regional N renvoyait a une action geographique de
l'organisme (1). Neanmoins, la pratique a consacre une conception plus etendue
du critere geographique (2).
1- L'im portance du critere geographique
Comme tout traite international, les accords regionaux
ont un champ d'application territorial et personnel plus ou moins large. Si la
validite des mesures de contrainte menees par les organismes regionaux dans un
cadre geographique purement regional ne fait aucun doute, il n'en est pas de
me-me pour celles qui s'etendent au-dela de leur limite
geographique.
En effet, aux termes de l'article 52, paragraphe 1, de
la Charte les organismes regionaux g se pre-tent a une action de
caractere regional N, c'esta-dire que leur domaine de validite territorial se
limite dans le cadre geographique de leur region. Par consequent, en dehors du
cadre geographique regional, les mesures coercitives prises par l'organisme
concerne perdent toute valeur juridique et deviennent elles-me-mes
illicites.
Par ailleurs, le me-me raisonnement est
conduit quant au domaine d'application personnel. Dans cette perspective, l'on
s'est demande si un Etat pouvait valablement e-tre membre d'un organisme
regional hors du cadre geographique regional dans lequel il se situe.
Me-me dans le cas d'une
11 9 Voir Charte des Nations
Unies, chapitre VIII, articles 52, 53 et 54.
reponse affirmative, il serait formellement improbable
qu'un tel Etat fasse partie du systeme de securite collective institue dans la
region concernee.
Ainsi, de nombreuses voix se sont elevees pour
contester la validite du premier en date de ces traites, celui de l'OTAN qui g
... n'est pas un accord regional aux termes du chapitre VIII de la Charte des
Nations Unies... N120.
Toutefois, d'autres voix ont appuye leurs arguments
juridiques non sur la base du chapitre VIII de la Charte, mais sur l'article 51
qui autorise des accords g collectifs D en matiere de maintien de paix et de
securite internationales. Ce faisant, elles ont valide les mesures coercitives
des organismes regionaux operees en dehors du cadre geographique de leur
region. La pratique a enterine cette extension des champs d'application
personnel et territorial des organismes regionaux.
2- Le depassement du critere geographique
Malgre la prescription formelle dans le texte de la
Charte de la necessite du critere geographique, plusieurs organisations
regionales ont vu le jour en totale meconnaissance de ce critere. Les sanctions
internationales prises par elles n'ont pour autant pas ete invalidees tant par
le CSNU que par la Cour internationale de justice.
Comme sus evoque, l'OTAN121 ne constitue
pas un accord regional au sens du chapitre VIII de la Charte. Pourtant, cette
organisation a ete l'auteur de nombreux regimes de sanctions internationales
notamment les sanctions contre les Taliban et la Serbie au cours de l'annee 1
999. Plusieurs autres organisations du me-me type ont ete a
l'origine des mesures coercitives.
120 Voir DELIVANIS Jean, La
légitime defense en droit international public moderne (Le Droit
international face a ses limites), op.cit., P.158.
121 La signature du traite de
l'Atlantique Nord fait suite a une resolution Vandeberg du Senat americain, 23
9, 80e congrés, du 11 juin 1 948, demandant au President des
Etas-Unis de poursuivre par voie constitutionnelle certains objectifs dans le
cadre de la Charte des Nations Unies.
C'est dire que la pratique reconnait un pouvoir de
sanction tant aux organismes regionaux stricto sensu qu'aux organisations
regionales au sens large. Ainsi s'opere un depassement du critere geographique
lequel perd en pratique son importance. L'organisme regional doit alors tout
juste remplir les conditions d'une autorisation prealable du CSNU et d'informer
pleinement ce dernier sur toutes les mesures qu'il envisage entreprendre ou
qu'il a effectivement entreprises.
En general, les organisations internationales
compétentes pour édicter des sanctions internationales sont l'ONU
et les organismes regionaux. En matiere de violation des droits de l'homme,
leur competence n'a été rendu possible qu'à travers un
elargissement de la notion de menace contre la paix. Ainsi, la constatation
d'une menace est nécessaire au déclenchement des sanctions
internationales, que ce déclenchement soit a l'initiative de l'ONU ou
des Etats.
SECTION 2 : LES SANCTIONS AUX VIOLATIONS DES DROITS DE
L'HOMME PRISES PAR LES ETATS : LES CONTRE-MESURES
DEVELOPPEMENT PRELIMINAIRE : Les fondements juridiques
du recours aux contre-mesures en cas de violation des droits de
l'homme
Face a l'universalité des victimes des
violations des droits de l'homme122, le droit international a
consacré les réactions décentralisées des Etats
comme de véritables sanctions internationales. En effet, chaque Etat est
juridiquement fondé a prendre des mesures de contrainte a l'encontre
d'autres Etats qui bafouent les droits de l'homme. Cela est rendu possible tant
par la nature de l'obligation internationale de respecter les droits de l'homme
que par la pratique internationale initiée par l'ancien Président
américain Jimmy CARTER dans sa politique extérieure en
matiére de droits de l'homme.
D'une part, la nature de l'obligation internationale
de respecter et protéger les droits de l'homme a été
précisée par la CIJ dans de nombreuses affaires qu'elle a eues a
connaitre. Il s'agit d'une obligation erga omnes. Ainsi, dans son avis
consultatif sur les Réserves a la Convention des Nations Unies du 9
décembre 1 948 pour la prévention et la répression du
crime de génocide, la CIJ souligne que : g La convention a
été manifestement adoptée dans un but purement humain et
civilisateur(...). Dans une telle Convention, les Etats contractants n'ont pas
d'intérêts propres ; ils ont seulement, tous et chacun, un
intérêt commun, celui de préserver les fins
supérieures qui sont la raison d'être de la Convention
N123.
Elle en déduit que g les principes qui sont a
la base de la Convention sont des principes reconnus par les nations
civilisées comme obligeant les
122 Voir COHEN-JONATHAN
Gérard, * Les droits de l'homme, une valeur internationalisée *,
Droits fondamentaux, n°1, Juillet-décembre 2001, P.157.
123 Voir Reserves a la
Convention pour la prevention et la repression du crime de genocide, avis
consultatif, Rec.C.I.J., 1 951, P.23.
4
Etats meme en dehors de tout lien conventionnel
*124. Il s'agit sans l'ombre d'un doute d'une obligation erga omnes.
Toutefois, c'est en 1 970 que la CIJ évoque formellement la notion
d'obligation erga omnes. Elle précise alors qu'
g Une distinction essentielle doit (...) etre
établie entre les obligations des Etats envers la Communauté
internationale dans son ensemble et celles qui naissent vis-a-vis d'un autre
Etat dans le cadre de la protection diplomatique. Par leur nature meme, les
premieres concernent tous les Etats. Vu l'importance des droits en cause, tous
les Etats peuvent etre considérés comme ayant un intérIt
juridique a ce que ces droits soient protégés ; Les obligations
dont il s'agit sont des obligations erga omnes *125.
Elle parlait ainsi des obligations g concernant les
droits fondamentaux de la personne humaine *126
D'autres décisions vont entériner celles-ci
tout en renforgant l'obligation erga omnes de respecter et de protéger
les droits de l'homme127.
D'autre part, en 1 977, la nouvelle administration
américaine a fait passer les droits de l'homme d'une fagon spectaculaire
sur le devant de la scene internationale. Le Président d'alors, Jimmy
CARTER, a introduit la g Moralpolitik * comme un élément central
de sa politique étrangére128. Ainsi, dans un discours
tenu devant l'Assemblée générale des nations unies, le
Président a soutenu g qu'aucun membre des Nations Unies ne peut
prétendre qu'un mauvais traitement infligé a ses citoyens ne
regarde d'autre que lui. De me-me, aucun membre ne peut
échapper a ses responsabilités
124 Voir ibid.
125 Voir Affaire Barcelona
Traction, Light and Power, Limited, arrêt du 5 févier 1 970,
Rec.C.I.J., 1 970, P.32, paragraphe 33.
126 Voir ibid., P.33, paragraphe 33.
127 Il s'agit notamment de
l'arret du 27 juin 1 986, Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérigue), fond,
Rec.C.I.J. 1 986,
P.112 ; et surtout l'affaire du 11 juillet 1 996,
Application de la Convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c/. Yougoslavie),
exceptions préliminaires, Rec.C.I.J., 1 996, P.616 dans laquelle la CIJ
note qu' g il en résulte que les droits et obligations consacrés
par la Convention sont des droits et obligations erga omnes. La Cour constate
que l'obligation qu'a ainsi chaque Etat de prévenir et de
réprimer le crime de génocide n'est pas limitée
territorialement par la Convention *.
128 Voir BECET Jean-Marie et COLARD Daniel, Les Droits de
l'homme. Dimensions nationales et internationales, op.cit.,
PP.101-105.
lorsqu'il s'agit de critiquer et de condamner les cas de
torture ou de privation justifiee de liberte constatees dans n'importe quelle
region du monde *12 9.
Ce discours fait suite a de nombreux autres en faveur
de l'obligation internationale de respecter les droits de
l'homme130. C'est dans cette perspective que le gouvernement
americain avait decrete des mesures de represailles contre les Etats accuses de
violation des droits de l'homme131. Ce faisant, la pratique
internationale a approuve les sanctions contre les Etats juges responsables de
violation les droits de l'homme par les autres Etats. Ces sanctions sont mieux
connues sous le vocable de contre-mesures. Comme le note le Professeur Gerard
COHEN-JONATHAN, gs'agissant des violations graves et generalisees des droits de
l'homme, la pratique internationale admet la possibilite de g contre-mesures *
diplomatiques ou economiques proportionnees *132.
Toutefois, cette vision quoique pertinente et
veridique a l'inconvenient d'être partielle. En effet, comme l'ecrit le
Professeur Oscar SCHACHTER, g Il ne faut pas non plus oublier les arrêts
de la Cour internationale de justice qui, en 1 970, ont admis le caractere
obligatoire des dispositions de la Charte (...) et ont egalement (dans
l'affaire de la Barcelona Traction) fait mention d'obligations internationales
erga omnes en ce qui concerne les g droits fondamentaux de la personne humaine
*133.
C'est dire que la pratique internationale en admettant
les contremesures se fonde aussi sur l'obligation erga omnes qui, a son tour,
trouve sa base de la validite juridique dans la Charte. Ce developpement
introductif a ete rendu necessaire afin de preciser les fondements de la
competence des
12 9 76 Dept. State Bull.
332(1 977), allocution tiree dans SCHACHTER Oscar, g Les aspects juridiques de
la politique americaine en matiére de droits de l'homme *, AFDI, vol.23,
1 977, P.53.
130 Pour ces autres discours,
voir LAQUEUR Walter et RUBIN Barry, Anthologie des droits de l'homme, op.cit.,
PP.438 et suivantes.
131 Ouganda, Angola et Chili
notamment.
132 Voir COHEN-JONATHAN
Gerard, g Les droits de l'homme, une valeur internationalisee *, op.cit., P.
161.
133 Voir SCHACHTER Oscar, g
Les aspects juridiques de la politique americaine en matiére de droits
de l'homme *, op.cit., PP.57-58.
Etats pour sanctionner les violations des droits de
l'homme134. Cela étant fait, il convient de préciser
les conditions d'application des contre-mesures (paragraphe 1) ainsi que leur
portée (paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : Les conditions d'a pplication des
contre-mesures
Dans le Projet d'articles sur la responsabilité
des Etats pour fait internationalement illicite, la Commission du droit
international a préféré le terme g contre-mesure * a celui
de g sanction *135. Pourtant, les contremesures renvoient a des
sanctions unilatérales prises par les Etats en riposte a un acte
illicite préalable -et en l'occurrence les violations des droits de
l'homme. C'est dire que les violations des droits de l'homme sont la condition
de déclenchement des contre-mesures(A), lesquelles contremesures
répondent a des conditions d'exercice précises(B).
A- Les violations des droits de l'homme : condition de
déclenchement des contre-mesures
Traditionnellement, l'on distingue deux types de
contre-mesures, les mesures de représailles et les mesures de
rétorsion136. Comme sus relevé, les violations des
droits de l'homme justifient des contre-mesures a l'encontre de l'Etat, auteur
des dites violations. Si celles-ci sont nécessaires pour le
déclenchement des mesures de représailles (1), elles
s'avérent excessives pour le déclenchement des mesures de
rétorsion (2).
134 De même, il faut
préciser qu'il s'agit de g violations graves et
généralisées * c'est-à-dire présentant un
certain seuil de gravité ; voir supra, pp. 24-25.
135 La CDI avait
déjà précisé que les sanctions sont les mesures
prises par une organisation internationale et spécifiquement g les
mesures que l'ONU est autorisée a adopter, dans le cadre du
systéme prévu par la Charte, en vue du maintien de la paix et de
la sécurité internationales *, Ann.C.D.I., 1 97 9, vol. II,
2e partie, P.134.
136 Certains auteurs ne s'en
tiennent pas a cette distinction. Ils semblent exclure les g autres types de
sanctions économiques et financiéres * tels le boycott et
l'embargo du contenu des mesures de représailles et de rétorsion.
Voir LEBEN Charles, g Les contre-mesures interétatiques et les
réactions a l'illicite dans la société internationale *,
op.cit., P.17 ; MOHAMED HASSANI Hassani, Les contre-mesures en droit
international public, Mémoire de maitrise, Université CHEIK ANTA
DIOP DE DAKAR, 2006-2007, P.24.
1- Une condition necessaire pour le declenchement des
mesures de represailles
Lorsqu'un Etat use des mesures de represailles, il
fait « recours a des mesures illicites D137. Cette assertion
peut sembler illogique, elle reste neanmoins juste. Selon la definition donnee
par l'Institut du droit international,
« Les represailles sont des mesures de contrainte
derogatoires aux regles ordinaires du droit des gens, prises par un Etat et
ayant pour but d'imposer a celui-ci, au moyen d'un dommage, le respect du droit
D138.
Il est donc question, comme le reconnait le Professeur
Charles LEBEN, « de mesures qui seraient interdites par le droit
international si elles ne venaient pas en reaction a des mesures illicites
prealables et dans le but de les combattre D139. C'est dire que la
juridicite des mesures de represailles procede uniquement de leur posteriorite
a la violation du droit international.
La CDI ne pouvait des lors se desinteresser de la
question dans son Projet d'articles. A l'article 22, elle dispose que
:
« L'illiceite du fait d'un Etat non conforme a
l'une de ses obligations internationales a l'egard d'un autre Etat est exclue
si, et dans la mesure oa, ce fait constitue une contre-mesure prise a
l'encontre de cet autre Etat conformement au chapitre II de la troisieme partie
D.
Il s'agit vraisemblablement des mesures de
represailles et non de retorsion. En effet, la CDI « voit ... dans
l'illiceite commise a l'origine une circonstance susceptible d'exclure
l'illiceite de la riposte140 D. Comme nous le savons, l'illiceite
renvoie dans ce contexte a la violation des droits de l'homme.
137 Voir VERHOEVEN Joe, Droit
international public, op.cit., P.658.
138 Voir Ann.I.D.I, 1 934,
P.708.
13 9 Voir LEBEN Charles,
« Les contre-mesures inter-etatiques et les reactions a l'illicite dans la
societe internationale *, op.cit., P.14.
140 Voir NGUYEN QUOC Dinh, DAILLIER Patrick et PELLET
Alain, Droit international public, op.cit., P.8 95.
Cependant, si le droit international reconnait la
liceite des mesures de represailles, force est de relever qu'il ne s'agit
uniquement que des represailles non armees. La proscription des represailles
armees est congenitale a celle de l'emploi de la force dans les relations
internationales inscrite dans la Charte141 et dont la valeur de jus
cogens n'est plus a debattre142. Ainsi, l'obligation faite aux Etats
de regler leurs differends par des g moyens pacifiques de leur choix
»143 leur impose a ne faire usage que des represailles
pacifiques c'est-A-dire non armees.
Alors, en cas de violation des droits de l'homme par
un Etat, un autre Etat a la possibilite de prendre des mesures de represailles
non armees a l'endroit du premier c'est-A-dire des mesures pacifiques. Mais, le
qualificatif "pacifique'' sied moins aux mesures de represailles qu'aux mesures
de retorsion.
2- Une condition excessive pour le declenchement des
mesures de retorsion
Au sens strict, la retorsion s'entend du recours a une
mesure identique a celle contre laquelle elle entend proteger son auteur
:
g Un Etat a l'egard duquel un autre Etat a pris une
mesure qui, tout en etant legale et licite, est discourtoise, rigoureuse,
dommageable, peut prendre a son tour, a l'egard de celui-ci, des mesures ayant
le même caractére, afin de l'amener a composition. Ce moyen de
contrainte s'appelle la retorsion »144.
141 Voir article 2, paragraphe 4, de la Charte.
142 Voir Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci ; (Nicaragua c.
Etats Unis d'Amérigue), fond, arrêt, Rec.C.I.J., 1 986, P.14 ;
Activités armées sur le territoire du Congo (RDC C/ Rwanda),
arrêt, Rec.C.I.J., 2006, paragraphe 64.
143 Voir article 33, paragraphe 1, in fine de la
Charte.
144 Voir RIVIER, Principes du
droit des gens, Rousseau, 18 99, T.II, P.18 9, cite par NGUYEN QUOC Dinh,
DAILLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, op.cit., PP.8 95-8
96.
En effet, la rétorsion est g une mesure
intrinséquement licite, qui s'inscrit dans le cadre d'exercice des
compétences reconnues a l'Etat en droit international
D145.
Il s'agit des mesures qui ne sont pas contraires au
droit international et relévent g en principe de la compétence
discrétionnaire des Etats D146. A l'opposé des mesures
de représailles, les rétorsions sont des g mesures licites
N147 en soi, g intrinséquement licites D pour reprendre
l'expression du Professeur Pierre-Marie DUPUY. Elles ne sont que des mesures
inamicales, discourtoises prises a l'encontre d'un Etat-auteur des violations
des droits de l'homme.
Toutefois, si la violation des droits de l'homme est
nécessaire pour la prise des mesures de représailles non
armées, elle est excessive pour l'adoption des mesures de
rétorsion. En effet, les mesures de rétorsion font partie de la
compétence discrétionnaire des Etats. L'Etat qui entreprend des
mesures de rétorsion contre un autre Etat n'a aucune obligation de
justifier cet acte, c'est-A-dire de subordonner la mesure entreprise a un fait
illicite préalablement commis par l'Etat frappé par la
rétorsion. Autrement dit, l'illicéité -y compris la
violation des droits de l'homme- n'est pas une condition nécessaire au
déclenchement des mesures de rétorsion. C'est d'ailleurs ce qu'a
précisé la C.I.J. dans une ordonnance émise en date du 15
décembre 1 97 9148.
Néanmoins, cela n'empeche pas que soient prises
des mesures de rétorsion en riposte a des violations des droits de
l'homme. Comme le souligne le Professeur Joe VERHOEVEN,
g La rétorsion cherche normalement a
protéger l'Etat qui y a recours contre l'acte ou le comportement (qui
n'est d'ailleurs pas nécessairement
145 Voir DUPUY Pierre-Marie,
Droit international public, précis Dalloz, 5e éd.,
2000, P.466, cité par KOSMA-LACROZE Catherine, * La sanction en droit
international *, op.cit, P.4.
146 Voir LEBEN Charles, * Les
contre-mesures inter-étatiques ... *, op.cit., P.14.
147 Voir VERHOEVEN Joe, Droit
international public, op.cit., P.658.
148 Voir Affaire du personnel diplomatique et
consulaire des Etats-Unis a Téhéran (Etats-Unis d'Amérique
c. Iran), mesures conseroatoires, ordonnance du 15 décembre 1 97 9,
Rec.C.I.J., 1 97 9, P.20.
illicite) de l'Etat contre lequel elle est dirigee. Il
en est fait plus exceptionnellement usage pour proteger les interêts de
tiers, notamment dans le domaine des droits de l'homme N14
9.
Ainsi, la violation des droits de l'homme est a
l'origine de l'adoption des contre-mesures, sanctions unilaterales des Etats.
Celles-ci sont prises contre les Etats accuses de telles violations. Cependant,
les Etats qui prennent les contre-mesures ne sont pas libres de les utiliser a
leur guise. Leur exercice est soumis a des conditions bien
determinees.
B- Les conditions d'exercice des contre-mesures
L'usage des contre-mesures par les Etats a ete encadre
par la C.D.I.150 Il obeit a des conditions bien determinees.
Celles-ci sont a la fois prealables et posterieures a l'adoption des
contre-mesures.
D'une part, la CDI a pose une triple condition a
remplir avant tout recours a des contre-mesures par les Etats. Il s'agit d'une
mise en demeure adressee a l'Etat responsable151, d'une information
a l'Etat responsable152 ainsi qu'une offre de negociation avec
l'Etat responsable153. Toutefois, l'Etat qui adopte les
contre-mesures peut passer outre ces conditions prealables a leur exercice dans
le but de preserver ses droits154.
D'autre part, l'exercice des contre-mesures doit
necessairement repondre aux conditions de proportionnalite (1) et de
temporalite (2).
14 9 Voir VERHOEVEN Joe,
Droit international public, op.cit., P.658.
150 Voir articles 51 a 53 du
Projet d'articles sur la responsabilité des Etats pour fait
internationalement illicite, annexe 2, p.158.
151 Voir article 52, paragraphe 1a, voir annexe 2,
p.158.
152 Voir article 52, paragraphe 1 b, ibid.
153 Voir article 52,
paragraphe 1 b, in fine, ibid. ; Voir sur ces conditions prealables MOHAMED
HASSANI Hassani, Les contre-mesures en droit international public, op.cit.,
pp.53-56.
154 Voir article 52, paragraphe 2, voir annexe 2,
p.158.
1- La condition de pro portionnalité
La proportionnalite constitue un principe essentiel de
la reaction de l'ordre juridique international aux illiceites commises par les
Etats155. Au vu de l'article 51 du projet d'articles de la
C.D.I,
g Les contre-mesures doivent etre proportionnelles au
prejudice subi, compte tenu de la gravite du fait internationalement illicite
et des droits en
cause
*156.
Autrement dit, la gravite de la riposte menee par le
biais d'une contremesure doit etre egale ou relativement egale157 a
celle du fait internationalement illicite. Dés lors, la condition de la
proportionnalite pose le probléme de la mesure. Vraisemblablement, cette
derniére est un criterium determinant pour que la contre-mesure conserve
sa liceite. En effet,
g Ce n'est que si la reaction a un fait
internationalement illicite n'est pas manifestement disproportionnee par
rapport a celui-ci qu'une telle reaction peut, le cas echeant, etre jugee
licite en beneficiant du soussysteme des circonstances excluant l'illiceite ;
la meconnaissance du principe de proportionnalite fait qu'une contre-mesure per
se illicite ne peut pas etre transformee en acte licite * par le truchement de
l'article 22 du projet de la CDI158.
Ainsi, le principe de proportionnalite constitue une
condition sine qua non pour l'admission de la liceite des contre-mesures.
Pourtant, les contremesures sont des actes intrinséquement
illicites15 9. C'est pourquoi dans l'affaire nicaraguayenne, la CIJ
a estime que dans le cas d'un acte illicite, le
155 Voir Sentence arbitrale
dans l'affaire Nausicaa, R.S.A.N.U., T.II, P.1026.
156 Voir annexe 2,
p.158.
157 L'egalite parfaite etant
trés peu probable dans ces cas.
158 Voir SIMON Denys,
SICILIANOS Linos-Alexandre, g La g contre-violence * unilaterale. Pratiques
etatiques et droit international *, AFDI, vol.32, 1 986, P.76.
15 9 Le cas specifique des
mesures de represailles.
non-respect du principe de proportionnalite peut donner
lieu a un g motif supplementaire d'illiceite *160.
Dans le domaine des droits de l'homme, leur violation
doit de meme faire intervenir la riposte de contre-mesures proportionnees. La
gravite de la reaction doit etre equivalente a celle de la
violation.
Cependant, l'Etat apprecie librement la gravite de la
reaction par rapport a celle de la violation. Sa riposte est, bien etendu,
fonction des moyens dont il dispose161. La duree de la riposte
depend de me-me des moyens162 en sa
possession.
2- La condition de la tem poralité
La temporalite renvoie a la duree des contre-mesures
dans le temps. En d'autres termes, la temporalite designe l'intervalle de temps
dans lequel doit s'ecouler la contre-mesure. Ainsi, l'article 53 du projet de
la CDI dispose :
g Il doit etre mis fin aux contre-mesures des que
l'Etat responsable s'est acquitte des obligations qui lui incombent a raison du
fait internationalement illicite (...) *163.
Autrement dit, l'Etat qui prend la contre-mesure a
l'obligation d'y mettre fin lorsque le fait internationalement
illicite164 a cesse. Me-me si l'intervalle de temps ici
n'est pas precis, il n'en demeure pas moins que la duree des contre-mesures est
determinee par celle du fait illicite. C'est en ces termes que s'agencent les
dispositions de l'article 52, paragraphe 3a, du Projet de la CDI :
160 Voir Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci, op.cit., Rec.C.I.J., 1 986, p.122.
161 Voir BENNOUNA Mohamed, g
Le reglement des differends peut-il limiter le g droit * de se faire justice a
soi-même ? *, EJIL, 1 994, P.62.
162 En l'occurrence
economiques.
163 Voir annexe 2,
p.158.
164 Dans le cadre de notre
etude, les violations graves des droits de l'homme.
LDes contre-mesures ne peuvent etre prises et, si elles
sont déjà prises, doivent etre suspendues sans retard indu si
:
a. Le fait internationalement illicite a cessé
(...) *165.
Autrement dit, la contre-mesure va de pair avec le
fait illicite ; ou, du moins, celui-ci est talonné par celle-là.
Par conséquent, la contre-mesure peut etre interrompue ou tout
simplement suspendue. Il peut etre mis fin a celle-ci de fagon
définitive (article 53) ou temporaire (article 52, paragraphe 3a). Dans
ce cas, le maintien de la contre-mesure doit etre en fonction de celui du fait
illicite.
Tout comme le principe de la proportionnalité,
la temporalité est une condition sine qua non de la
licéité des contre-mesures. Si le fait illicite cesse sans que ne
cesse a son tour la contre-mesure, cette derniére devient per se
illicite. En ce moment, elle sert un objectif autre que celui établi par
l'ordre juridique international. On risque alors, comme le souligne Monsieur
Mohamed BENNOUNA, « d'entrer dans l'engrenage de justices «
privées * ou le rapport de forces tient lieu d'unique
référence pour l'action... *166. Ainsi, les
contre-mesures dans ce cas auront pour conséquence de servir les
intérêts subjectifs des Etats, au détriment de
l'intérIt général pour lequel le droit international
entend leur donner le flambeau.
PARAGRAPHE 2 : La portée des contre-mesures
Les contre-mesures constituent des mesures
unilatérales prises par les Etats. Elles sont prises afin de mettre fin
a un fait internationalement illicite, en l'occurrence la violation des droits
de l'homme. Elles représentent alors la sanction du droit international
a l'égard des illicéités. Ce point de vue permet de se
rendre compte que les contre-mesures ne peuvent etre utilisées que dans
le but de maintenir ou de restaurer l'ordre juridique violé
165 Voir annexe 2,
p.158.
166 Voir BENNOUNA Mohamed, g
Le reglement des différends peut-il limiter g le droit * de se faire
justice a soi-même ? *, op.cit., P.61.
5
(A), malgré que, dans la pratique, elles font
penser a l'ancienne justice privée (B).
A- Les contre-mesures comme substituts aux sanctions de
l'Organisation des Nations Unies
Les violations des droits de l'homme donnent lieu a
l'adoption des contre-mesures unilatérales dans le but d'y mettre fin.
D'éminents auteurs ont pergu dans ce mécanisme un systéme
décentralisé de maintien de la paix et de la
sécurité internationales, les contre-mesures étant un
outil de stabilité de l'ordre juridique international (1).
L'argumentation y afférente parait convaincante, surtout lorsque les
contre-mesures ont été adoptées a la suite de
l'autorisation du CSNU (2).
1- Les contre-mesures, outils de stabilite de l'ordre
juridique international
En codifiant les contre-mesures interétatiques,
la CDI a reconnu en droit international l'existence d'un systéme
décentralisé de réaction a l'illicite. Bien avant qu'elle
ne le fasse, le Professeur Hans KELSEN avait déjà
développé son opinion sur la question. En effet, selon lui, les
Etats constituent des structures de l'ordre juridique international. Cela dit,
loin de constituer des personnes morales isolées, vivant en autarcie,
les Etats forment plutôt un ensemble homogéne. Ainsi, les Etats
représentent le bras séculier du droit international. Leurs
actions portent le sceau de celui-ci et, spécifiquement, les sanctions
qu'ils entreprennent sont des réactions de l'ordre juridique
international aux illicéités commises. C'est dire que chaque Etat
a l'obligation de réagir en adoptant des contre-mesures contre un autre
Etat responsable de violations des droits de l'homme. Comme le note le
Professeur Hans KELSEN :
g L'absence pure et simple de limites au domaine de
validité territorial du droit étatique quant aux faits
punissables n'a rien de contraire au droit international
D167.
Autrement dit, il est de la compétence des
Etats d'appliquer des sanctions unilatérales comme sanction du droit
international en cas de violation du dit droit international.
Comme nous l'avons relevé au début de ce
développement, la CDI a entériné cette théorie
kelsénienne. La réglementation des contre-mesures l'atteste
largement168. Dés lors, les contre-mesures sont sans aucun
doute un instrument du droit international, un outil de stabilité de
l'ordre juridique international16 9. Elles sont des substituts aux
sanctions de l'ONU. Par conséquent, l'Etat qui prend une contre-mesure
peut la justifier par un mandat implicite qui lui est conféré par
la Communauté internationale. Mais, la justification la plus probable
est celle d'un mandat formel.
2- Le cas particulier de l'autorisation de l'Organisation
des Nations Unies
Il est désormais admis en droit international
que le recours aux mesures de coercition armée est de la
compétence exclusive de l'ONU, et particuliérement du CSNU. Les
représailles armées sont du me-me coup proscrites en
droit international170. Cependant, le CSNU peut autoriser un Etat a
faire recours aux représailles armées171. Dans cette
perspective, qu'il s'agisse des contre-mesures pacifiques ou armées,
l'action coercitive de l'Etat habilité par le CSNU va se situer dans le
cadre du chapitre VII de la Charte.
167 Voir KELSEN Hans, *
Théorie générale du droit international public. Problemes
choisis *, op.cit., P.1 98.
168 Voir annexe 2, sur le Projet d'articles de la CDI,
PP.157-15 9.
16 9 Voir MOHAMED HASSANI
Hassani, Les contre-mesures en droit international public, op.cit., PP. 4
9-82.
170 Voir supra,
p.46.
171 Voir article 53, paragraphe 1, de la Charte.
Il s'agit alors des actions coercitives menees dans le
but du maintien de la paix et de la securite internationales.
De meme, l'AGNU peut recommander a un Etat de prendre des
contremesures sur la base de la Resolution g Acheson
N172.
Dans ce cas comme dans l'autre, les contre-mesures
sont veritablement des substituts aux sanctions de l'ONU173. Elles
permettent, tout comme les sanctions de l'ONU, de reagir face a une menace
contre la paix, une rupture de la paix ou un acte d'agression. Comme le note si
bien les Professeurs NGUYEN QUOC Dinh, Patrick DAILLIER et Alain
PELLET,
g (...) le caractere de « substitution » de
ces mesures concertees aux sanctions que peut decider le Conseil de securite
apparait clairement : leurs auteurs se posent en defenseurs de la legalite
internationale que celui-ci, paralyse par le droit de veto, ne peut faire
respecter (...). Il est du reste remarquable que les contre-mesures etatiques
interviennent souvent a la suite de recommandations du Conseil de securite ou
de l'Assemblee generale ou meme de la simple constatation d'une violation du
droit par ces organes D174.
D'autres juristes du droit international decelent dans
la contre-mesure un caractere subsidiaire plutOt que substitutif175.
Ainsi, c'est seulement en cas de defaillance du systeme de securite collective
institue dans la Charte que les contre-mesures peuvent etre prises.
Ainsi, les contre-mesures sont de veritables
substituts aux sanctions de l'ONU au vu de la codification operee par la CDI et
surtout de l'habilitation des Etats par les deux principaux organes politiques
des
172 Voir supra, pp.31-34 ;
voir aussi LEBEN Charles, * Les contre-mesures inter-etatiques ... *, op.cit.,
PP.31-33.
173 Voir NGUYEN QUOC Dinh,
DAILLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, op.cit., P.
900.
174 Voir ibid.
175 g La subsidiarite, ainsi
comprise, des contre-mesures trouve particuliérement a s'appliquer dans
le domaine du maintien de la paix et de la securite internationales, qui est de
la responsabilite propre du Conseil de securite *, VERHOEVEN Joe, Droit
international public op.cit., P.662.
Nations Unies. Elles contribuent indubitablement au
maintien de la paix et de la sécurité internationales en mettant
fin aux violations des droits de l'homme. Cependant, les intérêts
particuliers des Etats ont tendance & définir leur politique
extérieure dans l'application des contre-mesures. L'on voit s'infiltrer
une certaine « justice privée N176 dans la
procédure d'adoption des contre-mesures. C'est certainement en
considération de cette pratique étatique que le Professeur Joe
VERHOEVEN note qu' « il n'y a d'ailleurs pas de droits « fondamentaux
N qui puissent réellement être protégés dans une
« communauté N ou l'ordre repose sur des polices privées
N177.
B- Contre-mesures et persistance de la justice
privee
Malgré le principe « Nemo judex in re sua
N178, l'adoption des contremesures se rapproche, du moins en
pratique, au droit de se faire justice a soi même17 9 reconnu
aux Etats. La critique faite aux contre-mesures est qu'elles sont des
armes180 a la possession des Etats puissants (1), et dont
l'application ouvre la voie a l'escalade de violation (2).
1- Les contre-mesures, armes entre les mains des Etats
puissants
La puissance dont il est fait mention dans ce
développement renvoie a deux réalités : d'une part, au
niveau de développement économique et d'autre part au niveau de
développement militaire et technologique de l'Etat. Ceci dit, l'adoption
des contre-mesures nécessite, pour être efficace, une forte
pression économique et militaire (ou l'une des deux) sur l'Etat
responsable du fait internationalement illicite. En d'autres termes, cela
nécessite une mobilisation économique ou militaire importante qui
refléte un
176 Voir ALLAND Denis,
Justice privée et ordre juridique international. Etude théorique
des contre-mesures en droit international public, Paris, Pédone, 1 994,
503P.
177 Voir VERHOEVEN Joe, Droit
international public, op.cit., P.662.
178 Nul ne peut être
juge dans sa propre cause.
17 9 Voir BENNOUNA Mohamed,
« Le reglement des différends peut-il ... *, op.cit., P61.
180 Voir LEBEN Charles, « Les contre-mesures
inter-étatiques ... *, op.cit., P72.
niveau de développement assez
élevé. C'est dire a contrario que les Etats économiquement
peu développés ne peuvent que tres rarement avoir recours aux
contre-mesures181. Il s'agit, il est vrai, d'un raisonnement
empirique, mais qui a l'avantage d'être en adéquation avec la
réalité.
Les contre-mesures sont une véritable arme a la
disposition des Etats puissants. Elles ont pour conséquence
d'élargir davantage le fossé entre les pays
développés et les pays en voie de développement. Elles
sont parfois utilisées de fagon abusive par ces Etats
puissants182. C'est aussi pour cette raison que la CDI a purement et
simplement prohibé certaines contremesures :
g Il en est ainsi de celles qui comportent la menace
et l'emploi de la force en violation de la Charte des Nations Unies, celles
constituant une contrainte économique et politique extrême ou
visant l'intégrité territoriale et l'indépendance de
l'Etat, ou encore celles dirigées contre les agents locaux, archives et
documents diplomatiques et/ou consulaires, et enfin celles qui dérogent
aux droits fondamentaux de la personne humaine N183.
De plus, d'importantes voix se sont
élevées pour revendiquer des mesures supplémentaires
d'encadrement de l'usage des contre-mesures184. Elles soutiennent
que l'intervention d'un tribunal pour le contrôle de l'édiction
des contre-mesures serait favorable au déclin de la justice
privée. Ainsi, le Professeur Denis ALLAND note que la
détermination par une tierce partie, malgré de fréquents
appels au sens contraire, demeure g un modele idéal dont on ne trouve
pas trace dans l'horizon pratique N185.
181 Ils ont tout de
même eu a faire usage des contre-mesures dans le passé, notamment
relativement a certaines matières premieres d'importance
stratégique (le pétrole en 1 973).
182 Au cours de la
décennie 1 990-2000, les Etats-Unis d'Amérique ont
sanctionné pas moins de 7 9 pays dans le monde, le Président
CLINTON ayant mis en oeuvre, au cours de ses deux mandats, près de la
moitié des 170 régimes de sanctions appliqués par les
Etats-Unis au cours du siècle dernier ; Voir * Sanctions
économiques. Vers une révision de la stratégie
américaine ? *, Revue Ramses, 2001, P.302, in
http://ramses.lyonneblog.com/index.php?Societe
.
183 Voir BENNOUNA Mohamed, *
Le reglement des différends peut-il ... *, op.cit., P.62.
184 Voir LEBEN Charles, * Les
contre-mesures inter-étatiques ... *, op.cit., PP.24-27 ; ALLAND Denis,
Justice privée et ordre juridique ..., op.cit., PP. 94 et
suivantes.
188 Voir ALLAND Denis,
Justice privée et ordre juridique ..., op.cit., P. 94.
En dépit de ces prohibitions et propositions,
les contre-mesures demeurent un instrument du leadership des Etats forts,
lesquels Etats y faisant réguliérement usage. En outre, elles
ouvrent la voie aux réactions des pays qu'elles frappent, favorisant
ainsi l'escalade de la violence.
2- Contre-mesures et escalade de la violence
Il est difficile d'imaginer un systéme dans
lequel les sanctions, au lieu de le conforter, entravent plutôt son
activité. C'est le cas des contre-mesures qui, loin de permettre une
application plus effective du droit international, tendent au contraire a
rendre les relations internationales plus difficiles. Au lieu de faire
régner entre les Etats la paix et la sécurité, Elles
tendent par contre a alimenter les tensions entre eux. Ainsi s'établit
une escalade de la violence du fait des contre-mesures. Le Professeur Charles
LEBEN l'avait d'ailleurs noté lorsqu'il les qualifiait de « mesures
"belliqueuses'' par nature N, car non seulement elles sont des «
instruments de guerre "froide'' D entre les protagonistes, mais aussi elles
constituent des « causes de tensions avec les Etats tiers
N186.
En effet, les contre-mesures sont des instruments de
tensions entre les protagonistes. Car les Etats qui y font recours disposent
d'une liberté d'appréciation de la gravité du fait
illicite en l'absence d'un organe de contrôle187, ce qui les
améne a se fonder le plus souvent sur des considérations
subjectives comme celles liées a la
nécessité188. Cette situation cede le pas a la prise
en compte des arguments de politique extérieure et surtout ceux
liés a l'opportunité, au détriment des
186 Voir LEBEN Charles, * Les
contre-mesures inter-étatiques ... *, op.cit., PP.40-47.
187 Voir supra ; Monsieur
Mohammed BENNOUNA s'interrogeait aussi sur ce point :
* comment légitimer les contre-mesures,
assimilés par de nombreux pays a l'expression du droit du plus fort,
sans les assortir d'un systéme de contrôle et de
vérification aussi impartial et objectif que possible ? *, in * Le
réglement des différends peut-il ... *, op.cit.,
P.63.
188 Voir SIMON DENYS,
SICILIANOS Linos-Alexandre, * La "contre-violence'' unilatérale.
Pratiques étatiques et droit international *, op.cit., P.75.
considerations juridiques18 9 qui seules
devraient justifier l'adoption de contre-mesures.
D'autre part, les contre-mesures instaurent une
relation de tension avec les Etats tiers car, le plus souvent dans la pratique,
les Etats qui entreprennent des sanctions unilaterales obligent les Etats
riverains de l'Etat responsable a respecter ces mesures de pression. Or comme
l'ecrit VATTEL, g toute nation, en vertu de sa liberte naturelle, est en droit
de faire le commerce avec celles qui voudront bien s'y prêter ; et
quiconque entreprend de la troubler dans l'exercice de ce droit lui fait
injure N1 90. Ainsi, les contre-mesures risquent fort bien
d'être a la base de l'anarchie, de l'arbitraire et de divers
abus.
La stabilite de l'ordre juridique international est
l'objectif principal du droit international. Le maintien de la paix et de la
securite internationales y procede naturellement. Pour y parvenir, le droit
international a avant tout exclu le recours a la force comme sanction, a
l'exception de celui initie par l'ONU. Ensuite, il a mis en place un systeme de
securite collective, supplee, le cas echeant, par des sanctions
unilaterales.
Avec l'universalite des droits de l'homme, les Etats
individuellement ou sur la base d'une organisation internationale ont le devoir
de les proteger. Leur violation est desormais constitutive de menace pour la
paix et la securite internationales. Ainsi, l'objectif du maintien de la paix
et de la securite internationales est atteint soit de facon formelle par la
reference au chapitre VII de la Charte, soit de maniere presumee de la legalite
internationale. Autrement dit, il est mis fin aux violations des droits de
l'homme en faisant recours soit aux sanctions collectives des organisations
internationales, soit aux sanctions individuelles (contre-mesures) des
Etats.
Mais, les sanctions entreprises par les organes
politiques ont des consequences fort dommageables sur les droits de l'homme
dont elles sont
18 9 Les violations des
droits de l'homme en l'occurrence.
1 90 Voir VATTEL (E.de), Le droit des Gens, Paris, 1820,
P.260, cite par LEBEN Charles, * Les contre-mesures inter-etatiques ... *,
op.cit., P.47.
censées venir au secours. Autrement dit, les
sanctions politiques frappent sans discrimination l'ensemble de l'Etat, y
compris bien entendu la population civile de cet Etat. Ce faisant, elles
instaurent un état chaotique, alors qu'elles ont été
entreprises pour mettre fin a un désastre préalable.
Ainsi, le revers obstrue le médaillon. Le
second tranchant de la sanction se révele autant affreux et douloureux
que le premier. Le maintien de la paix et de la sécurité
internationales devient per se un objectif irréalisable, voire
chimérique. Des lors, l'ONU est de moins en moins en mesure de
légitimer son action coercitive par la seule référence au
chapitre VII, ni les Etats par une présumée
légalité internationale. Les débats actuels sur la
légitimé des sanctions internationales traduisent bien la
nécessité de justifier les sanctions politiques, au-delA d'une
simple légalité formelle. La source nouvelle de
légitimité des sanctions politiques se trouve désormais
dans un plus grand égard aux droits de l'homme.
CHAPITRE II : SANCTIONS POLITIQUES ET RESPECT DES
DROITS DE L'HOMME : UNE COMPATIBILITE PROBLEMATIQUE
Les sanctions politiques mettent en oeuvre une
responsabilite collective. Elles sont dirigees contre un Etat et peuvent avoir
un impact nefaste sur sa population civile, c'est-A-dire sur les droits
fondamentaux de ses citoyens. Comme l'ecrivait le Professeur Hans KELSEN
:
« La conduite contraire au droit des organes
etatiques appeles a executer les obligations internationales est la condition a
laquelle le droit international attache une sanction, sanction qui, en tant
qu'acte de contrainte, ne frappe pas les organes qui violent le droit, mais
d'autres organes, le peuple, et en particulier le peuple sans armes, par
consequent les sujets de l'Etat dont les organes ont viole le droit
international, encore que ceux qui sont frappes par la sanction n'aient
nullement contribue a provoquer l'acte illicite, ni n'aient jamais ete en
mesure de l'empecher *1 91.
Ainsi, les sanctions politiques opérent un
deplacement de la responsabilite en visant la victime tout en deculpabilisant
l'auteur. Ceci se verifie surtout en cas de violation des droits de l'homme.
L'on note alors une incompatibilite entre les sanctions politiques et le
respect des droits de l'homme (section 1). Au vu d'un tel echec impute aux
sanctions politiques, les organes politiques internationaux ont convenu de
faire que g ce qui est legal soit egalement legitime *1 92. C'est
dans cette perspective qu'apparait un effort de legitimation des sanctions
politiques (section 2).
1 91 Voir KELSEN Hans, g
Theorie generale du droit international public ... *, op.cit.,
P.130.
1 92 Voir DECAUX Emmanuel, g
Legalite et legitimite du recours a la force : de la guerre juste a la
responsabilite de proteger *, Droits fondamentaux, n°5, janvier- decembre
2005, P.10.
SECTION 1 : LA MISE EN EXERGUE DE L'INCOMPATIBILITE
ENTRE LES SANCTIONS POLITIQUES ET LE RESPECT DES DROITS DE L'HOMME
A la suite des violations des droits de l'homme, les
sanctions politiques viennent davantage troubler la paix et la
sécurité internationales. Dés lors, pour mettre fin a une
situation de violations des droits de l'homme, le recours aux sanctions
politiques s'apparente a g l'usage de la dynamite D pour neutraliser une
mouche1 93. C'est dire que l'incompatibilité entre les
sanctions politiques et le respect des droits de l'homme se vérifie tant
sur le plan formel que sur le plan matériel. Sur le plan formel, il
s'agit de la méconnaissance de l'obligation de respect des droits de
l'homme inscrite dans les instruments juridiques internationaux relatifs aux
droits de l'homme (paragraphe 1). Sur l'angle matériel, il est question
des répercussions des sanctions politiques sur les droits de l'homme
(paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : La meconnaissance d'une obligation im
plicite de respect des droits de l'homme
Les sanctions politiques doivent s'appliquer tout en
respectant les droits de l'homme. Les instruments juridiques internationaux le
précisent, me-me s'ils ne le font pas de fagon explicite. En
effet, les actions coercitives menées par les organes politiques
internationaux ne tiennent pas compte de cette obligation tacite. Pourtant,
celle-ci est bel et bien prévue tant par la Charte des Nations Unies
(A), les textes internationaux relatifs aux droits de l'homme (B), que par les
textes internationaux portant sur le droit humanitaire (C).
1 93 Voir WECKEL Philippe, *
le Conseil de sécurité des Nations Unies et l'arme
nucléaire *, AFDI, vol LII, 2006, P.1 97.
6
A- Une obligation issue de la Charte des Nations
Unies
Dans son action coercitive de maintien de la paix et
de la securite internationales, l'ONU a une g obligation conditionnee de
respect des droits de l'homme D1 94. Celle-ci est inscrite dans sa
Charte constitutive. En effet, l'article 24, paragraphe 2, in limine de la
Charte dispose que le CSNU doit agir g conformement aux buts et principes des
Nations Unies D dans l'accomplissement de ses devoirs. C'est dire que le CSNU a
l'obligation de se conformer aux buts et principes de la Charte. Parmi les buts
et principes des Nations Unies, figure le respect des droits de l'homme.
L'article 1, paragraphe 3, de la Charte enonce en particulier l'objectif de
developpement et d'encouragement du respect des droits de l'homme. Il est
enterine par l'article 55 (c) de la Charte qui reprend le but de promotion des
droits de l'homme et dispose que les g Nations Unies favoriseront (...) le
respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertes
fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de
religion D.
L'article 13, paragraphe 1(b), precise encore
l'objectif a atteindre en matiere de developpement et d'encouragement au
respect des droits de l'homme en confiant a l'AGNU la tache de g faciliter pour
tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, la
jouissance des droits de l'homme et des libertes fondamentales D. L'article 62,
paragraphe 2, donne un role semblable au Conseil economique et social en lui
ouvrant la possibilite de g faire des recommandations en vue d'assurer le
respect effectif des droits de l'homme et des libertes fondamentales pour tous
D. Enfin, relativement a l'article 76(c) de la Charte, le regime international
de tutelle devait g encourager le respect des droits de l'homme et des libertes
fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de
religion D.
Ainsi, le respect des droits de l'homme est une
obligation primordiale inscrite dans la Charte. L'ONU doit necessairement tenir
compte de celle-la
1 94 Voir COUZIGOU Irene, g
Le Conseil de securite doit-il respecter les droits de l'homme dans son action
coercitive de maintien de la paix ? D, op.cit., PP.111-123.
lorsqu'elle adopte des sanctions, meme si, comme le
souligne le Docteur Irene COUZIGOU, a les dispositions de la Charte relatives
aux droits de l'homme ne sont pas vigoureuses N1 95. La pertinence
de cette affirmation est A relever, etant donne que les dispositions dont il
est question parlent de "developper'', de "favoriser'', d' "encourager'' ou de
"faciliter'' le respect ou la jouissance des droits de l'homme.
Neanmoins, le droit derive des Nations Unies se
consacre aussi a renforcer l'obligation de respect des droits de l'homme. Il
s'agit plus precisement d'un certain nombre de resolutions adoptees par l'AGNU
et qui explicitent l'article premier de la Charte1 96. Outre le
droit derive des Nations Unies et la Charte des Nations Unies, l'obligation de
respect des droits de l'homme est aussi prevue dans les instruments relatifs
aux droits de l'homme.
B- Une obligation contenue dans les textes
internationaux relatifs aux droits de l'homme
Si l'ONU doit combattre des menaces contre la paix et
la securite internationales -et en l'occurrence les violations des droits de
l'homme-, les actions qu'elle doit entreprendre ne doivent pas constituer a
leur tour des menaces a la paix et la securite internationales. C'est a la base
de ce raisonnement que procede l'obligation de respect des droits de l'homme
inscrite dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.
Cette obligation est issue du principe general de bonne foi car, il est logique
que l'ONU se conforme aux droits de l'homme contenus dans les traites
ou
1 95 Voir COUZIGOU Irene, *
Le Conseil de securite doit-il respecter ... *, op.cit., P.113
1 96 Voir Resolution 2625
(XXV) de l'AGNU du 24 octobre 1 970, Declaration relative aux principes du
droit international touchant les relations amicales et la cooperation entre les
Etats conformement a la Charte des Nations Unies ; Resolution 3281 (XXIX) de
l'AGNU du 12 decembre 1 974, Charte des droits et devoirs économiques
des Etats (Charte économique) ; Resolution 1803 (XVII) de l'AGNU du 14
decembre 1 962, Souveraineté permanente sur les ressources naturelles ;
texte reaffirme par l'AGNU dans sa Resolution 3348 (XXIX) du 17 decembre 1 974,
Declaration Universelle pour l'élimination definitive de la faim et de
la malnutrition.
les resolutions elabores dans le cadre de l'Organisation.
Comme le precise la declaration du Liechtenstein :
g Il est incontestable que, lorsqu'ils imposent des
mesures ayant des effets directs ou d'importantes repercussions sur les droits
de certains particuliers, les organes de l'ONU sont tenus de respecter les
principes internationaux des droits de l'homme de la maniére que le
feraient les Etats D197.
Les instruments internationaux relatifs aux droits de
l'homme sont principalement la Declaration Universelle des Droits de l'Homme du
10 decembre 1 948, le Pacte International relatif aux droits civils et
politiques du 16 decembre 1 9661 98, le Pacte international relatif
aux droits economiques, sociaux et culturels egalement du 16 decembre 1
9661 99.
La DUDH doit etre prise en consideration dans son
ensemble. Mais certaines dispositions presentent une importance particuliere.
Il s'agit du droit a la vie (article 3), du droit a ne pas etre soumis a des
traitements inhumains et degradants (article 5) ainsi du droit a un niveau de
vie decent, en ce qui concerne notamment l'alimentation, l'habillement, le
logement et les soins medicaux (article 25 paragraphe 1).
De me-me, les deux pactes internationaux
relatifs aux droits de l'homme reaffirment les principes enonces dans la DUDH.
D'une part, le PIDCP reconnait et protége le droit a la vie (article 6,
paragraphe 1) et prohibe tout traitement inhumain et degradant subi par un
individu (article 7). En outre, l'article 4, paragraphe 1, enonce la notion
d'intangibilite des droits fondamentaux de l'homme. D'autre part, le PIDESC
prevoit le droit a un niveau de vie decent (article 11, paragraphe 1), a la
sante (article 12, paragraphe 1) et a l'education (article 13, paragraphes 1,
2, 3 et 4).
1 97 Voir Discussion sur les
menaces contre la paix et la sécurité internationales
résultant d'actes de terrorisme, Doc.off. CSNU, 61e annee,
5446e seance, Doc.NU s/PV. 5446 (2006), P.33, cite par COUZIGOU
Iréne, * Le Conseil de securite doit-il respecter ... *, op.cit., P.116.
1 98 Entree en vigueur : le 23 mars 1 976.
1 99 Entree en vigueur : le 3
janvier 1 976.
Le respect de ces droits de l'homme est une obligation
a laquelle sont soumis les organes politiques internationaux dans leurs actions
coercitives de maintien de paix et de sécurité internationales.
Comme déclarait déjà l'ancien Secrétaire
général de l'ONU, Kofi ANNAN,
L La protection des droits de l'homme n'est pas du
ressort principal du Conseil -elle incombe a d'autres organismes de l'ONU, dont
les travaux ne doivent pas faire double emploi avec ceux du Conseil. Mais il
faut prendre en compte l'expertise de ces organismes, et s'assurer que les
mesures adoptées par le Conseil ne limitent pas indilment les droits de
l'homme *200.
Il est, bien entendu, question des droits de l'homme
contenus dans les autres instruments internationaux relatifs aux droits que
nous avons volontairement omis (afin d'éviter des
tautologies)201, ainsi que ceux dérivés du droit
humanitaire. C'est dire que le droit humanitaire affirme aussi l'obligation de
respect des droits de l'homme.
C- Une obligation derivee du droit humanitaire
Le droit humanitaire impose tant en temps de paix
qu'en période de conflits armés -internationaux et non
internationaux- que soient respectées des regles minima relatives au
respect des droits de l'homme. Dans cette optique, il prévoit des
dérogations et exceptions a caractére humanitaire auxquelles les
sanctions politiques ont l'obligation de se conformer. Celles-ci sont
mentionnées dans les dispositions de l'article 3 commun aux quatre
Conventions de Genéve conclues le 12 Aoilt 1 94 9202. Selon
l'article 3, paragraphe 1 :
200 Voir extrait du discours
prononcé le 18 janvier 2002 lors d'une réunion d'information
organisée par le comité 1373 a l'intention du CSNU, cité
par COUZIGOU Irene, g Le Conseil de sécurité doit-il respecter
... *, op.cit., P.177.
201 Voir Convention relative
aux droits de l'enfant du 20 novembre 1 986, Declaration des principes de la
cooperation culturelle internationale du 4 novembre 1 996, etc.
202 Voir Convention I de
Geneve pour l'amélioration du sort des blesses et des malades dans les
forces armées en campagne ; Convention II de Geneve pour
l'amélioration du sort des blesses, des malades et des naufrages des
forces armées sur mer ; Convention III de Geneve
« En cas de conflit arme ne presentant pas un
caractere international et surgissant sur le territoire de l'une des Hautes
Parties contractantes, chacune des Parties au conflit sera tenue d'appliquer au
moins les dispositions suivantes :
1. Les personnes qui ne participent pas directement
aux hostilites, y compris les membres de forces armees qui ont depose les armes
et les personnes qui ont ete mises hors de combat par maladie, blessure,
detention, ou pour toute autre cause, seront, en toute circonstance, traitees
avec humanite, sans aucune distinction de caractere defavorable basee sur la
race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la
fortune, ou toute autre critere analogue.
A cet effet, sont et demeurent prohibes, en tout temps et
en tout lieu a l'egard des personnes mentionnees ci-dessus :
a. Les atteintes portees a la vie et a l'integrite
corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les
traitements cruels, tortures et supplices ;
b. Les prises d'otages ;
c. Les atteintes a la dignite des personnes, notamment
les traitements humiliants et degradants ;
d. (...) N.
Ces exceptions et derogations humanitaires ne sont pas
seulement inscrites dans l'article 3 commun aux Conventions de Genève,
elles ont aussi fait l'objet de maints arrIts ou avis de la CIJ. Pour la
première fois, dans l'affaire du Detroit de Corfou, la CIJ a proclame
que les Etats pouvaient Itre tenus a certaines obligations non seulement en
vertu des textes conventionnels, mais du fait de l'existence de g certains
principes generaux
relative au traitement des prisonniers de guerre ;
Convention IV de Geneve relative a la protection des personnes civiles en temps
de guerre.
et bien reconnus, tels que des considerations
elementaires d'humanite, plus absolues encore en temps de paix qu'en temps de
guerre D203. Les considerations elementaires d'humanite ainsi
evoquees le seront a nouveau dans plusieurs autres decisions de la CIJ, par
exemple dans l'arrIt du 24 mai 1 980 concernant le Personnel diplomatique et
consulaire des Etats-Unis a Teheran204, ou a l'occasion du minage
des ports du Nicaragua par les Etats-Unis205.
Dans cette derniere affaire, la CIJ a en outre precise
sa pensee. En effet, elle a estime que non seulement les actions des organes
politiques internationaux devaient « etre appreciees en fonction des
principes generaux de base du droit humanitaire D206, mais encore
que « l'article 3 commun aux quatre conventions de Geneve du 12 aout 1 94
9 enonce certaines regles devant etre appliquees dans les conflits armes ne
presentant pas un caractere international D207. Elle a ajoute que
« ces regles constituent aussi, en cas de conflits armes internationaux,
un minimum independamment de celles plus elaborees qui viennent s'y ajouter
pour de tels conflits D208.
Ainsi, l'incompatibilite entre les sanctions
politiques et le respect des droits de l'homme se revéle avec constance
sur le plan formel. Une obligation implicite de respect des droits de l'homme
par les organes politiques internationaux lorsqu'ils entreprennent leurs
actions coercitives de maintien de la paix est inscrite dans la Charte des
Nations Unies, prevue dans les instruments internationaux relatifs aux droits
de l'homme, et derive du droit humanitaire. Mais dans la pratique, celle-ci est
battue en bréche. Comme le souligne fort bien Ariel
COLONOMOS,
203 Voir Detroit de Corfou,
fond, arrêt, Rec.C.I.J., 1 94 9, P.21.
204 Voir Personnel
diplomatique et consulaire des Etats-Unis a Teheran, arrIt, Rec.C.I.J., 1 980,
PP.42-43.
205 Voir Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c/
Etats-Unis d'Amérique), fond, arrIt, Rec.C.I.J., 1 986,
P.112.
206 Voir ibid. P.12 9 et
148.
207 Voir ibid.
208 Voir ibid. Voir pour
des precisions sur ces differentes decisions GUILLAUME Gilbert, « La Cour
Internationale de Justice et les Droits de l'homme *, Droits fondamentaux,
n°1, JuilletDecembre 2001, PP.26-27.
L D'une part, ces armes (les sanctions
politiques)20 9 ne sont pas efficaces (...) ; de l'autre, elles
provoquent des degats irreparables, des sinistres qui ont precisement un cout,
a la fois humain et economique D210.
Autrement dit, sur le plan materiel, l'incompatibilite
entre les sanctions politiques et le respect des droits de l'homme atteint son
apogee. C'est dire que les sanctions politiques aux violations des droits de
l'homme ont un impact nefaste dur lesdits droits de l'homme.
PARAGRAPHE 2 : Les repercussions des sanctions politiques
sur les droits de l'homme
La constatation que l'injustice essentielle des
sanctions politiques consiste en ce qu'elles font souffrir des innocents
apparait des que nait la discipline autonome du droit des gens211.
Cela dit, les sanctions politiques infligent davantage de souffrances aux
populations n'ayant pas participe aux violations des droits de l'homme, mais au
contraire etant des victimes de ces violations. C'est dans cette perspective
que l'ancien Secretaire general des Nations Unies, Monsieur Kofi ANNAN, a
declare que :
« Si les sanctions peuvent, dans certains cas,
apparaitre comme des outils performants, certains types de sanctions, notamment
les sanctions economiques, sont des instruments grossiers, infligeant souvent
de graves souffrances a la population civile, sans toucher les protagonistes
D212.
Ainsi est enoncee l'intensite des violations des
droits de l'homme par les sanctions politiques213. C'est autrement
dire que les sanctions politiques
20 9 C'est nous qui
notons.
210 Voir COLONOMOS Ariel, *
"Injustes'' sanctions : les constructions internationales de la denonciation
des embargos et l'escalade de la vertu abolitionniste *, op.cit.,
P.18.
211 Voir NAHLIK Stanislaw E.,
* Le probléme des represailles a la lumiére des travaux de la
conference diplomatique sur le humanitaire *, RGDIP, 1 978, T.LXXXII,
P.131.
212 Propos de Kofi ANNAN,
cite par MANGIN Rene, Rapport d'information n°3203, op.cit.,
P.4.
213 Les inconvenients des
sanctions politiques sont apparus de plus en plus evidents, notamment a travers
le cas de l'Irak oti les sanctions, aprés quelques succés
initiaux, se sont averees inefficaces et mêmes
contre-productives.
emportent des effets secondaires tant sur les droits
de la première generation (A), sur ceux de la deuxième generation
(B) que sur les droits de la troisième generation (C).
A- Les effets secondaires des sanctions politiques sur
les droits de la premiere generation (Droits civils et politiques)
L'obligation implicite de respect des droits de
l'homme n'a nullement pu empecher leurs violations par les mesures de
contraintes. Cela se verifie d'ailleurs au vu de la situation des droits de
premiere generation en cas d'imposition d'un regime de sanction. En effet, les
sanctions politiques ont des effets nefastes sur les droits de la premiere
generation. Sont constitutifs de droits de la premiere generation les droits
civils et les droits politiques. Ceux-ci sont prevus aussi bien par la DUDH que
par le PIDCP214.
Ainsi, Monsieur Marc BOSSUYT a etabli un document
portant sur Les consequences nefastes des sanctions economiques pour la
jouissance des droits de l'homme215 dans lequel il identifie les
sanctions adoptees par les organes politiques internationaux aux actes de
genocide prevus par la Convention pour la prevention et la repression du crime
de genocide du 9 decembre 1 948216. En effet, l'article 2 de la
Convention definit le genocide dans les termes suivants :
g ...L'un quelconque des actes ci-apres, commis dans
l'intention de detruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique,
racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe ;
214 Voir supra,
P.5.
215 Voir Commission des
droits de l'homme, sous-commission de la promotion et de la protection des
droits de l'homme, 52e session, E/CN.4/Sub.2/2000/33, 21 juin 2000,
PP.18-1 9, in
www.grandslacs.net/doc/2265.pdf
216 Approuvee par l'AGNU dans
sa resolution 260/A (III) du 9 decembre 1 948 et entree en vigueur le 12
janvier 1 951.
b) Atteinte grave a l'integrite physique ou mentale de
membres du groupe ;
c) Soumission intentionnelle du groupe a des conditions
d'existence devant entralner sa destruction physique totale ou partielle
;
V D
Il est clair que les sanctions politiques visent a
infliger au peuple des conditions de vie devant entralner sa destruction
physique totale ou partielle. L'important n'est pas de savoir quelles etaient
les intentions initiales de l'organe politique international ayant pris les
mesures coercitives. Dans la mesure ou l' L on disposait d'elements prouvant
que des milliers de civils mouraient a cause des sanctions et que des centaines
de milliers d'autres allaient mourir prochainement par suite du maintien des
sanctions par le Conseil de securite, les morts en question ne pouvaient plus
etre considerees comme un simple contrecoup, le Conseil de securite etait
pleinement responsable de ses actes et de toutes leurs consequences attestees
D217. Ainsi, les sanctions politiques seraient des mesures
meurtrieres, genocidaires et deliberement maintenues pour ces fins.
Par ailleurs, c'est la couche la plus vulnerable de la
population qui est la premiere a subir ces effets. Comme le note Monsieur Rene
MANGIN & l'egard des effets des sanctions sur la population infantile
irakienne,
L Les consequences des sanctions sur le plan
humanitaire ont ete analysees comme des catastrophes tant par les ONG et les
chercheurs que par les organismes des Nations Unies. L'estimation des
decés directement imputables aux sanctions va de 500.000 a 1,5 millions
de personnes, en majorite les enfants. La commission d'evaluation nommee par le
Conseil de securite a confirme en mars 1 999 que les taux de mortalite
infantile sont parmi les plus eleves du monde. Les causes en sont la
contamination des
217 Voir BOSSUYT Marc, Les
consequences nefastes des sanctions economiques pour la jouissance des droits
de l'homme, op.cit., P.1 9.
eaux, le manque d'aliments de qualité, un
allaitement maternel insuffisant et la pénurie dans le domaine des soins
de santé D218.
C'est dire que les effets des sanctions politiques sur
les droits de la première génération sont
inséparables de ceux sur les droits de la deuxième
génération.
B- Les effets secondaires des sanctions politiques sur
les droits de la deuxieme generation (Droits economiques, sociaux et
culturels)
Les sanctions politiques se traduisent par des
violations massives et systématiques des droits des citoyens a
l'intérieur du pays ou elles sont appliquées. Les droits de la
deuxième génération c'est-A-dire les droits
économiques, sociaux et culturels de la population sont balayés :
les familles se brisent, les progrès réalisés dans les
domaines éducatifs et sanitaires sont renversés ou simplement
effacés, le pays passe « d'une relative prospérité a
une pauvreté de masse D219. Comme l'écrit Monsieur
René MANGIN, l'application des sanctions politiques a parfois des
conséquences graves, voire catastrophiques sur l'état humanitaire
de la population qui y est soumise :
« Outre les privations dans le domaine
alimentaire et des biens de consommation courante, l'on assiste a la
régression de la politique sanitaire du pays. Il arrive également
que lorsque les sanctions perdurent, les conséquences économiques
et sociales sont telles que l'on aboutit a une déstructuration de la
société D220.
Autrement dit, les sanctions politiques
détruisent les sociétés en s'attaquant surtout a son
fondement, c'est-A-dire la famille. C'est dans cette perspective que Monsieur
Denis HALLIDAY, ancien Sous-secrétaire général
218 Voir MANGIN René,
Rapport d'information n°3203, op.cit., P.22.
21 9 Voir S/1 999/356, annexe
II, Bureau du PNUD en Irak, cité par BOSSUYT Marc, Les consequences
n~/astes ~~~, op.cit., P.17.
220 Voir MANGIN René,
Rapport d'information n°3203, op.cit., P.22.
7
et Coordonnateur des operations humanitaires des
Nations Unies en Irak, a declare apres avoir demissionne en septembre 1 998 :
« les sanctions ont eu un impact durable sur le systeme de la famille
elargie en Irak. On constate une augmentation du nombre de familles
monoparentales, generalement dirigees par des femmes qui doivent se debrouiller
seules. Les divorces se multiplient. Beaucoup de familles en ont ete reduites a
vendre leur maison, leur mobilier et d'autres biens pour pouvoir manger, ce qui
contribue & augmenter le nombre des sans-abri. De nombreux jeunes se
tournent vers la prostitution D221.
C'est cette situation qui s'est installee notamment au
Burundi lors de l'adoption des sanctions internationales contre le pays :
l'infrastructure sanitaire a ete gravement touchee et l'impossibilite d'obtenir
ne serait-ce que des fournitures medicales d'urgence a conduit a de graves
penuries de medicaments et de vaccins. De plus, les programmes
d'approvisionnement en eau et en materiel d'assainissement ont ete reduits ou
supprimes222.
Par ailleurs, les sanctions politiques qui
affaiblissent et appauvrissent la population civile font le bonheur des elites
politiques : « Sur le plan economique, les sanctions ont approfondi le
mouvement de recession qui s'etait engage avant la guerre, faisant chuter la
production industrielle et provoquant une inflation galopante. Sur le plan
social, les sanctions ont accable les populations vulnerables et ont permis a
l'entourage de Milosevic et aux elites economiques de prosperer
D223.
Pis encore, les sanctions politiques ont plonge
certains pays dans un profond etat de denuement qu'ils en ont ete incapables de
relever leur niveau de vie, même lorsqu'elles ont ete levees. Comme le
souligne Monsieur Rene MANGIN,
221 Discours prononce par
Denis HALLIDAY au Congres le 6 octobre 1 998, cite par BOSSUYT Marc, Les
consequences nefastes op.cit., P.17.
222 Voir BOSSUYT Marc, Les
consequences nefastes op.cit., P.21. En 1 997, l'American Association for World
Health a publie un rapport extrêmement critique confirmant qu'il y avait
un lien de cause a effet entre l'embargo, la malnutrition, la mediocrite de
l'eau et la difficulte a acquerir du materiel medical et des medicaments, et
que l'embargo visait
deliberement a priver la population cubaine de produits
alimentaires et de medicament.
223 Voir MANGIN Rene, Rapport
d'information n°3203, op.cit., P.25.
g La levée des sanctions contre le Burundi n'a
pu empecher que la catastrophe humanitaire ne perdure du fait de l'effondrement
des infrastructures de distribution alimentaire, des retards dans les campagnes
de vaccination et de l'appauvrissement généralisé de la
population engendrés par les sanctions D224.
Ainsi, les sanctions politiques constituent des armes
redoutables contre l'épanouissement économique, social et
culturel d'un peuple. Elles produisent des effets dévastateurs sur les
secteurs multiples de la société telles que la famille,
l'éducation, la santé, l'économie, etc. Comme le note le
Professeur Leon EISENBERG, g l'imposition des sanctions économiques est,
fondamentalement, une guerre contre la santé publique p225,
mais aussi contre l'éducation, l'économie, la famille, bref la
société toute entière. Bien entendu, les droits de la
troisième génération n'échappent pas a cette
guerre.
C- Les effets secondaires des sanctions politiques sur
les droits de la troisieme generation (Droit a la paix, au developpement et a
un environnement sain)
A l'instar de ceux de la première et de la
deuxième génération, la troisième
génération des droits de l'homme se voit profondément
affectée par les répercussions des sanctions politiques. En
effet, le droit a la paix, le droit au développement, le droit a un
environnement sain, sont remis en cause sous le faix des sanctions politiques.
Si les mesures de contrainte adoptées par les organes politiques
internationaux constituent des actes de génocide226, ou
encore des actes de guerre227, alors, elles sont attentatoires au
droit a la paix. Elles plongent la société dans un état
d'instabilité dans lequel toute revendication a un droit a la paix
relève de l'illusion.
224 Voir MANGIN René,
Rapport d'information n°3203, op.cit., P.20.
225 Voir EISENBERG Leon, *
The sleep of reason produces monsters -human costs of economic sanctions *, New
England Journal of Medecine, 24 avril 1 997, Vol.336, n°17, cité
par BOSSUYT Marc, Les consequences n~/astes ... op.cit., P.24.
226 Voir Supra, PP.72-74, chapitre 2, section 1,
paragraphe 2, A
227 Voir Supra,
P.76.
En outre, les sanctions politiques hypothequent le
developpement du pays contre lequel elles sont adoptees. Cette assertion figure
comme la consequence ineluctable des effets des sanctions politiques sur les
droits politiques et civils ainsi que sur les droits economiques, sociaux et
culturels. Mais, surtout, l'aide au developpement destine au pays avant
l'adoption des sanctions politiques est interrompu par le fait de ces
sanctions. Au Burundi, l'aide au developpement, qui representait environ 250
millions de dollars par an, a ete interrompu et les reserves en devises
etrangeres se sont epuisees228. En Haiti, l'embargo dejà
ancien de l'Union europeenne a conduit cette societe tres pauvre a une
deliquescence progressive : elle ne se trouve pas dans une situation d'urgence
qui attirerait l'attention de la Communaute internationale sur elle, mais elle
ne peut se developper229.
Enfin, l'on nie tout droit a un environnement sain en
cas d'imposition de la sanction internationale par les organes politiques
internationaux. Autrement dit, la faune et surtout la flore du pays cible est
detruite du fait des sanctions politiques. Ceci est particulierement vrai
lorsqu'il s'agit des mesures de contrainte armee prises sur la base du chapitre
VII de la Charte.
Precisant les conclusions contenues dans le Document
de travail etabli par Monsieur Marc BOSSUYT, le Professeur Mathias FORTEAU note
que g les sanctions inefficaces ou injustes ou qui violeraient d'autres regles
du droit international ne [devaient] pas etre appliquees, ou, si elles
l'[avaient] ete, [devaient] etre levees, ajoutant que les sanctions legalement
imposees [pouvaient] devenir illegales des lors qu'elles [etaient] appliquees
pendant trop longtemps sans produire de resultats significatifs(...)
D230.
Poursuivant l'analyse de l'incompatibilite entre les
sanctions politiques et le respect des droits de l'homme, Monsieur BOSSUYT
ajoute que l'obligation de respect des droits de l'homme inscrite dans les
instruments juridiques internationaux g n'est qu'une tentative derisoire pour
en attenuer
228 Voir BOSSUYT Marc, Les
consequences n~/astes ... op.cit., P.21.
229 Voir MANGIN Rene, Rapport
d'information n°3203 op.cit., P.20.
230 Voir FORTEAU Mathias, * La levee et la suspension des
sanctions internationales *, AFDI, vol.51, 2005, P.65.
les conséquences catastrophiques. Au lieu de
chercher a rendre une illusoire crédibilité a la formule des
sanctions économiques générales(...) grace aux
[obligations de respect des droits de l'homme], c'est toute la
problématique des sanctions qu'il faut entiérement repenser
D231. C'est dire au final que c'est la légitimité des
sanctions politiques qui est remise en question232. Par
conséquent, une tentative de légitimation des sanctions
politiques a été amorcée.
231 Voir BOSSUYT Marc, Les
consequences n~/astes ... op.cit., PP.13-14.
232 a La
légitimité est inséparable de l'opportunité,
alliant les principes et les circonstances. Mais elle tient compte de
l'efficacité, en considérant les résultats. Ce faisant,
loin d'affirmer que les fins justifient les moyens, elle rappelle que les
conséquences peuvent hypothéquer les meilleures intentions *,
DECAUX Emmanuel, * Légalité et légitimité du
recours a la force : de la guerre juste a la responsabilité de
protéger *, op.cit., P.10.
SECTION 2 : L'EFFORT DE LEGITIMATION DES SANCTIONS
POLITIQUES
L'effort de legitimation des mesures coercitives par
les organes politiques internationaux procéde du principe selon lequel
seul le responsable d'une violation du droit doit Itre condamne pour avoir
commis cette violation. Cela revéle surtout une reelle avancee de
technique juridique car il s'agit plus precisement d'un effort d'adaptation des
sanctions aux auteurs des violations des droits de l'homme.
Comme nous l'avons developpe, les sanctions politiques
genérent des repercussions catastrophiques sur les droits de l'homme et
partant, ne sont pas conformes au droit international public : g c'est la
volonte de limiter les consequences negatives de ses actions coercitives sur
toute une population qui a amene le Conseil de securite a adopter par la suite
des sanctions ciblees et selectives, ou "sanctions intelligentes''
8233 (paragraphe 1). Cependant, les sanctions intelligentes n'ont
pour autant pas ete efficaces (paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : La naissance des sanctions intelligentes
Les sanctions intelligentes constituent une forme
nouvelle de mesures coercitives entreprises par les organes politiques
internationaux. Elles sont aussi connues sous l'appellation de "sanctions
ciblees''. Elles viennent en reactions aux inconvenients excessifs des
sanctions politiques globales. Il convient des lors de preciser la
signification des sanctions intelligentes (A) avant de parler de leur
application (B).
A- La signification des sanctions intelligentes
L'on ne peut evoquer la signification d'une notion sans
se referer a sa definition (1). C'est en ce moment que peuvent etre identifies
ses criteres (2).
233 Voir COUZIGOU Irene, * le
Conseil de securite doit-il respecter les droits de l'homme dans son action
coercitive de maintien de la paix ? *, op.cit. P.120.
1- Definition des sanctions intelligentes
Face aux conséquences tragiques des sanctions
politiques globales sur les droits de l'homme, il a été
préconisé des sanctions intelligentes. Celles-ci renvoient aux
sanctions ciblées c'est-A-dire qui frappent uniquement le ou les
responsables des violations des droits de l'homme, sans atteindre la population
innocente et victime des violations de leurs droits. En d'autres termes, les
organes politiques internationaux prennent des mesures contraignantes qui
visent non pas un Etat dans son ensemble, mais des personnes précises :
les dirigeants au pouvoir d'un Etat ou d'une collectivité
semi-étatique, ou de surcroit un groupe de
résistance.
Les sanctions intelligentes peuvent viser les avoirs
personnels a l'étranger des membres du gouvernement, de l'élite
dirigeante ou des membres de l'armée, ainsi que leur accés aux
marchés financiers étrangers234. Les actifs des
entreprises d'Etat peuvent également Itre gelés et les
investissements dans ces sociétés interdits. Les importations
d'articles de luxe et d'autres biens dont la consommation est
généralement réservée a l'élite dirigeante
peuvent Itre frappées d'interdiction. Les élites politiques et
militaires peuvent Itre aussi frappées d'interdiction de voyage, ainsi
que les dirigeants de groupes de résistances235. Les
sanctions intelligentes peuvent aussi viser les avoirs financiers a
l'étranger des membres adultes de leur famille ainsi que leur interdire
de voyage236.
234 Voir par exemple
Haiti, Résolution 441 du Conseil de sécurité,
Doc.off.CSNU, 48e année, 3238e séance,
Doc.NU S/RES/841(1 993), para.8, imposant le gel des fonds appartenant au
gouvernement haitien ou aux autorités de facto en Haiti ou
contrôlés par eux .
235 Voir exemple la
Résolution 1127 du Conseil de sécurité sur la situation en
Angola, Doc.off. CS, 52e année, 3814e
séance, Doc.NU S/RES/1127 (1 997), para 4a, imposant des restrictions de
déplacement aux dirigeants de l'UNITA (Union Nationale pour
l'Indépendance Totale de l'Angola) ; Résolution 1132 du Conseil
de sécurité sur la situation au Sierra Leone, Doc.off. CSNU,
52e année, 3822e séance, Doc.NU S/RES/1132
(1 997), para 5, imposant des interdictions de voyage pour les membres de la
junte au pouvoir.
236 Voir par exemple les
Résolutions 1127 (1 997) et 1132 (1 997) sus mentionnées imposant
respectivement des restrictions de déplacement des membres adultes de la
famille des dirigeants de l'UNITA et des interdictions de voyage pour ceux des
membres de la junte au pouvoir de Sierra Leone.
En outre, afin de faciliter l'identification des
responsables politiques et militaires, devant etre frappes par les mesures
coercitives ainsi que les biens, fonds et autres ressources financieres
contrOles par eux, il a ete procede a une succincte
formalisation237. C'est dans cette perspective que le CSNU a
institue des comites des sanctions238 en charge de cette tache. Ces
derniers etablissent des listes de noms, ou de biens, ou de fonds contrOles par
les responsables politiques ou militaires.
Ainsi, les sanctions intelligentes sont mises en
oeuvre dans un grand respect des droits de l'homme. Mais, la signification des
sanctions intelligentes s'avererait incomplete si elle n'etait pas precisee a
travers ses criteres d'identification.
2- Criteres d'identification des sanctions
intelligentes
Il existe des criteres a l'absence desquels les sanctions
prises par les organes politiques internationaux ne peuvent etre
qualifiees
d' KKintelligentes''23 9. Deja.,
la Sous-commission des droits de l'homme avait, dans sa resolution 1 997/35 du
28 aoilt 1 997 intitulee Consequences nefastes des sanctions pour la jouissance
des droits de l'homme, precise ces criteres. Dans le preambule de la
resolution, l'on peut y retrouver quatre observations precises a propos des
sanctions politiques globales, observations dont une reformulation nous donne
une approche des criteres d'identification des sanctions intelligentes
:
a) Elles doivent toujours etre d'une duree limitee
;
b) Elles ne doivent pas toucher la population
innocente
237 Voir ALABRUNE Francois, a
La pratique des comites des sanctions du Conseil de securite depuis 1 990 *,
AFDI, vol.45, 1 999, PP.271-275.
238 Voir comites crees par
les Resolutions 724 (Yougoslavie), 841 (Haiti), 864
(Angola/UNITA), 1132 (Sierra Leone), 1267
(Afghanistan/Taliban), ibid. PP.272-275. 23 9 En Anglais, les a
sanctions intelligentes * se disent a smarts sanctions *.
c) Elles ne doivent pas aggraver les disparites dans la
repartition des revenus ;
d) Elles ne doivent pas faire naitre des pratiques
commerciales illegales et immorales240.
D'autres documents ont suivi cette resolution tout en
apportant davantage de precisions sur les criteres des sanctions
intelligentes241. Ainsi, traditionnellement, il est fait distinction
de six criteres d'identification des sanctions intelligentes :
1- Les sanctions doivent etre prises pour des raisons
valables. Dans le cadre de cette etude, la violation effective des droits de
l'homme motive l'adoption des mesures de contrainte. C'est autrement dire que
les sanctions ne doivent pas constituer un instrument banalise de politique
internationale et doivent etre reservees a des situations exceptionnelles
;
2- Les sanctions doivent etre ciblees et
proportionnees. Elles ne doivent viser que les personnes responsables des
violations des droits de l'homme et epargner la population civile de ses effets
nefastes ;
3- Les sanctions doivent etre correctement ciblees ;
C'est-A-dire qu'elles ne doivent pas interferer avec la libre circulation des
produits alimentaires prescrites par les Conventions de Geneve ;
4- Les sanctions doivent etre limitees dans le temps
et evolutives. Autrement dit, les sanctions doivent avoir un terme predefini,
sous
240 L'AGNU lui a emboite le
pas dans sa resolution 51/242 du 15 septembre 1 997 intitulee Supplement a
l'agenda pour la pab~, a son annexe II consacree a la a Question des sanctions
imposees par l'ONU *. Voir FORTEAU Mathias, a La levee et la suspension des
sanctions internationales *, op.cit., P.63.
241 Voir BOSSUYT Marc, Les
consequences n~/astes ..., op.cit., PP.10-12 ; MANGIN Rene, Rapport
d'information n° 3203, op.cit., PP.38-42.
reserve de les assortir le cas eventuel de mecanismes de
reexamen periodique242 ;
5- Les sanctions doivent etre efficaces, c'est-A-dire
que, comme l'ecrit Monsieur Marc BOSSUYT, g ceux qui les imposent doivent avoir
de bonnes raisons de penser que les sanctions seront en mesure de produire le
resultat voulu par rapport a la menace contre la paix et la securite
internationales *243 ;
6- Enfin, les sanctions doivent etre assorties d'une
perspective de sortie clairement definie.
Des discussions houleuses sur la precision du contenu
de chacun des critéres continue a avoir lieu au sein des Nations Unies
lors des Assemblées244. Toutefois, cela n'empêche pas
que les sanctions intelligentes continuent a etre
appliquées.
B- L'a pplication des sanctions intelligentes
Les sanctions intelligentes sont appliquées aux
responsables des violations des droits de l'homme. Il s'agit le plus souvent
des dirigeants politiques et militaires. Plus précisément, les
sanctions intelligentes sont appliquées aux individus (1) et aux groupes
de resistances (2).
1- L'a pplication des sanctions intelligentes aux
individus
Les sanctions intelligentes sont en principe
appliquées aux individus. Cette affirmation est contenue dans l'un des
six critéres d'identification des sanctions intelligentes
suscités. En effet, afin d'éviter toute victime par ricochet des
mesures de contrainte, celles-ci doivent etre ciblées
c'est-A-dire
242 Voir BENNOUNA Mohammed, g
Les sanctions économiques des Nation Unies *, RCADI, 2002, T.300, cite
par FORTEAU Mathias, g La levee et la suspension ... *, op.cit.,
P.68.
243 Voir BOSSUYT Marc, Les
consequences n~/astes ..., op.cit., P.11.
244 Voir FORTEAU Mathias, g
La levee et la suspension ... *, op.cit., PP.67-68.
appliquées aux individus responsables des
violations des droits de l'homme. Ces individus sont en général
les élites politiques245 et militaires246 ; mais
aussi les dirigeants des groupes armés siégeant dans le pays et
responsables des violations massives des droits de l'homme. De nombreux cas
d'application des sanctions aux individus sont connus247
aujourd'hui, et font état du caractére ciblé de ces
sanctions.
Mais aussi, les membres -adultes en l'occurrence- de
leur famille proche font le plus souvent l'objet des sanctions
intelligentes248. Les organes politiques internationaux en charge de
l'application des sanctions estiment que les responsables a titre individuel
des actes de violation des droits de l'homme peuvent faire -et le font
me-me- diversion en opérant un transfert de leurs biens
financiers vers ceux des membres de leur famille. Cela étant, ils
pourraient aisément y puiser des ressources en cas de gel de leurs
propres avoirs par le fait des mesures coercitives. Ainsi, les membres de la
famille peuvent également, a l'instar des principaux responsables des
violations, e-tre identifiés dans les listes nominatives. Cela ne fait
aucun doute lorsqu'ils font partie d'un groupe de
résistance.
2- L'a pplication des sanctions intelligentes aux grou
pes de resistance
Les groupes de résistance renvoient aux groupes
armés installés sur une partie du territoire d'un Etat. Ils
peuvent e-tre des groupes rebelles ou des groupes terroristes. Toutefois, pour
que l'on puisse les qualifier de groupes de résistance, ils doivent
impérativement présenter g un degré
245 Chef d'Etat et Ministres
notamment.
246 Généraux
d'armée notamment.
247 Voir par exemple le
cas de l'ancien Président serbe MILOSEVIC, celui de
l'ex-Président libérien Charles TAYLOR ou encore le cas du
Président actuel du Soudan du Nord, Omar EL-BESHIR.
248 Voir résolution 1127 (1 997) du 28 aout 1 997
sur l'UNITA et résolution 1132 (1 997) du 8 octobre 1 997 sur la junte
militaire de la Sierra Leone sus-évoquées.
8
minimum d'organisation D249. Dans tous les
cas, il s'agit des entites non etatiques.
Autrefois, le champ d'application personnel des
sanctions politiques concernait traditionnellement les Etats. Cependant, depuis
un precedent de 1 993, les sanctions peuvent Itre dirigees contre des entites
non etatiques. Ainsi, dans la resolution 864 (1 993) du 15 septembre 1 993, le
CSNU a impose un embargo sur la livraison de produits petroliers et d'armes a
l'Union nationale pour l'independance totale de l'Angola (UNITA). Il a en outre
impose le gel de tous les capitaux etrangers de l'UNITA, et interdit tous les
contacts officiels avec l'UNITA dans des zones determinees, l'importation des
diamants non assujettis au regime de certificat d'origine etabli par le
Gouvernement d'unite et de reconciliation nationale, ainsi que la vente a
l'UNITA de materiels utilises dans les industries extractives, de vehicules a
moteur ou de pieces de rechange250.
Par ailleurs, dans la resolution 1267 (1 999) du 15
octobre 1 999, le CSNU a impose des mesures de contrainte contre la "faction
afghane denommee Taliban''. Il a exige que les Taliban remettent sans plus
tarder Usama Ben LADEN aux autorites competentes. Cette exigence n'ayant pas
ete suivie d'effet, les mesures prevues au paragraphe 4 de la resolution, a
savoir l'interdiction de vol pour tous les aeronefs appartenant aux Taliban, ou
affretes ou exploites par les Taliban ou pour le compte des Taliban ou
contrôles directement ou indirectement par eux, sont entrees en vigueur
le 14 novembre 1 999.
Ainsi, les sanctions intelligentes sont appliquees aux
individus et aux entites non etatiques. Ceci procéde ineluctablement des
critéres de la sanction intelligente. Ces critéres ont vu le jour
avec la volonte de rendre inoperantes les consequences tragiques attachees a
l'application des
24 9 Voir LA ROSA Anne-Marie
et WUERZNER Carolin, * Groupes armes, sanctions et mise en oeuvre du droit
international humanitaire *, IRRC, vol. 90, n°870, juin 2008, P.3, version
frangaise, in
http://www.ikrk.org/fre/assets/files/other/irrc-870-larosa-wuerzner-web-frafinal.pdf
250 Voir resolution 1173 (1 998) du 12 juin 1
998.
sanctions politiques. C'est dire au final que les
sanctions politiques, plus précisément les sanctions
intelligentes, contribuent au maintien de la paix et de la
sécurité internationales. Elles visent le seul responsable du
fait illicite tout en respectant les droits de l'homme. Toutes proportions
gardées, peuton affirmer que les sanctions intelligentes sont
réellement appliquées eu égard aux droits de l'homme ? En
d'autres termes, les sanctions intelligentes constituent-elles une
panacée pour le maintien de la paix et de la sécurité
internationales ?
PARAGRAPHE 2 : Des limites aux sanctions intelligentes
Les sanctions intelligentes constituent sans conteste
un remarquable effort de légitimation des sanctions politiques. L'on ne
pourrait pas les dénier toute fin utile. Néanmoins, cet effort de
légitimation des sanctions politiques, soit n'est pas encore
achevé, soit est, de fagon congénitale, imparfait. En effet, les
sanctions intelligentes ont d'importantes limites liées d'une part a la
persistance de l'incompatibilité avec les droits de l'homme (A), d'autre
part a leur consistance me-me (B).
A- Des limites relatives a la persistance de
l'incompatibilite avec les droits de l'homme
En vertu de l'article 2 in limine de la DUDH,
g Chacun peut se prévaloir de tous les droits
et de toutes les libertés proclamés dans la Déclaration,
sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de
religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou
sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation (...)
D251.
251 Voir annexe 3, p.161.
En d'autres termes, l'homme detient des droits
inalienables, intouchables, inviolables en toute situation. Or les sanctions
intelligentes ne tiennent pas compte des droits de la première (1) et de
la deuxième (2) generation des personnes responsables de violations des
droits de l'homme.
1- La persistance de l*incom patibilite avec certains
droits civils et politiques
L'incompatibilite se manifeste en l'occurrence par la
meconnaissance de certains droits civils et politiques des individus
responsables des violations des droits de l'homme. Autrement dit, les sanctions
intelligentes sont mises en oeuvre en irrespect de ces droits. Il s'agit
d'abord du droit a un procès equitable. En effet, ce droit est prevu a
l'article 10 de la DUDH en ces termes :
g Toute personne a droit, en pleine egalite, a ce que
sa cause soit entendue equitablement et publiquement par un tribunal
independant et impartial, qui decidera, soit de ses droits et obligations, soit
du bien-fonde de toute accusation en matière penale dirigee contre elle
D252.
Or, l'application des sanctions intelligentes est
operee hors du cadre d'un procès equitable. Ces sanctions sont mises en
oeuvre en meconnaissance totale de ce droit.
Ensuite, les sanctions intelligentes sont appliquees
en irrespect de la presomption d'innocence dont beneficie tout individu accuse
de violation des droits de l'homme. Cela dit, l'article 11, paragraphe 1, de la
DUDH dispose :
g Toute personne accusee d'un acte delictueux est
presumee innocente jusqu'a ce que sa culpabilite ait ete legalement etablie au
cours d'un procès
252 Voir annexe 3,
p.163.
public ou toutes les garanties nécessaires a sa
défense lui auront été assurées
*253.
Enfin, les sanctions intelligentes, notamment les
interdictions de voyage et restrictions de déplacement, portent atteinte
a la liberté d'aller et de venir. Prévue dans la DUDH, cette
liberté est garantie par l'article 13, paragraphe 2, en ces termes
:
K Toute personne a le droit de quitter tout pays, y
compris le sien, et de revenir dans son pays254 *.
Me-me si cette liberté de
circulation peut e-tre l'objet de restrictions dans le but de protéger
la sécurité nationale, l'ordre public, la santé ou la
moralité publiques, il n'en demeure pas moins que ces restrictions
doivent e-tre édictées par le biais d'une procédure
légale. Les sanctions intelligentes bafouent cette procédure dans
leur application. Elles sont alors incompatibles avec la liberté de
circulation, tout comme avec les droits de la deuxiéme
génération.
2- La persistance de l'incompatibilite avec les droits
economiques, sociaux et culturels
Les sanctions intelligentes sont appliquées
sans égard aux droits économiques, sociaux et culturels. En
effet, les sanctions tels que le gel des avoirs a l'étranger, le blocus
effectué sur les produits alimentaires ou vestimentaires destinés
aux personnes cibles des sanctions intelligentes, peuvent plonger celles-ci
dans un état de dénuement réel. Cette situation est alors
constitutive d'une violation des droits économiques et sociaux de ces
personnes.
253 Voir ibid ; l'article 14, paragraphe, 2 du PIDCP
reconnait aussi le bénéfice de présomption d'innocence aux
individus accusés d'un fait illicite. Il dispose en effet
que
K toute personne accusée d'une infraction
pénale est présumée innocente jusqu'à ce que sa
culpabilité ait été légalement établie
*.
254 Voir annexe ; l'article
12, paragraphe, 2 du PIDCP dispose : K Toute personne est libre de quitter
n'importe quel pays, y compris le sien *.
L'article 22 de la DUDH stipule :
g Toute personne, en tant que membre de la societe, a
droit a la securite sociale : elle est fondee a obtenir la satisfaction des
droits economiques, sociaux et culturels indispensables a sa dignite et au
libre developpement de sa personnalite, grace a l'effort national et a la
cooperation internationale, compte tenu de l'organisation et des ressources de
chaque
pays
D255.
Cette disposition de l'article 22 est completee et
renforcee par celle de l'article 25, paragraphe 1, en ces termes :
g Toute personne a droit a un niveau de vie suffisant
pour assurer sa sante, son bien-être et ceux de sa famille, notamment
pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins medicaux ainsi que
pour les services sociaux necessaires ; (...) D256.
Ainsi, les sanctions intelligentes constituent des
atteintes portees aux droits economiques et sociaux. Elles ne permettent a tout
le moins pas une amelioration des conditions de vie des personnes cibles. L'on
pourrait objecter a ces limites de la sanction intelligente leur
legérete par rapport a l'objectif bien plus important de maintien de la
paix et de la securite internationales. La meconnaissance de quelques droit
reconnus aux individus responsables de violations des droits de l'homme est en
tout cas preferable aux victimes par ricochet des sanctions politiques
globales. Toutefois, même si les sanctions intelligentes constituent une
avancee dans le cadre du maintien de la paix et securite internationales, elles
ne peuvent recevoir la même appreciation dans le domaine des droits de
l'homme. Cette limite des sanctions intelligentes ne peut pas être
ignoree, d'autant plus qu'une autre limite est portee sur leur
consistance.
255 Voir annexe 3, p.165.
256 Voir ibid. Allant dans le
même sens, l'article 11, paragraphe 1, in limine du PIDESC dispose : *Les
Etats Parties au present Pacte reconnaissent le droit de toute personne a un
niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une
nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu'a une
amelioration constante de ses conditions d'existence (...) *.
B- Des limites likes a la consistance des sanctions
intelligentes
Les sanctions intelligentes sont des mesures
coercitives adaptees a leurs destinataires. Toutefois, l'expression "mesures
coercitives'' doit être precisee dans ce cas. Elle renvoie a des mesures
de pression (1) et ne vise pas l'expulsion des responsables de leurs fonctions
(2).
1- Les sanctions intelligentes comme mesures de
pression
Tout comme les sanctions politiques globales, les
sanctions intelligentes sont des mesures de pression. Elles consistent tout
juste a faire cesser les violations des droits de l'homme en exergant autant
que faire se peut de pression sur les individus ou entites infra-etatiques
responsables de ces violations. Autrement dit, elles sont concues dans le seul
but de faire cesser l'illicite.
L'ancien Secretaire general des Nations Unies s'etait
dejà attarde sur ce point. Dans son rapport Supplement a l' g Agenda
pour la paix N, presente le 3 janvier 1 995, au paragraphe 68, il remarquait
:
g Même si l'on reconnait que le Conseil est un
organe politique et non judiciaire, il est de la plus haute importance qu'au
moment de decider d'instituer des sanctions, cet organe definisse simultanement
des critéres objectifs permettant de determiner que leur objectif a ete
atteint. Si l'on veut que le recours aux sanctions en tant qu'instrument
efficace continue de jouir d'un appui general, il faut veiller a ne pas donner
l'impression que les sanctions ont pour objectif de punir plutôt que de
modifier un comportement politique, ou que les critéres sont changes
pour servir des fins autres que celles qui sont a l'origine de la decision
D257.
257 Voir Rapport presente
par le Secretaire general a l'occasion du cinquantenaire de l'ONU, A/50/60-S/1
995/1, 3 janvier 1 995, paragraphe 68, cite par FORTEAU Mathias, * La levee et
la suspension ... *, op.cit., P.63.
Cette recommandation a été
entérinée quelques années plus tard par l'AGNU dans sa
résolution 51/242. L'article 5 stipule que :
L Les sanctions ont pour objectif de modifier le
comportement d'une partie qui menace la paix et la sécurité
internationales et non de punir ou d'infliger un chatiment quelconque. Les
régimes de sanctions devraient être a la mesure de ces objectifs
*258.
Ces dispositions nous révélent que
même de nature politique, les organes de maintien de la paix et de la
sécurité internationales sont astreints au respect de certaines
regles formelles ; mais surtout que les mesures de contrainte qu'ils adoptent
ne visent pas a punir les responsables des violations des droits de l'homme,
elles visent seulement a modifier leur comportement politique. Alors, par le
fait des sanctions intelligentes, les violations des droits de l'homme sont
amenées a cesser, même si les responsables a titre individuel ou
collectif de ces violations demeurent en place. Or, le maintien en place des
personnes responsables des violations des droits de l'homme est une limite de
l'application des sanctions intelligentes, tout comme l'est leur soustraction a
la punition.
2- Les sanctions intelligentes et le maintien en place
des personnes res ponsables des violations des droits de l'homme
Les sanctions intelligentes, comme sus
développé, ne visent que l'arrêt des violations des droits
de l'homme. Ce faisant, elles maintiennent en place les personnes responsables
des dites violations. Cela se révéle d'autant plus dommageable
lorsque ces personnes sont chargées de la gestion25 9 ou de
la sécurité260 de l'Etat. En ce moment, l'on ne
pourrait pas considérer qu'une réelle paix et une
sécurité véritable ont été
maintenues.
258 Voir Résolution 51/242 du 15 septembre 1 997,
Supplement a l'Agenda pour la paix, op.cit., cité par FORTEAU Mathias, g
La levée et la suspension ... *, op.cit., P. 63.
25 9 Chef de l'Etat en l'occurrence.
269 Général de
l'armée nationale notamment.
En d'autres termes, dans le cas ou les dirigeants
responsables des violations des droits de leur population sont maintenus, et si
la paix et la sécurité matérielles sont
sauvegardées, les esprits demeurent néanmoins dans un état
d'effroi. En effet, une population victime d'actes atroces (génocide,
meurtre massif, viol systématique des femmes, constitution d'enfants
soldats engagés de force, etc.) se trouve appelée a vivre cote a
cote avec leurs bourreaux c'est une situation trés peu imaginable, mais
que les sanctions intelligentes tendent a instaurer. Bien entendu, cette
situation révéle que la Communauté internationale
considére ce gouvernement261 comme légitime et
approuve en fin de compte la politique menée dans ce pays.
Par ailleurs, le maintien de ces dirigeants a la fin
des violations des droits de l'homme accroit le risque d'une nouvelle menace a
la paix et a la sécurité internationales car, rien n'empeche ces
dirigeants de se livrer de nouveau a des actes connus de violation des droits
de l'homme. C'est dire que les sanctions intelligentes, a l'instar des
sanctions politiques globales, sont attentatoires a la paix et a la
sécurité internationales.
Ainsi, les sanctions intelligentes connaissent
d'importantes restrictions d'une part relatives a leurs répercussions
sur les droits de l'homme de leurs destinataires et d'autre part liées a
sa consistance meme. Des lors que cessent les violations des droits de l'homme,
les noms des destinataires des sanctions intelligentes sont simplement
radiés des listes nominatives et ils sont maintenus dans leur fonction.
Ce mécanisme révele d'ailleurs les failles du systeme de
sécurité collective conduit sous la houlette des organes
politiques internationaux.
Les sanctions intelligentes sont des mesures
ciblées et adaptées au comportement des personnes ou des
entités visées. Elles ont été instituées
pour pallier les inconvénients des mesures coercitives globales prises
par les organes politiques internationaux ; mais aussi et surtout, elles ont
été mises
261 Gouvernement a l'origine
des violations des droits de l'homme et ayant été maintenu apres
la cessation de ces actes illicites.
en place afin de lier le coupable a son acte illicite.
Dés lors, chacun doit payer pour les fautes qu'il a commises et
personne, excepté le fautif, ne doit subir les consequences de ces
fautes : telle est la philosophie a la base de l'institutionnalisation des
sanctions intelligentes.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Des la fin du second conflit mondial, il est apparu
nécessaire de mettre en oeuvre un systeme de sécurité
collective assez crédible pour pallier les failles de l'ancien systeme
institué par le Pacte de la Société des Nations, et assez
prompt pour dissuader tout Etat qui pourrait effectuer des actes susceptibles
de constituer une menace a la paix, une rupture de la paix ou acte
d'agression.
Des lors, des mesures coercitives ont
été prévues dans le but du maintien de la paix et de la
sécurité internationales. Elles sont adoptées par les
organisations internationales262, suppléées le cas
échéant par les Etats. Ainsi, elles peuvent etre dirigées,
contre les Etats responsables de violation des droits de l'homme, étant
entendu que les violations -graves- des droits de l'homme constituent des
menaces a la paix et a la sécurité internationales.
Or, comme l'affirmait le Professeur Hans
KELSEN,
« Dans les droits primitifs, la sanction frappait
aussi d'autres personnes, par exemple celles qui étaient unies a
l'auteur de l'acte illicite par la parenté ou par un autre lien social.
(La vengeance des dieux, par exemple, frappe le peuple pour le délit du
prince). Les droits primitifs prévoyaient une responsabilité
collective *263.
Autrement dit, les sanctions politiques sont des
mesures a double tranchant car elles frappent le peuple innocent et par
ailleurs victime des violations des droits de l'homme. Comme dans les
communautés primitives, les sanctions politiques engagent une
responsabilité collective et non individuelle264.
262 ONU et organismes
régionaux.
263 Voir KELSEN Hans, g
Théorie générale du droit international public ...*,
op.cit., P.126.
264 Voir KELSEN Hans, g
Théorie générale du droit international public ...*
op.cit., P.130.
Pourtant, comme l'a souligné le Professeur
Louis CAVARE, « la loi doit frapper, non en aveugle, mais avec
perspicacité et psychologie *265. C'est dire que la sanction
internationale doit s'adapter aux coupables et la responsabilité
individuelle se substituer a la responsabilité collective266.
Meme si un effort a été fait dans ce sens avec
l'institutionnalisation des sanctions intelligentes, il n'a cependant pas
été satisfaisant.
Au final, pour que l'effort soit satisfaisant, il
s'avere indispensable de concevoir une sanction « juste et efficace *,
selon les termes du Professeur Louis CAVARE. Et, ajoute-t-il, « pour
qu'une sanction soit juste et efficace, elle doit se modeler
nécessairement avec l'infraction commise *267. C'est
autrement dire qu'afin que la paix et la sécurité internationales
soient in fine garanties, il est nécessaire que le responsable des
violations des droits de l'homme subisse a titre individuel le chAtiment
prévu et appliqué selon une procédure préalablement
établie. D'oU la problématique de la protection pénale de
la paix et de la sécurité internationales. Comme le conclut fort
bien le Professeur Hans KELSEN :
L Une cour de justice internationale est encore plus
importante qu'une force armée internationale, constitue un progres de
technique juridique supérieur a celui que réaliserait cette
derniere institution *268.
En d'autres termes, les sanctions juridictionnelles
sont des mesures appropriées au maintien de la paix et de
sécurité internationales en cas de violation des droits de
l'homme.
265 Voir CAVARE Louis, g Les sanctions dans le cadre de
l'O.N.U. *, op.cit., P.244.
266 Voir KELSEN Hans, g
Théorie générale du droit international public ...*,
op.cit., P.131.
267 Voir CAVARE Louis, g Les
sanctions dans le cadre de l'O.N.U. *, op.cit., P.1 96.
268 Voir KELSEN Hans, g
Théorie générale du droit international public ... *,
op.cit., P.130.
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SECONDE PARTIE : LES
SANCTIONS
JURIDICTIONNELLES,
MESURES « APPROPRIEES »
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INTRODUCTION DE LA SECONDE PARTIE
Les sanctions juridictionnelles renvoient a des
mesures coercitives mises en oeuvre par des juridictions civiles ou
pénales. Les juridictions civiles internationales sont
constituées de la Cour Internationale de Justice et des juridictions
civiles régionales26 9. Si l'article 34, paragraphe 1, du
Statut de la Cour Internationale de Justice dispose que g Seuls les Etats ont
qualité pour se présenter devant la Cour D270,
l'article premier quant a lui stipule que la CIJ est un organe judiciaire en
charge du reglement judiciaire des conflits internationaux, lequel n'est qu'un
succédané au reglement direct et amiable de ces conflits entre
les parties271. De même, si les juridictions civiles
régionales peuvent adopter des sanctions a l'encontre des individus, il
en demeure qu'il ne s'agit que des mesures coercitives a caractere privé
n'ayant aucun rapport a la paix et a la sécurité
internationales.
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, des
dispositions ont été prises pour que les responsables des
violations des droits de l'homme soient individuellement punis et que la paix
soit per se sauvegardée. A la suite des jugements des g grands criminels
de guerre D a Nuremberg et a Tokyo272, des Principes ont
été établis en vue de la protection de la paix et de la
sécurité internationales par le droit pénal international.
Ceux-ci ont été formulés par la CDI en 1 950, sur la
demande de l'Assemblée générale273. Grosso
modo, ces principes visent la sanction des individus rendus coupables de
violations des droits de l'homme, quelque soit leur statut. Désormais, g
ces personnes ne
26 9 La Cour Africaine de
justice et des droits de l'homme, la Cour européenne des droits de
l'homme, la Cour interaméricaine des droits de l'homme,
notamment.
270 Voir Arrêt Nottebohm, Rec. C.I.J, 6 avril 1
955, paragraphe 21.
271 Voir Zones franches,
ord. C.P.J.I, 1 9 aout 1 92 9, Série A n°22, paragraphe 13 ;
Arrêt Incident aérien du 10 aoit 1999, Rec.C.I.J, 21 juin 2000,
paragraphe 52. De même, la CIJ est priée de se prononcer sur
certains aspects juridiques d'une question qui a été aussi
examinée par le CSNU, ce qui est parfaitement conforme a sa situation
d'organe judiciaire principal des Nations Unies ; Voir Arrêt
Activités militaires au Nicaragua, Rec. C.I.J, 26 novembre 1 984,
P.436.
272 Le proces de Nuremberg
s'est tenu du 14 novembre 1 945 au 1er octobre 1 946 et le proces de Tokyo de
mai 1 946 a novembre 1 948 ; voir Proces des grands criminels de guerre devant
le Tribunal militaire international, vol.1, Nuremberg, 1 947,
P.234.
273 Voir Rapport de la
Commission du droit international sur les travaux de sa dixieme session, Doc.
A/26 93, PP. 9 et suivantes ; voir résolution 95 (I) de l'AGNU, 11
décembre 1 946.
peuvent plus se dissimuler derriere le bouclier trop
commode d'une personne morale sans visage, dépourvue de sentiment et
donc insensibles a la douleur des victimes comme aux sanctions qui peuvent etre
infligées D274.
Selon le Professeur Louis CAVARE,
g Un proces pénal devrait etre la suite logique
de l'opération de police collective prévue par le chapitre VII
-pour adapter la Sanction aux vrais coupables. C'est l'auteur de l'infraction,
du crime contre la Paix, l'agresseur qui doit etre individuellement
chatié D275.
C'est dire que la sanction pénale
internationale constitue in fine la mesure la plus appropriée au
maintien de la paix et de la sécurité internationales. Sa mise en
oeuvre (chapitre 1) ainsi que les conséquences qui lui sont
attachées (cha pitre 2) le démontre aisément.
274 Voir KAMTO Maurice,
L'agression en droit international, op.cit., P. 9.
275 Voir CAVARE Louis, * Les Sanctions dans le cadre de
l'O.N.U. D, op.cit., P.283.
CHAPITRE III : LA MISE EN OEUVRE DE LA SANCTION PENALE
INTERNATIONALE
Le Tribunal militaire international de Tokyo faisait le
constat ci-apres, qui releve autant de l'évidence factuelle que du bon
sens :
«Ce sont des hommes, et non des entités
abstraites, qui commettent les crimes dont la répression s'impose, comme
sanction du droit international D276.
Autrement dit, le champ d'application ratione personae
de la sanction pénale internationale s'étend uniquement aux
individus, seuls responsables des violations des droits de l'homme. De plus, la
mise en oeuvre de la sanction pénale internationale ne génere pas
de victimes par ricochet. Toutefois, pour mieux appréhender ces
éléments, il convient d'étudier les conditions de forme
(section 1) ainsi que les conditions de fond (section 2) relatives a
l'application de la sanction pénale internationale.
SECTION 1 : LES CONDITIONS DE FORME A LA MISE EN OEUVRE
DE LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE
L'application de la sanction pénale
internationale obéit a des regles de forme déterminées par
le droit international. Celles-ci sont relatives d'une part au statut des
individus ( paragra phe 1) et d'autre part aux principes généraux
du droit pénal international ( paragra phe 2).
PARAGRAPHE 1 : Les conditions de forme relatives au statut
des individus
Les individus sont devenus des sujets immédiats
de l'ordre juridique international bien avant la seconde guerre
mondiale277. En ce moment, des sanctions ont été mises
en place afin de réprimer les individus responsables d'actes
illicites278. Mais, c'est a la suite du second conflit mondial que
le champ de validité personnel de la sanction pénale
internationale s'est considérablement étendu en incluant tant les
autorités étatiques que les autorités non
étatiques. En d'autres termes, les conditions de forme a l'application
de la sanction pénale internationale concernent les autorités
étatiques (A) ainsi que les autorités non étatiques
(B).
A- Les conditions de forme likes a la sanction des
autorites etatiques
L'interrogation a la base du développement
suivant est celle de savoir si les agents étatiques peuvent etre l'objet
d'une sanction pénale internationale, étant donné que le
droit international consacre le principe de
277 Voir KELSEN Hans, a
Théorie générale du droit international public ... *,
op.cit., PP.145- 148 ; GUGGENHEIM Paul, a Principes de droit international
public *, op.cit., PP.46-4 9.
278 Voir les
différentes lois sur la piraterie qui autorisent les navires battant
pavillon de n'importe quel Etat a poursuivre et punir en mer toute personne qui
se rend coupable d'actes de piraterie.
l'immunite juridictionnelle (1). Toutefois, depuis le
proces de Nuremberg et de Tokyo, cette immunite peut etre levee
(2).
1- La consecration du princi pe de l'immunite
juridictionnelle des agents etatiques
Un ''mythe''27 9 a ete entretenu pendant
des siecles, selon lequel le chef de l'Etat ou le gouvernant ne sont pas
responsables s'ils ont agi en leur qualite officielle : ''le roi ne peut mal
faire''280. En effet, un chef de l'Etat ou tout autre agent en
charge de la politique etrangere de l'Etat sont couverts et proteges par
l'immunite de juridiction. Autrement dit, ils ne peuvent faire l'objet d'aucune
condamnation devant une juridiction interne ou internationale. Le droit
international reconnait bien ce principe qui couvre a la fois la personne, les
actes et les biens de l'agent.
Selon l'article 2 9 de la Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques,
« La personne de l'agent diplomatique est
inviolable. Il ne peut etre soumis a aucune forme d'arrestation ou de
detention. L'Etat accreditaire le traite avec le respect qui lui est du, et
prend toutes mesures appropriees pour empecher toute atteinte a sa personne, sa
liberte et sa dignite D281.
Dans le meme ordre d'idees, l'article 31, paragraphe
1, in limine precise que « l'agent diplomatique jouit de l'immunite de
juridiction penale (...) D282. En d'autres termes, la sanction
penale internationale ne peut viser les agents etatiques.
Cette protection internationale des autorites
etatiques consacree tant par le droit international coutumier que par le droit
international
27 9 Voir ZOUREK Jaroslav,
L'interdiction de l'emploi de la force en droit international, op.cit.,
P.83.
280 En anglais, ''The King
Can do no wrong'', principe enonce par Blackstone.
281 Voir Convention de Vienne
sur les relations diplomatiques, du 18 avril 1 961, entree en vigueur le 24
avril 1 964, Rec.TNU, vol.500, P. 95 et suivantes.
282 Voir ibid.
conventionnel ne couvre pas seulement la personne de
l'agent. Elle s'étend a ses actes ainsi qu'à ses
biens283. C'est dans cette perspective qu'un individu qui ne jouit
pas personnellement de l'immunité de juridiction pénale peut
bénéficier de celle-ci lorsqu'il accomplit des actes relatifs a
la qualité d'agents de l'Etat284.
Ainsi, la sanction pénale internationale ne
peut frapper les autorités étatiques, ces derniers
bénéficiant de l'immunité de juridiction pénale.
Mais, ce principe a été remis en cause a la suite de la seconde
guerre mondiale, et l'on parle désormais d'un g dépassement du
débat relatif aux immunités des agents étatiques
D285.
2- La levee de l'immunite juridictionnelle des agents
etatiques
L'un des principes énoncés par la CDI en
1 950 a été celui de la fin de la protection internationale des
agents étatiques en cas de violation des droits de l'homme. En effet,
dans la lignée des jugements de Nuremberg et de Tokyo, ce principe qui
est d'une portée considérable « a rendu possible toute
disculpation motivée par la position officielle des accusés
D286. Les statuts des deux tribunaux ont proclamé que le fait
qu'un individu ait agi en sa qualité de chef d'Etat ou de fonctionnaire,
ne le dégage pas de ses responsabilités internationales. Bien
plus, les deux statuts ont formellement précisé que la position
officielle des accusés ne saurait constituer un motif de
réduction de la peine287. Cette disposition a
été expliquée d'une fagon tres pertinente dans le jugement
:
283 Voir articles 24 et 25 de
la Convention de Vienne, op.cit.
284 Voir article 17,
paragraphe 2, de la Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24
avril 1 963, entrée en vigueur le 1 9 mars 1 967, Rec.TNU, vol.5 96,
P.261 et suivantes.
285 Voir MATSON
Rafaëlle, La responsabilité individuelle pour crime d'Etat en droit
international public, op.cit., P.286.
286 Voir ZOUREK Jaroslav,
L'interdiction de l'emploi ..., op.cit., P.83.
287 Voir article 6 du
Statut du Tribunal militaire international de Tokyo (19 janvier 1946) et
article 7 de l'Accord de Londres portant sur le Statut du Tribunal de Nuremberg
(8 aout 1945) qui dispose : * La situation officielle des accusés, soit
comme chef d'Etat, soit comme hauts fonctionnaires, ne sera
considérée ni comme une excuse absolutoire, ni comme un motif de
diminution de la peine *.
g Le principe du droit international qui, dans
certaines circonstances, protege les representants d'un Etat, ne peut pas
s'appliquer aux actes condamnes comme criminels par le droit international. Les
auteurs de ces actes ne peuvent invoquer leur qualite officielle pour se
soustraire a la procedure normale ou se mettre a l'abri du chatiment
D288.
C'est dire que l'immunite absolue de juridiction de
l'agent etatique est devenue relative. Seule la nature de l'acte commis par
l'agent determine sa protection par l'immunite juridictionnelle. Cette
evolution louable est reiteree et confirmee par le Statut de Rome de la Cour
penale internationale28 9. En effet, l'article 27 du Statut de la
CPI traite du g Defaut de pertinence de la qualite officielle D. Son paragraphe
1 dispose :
g Le present Statut s'applique a tous de maniere
egale, sans aucune distinction fondee sur la qualite officielle. En
particulier, la qualite officielle de chef d'Etat ou de gouvernement, de membre
d'un gouvernement ou d'un parlement, de representant elu ou d'agent d'un Etat,
n'exonere en aucun cas de la responsabilite penale au regard du present Statut,
pas plus qu'elle ne constitue en tant que telle un motif de reduction de la
peine D.
Et au paragraphe 2 de completer :
g Les immunites ou regles de procedure speciales qui
peuvent s'attacher a la qualite officielle d'une personne, en vertu du droit
interne ou du droit international, n'empechent pas la Cour d'exercer sa
competence a l'egard de cette personne D.
Autrement dit, la qualite officielle d'une personne ne
constitue pas un obstacle a la mise en oeuvre de la sanction penale
internationale. Mieux encore, la levee de l'immunite de juridiction penale est
une condition de forme a l'application de la sanction penale internationale.
Cette condition
288 Voir Proces des grands
criminels de guerre devant le Tribunal militaire international, op.cit.,
P.234.
28 9 Voir Doc. Distribue
sous la cote A/CONF.183/ 9, en date du 17 juillet 1 998, et amende par les
procés verbaux en date des 10 novembre 1 998, 12 juillet 1 999, 30
novembre 1 999, 8 mai 2000, 17 janvier 2001 et 16 janvier 2002. Le Statut est
entre en vigueur le 1er juillet 2002.
n'est pas indispensable a l'application de la sanction
aux autorites non etatiques.
B- Les conditions de forme relatives a la sanction des
autorites non etatiques
La sanction penale internationale peut aussi frapper
les autorites non etatiques. Dans cette mesure, les conditions de forme liees a
l'application de la sanction sont toutes aussi importantes. Celles-ci tiennent
a l'appartenance a une organisation criminelle (1) et au statut d'executant
(2).
1- La sanction des individus a ppartenant a une
organisation criminelle
Tl est bien etabli aujourd'hui que l'appartenance a
une organisation criminelle constitue un delit2 90. En effet, la
participation aux activites menees par une organisation criminelle est un fait
generateur de la responsabilite penale du participant. Bien entendu, il doit
s'agir d'une g organisation criminelle D. La notion d'organisation, d'une part,
renvoie a un groupe presentant un certain niveau de coherence et de
hierarchie2 91. La notion d'organisation fait aussi reference a
celle de planification c'est-A-dire A des actes premedites. Autrement dit, la
notion d'organisation inclut un element organique (groupe) et un element
materiel (actes).
D'autre part, le caractere criminel de l'organisation
renvoie aux moyens mis en ceuvre afin d'atteindre un but determine. Si
me-me ce but peut etre legitime, les methodes pour y arriver sont
constituees de violations massives des droits de l'homme.
2 90 Voir MATSON
Rafaëlle, La responsabilité individuelle ..., op.cit.,
PP.301-312.
2 91 Voir LA ROSA Anne-Marie
et WUERZNER Carolin, * Groupes armes, sanctions et mise en ceuvre du droit
international humanitaire *, op.cit., PP.2-3.
10
Ainsi, une organisation criminelle est un groupe qui
opere par des moyens criminels pour atteindre un but2 92. Cela dit,
le lien organique, mieux encore le lien de connexite entre l'activite
individuelle et l'activite de l'organisation, justifie l'application de la
sanction penale internationale a un individu appartenant a une organisation
criminelle. C'est dans ce sens que l'article 25 du Statut de la CPI dispose a
son paragraphe 3d :
g Aux termes du present Statut, une personne est
pénalement responsable et peut etre punie pour un crime relevant de la
competence de la Cour si :
(...)
d) Elle contribue de toute autre maniere a la
commission ou a la tentative de commission d'un tel crime par un groupe de
personnes agissant de concert. Cette contribution doit etre intentionnelle et,
selon le cas :
i) Viser a faciliter l'activite criminelle ou le
dessein criminel du groupe, si cette activite ou ce dessein comporte
l'execution d'un crime relevant de competence de la Cour ; ou
ii) Etre faite en pleine connaissance de l'intention du
groupe de commettre ce crime ;
(...) N.
En fin de compte, nous pouvons dire a la suite du
Professeur Rafaëlle MAISON que le lien organique est la condition de la
competence des juridictions pénales internationales2 93.
L'individu est alors sanctionné du fait de ce lien, ou me-me,
du fait de l'ordre supérieur.
2 92 C'est le cas en
l'occurrence du terrorisme international qui procéde par des meurtres
massifs pour défendre leur cause.
2 93 Voir MATSON
Rafaëlle, La responsabilité individuelle ..., op.cit.,
P.312.
2- La sanction des individus en position
d'exécutants
Il s'agit de l'un des plus importants acquis des
procés de Nuremberg et de Tokyo : l'ordre du superieur hierarchique ne
peut plus Itre invoque comme moyen de defense2 94. Toutefois,
l'ordre superieur pouvait Itre regarde comme un motif de diminution de la peine
si le tribunal decidait que la justice l'exige2 95. Le Tribunal de
Nuremberg a introduit comme critére de la culpabilite la notion du g
choix moral D. Il a declare dans son jugement ce qui suit :
g Le vrai criterium de la responsabilite penale, celui
que l'on trouve sous une forme ou sous une autre dans le droit criminel de la
plupart des pays, n'est nullement en rapport avec l'ordre recu. Il reside dans
la liberte morale, dans la faculte de choisir, de l'auteur de l'acte reproche
D2 96.
En d'autres termes, l'ordre superieur ne constitue
point une excuse absolutoire. La faculte de choisir et la liberte morale sont
les seuls criteres determinants pour la mise en oeuvre de la sanction penale
internationale. Ceci represente une grande avancee dans l'application de la
sanction penale internationale. Comme l'ecrit le Professeur Jaroslav ZOUREK, g
cette liberte que possede l'individu de refuser sa participation individuelle a
un crime international est l'une des plus grandes conquetes de l'esprit
humain D2 97.
Ainsi, les individus ayant agi sous le statut
d'executants sont consideres comme des "complices''2 98 des
violations des droits de l'homme et sont punis en tant que tels. Mais,
l'article 33 du statut de la CPI a apporte davantage de clarifications en ce
qui concerne l'ordre hierarchique et l'ordre de la loi. Elle dispose dés
lors que :
2 94 Voir article 8 du
Statut de Nuremberg et article 6 du Statut de Tokyo. Le Tribunal de Nuremberg
declare : * Les dispositions de cet article (article8) sont conformes au droit
commun des Etats. L'ordre recu par un soldat de tuer ou de torturer en
violation du droit international de la guerre n'a jamais ete regarde comme
justifiant cet acte de violence D, Proces des grands criminels de guerre devant
le Tribunal militaire international, op.cit., PP.235 et 236.
2 95 Voir article 8 in fine
du Statut de Nuremberg et article 6 in fine du Statut de Tokyo.
2 96 Voir Proces des grands
criminels de guerre devant le Tribunal militaire international, op.cit., PP.
235-236.
2 97 Voir ZOUREK Jaroslav,
L'interdiction de l'emploi ..., op.cit., P.87.
2 98 Voir MATSON
Rafaëlle, La responsabilité individuelle ..., op.cit.,
P.354.
g 1. Le fait qu'un crime relevant de la competence de
Cour a ete commis sur ordre d'un gouvernement ou d'un superieur, militaire ou
civil, n'exonere pas la personne qui l'a commis de sa responsabilite penale, a
moins que :
a) Cette personne n'ait eu l'obligation legale d'obeir
aux ordres du gouvernement ou du superieur en question ;
b) Cette personne n'ait pas su que l'ordre etait illegal
; et
c) L'ordre n'ait pas ete manifestement
illegal.
2. Aux fins du present article, l'ordre de commettre un
genocide ou un crime contre l'humanite est manifestement illegal D.
C'est autrement dit que la notion du "choix moral'' a
cede place a celle d' "ordre legal''. Cette mutation a pour principale
consequence de placer l'executant a l'abri de la sanction car l'ordre superieur
est a nouveau considere comme une excuse absolutoire. Cela procede de l'idee
selon laquelle l'individu en position d'executant n'a en realite pas une
liberte de choix. Malgre cela, il n'en demeure pas moins que sa responsabilite
demeure intacte pour l'accomplissement de certains actes de violation des
droits de l'homme, ceux commis en obeissance a un ordre g manifestement illegal
D299.
En bref, comme le souligne le Professeur Emmanuel
DECAUX, g en ecartant l'immunite du chef d'Etat et l'exoneration de
l'obeissance due, le droit penal a brise un cercle vicieux. Chacun est
desormais pleinement responsable, en conscience comme en droit, et doit assumer
ses actes D300. Bien entendu, c'est en respect des principes
generaux du droit penal international que les sanctions seront mises en
oeuvre.
299 Voir article 33, paragraphe 2, du Statut de la
CPI.
399 Voir DECAUX Emmanuel, *
La definition de la sanction traditionnelle : sa portee, ses caracteristiques
*, op.cit., P.6.
PARAGRAPHE 2 : Les conditions de forme lives au respect des
princi pes generaux du droit penal
Devant la juridiction pénale, il faut d'abord
qualifier les faits, ensuite déterminer l'auteur, et enfin
établir le lien de causalité entre l'auteur et l'acte
répréhensible. En d'autres termes, la violation des droits de
l'homme doit Itre imputée a un individu pour que ce dernier soit
sanctionné. Mais, comme sus développé, il peut avoir
participé directement ou indirectement (ordre supérieur et
appartenance a une organisation criminelle) a la commission de l'acte. Dans
tous les cas, l'imputabilité ne peut se faire qu'en respect des
principes généraux du droit pénal. Il s'agit des principes
généraux ratione personae (A) et des principes
généraux ratione matéria (B).
A- Le respect des princi pes generaux ratione
personae
Le respect des principes généraux de
droit pénal en rapport a l'individu est l'une des conditions de forme
indispensables a l'application de la sanction pénale internationale.
Deux principes vont Itre développés : le principe de la
non-rétroactivité ratione personae (1) et le principe Non bis in
idem (2).
1- Le respect de la non-retroactivite ratione
personae
La Non-rétroactivité ratione personae
est un principe fort du droit pénal international. Il signifie qu'un
individu ne peut pas etre sanctionné a cause des faits commis
antérieurement a l'existence d'une loi301. Ce principe est
énoncé a l'article 11, paragraphe 2, in limine de la DUDH
:
L Nul ne sera condamné pour des actions ou
omissions qui, au moment ou elles ont été commises, ne
constituaient pas un acte délictueux
301 Voir SCALIA Damien, *
Quelques réflexions sur les critères inhérents a la mise
en place de normes-sanctions et la répression des crimes de guerre *,
IRRC, version traduite, vol. 90, n°870, P.10, in
www.cicr.org/fre/assets/files/other/irrc-870-scalia-web-fra-final.pdf
d'apres le droit national ou international (...)
*302. Cette disposition est reprise a l'article 24 du Statut de la
CPI. Son paragraphe 1 pose en effet :
g Nul n'est penalement responsable, en vertu du present
Statut, pour un comportement anterieur a l'entree en vigueur du Statut
*.
En outre, le principe de non-retroactivite ratione
personae pose s'accompagne d'un amenagement, la retroactivite in mitius : g
Elle s'enonce comme la possible application retroactive d'une loi, pour autant
que cette loi soit plus douce que celle applicable au moment des faits
*303. C'est ainsi que l'article 24, paragraphe 2, du Statut de la
CPI dispose :
« Si le droit applicable a une affaire est
modifie avant le jugement definitif, c'est le droit le plus favorable a la
personne faisant l'objet d'une enquete, de poursuites ou d'une condamnation qui
s'applique *304.
Le respect du principe de non-retroactivite ratione
personae ainsi que son amenagement, la lex mitior (la loi la plus douce) sont
necessaires a la mise en oeuvre de la sanction penale internationale. Le
principe Non bis in idem n'echappe pas a cette necessite.
2- Le respect du princi pe Non bis in idem
Le principe Non bis in idem pose qu'une personne ne
peut faire l'objet de plus d'une sanction pour le meme acte illicite qu'il a
commis. En effet, ce principe represente une garantie liee au proces penal
international. Il est prevu a l'article 20 du statut de la CPI. En vertu de cet
article :
g 1. Sauf disposition contraire du present Statut,
nul ne peut Itre juge par la Cour pour des actes constitutifs de crimes pour
lesquels il a dejà ete condamne ou acquitte par elle.
302 Voir annexe 3
P.163.
303 Voir SCALIA Damien, g
Quelques reflexions ... *, op.cit., P.11.
304 Voir aussi l'article
11, paragraphe 2, in fine de la DUDH : g (...) De même, il ne sera
inflige aucune peine plus forte que celle qui etait applicable au moment oil
l'acte delictueux a ete commis *, annexe 3, p.163.
2. Nul ne peut etre jugé par une autre
juridiction pour un crime visé a l'article 5 pour lequel il a
déjà été condamné ou acquitté par la
Cour.
3. Quiconque a été jugé par une
autre juridiction pour un comportement tombant aussi sous le coup des articles
6, 7 ou 8 ne peut etre jugé par la Cour que si la procédure
devant l'autre juridiction :
a) Avait pour but de soustraire la personne
concernée a sa responsabilité pénale pour des crimes
relevant de la compétence de la Cour ; ou
b) N'a pas été au demeurant
menée de maniere indépendante ou impartiale, dans le respect des
garanties d'un proces équitable prévues par le droit
international, mais d'une maniere qui, dans les circonstances, était
incompatible avec l'intention de traduire l'intéressé en justice
D.
En d'autres termes, le principe Non bis in idem permet
l'universalité du procés pénal
international305. Il permet in fine que la justice soit
rétablie. Un individu ayant été condamné ne peut
encore l'Itre que pour les actes répréhensibles qui n'ont pas
été exposés lors du procés, ou qui ont
été commis aprés sa précédente condamnation.
C'est dire que ce principe ne s'étend pas aux actes illicites
occultés. Cela reléve du respect des principes
généraux ratione personae. Il est nécessairement
complété, pendant le procés pénal, du respect des
principes généraux ratione matéria.
B- Le respect des princi pes generaux ratione
materia
Contrairement aux principes généraux
ratione personae, les principes généraux ratione matéria
tiennent compte de l'acte illicite -et non de la personne. Ils correspondent au
principe de légalité (1) et a celui de
l'imprescriptibilité (2).
305 Voir KAMTO Maurice, L'agression en droit
international, op.cit., P.350.
1- Le respect du princi pe de legalite
Le principe de legalite est defini par l'article 11,
paragraphe 2, de la DUDH306. Il signifie que le legislateur doit
precisement definir et incriminer un acte social qui devient par la-meme
reprehensible et preciser les peines qui l'accompagnent. Comme l'ecrit Damien
SCALIA, le principe de legalite « suppose que 1) l'individu est l'auteur
d'un fait qui est defini objectivement (une omission peut aussi etre
incriminee) et que 2) ce fait est incrimine par la loi
*307.
Le principe de legalite se traduit dans les
instruments juridiques par la double maxime "Nullum crimen sine lege'' et
"Nulla poena sine lege''308. L'application de ce principe «
permet d'eviter l'arbitraire et laisse aux citoyens le soin de regler leur
comportement social *30 9. Ce principe est, selon les termes du
Professeur Jean PRADEL, la « regle cardinale, cle de voute du droit
criminel *310.
Le statut de la CPI prevoit le principe de legalite
des delits et des peines. D'une part, l'article 22 enonce le principe Nullum
crimen sine lege311. Il dispose alors :
L 1. Une personne n'est responsable en vertu du
present Statut que si son comportement constitue, au moment ou il se produit,
un crime relevant d'une competence de la Cour.
2. la definition d'un crime est d'interpretation
stricte et ne peut etre etendue par analogie. En cas d'ambiguïte, elle est
interpretee en faveur de la personne qui fait l'objet d'une enquête, de
poursuites ou d'une condamnation.
306 Voir annexe 3,
p.163.
307 Voir SCALIA Damien, g Quelques reflexions ...*,
op.cit., P.2.
308 Voir KAMTO Maurice,
L'agression en droit international, op.cit., PP.346-347.
30 9 Voir SCALIA Damien, g
Quelques reflexions ... *, op.cit., P.2.
310 Voir PRADEL Jean, Droit
pénal, op.cit., P.161.
311 Litteralement g pas de
crime sans loi *.
3. Le present article n'empêche pas qu'un
comportement soit qualifie de crime au regard du droit international,
independamment du present Statut D.
D'autre part, le principe Nulla poena sine
lege312 est prevu a l'article 23 du statut de la CPI en ces termes
:
«Une personne qui a ete condamnee par la Cour ne
peut etre punie que conformement aux dispositions du present Statut
D.
Ainsi, le principe de legalite des delits et des
peines permet d'un cote qu'il soit expressement prevu et de l'autre que le juge
lui soit subordonne313. Mais, surtout, ce principe permet que le
contenu des crimes soit clairement identifie ainsi que celui des peines qui
l'accompagnent. C'est a cette condition que peuvent Itre separes les crimes
prescriptibles des crimes imprescriptibles.
2- Le respect du princi pe de l'im prescri
ptibilité des crimes
Si les crimes de droit commun sont prescriptibles, il
est des violations des droits de l'homme qui ne peuvent s'eteindre par le seul
fait de l'ecoulement du temps314. L'article 2 9 du statut de Rome
dispose :
g Les crimes relevant de la competence de la Cour ne
se prescrivent pas D. Il s'agit precisement des crimes contre l'humanite, du
crime de genocide et des crimes de guerre.
Dans sa resolution du 26 novembre 1 968, l'AGNU
adoptait la Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et
des crimes contre l'humanité315. L'article premier de la
Convention dispose :
312 Litteralement * pas de
peine sans loi *.
313 Voir PRADEL Jean, Droit
pénal, op.cit., PP.164-174.
314 Voir KAMTO Maurice,
L'agression en droit international, op.cit., PP.353-354.
315 Voir Convention sur
l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes
contre l'humanité, adoptee et ouverte a la signature, a la
ratification et a l'adhesion par l'AGNU
L Les crimes suivants sont imprescriptibles, quelle que
soit la date a laquelle ils ont ete commis :
a) Les crimes de guerre, tels qu'ils sont definis
dans le Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 aout 1 945
et confirmes par la resolution 3 (I) et 95 (I) de l'Assemblee generale de
l'Organisation des Nations Unies, en date des 13 fevrier 1 946 et 11 decembre 1
946, notamment les "infractions graves'' enumerees dans les Conventions de
Geneve du 12 aout 1 94 9 pour la protection des victimes de guerre
;
b) Les crimes de l'humanite, qu'ils soient commis en
temps de guerre ou en temps de paix, tels qu'ils sont definis dans le Statut du
Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 aout 1 946 et confirmes par
les resolutions 3 (I) et 95 (I) de l'Assemblee generale de l'Organisation des
Nations Unies, en date des 13 fevrier 1 946 et 11 decembre 1 946, l'eviction
par une attaque armee ou l'occupation et les actes inhumains decoulant de la
politique d'apartheid, ainsi que le crime de genocide, tel qu'il est defini
dans la Convention de 1 948 pour la prevention et la repression du crime de
genocide, meme si ces actes ne constituent pas une violation du droit interne
du pays ou ils ont ete commis N.
Ainsi, les conditions de forme a l'application de la
sanction penale internationale relévent autant du respect des principes
generaux du droit penal international que du statut des individus responsables
des violations des droits de l'homme. Ceci dit, la qualite officielle ou non
officielle d'un individu ne le disculpe pas de sa responsabilite penale. Par
ailleurs, la sanction est mise en oeuvre en respect d'un procés
equitable ou toutes les garanties lui sont accordees devant la juridiction
competente. Cette derniére doit d'abord pouvoir determiner le ou les
actes incrimines. C'est dire que
tout comme celles liees a la forme, les conditions de
fond sont necessaires a la mise en oeuvre de la sanction penale
internationale.
11
SECTION 2 : LES CONDITIONS DE FOND A L'APPLICATION DE
LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE
La mise en ceuvre de la sanction penale internationale
obeit imperativement a des conditions de fond. Elles sont relatives a l'acte
international incrimine ( paragra phe 1) et aux organes d'application de la
sanction penale internationale ( paragra phe 2).
PARAGRAPHE 1 : Les conditions de fond tenant a l'acte
incriminé
L'acte incrimine renvoie, dans le cadre de cette
etude, aux violations des droits de l'homme. Elles presentent, bien entendu, un
certain seuil de gravite. Autrement dit, les violations des droits de l'homme
constituent une des conditions de fond a la mise en ceuvre de la sanction
penale internationale. Elles sont qualifiees soit de crimes contre l'humanite
(A), soit du crime de genocide (B), soit encore de crimes de guerre
(C).
A- Les crimes contre l'humanité
Apres les atrocites du second conflit mondial, la mise
en place des Tribunaux de Nuremberg et de Tokyo procedait du souci de preserver
l'humanite contre des menaces attentoires a sa dignite. C'est dans cette mesure
qu'une nouvelle categorie de crimes internationaux a vu le jour. Il s'agit des
crimes contre l'humanite, ou, plus exactement, a les crimes contre le genre
humain N316. Ils ont ete separes des crimes de guerre317
et renvoient aux crimes qui peuvent etre commis par les gouvernements meme
contre leurs propres ressortissants.
L'article 6c du Statut du Tribunal de Nuremberg definit
les crimes contre l'humanite comme :
316 Voir ZOUREK Jaroslav,
L'interdiction de l'emploi ..., op.cit., P.82.
317 Voir pour une approche
differente de l'evolution des crimes contre l'humanite FOPY Sylvain C., Le
droit d'interuention de l'Union Africaine, op.cit., P.1 9.
L(...) l'assassinat, l'extermination, la reduction en
esclavage, la deportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes les
populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persecutions pour
des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persecutions,
qu'ils aient constitue ou non une violation du droit interne du pays ou ils ont
ete perpetres, ont ete commis a la suite de tout crime entrant dans la
competence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime
N318.
Cette definition a ete reiteree dans les principes de
Nuremberg. Des lors, le champ d'application materiel des crimes contre
l'humanite s'avere vaste, mais imprecis31 9. Son champ d'application
temporel englobe la periode de guerre et celle de paix320. Il a
fallu attendre l'adoption du Statut de Rome pour que le champ d'application
materiel des crimes contre l'humanite soit mieux precise321. Ainsi,
l'article 7, paragraphe 1, du statut dispose :
L Aux fins du present Statut, on entend par crime
contre l'humanite l'un quelconque des actes ci-apres lorsqu'il est commis dans
le cadre d'une attaque generalisee ou systematique lancee contre toute
population civile et en connaissance de cette attaque :
a) Meurtre ;
b) Extermination ;
c) Reduction en esclavage ;
d) Deportation ou transfert force de population
;
e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave
de liberte physique en violation des dispositions fondamentales du droit
international ;
f) Torture ;
318 Voir article 5c du Statut
de Tribunal de Tokyo.
31 9 Voir MATSON
Rafaëlle, La responsabilité individuelle ~~~, op.cit., PP.87-
99.
320 Voir Convention sur l'imprescriptibilité des
crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, op.cit., article
1b.
321 Voir annexe 4,
pp.170-172.
g) Viol, esclavage sexuel, prostitution forcee,
grossesse forcee, sterilisation forcee ou toute autre forme de violation
sexuelle de gravite comparable ;
h) Persecution de tout groupe ou de toute
collectivite identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial, national,
ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en
fonction d'autres criteres universellement reconnus comme inadmissibles en
droit international, en correlation avec tout acte vise dans le present
paragraphe ou tout crime relevant de la competence de la Cour ;
i) Disparitions forcees de personnes ;
j) Crime d'apartheid ;
k) Autres actes inhumains de caractere analogue
causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves a
l'integrite physique ou a la sante physique ou mentale D.
La precision de quelques notions susceptibles
d'ambiguïte est faite au paragraphe 2322. Cela permet de
differencier les crimes contre l'humanite du crime de genocide qui constitue
aussi un crime contre le genre humain.
B- Le crime de genocide
Tout comme les crimes contre l'humanite, le crime de
genocide a ete reconnu aprés la seconde guerre mondiale et consacre a
travers la Convention du 9 décembre 1948 pour la prevention et la
repression du crime de genocide. Toutefois, le crime de genocide etait inclus
dans les crimes contre l'humanite323, il en faisait
partie.
322 Voir annexe 4,
pp.170-172.
323 Voir IAGOLNITZER
Daniel, Le droit international et la guerre. Evolution et problemes actuels,
version condensee du livre, ed. L'Harmattan, Paris, 2007, P.10 ; voir
aussi
L'autonomie du crime de genocide a ete concretisee par
le statut de la CPI, meme si son contenu est reste inchange324. En
effet, l'article 6 du statut de Rome reprend mutatis mutandis la definition du
crime de genocide adoptee a l'article 2 de la Convention pour la prevention et
la repression du crime de genocide. Il dispose alors :
g Aux fins du present Statut, on entend par crime de
genocide l'un quelconque des actes ci-apres commis dans l'intention de
detruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou
religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe ;
b) Atteinte grave a l'integrite physique ou mentale de
membres du groupe ;
c) Soumission intentionnelle du groupe a des conditions
d'existence devant entrainer sa destruction physique totale ou partielle
;
d) Mesures visant a entraver les naissances au sein du
groupe ;
e) Transfert force d'enfants du groupe a un autre groupe
D.
Ainsi, le crime de genocide constitue une grave
violation des droits de l'homme et sa commission est une condition de fond a
l'application de la sanction penale internationale325. Il peut avoir
lieu en situation de paix ou en periode de guerre. Cependant, lorsque le crime
de genocide est commis en periode de guerre, il peut Itre accompagne d'autres
crimes qualifies de crimes de guerre.
Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de
guerre et des crimes contre l'humanité, article 1b.
324 Voir FOPY Sylvain C., Le
droit d'intervention ..., op.cit., PP.16-18.
325 Du 6 avril au 4
juillet 1 994, le Rwanda a ete le champ d'un genocide de l'ethnie Tutsi ; du 11
au 16 juillet 1 995, c'est le genocide des serbes de Srebrenica qui a eu lieu
en BosnieHerzegovine.
C- Les crimes de guerre
Les crimes de guerre sont les plus anciennes
infractions sanctionnées par le droit international. Ils remontent aux
premières tentatives de limitation de la compétence de guerre,
avec le justum bellum systématisé par GROTIUS326.
Cependant, c'est avec le développement du jus ad bellum et du jus in
bello que les premiers crimes de guerre sont identifiés dans les
traités internationaux. Un premier principe est admis : dans
l'époque de civilisation ou l'humanité est supposée Itre
entrée, on ne doit pas tuer, détruire ou causer la souffrance
pour le plaisir ou par vengeance, mais seulement s'il y a K
nécessité militaire *327.
Les premiers textes sur l'identification des crimes de
guerre sont adoptés au 1 9e siècle. Il s'agit d'abord du Code
Lieber ou Instructions pour les armees en campagne des Etats-Unis d'Amerique,
promulguées en 1863 par le Président LINCOLN pendant la guerre de
Sécession. Elles sont considérées comme le premier texte
codifiant l'ensemble des lois de la guerre. Le Code Lieber autorise certaines
pratiques qui seront par la suite largement interdites, comme les bombardements
des villes, ou le fait d'affamer les populations, en cas de K
nécessité militaire *328.
Ensuite, la Déclaration de
Saint-Pétersbourg de 1868. Elle est considérée comme le
premier accord formel interdisant l'utilisation de certaines armes, en
l'occurrence certains types de projectiles pouvant causer de graves
souffrances.
Après, les Conférences de la Paix de La
Haye de 18 99 et de 1 907.
326 L'existence de lois ou
coutumes de guerre, plus ou moins acceptées et respectées, est
encore plus ancienne.
327 Une première
approche, appelée historiquement K droit de Genève *, a
concerné le secours aux combattants blessés sur le champ de
bataille, avec une première Convention de Genève en 1864. Elle
s'est étendue ensuite a la protection des prisonniers et des civils au
pouvoir d'une des parties en conflit. Une deuxième approche
appelée historiquement K droit de La Haye *, a cherché a limiter
ou interdire les méthodes de guerre et les armes les plus
intolérables ; voir IAGOLNITZER Daniel, Le droit international et la
guerre ~~~, op.cit., PP.7-8.
328 Voir ibid.
Elles marquent une avancee majeure dans l'identification
des crimes de guerre. Il est notamment interdit :
g -De tuer ou de blesser un ennemi qui s'est rendu, et de
declarer qu'il ne sera pas fait de quartier ;
- D'attaquer ou de bombarder des villes, villages,
habitations ou batiments qui ne sont pas defendus ;
- D'employer des armes, des projectiles ou des matieres
propres a causer des maux superflus ;
- ... D
A la suite de la Premiere Guerre Mondiale, l'eventail
des crimes de guerre s'est elargi avec l'adoption du Protocole de Geneve de
1925 concernant la prohibition de l'emploi a la guerre de gaz asphyxiants,
toxiques ou similaires et moyens bactériologiques. Ce protocole reprend
et etend largement l'ensemble des crimes identifies precedemment.
Toutefois, c'est a l'issue de la Seconde Guerre
Mondiale que la definition des crimes de guerre g trouve sa formulation la plus
complete N32 9. En effet, plusieurs instruments
juridiques internationaux sont nes et parachevent l'identification des crimes
de guerre. Il s'agit en premier lieu des Conventions de Geneve de 1 94 9
ratifies a ce jour par tous les pays. Elles s'appliquent aux conflits armes
internationaux et non internationaux. Toutes enoncent un grand nombre
d'interdictions ou infractions, et parmi celles-ci des "infractions graves'',
qualifiees de crimes de guerre. Elles sont completees par les deux protocoles
additionnels de 1 977330.
Plusieurs autres instruments juridiques internationaux
vont suivre dans le même sens : la Convention de l'ONU de 1 976 portant
interdiction d'utiliser des techniques de modification de l'environnement a des
fins
32 9 Voir FOPY Sylvain
Christian, Le droit d'intervention ..., op.cit., P.11.
330 Voir pour de plus
amples developpements, MAISON Rafaëlle, La responsabilité
individuelle ..., op.cit., PP.145-244 ; IAGOLNITZER Daniel, Le droit
international et la guerre ..., op.cit., PP.11-12 ; FOPY Sylvain C., Le droit
d'intervention ..., op.cit., PP.11-15.
militaires331 ; la Convention de 1 972
portant interdiction de la mise au point, la fabrication et le stockage des
armes bacteriologiques (biologiques) ou a toxines ; la Convention de 1 993
portant interdiction de la mise au point, la fabrication et le stockage des
armes chimiques ; la Convention de 1 980 portant sur l'interdiction ou la
limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent etre
considerees comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme
frappant sans discrimination, accompagnée de cinq protocoles
précisant les armes concernées ; le Traite de non proliferation
de 1 968.
Avec l'adoption du Statut de la CPI en 1 998,
l'énumération des crimes de guerre a été faite avec
beaucoup de précision332. Elle tend a densifier le champ
d'application matériel de la sanction pénale internationale. Elle
vise surtout a élargir le domaine de compétence des juridictions
pénales internationales.
PARAGRAPHE 2 : Les conditions de fond tenant aux
organes d'a pplication de la sanction penale internationale
La sanction pénale internationale est mise en
oeuvre par une juridiction pénale internationale. En effet, trois
catégories d'organes juridictionnels sont en charge de l'application de
la sanction. Il s'agit des juridictions pénales internes (A), des
juridictions pénales spéciales (B) et de la Cour pénale
internationale (C).
A- La mise en oeuvre de la sanction par les
juridictions penales internes
A l'intérieur de chaque systeme juridique
étatique, il est mis en place une juridiction pénale en charge de
l'application de la sanction pénale. Il
331 Voir par exemple les
produits destinés a supprimer la végétation a grande
échelle a l'instar de l'agent orange.
332 Voir annexe 4,
pp.172-178.
s'agit le plus souvent des tribunaux penaux. Ils
disposent d'une competence universelle c'est-A-dire que leur domaine de
juridiction n'est ni limite ratione loci ni meme ratione personae. Autrement
dit, un crime commis en Angleterre peut Itre sanctionne par la juridiction
penale de Yaounde.
Le principe de la competence universelle est inscrit
dans les Conventions de Geneve et le Protocole additionnel I. Il impose a tout
Etat Partie non seulement le droit mais aussi l'obligation de poursuivre les
personnes responsables d'infractions graves, c'est-A-dire de violation des
droits de l'homme, meme si la nationalite de l'auteur ou de la victime, ou le
lieu ou les faits ont ete commis, lui sont a priori etrangers, en vue de
jugement ou de l'extradition. Un article identique des dites Conventions
dispose :
L Chaque Partie contractante aura l'obligation de
rechercher les personnes prevenues d'avoir commis, ou d'avoir ordonne de
commettre, l'une ou l'autre des infractions graves, et elle devra les deferer a
ses propres tribunaux, quelle que soit leur nationalite. Elle pourra aussi, si
elle le prefere, et selon les conditions prevues par sa propre legislation, les
remettre pour jugement a une autre Partie contractante interessee a la
poursuite, pour autant que cette Partie contractante ait retenu contre lesdites
personnes des charges suffisantes »333.
A cote de la competence universelle reconnue aux
juridictions de droit interne, il est necessaire de noter qu'elle s'accompagne
de la competence principale en cas de violation des droits de l'homme. Cette
assertion emane d'une comprehension a contrario de l'article 1 du statut de la
CPI. En effet, cet article dispose :
L Il est cree une Cour penale internationale (g la
Cour ») en tant qu'institution permanente, qui peut exercer sa competence
a l'egard des
333 Voir article 4 9 de la
Convention I de Geneve pour l'amélioration du sort des blessés et
des malades dans les forces armées en campagne et article 50 de la
Convention II de Geneve pour l'amélioration du sort des blessés,
des malades et des naufragés des forces armées sur mer,
notamment.
personnes pour les crimes les plus graves ayant une
portée internationale, au sens du présent Statut. Elle est
complémentaire des juridictions pénales nationales (...)
*334.
Cet article pose la compétence de principe des
juridictions pénales nationales en cas de violations graves des droits
de l'homme.
Plusieurs pays reconnaissent expressément dans
leur législation la compétence universelle ainsi que la
compétence principale de leur juridiction pénale335.
D'autres par contre nient toute compétence des juridictions
pénales étrangeres, voire internationales, a l'égard de
leurs ressortissants336.
Ainsi, les violations des droits de l'homme sont
connues de prime abord par les juridictions pénales nationales, peu
importe le lieu ou elles sont commises. Mais, lorsqu'elles sont d'une
gravité a empêcher la bonne marche des tribunaux pénaux a
l'intérieur du pays ou elles sont opérées, il peut
être fait recours aux juridictions spéciales.
B- L'a pplication de la sanction par les juridictions
p~nales speciales
D'un point de vue pratique, trés peu de
violations des droits de l'homme de nature systématique ont
été poursuivies au niveau national, K le plus souvent parce que
les autorités de l'Etat elles-mêmes ont été
impliquées dans la commission de ces crimes *337. Les
procés de Nuremberg et Tokyo concordent a cette vision, vision
renforcée a partir de l'année 1 990 par la
334 Voir aussi le Préambule du statut de Rome,
avant dernier paragraphe.
335 C'est le cas notamment
de la Belgique avec sa Loi de compétence universelle de 1 993 et de
l'Allemagne avec la Code des crimes contre le droit international de 2002 ;
Voir IAGOLNITZER Daniel, Le droit international et la guerre ~~~, op.cit.,
P.16.
336 C'est le cas notamment
des Etats-Unis ; voir FERNANDEZ Julian, La politique juridique
extérieure des Etats-Unis a l'égard de la Cour pénale
internationale, éd.A.Pédone, Paris, 2010.
337 Voir FREEMAN Mark et
MAROTINE Dorothée, K Qu'est ce que la justice transitionnelle ? *,
International center for transitional Justice, 2007, P.5, in
http://es.ictj.org/images/content/7/5/752.pdf
mise en place des tribunaux ad hoc et des tribunaux
mixtes ou internationalises.
La mise en oeuvre de la sanction penale internationale
peut etre faite, d'une part, par les juridictions penales ad hoc. Celles-ci ont
ete mises en place par le CSNU, l'une a La Haye et l'autre a Arusha. En effet,
dans la resolution 827 (1 993) du 25 mai 1 993338, Le CSNU decide de
creer un Tribunal international chargé de juger les auteurs des
violations du droit humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie
depuis 1991, denomme Tribunal penal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY).
De meme, dans la resolution 955 (1 994) du 8 novembre 1 994, il decide de la
creation d'un Tribunal international en charge de juger les personnes presumees
responsables d'actes de genocide ou de violations graves du droit international
humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais
presumes responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire
d'Etats voisins entre le 1er janvier et le 31 decembre 1994, denomme Tribunal
penal international pour le Rwanda (TPIR). Ces tribunaux n'avaient pour tache
que de sanctionner les responsables du massacre serbe de Srebrenica et du
genocide rwandais33 9.
Les tribunaux mixtes, d'autre part, sont implantes
generalement dans le pays ou les abus ont ete commis. Ils sont composes de
nationaux et d'internationaux et appliquent la legislation nationale en
vigueur. Le Tribunal special pour la Sierra Leone (TSSL) a ainsi ete cree en
2002 par accord entre les Nations Unies et le gouvernement de la Sierra Leone.
Il est habilite a juger les personnes portant la plus lourde responsabilite
des
338 Amendee le 13 mai 1 998
par la resolution 1166 (1 998) et le 30 novembre 2000 par la resolution 132 9
(2000).
33 9 Le jugement de l'ex
President MILOSEVIC pour sa responsabilite dans l'ensemble des crimes commis a
Srebrenica s'est interrompu par sa mort ; le TPIR a rendu 21 jugements entre 1
994 et 2006. Certains dossiers ont ete transferes vers la France, la Belgique
et les Pays-Bas.
12
violations des droits de l'homme et du droit sierra
léonais commises depuis le 30 novembre 1 996340.
De même, des Chambres Extraordinaires au sein
des Tribunaux cambodgiens ont été mises en place par accord entre
les Nations Unies et le gouvernement du Cambodge en 2003. Elles sont
chargées de juger les crimes contre l'humanité commis au Cambodge
entre 1 975 et 1 97 9 par les dirigeants Khmers rouges341. De plus,
au Timor Leste et au Kossovo, l'ONU a placé des juges et procureurs
internationaux au sein du systéme judiciaire national.
Ces juridictions hybrides ou internationalisées
sont, par leur nature même, passagéres, a la différence de
la CPI qui est une juridiction permanente.
C- L'a pplication de la sanction par la Cour
pénale internationale
L'institutionnalisation de la CPI marque le
gfranchissement du Rubicon D342. En effet, g le passage d'un
régime normatif a un régime institutionnel s'est longtemps
heurté a des difficultés générales et particulieres
N343. Ces difficultés étaient dues au contexte
sociopolitique international en général et a l'antagonisme
Est-Ouest en particulier. La fin de l'antagonisme a alors été
favorable a la mise en place de la CPI.
Depuis sa fondation, l'ONU a examiné la
possibilité de la création d'une juridiction pénale
internationale permanente. Ainsi, a la suite de nombreux efforts
combinés, une conférence diplomatique s'est tenue entre juin et
juillet 1 998 a Rome en Italie. Elle a abouti a l'adoption d'un
traité
340 Inculpé en 2003
par le TSSL, l'ancien Président du Libéria voisin, Charles
TAYLOR, a été arrêté en 2006 au Nigéria oil
il vivait en exil. Son proces a débuté en juillet 2007 a La
Haye.
341 Le Tribunal mixte du
Cambodge a été institué par une loi cambodgienne de 2004
et a commencé ses travaux au Cambodge en 2006. Plusieurs des principaux
dirigeants Khmers rouges encore en vie ont été
arrêtés fin 2007.
342Voir FERNANDEZ Julian, La
politique juridique extérieure des Etats-Unis a l'égard de la
Cour pénale internationale, op.cit., P.18.
343 Voir FERNANDEZ Julian, La
politique juridique extérieure ..., op.cit., P.16.
entre Etats portant creation de la CPI. L'institution
entree effectivement en fonction le 1er juillet 2002 a son siege a La Haye, aux
Pays-Bas (article 3, paragraphe 1, du statut de Rome). Elle est liee a l'ONU
par un accord qui doit etre approuve par l'Assemblee des Etats Parties au
statut de Rome, et conclu par le President de la CPI au nom de celle-ci
(article 2 du statut de Rome). En outre, la CPI dispose de la personnalite
juridique internationale ainsi que de la capacite juridique necessaire a
l'exercice de ses fonctions et a l'accomplissement de sa mission (article 4,
paragraphe1, du statut de Rome). De plus, elle exerce ses fonctions et ses
pouvoirs sur le territoire de tout Etat Partie au statut de Rome et, par une
convention, sur le territoire de tout autre Etat (article 4, paragraphe 2, du
statut de Rome).
La CPI est la premiere et unique juridiction penale
internationale permanente dans le monde. Elle differe des autres juridictions
penales internationales mentionnees ci-dessus sur plusieurs aspects.
Premierement, la CPI trouve ses origines dans le statut de Rome, un traite
multilateral adopte en 1 998. Son existence est donc independante des Nations
Unies, a la difference des TPIY et TPIR qui ont ete crees par des resolutions
du CSNU. Deuxiemement, la competence de la CPI est a vocation universelle alors
que les tribunaux ad hoc et les differents tribunaux hybrides ou
internationalises ont ete crees en reponse a des situations specifiques.
Troisiemement, la CPI agit en complementarite avec les tribunaux
nationaux344, alors que les tribunaux ad hoc sont regis par un
principe de primaute sur toutes les affaires qui sont de leur
competence345, independamment du fait qu'il y ait des enquetes ou
des poursuites au niveau local346.
Au final, la mise en oeuvre de la sanction penale
internationale correspond aux conditions de fond et de forme necessaires a
celle-lA. C'est
344 Voir article 1 du
statut de Rome qui dispose : a Il est cree une Cour penale internationale ("la
Cour'') en tant qu'institution permanente, qui peut exercer sa competence a
l'egard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portee
internationale, au sens du present Statut. Elle est complementaire des
juridictions penales nationales. Sa competence et son fonctionnement sont regis
par les dispositions du present Statut *.
345 Voir MPOZENZI Gerard, La
primauté des Tribunaux pénaux internationaux ad hoc sur la
justice pénale des Etats, memoire de Licence, Universite du Burundi,
2003.
346 Voir FREEMAN Mark et
MAROTINE Dorothee, a Qu'est-ce que la justice transitionnelle ? *, op.cit.,
PP.6-7.
dire que le respect de ces conditions permet la
protection pénale de la paix et de la sécurité
internationales. Cette nouvelle logique des sanctions internationales procede
des principes de Nuremberg. Toutefois, ces conditions seraient
inopérantes sur la paix et la sécurité internationales si
elles n'étaient pas suivies de conséquences.
CHAPITRE II : LES CONSEQUENCES DE LA SANCTION PENALE
INTERNATIONALE SUR LA PAIX ET LA SECURITE INTERNATIONALES
A la suite de l'application de la sanction
pénale internationale, diverses conséquences sont
générées. Celles-ci s'inscrivent dans l'optique du
maintien de la paix et de la sécurité internationales. En
d'autres termes, les conséquences de la sanction pénale
internationale sur la paix et la sécurité internationales sont
manifestes non seulement quant a leur grand respect des normes du droit
international général, mais aussi au vu de la pratique. Ainsi,
conviendrait-il de se pencher sur les conséquences de la sanction
pénale internationale liées a sa mise en oeuvre (section 1) ainsi
que celles relatives a ses fonctions (section 2).
SECTION 1 : LES CONSEQUENCES INHERENTES A L'APPLICATION
DE LA SANCTION PENALE INTERNATIONALE
L'application de la sanction pénale
internationale emporte des conséquences notables sur la paix et la
sécurité internationales. En effet, a la suite de la mise en
oeuvre de la sanction pénale internationale, l'on note une mise en
exergue tant de certains principes fondamentaux du droit international (
paragra phe 1) que de certains principes relatifs au procés pénal
( paragra phe 2).
PARAGRAPHE 1 : L'affirmation de certains princi pes
fondamentaux du droit international
Deux principes fondamentaux du droit international
émergent a la suite de l'application de la sanction pénale
internationale, et dont le respect est nécessaire pour le maintien de la
paix et de la sécurité internationales. Il s'agit d'une part de
la proscription du recours a la force (A) et du respect des droits de l'homme
(B).
A- L'affirmation de l'intangibilite du princi pe de la
prohibition de l'em ploi de la force
L'application de la sanction pénale
internationale se fait de fagon pacifique. Autrement dit, elle fait
émerger le principe de la prohibition du recours a la force. Ce principe
est énoncé a l'article 2, paragraphe 4, de la Charte en ces
termes :
g Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans
leurs relations internationales, de recourir a la menace ou a l'emploi de la
force, soit contre l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute maniére
incompatible avec les buts des Nations Unies D.
Le caractere intangible de ce principe a ete reconnu
par la jurisprudence internationale. En effet, le principe de la prohibition de
l'emploi de la force releve du jus cogens347 c'est-A-dire qu'il
s'agit d'un principe a l'encontre duquel aucune derogation n'est permise.
Ainsi, la CIJ dans une affaire opposant le Nicaragua aux Etats-Unis d'Amerique
s'est prononcee sur le caractere de ce principe. Elle affirme :
g La validite en droit coutumier du principe de
prohibition de l'emploi de la force exprime a l'article 2, paragraphe 4, de la
Charte des Nations Unies trouve une autre confirmation dans le fait que les
representants des Etats le mentionnent souvent comme etant non seulement un
principe de droit coutumier, mais encore un principe fondamental ou essentiel
de ce droit. Dans ses travaux de codification du droit des traites la
Commission du droit international a exprime l'opinion que le droit de la Charte
concernant l'interdiction de l'emploi de la force constitue en soi un exemple
frappant d'une regle de droit international qui releve du jus cogens
N348.
Le caractere intangible du principe de l'interdiction
de l'emploi de la force a ete reaffirme par la CIJ dans deux arrêts
concernant des activites armees sur le territoire du Congo, celui du 1 9
decembre 2005 (Republique democratique du Congo c/ Ouganda) et celui du 3
fevrier 2006 (Republique democratique du Congo c/ Rwanda)34
9.
Le droit penal ne peut meconnaitre ce principe. Plus
precisement, l'application de la sanction penale internationale rend bien
compte qu'in fine, aucune derogation n'a ete portee au principe de
l'interdiction du recours a la force. D'ailleurs, le preambule du statut de la
CPI l'atteste expressement. Cela dit, le septieme paragraphe, in limine, du
preambule stipule que les
347 Le jus cogens ou norme
imperative du droit international general est * une norme acceptee et reconnue
par la communaute internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme
a laquelle aucune derogation n'est permise et qui ne peut être modifiee
que par une nouvelle norme du droit international general ayant le même
caractere *, voir article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des
traités, faite le 23 mai 1 96 9, entree en vigueur le 27 janvier 1 980,
Rec.TNU, vol. 1155, P.331 et suivantes.
348 Voir affaire des
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c/ Etats-Unis d'Amérigue), op.cit., P.100.
34 9 Voir DECAUX Emmanuel, *
La definition de la sanction traditionnelle : sa portee, ses caracteristiques
*, op.cit., P.2.
Etats Parties au présent Statut
réaffirment g les buts et principes de la Charte des Nations Unies et,
en particulier, que tous les Etats doivent s'abstenir de recourir a la menace
ou a l'emploi de la force, (..) N.
Ainsi, il est question d'une interdiction
générale de l'emploi de la force, laquelle trouve son expression
par la mise en ceuvre de la sanction pénale internationale. En outre,
c'est par le respect de l'intangibilité du principe de l'interdiction du
recours a la force que le respect de l'intangibilité des droits de
l'homme est assuré. Autrement dit, l'application de la sanction
pénale internationale a pour autre conséquence une affirmation de
l'intangibilité des droits de l'homme.
B- L'emergence de l'intangibilite des droits de
l'homme
L'affirmation du caractére intangible des
droits de l'homme est assurée a travers la mise en ceuvre de la sanction
pénale internationale. Ce caractére intangible renvoie au g droit
impératif des droits de l'homme N35°. Le droit
impératif des droits de l'homme est inscrit a l'article 4, paragraphe 2,
du PIDCP351. Il s'agit des droits de l'homme indérogeables en
toute circonstance c'est-à-dire en temps de guerre ou de paix. C'est
dire que tous les droits de l'homme ne bénéficient pas du
caractére de l'intangibilité. Ne sont pris en
considération que le g noyau dur D des droits de l'homme,
c'est-à-dire, selon le Professeur Gérard COHEN-JONATHAN, du droit
a la vie, de l'interdiction de la torture et des traitements ou peines
inhumains ou dégradants et de l'interdiction de
l'esclavage352. A cela, il faut ajouter l'interdiction du
déni de justice flagrant et la détention arbitraire,
l'interdiction de la discrimination raciale et a l'égard des femmes,
déjà visée spécifiquement par l'article 55 de la
Charte. On relévera enfin la liberté de pensée, de
conscience et de religion,
35° Voir COUZIGOU Irene,
* Le Conseil de sécurité doit-il respecter les droits de l'homme
dans son action coercitive de maintien de la paix ? *, op.cit., PP.12
9-134.
351 Cet article dispose : *
2. La disposition précédente n'autorise aucune dérogation
aux articles 6, 7,8, (paragraphes 1 et 2), 11, 15, 16 et 18 *.
352 Ce qui correspond a peu
prés au contenu de l'article 3 commun aux quatre Conventions de
Genéve.
consideree comme egalement intangible par le PIDCP, et
qui a donc une portee universelle353.
La jurisprudence internationale a confirme cette these
des g noyau dur D des droits de l'homme. En effet, dans l'affaire Furundzija
rendu en 1 998, le TPIY considere que g la repulsion universelle D que suscite
la torture « a donne lieu a toute une serie de regles conventionnelles et
coutumieres ayant une place elevee dans le systeme normatif international, une
place comparable a celle d'autres principes, comme la prohibition du genocide,
de l'acquisition de territoires par la force et de la suppression par la force
du droit des peuples a disposer d'eux-memes. L'interdiction de la torture
presente [des] traits importants qu'elle partage probablement avec les autres
principes generaux protegeant les droits fondamentaux de l'homme
N354.
Cependant, force est de relever qu'autant les droits
"intangibles'' que les droits "tangibles'' de l'homme ne sont pas heurtes par
l'application de la sanction penale internationale. De meme, autant sont
preserves les droits de l'homme des populations civiles innocentes, autant sont
respectes les droits de l'homme des individus responsables des violations du
droit international.
Ainsi, la mise en oeuvre de la sanction penale
internationale s'accompagne de consequences positives. Celles-ci sont liees a
l'emergence de certains principes fondamentaux du droit international tels le
principe de la prohibition de l'emploi de la force et le principe de
l'intangibilite des droits de l'homme. Elles sont aussi relatives a
l'affirmation de certains principes du proces penal.
353 Voir COHEN-JONATHAN
Gerard, * les droits de l'homme, une valeur internationalisee *, op.cit. PP.15
9-160.
354 Voir IT-95-17/1-T,
jugement de la chambre de première instance, 10 decembre 1 998,
paragraphe 143-157.
PARAGRAPHE 2 : La manifestation de certains princi pes
relatifs au proces penal
En rapport au proces pénal, certains principes
émanent de l'application de la sanction pénale internationale. En
d'autres termes, conséquemment a ladite application, l'on voit
émerger des principes inhérents au proces pénal. C'est le
cas d'une part du principe de g l'égalité devant le droit D (A)
et d'autre part de la prévisibilité liée au jugement de
légalité (B).
A- L'emergence du princi pe de « l'egalite devant
le droit »
L'une des conséquences de l'application de la
sanction pénale internationale est l'affirmation du principe de
l'égalité devant le droit. Ce principe veut dire que la sanction
est mise en oeuvre de fagon objective a l'encontre de tout individu responsable
des violations des droits de l'homme. Autrement dit, la sanction pénale
est appliquée conformément au droit. Comme l'écrit le
Professeur Hans KELSEN :
g L'égalité devant la loi signifie que
les organes chargés d'appliquer la loi ne doivent faire des
différences que la loi ne reconnait pas. Ils doivent l'appliquer comme
elle entend etre appliquée. L'égalité devant la loi
signifie application de la loi conformément a la loi... Elle est un
postulat formulé a l'intention des organes chargés d'appliquer la
loi. Elle n'est pas un droit des sujets de droit N355.
La mise en oeuvre de la sanction pénale
internationale fait émerger ce principe. En effet, la sanction est
appliquée sans tenir compte de la puissance de l'Etat a
l'intérieur duquel ressortit l'individu auteur de l'acte illicite. En
d'autres termes, les individus appartenant a un Etat développé ne
peuvent pas se prévaloir de ce statut pour échapper a la sanction
pénale internationale. En outre, le systeme de sécurité
institué dans la Charte
permet a un Etat disposant du droit de veto d'être
a l'abri des sanctions politiques :
« Cette systematisation de l'action de tous
contre tous, et de tous avec tous, selon la formule de Michel VIRALLY, n'a
jamais ete totale, en ce sens que certains Etats echappent a sa logique : a
l'epoque de la SDN, les Etats puissants pouvaient exploiter les « fissures
» du Pacte ; dans la Charte, les membres permanents du Conseil de securite
sont, grace au veto, a l'abri de la mise en oeuvre des sanctions collectives
D356 ; ce qui leur permet de mettre quelques « proteges D hors
d'atteinte des sanctions.
Or, la sanction penale permet de briser ce cercle
vicieux en frappant tous les responsables des violations des droits de l'homme.
De surcroit, le principe de l'egalite devant le droit est talonne par son
corollaire c'est-A-dire la fin de l'impunite. Les developpements faits
ci-dessus montrent a quel point l'impunite est generalisee au gre du niveau de
puissance des Etats ou des affinites qu'ils ont avec d'autres. Dans son rapport
final revise, Monsieur Louis JOINET definit l'impunite comme l'
« absence, en droit ou en fait, de la mise en
cause de la responsabilite penale des auteurs de violations des droits de
l'homme, ainsi que de leur responsabilite civile, administrative ou
disciplinaire, en ce qu'ils echappent a toute enquête tendant a permettre
leur mise en accusation, leur arrestation, leur Jugement et, s'ils sont
reconnus coupables, leur condamnation a des peines appropriees, y compris a
reparer le prejudice subi par leurs victimes D357.
C'est dire que la fin de l'impunite, de même que
l'egalite devant le droit, sont issues de l'application de la sanction penale
internationale. En punissant un individu pour des raisons de violation des
droits de l'homme,
356 Voir NGUYEN QUOC Dinh,
DAILLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, op.cit., P.
927.
357 Voir JOINET Louis,
Question de l'impunité des auteurs des violations des droits de l'homme
(civils et politiques), Commission des droits de l'homme, Rapport final revise
en application de la decision 1 996/11 9 de la Sous-Commission, E/CN.4/Sub.2/1
997/20/Rev.1 (Annexe II, Ensemble de principes pour la protection et la
promotion des droits de l'homme par la lutte contre l'impunité,
Definitions, A), 2 octobre 1 997.
13
le juge pénal international rétablit une
égalité devant le droit. Au fond, celleci provient du principe de
légalité de laquelle émane a son tour la
prévisibilité de la sanction pénale.
B- L'emanation de la previsibilite inherente au
jugement de legalite : l'automaticite de la sanction
La prévisibilité constitue l'un des
critéres du principe de la légalité des délits et
des peines358. Mais, elle est aussi une conséquence a
l'application de sanction pénale internationale. En effet, le principe
de légalité énonce les actes constitutifs de crime et
affecte a chacun d'eux une peine bien précise35 9. Ce
faisant, il établit une certaine automaticité de la sanction
pénale internationale. Par là me-me, la mise en oeuvre
de la sanction internationale contribue in fine a la protection de la paix et
de la sécurité internationales. C'est dans ce sens que Monsieur
Damien SCALIA a pu écrire :
g Dans son but de protection de la
société [internationale] et surtout de la liberté
individuelle, le respect de la prévisibilité impose la
connaissance par quiconque des faits pénalement relevant et des peines
qui y sont associés N360.
Dans un tel cadre, la prévisibilité
émerge du jugement de légalité, c'est-A-dire, de
l'application de la sanction pénale internationale. Elle s'accompagne
nécessairement de la clarté et de la précision de la
peine. En outre, la prévisibilité permet l'automaticité de
la sanction.
Ainsi, la manifestation de la
prévisibilité procéde de l'application de la sanction
pénale internationale. Elle n'est d'ailleurs pas exclusive. Il en est de
me-me du principe de l'égalité devant le droit, du
principe de l'intangibilité
358 Voir SCALIA Damien, *
Quelques réflexions sur les critères inhérents a la mise
en place de normes-sanctions et la répression des crimes de guerre *,
op.cit., PP.5-6.
35 9 Voir SCALIA Damien, * Quelques réflexions ...
*, op.cit., PP.3-4.
360 Voir SCALIA Damien, * Quelques réflexions ...
*, op.cit., P.2.
des droits de l'homme ainsi que du principe de la
proscription de l'emploi de la force. Cela étant, tous ces principes
concourent inéluctablement au maintien de la paix et de la
sécurité internationales. Mais, ce concours s'averera insuffisant
s'il ne devrait pas etre développé les conséquences
relatives aux fonctions de la sanction pénale
internationale.
SECTION 2 : LES CONSEQUENCES LIEES AUX FONCTIONS DE LA
SANCTION PENALE INTERNATIONALE
D'entree de jeu, il convient d'affirmer que la
sanction penale internationale a pour principale consequence la cessation des
violations des droits de l'homme. Cette fonction de cessation de l'illicite est
rendue possible par l'arrestation du responsable. C'est pour cela que le droit
penal international impose aux Etats une obligation de cooperer entre eux en
vue de l'arrestation des individus responsables des violations des droits de
l'homme. En effet, en vertu de l'article 86 du statut de Rome,
g Conformement aux dispositions du present Statut, les
Etats Parties cooperent pleinement avec la Cour dans les enquêtes et
poursuites qu'elle mene pour les crimes relevant de sa competence
D.
Toutefois, d'importantes limites ternissent
l'obligation generale de coopérer361 a telle enseigne qu'il
est fait le plus souvent recours aux forces
internationales362.
Cela dit, deux fonctions de la sanction pénale
internationale permettent de rendre efficacement compte des consequences de
celle-ci sur la paix et de la sécurité internationales. Il est
question de la fonction preventive ( paragra phe 1) et de la fonction
réparatrice ( paragra phe 2).
PARAGRAPHE 1 : Sanction penale internationale et prevention
des violations des droits de l'homme
La sanction pénale vise a prévenir les
violations des droits de l'homme, actes constituant des menaces a la paix et a
la sécurité internationales. Autrement dit, elle a pour but de
freiner, voire d'empêcher l'accomplissement
361 Voir MAISON
Rafaëlle, La responsabilité individuelle pour crime d'Etat en droit
international public, op.cit., PP.443-450.
362 Voir article 87,
paragraphe 1b, du statut de la CPI qui dispose : * S'il y'a lieu, et sans
prejudice des dispositions de l'alinea a), les demandes peuvent être
également transmises par l'Organisation internationale de police
criminelle (INTERPOL) ou par toute organisation régionale
compétente *.
de comportements juges indesirables. On lui attribuera
alors soit la fonction de prevention generale (A), soit celle de prevention
speciale (B).
A- La prevention generale
Elle est l'effet de la sanction penale internationale
sur l'ensemble de la societe internationale. Autrement dit, l'un des buts de la
sanction penale internationale est de prevenir la survenance des violations des
droits de l'homme susceptibles d'être commises a l'interieur de tous les
systemes juridiques internes. La prevention generale renvoie, a cet egard, a
« la dissuasion ou l'intimidation collective de tous les contrevenants
potentiels *363. C'est dire que l'effet de prevention generale n'a
pas de limite rati.one loci.. Il s'etend indefiniment pour exercer son emprise
sur tout individu ressortissant de tout pays et ayant l'intention de
transgresser les droits de l'homme. Ainsi, la sanction penale internationale
est talonnee de cette fin, c'est-A-dire, la diminution voire la suppression des
violations des droits de l'homme. Telle est d'ailleurs le point de vue par
excellence que defendent les theories penales
utilitaristes364.
Si cette presentation de la prevention generale
comporte sans doute une part de verite, il convient cependant de la temperer
três largement. En effet, l'efficacite de cette fonction est grandement
remise en cause. Comme l'ecrit ANDENAES, g la base la plus solide pour la
theorie de la prevention generale est son caractére eminemment plausible
du point de vue du bon sens *365. C'est dire que la prevention
generale n'a aucune emprise tant d'un point de vue juridique que pratique, tant
sur le droit que sur la realite sociale. L'on pergoit toutefois une certaine
exageration dans cette affirmation. Pourtant, celle-ci est justifiee car g la
menace de la [sanction]
363 Voir VAN DE KERCHOVE
Michel, g Les fonctions de la sanction penale. Entre droit et philosophie *,
Informations sociales, n°127, P.25.
364 Voir VAN DE KERCHOVE
Michel, g Les fonctions de la sanction penale ... *, op.cit., P.25-
26.
365 Voir ANDENAES, g Les
effets de prevention generale du droit penal *, Archives de politique
criminelle, n°3, 1 978, P.6, cite par VAN DE KERCHOVE Michel, g Les
fonctions de la sanction penale ... *, op.cit., P.26.
n'apparait efficace, en principe, que pour les
categories de personnes pour lesquelles elle n'est pas utile *366.
Il est en l'occurrence question des individus dont la probabilite de commission
des violations des droits de l'homme est relativement faible ; ce qui traduit
en outre le caractere inadapte de la fonction de prevention generale de la
sanction penale internationale.
Neanmoins, l'exageration sus mentionnee reste presente
car, même si l'effectivite de la prevention generale peut être
remise en cause, sa construction juridique et philosophique reste ferme. Comme
le souligne le Professeur ROBERT, la prevention generale est «
scientifiquement indemontrable et [...] ideologiquement indemontable
*367.
En bref, la sanction penale internationale vise a
detourner les individus de suivre l'exemple des responsables des violations des
droits de l'homme. Elle genére alors une reelle fonction de prevention
generale. Mais aussi, elle vise a empêcher que les dits responsables ne
soient a l'origine de nouvelles violations.
B- La prévention s péciale : dissuasion
et mesure de sfireté
Une autre consequence de la sanction penale
internationale est la prevention speciale. Celle-ci, encore appelee dissuasion,
se rapproche du but de la mesure de surete au point de se confondre a lui. En
effet, comme le note le Professeur Michel VAN DE KERCHOVE, la prevention
speciale est
L l'aptitude de la [sanction] a empêcher
l'individu qui est frappe de commettre de nouvelles infractions dans l'avenir
(...) *368. D'un autre cote, la definition de la mesure de surete se
pose dans les mêmes termes : elle est
L exclusivement orientee vers l'avenir puisqu'elle ne
vise qu'à eviter la
366 Voir KELLENS G., La
mesure de la peine, Liege, collection scientifique de la faculte de droit de
Liege, 1 982, P.12, cite par ibid.
367 Voir ROBERT, g Le role
de la sanction (dans l'approche integree de la justice et de la reconciliation)
*, in Colloque a Sanremo : Justice et Reconciliation, du 7 au 9 septembre 2006
(non publie), cite par SCALIA Damien, g Quelques reflexions ... *, op.cit.,
P.7.
368 Voir VAN DE KERCHOVE
Michel, g Les fonctions de la sanction penale ... *, op.cit., P.26.
commission d'infractions ou la recidive
D369. C'est dire que tout comme la sanction penale internationale,
la mesure de surete a un but preventif en cherchant a « neutraliser un
etat dangereux D370.
En effet, il convient de noter que la fonction de
neutralisation de la sanction penale internationale vise a ecarter le
responsable des violations des droits de l'homme de la societe. Auparavant,
elle se faisait par l'application de la peine de mort et de la peine privative
de liberte. Le droit a la vie etant un droit intangible aujourd'hui, la
neutralisation du condamne ne s'opere desormais que par l'application de la
peine privative de liberte.
En vertu de l'article 103 du statut de Rome,
l'execution des peines privatives de liberte est faite par un Etat designe par
la CPI371, a la demande de cet Etat. A cet egard, elle est accomplie
conformement aux regles conventionnelles internationales372. De
meme, les conditions de detention du condamne obeissent a elles373.
Dans tous les cas, la CPI doit effectuer des contrOles en vue de constater si
ces regles internationales sont respectees374.
Toutefois, la CPI a la possibilite de reduire la peine
de la personne detenue, au vu de sa bonne conduite375. Cela procede
de l'idee selon laquelle la prevention speciale s'etend au traitement, a la
resocialisation et a la reinsertion du condamne376. Mais, ce point
de vue demeure tres relatif377.
Ainsi, par la prevention speciale, l'individu
responsable des violations des droits de l'homme est porte a eviter la
recidive. De me-me, d'autres individus sont detournes de suivre son
exemple par le fait de la prevention generale. Des lors, par les deux
(prevention generale et prevention speciale), la paix et la securite
internationales peuvent etre preservees. Mais par
36 9 Voir PRADEL Jean, Droit
pénal, op.cit., P.582.
370 Voir ibid.
371 Voir article 103,
paragraphe 1a, qui dispose que * les peines d'emprisonnement sont accomplies
dans un Etat designe par la Cour sur la liste des Etats qui lui ont fait savoir
qu'ils etaient disposes a recevoir des condamnes *.
372 Voir article 106, paragraphe 1, du statut de
Rome.
373 Voir article 106, paragraphe 2, du statut de
Rome.
374 Voir ibid.
375 Voir article 110 du
statut de la CPI.
376 Voir VAN DE KERCHOVE
Michel, * Les fonctions de la sanction penale ... *, op.cit., P.27.
377 Voir ibid.
contre, l'individu responsable des violations des droits
de l'homme n'est pas exonere de son obligation de reparer.
PARAGRAPHE 2 : Reparation et sanction pénale
internationale
Il est un principe traditionnellement admis en droit
penal interne et international qui pose que g quiconque a cause par sa faute du
dommage a autrui, est condamne a le reparer N378. Autrement dit, le
responsable des violations des droits de l'homme doit "payer pour son crime''.
Selon le Professeur Michel VAN DE KERCHOVE, g l'idee de reparation est sans
doute liee, dès ses origines, a la [sanction] N37 9. D'une
part, la reparation ne se distingue pas essentiellement de l'idee de
retribution380. D'autre part, elle est intimement liee a la victime.
C'est autrement dire que la reparation fait reference a la remise des choses au
statu quo ante. Pour cette operation, y participent le titulaire d'un droit a
reparation (A), et le debiteur de l'obligation de reparer (B).
A- Le titulaire d'un droit a reparation
Tout naturellement, la ou les victimes des violations
des droits de l'homme constituent des titulaires d'un droit a reparation. En
principe, la reparation doit être faite en nature, ce que l'on nomme par
"restitutio in integrum''. Mais, il relève de l'utopie d'envisager une
telle forme de reparation en cas de violation des droits de l'homme, etant
entendu que les premières manifestations de ces actes sont des pertes en
vie humaine. Par ailleurs, la
378 Voir HAUS J.J., * Les theories penales. Des
origines au milieu du XIXe siècle *, paragraphe 28, in
http://ledroitcriminel.free.fr/lacscienceccriminelle/penalistes/introduction/hausctheoriesc
penales.htm
37 9 Voir VAN DE KERCHOVE
Michel, * Les fonctions de la sanction penale ... *, op.cit., P.27.
380 g L'idee de retribution correspond a une certaine conception de
la justice qui veut que l'on prenne en consideration le mal inherent a
l'infraction commise et qu'on lui fasse correspondre un mal equivalent (la
peine), de la même fagon que le bien inherent a une action appelle un
bien correspondant ( la recompense) *, voir VAN DE KERCHOVE Michel, * Les
fonctions de la sanction penale ... *, op.cit., PP.28-2 9.
souffrance physique, morale et autre que ressentent les
victimes ne peut aucunement etre reparee en nature.
C'est au vu de ces raisons que la reparation ne peut
se faire que par compensation. Il sera alors question d'une indemnisation en
faveur des victimes, mais aussi d'autres types de compensation. Ces autres
types de compensation sont enonces par l'article 6, paragraphe 3, du Protocole
additionnel a la Convention des Nations Unies contre la criminalite
transnationale organisee visant a prevenir, reprimer et punir la traite des
personnes, en particulier des femmes et des enfants381. Ainsi, cet
article dispose :
g Chaque Etat Partie envisage de mettre en oeuvre des
mesures en vue d'assurer le retablissement physique, psychologique et social
des victimes de la traite des personnes, y compris, s'il y'a lieu, en
cooperation avec les Organisations Non Gouvernementales, d'autres organisations
competentes et d'autres elements de la societe civile et, en particulier, de
leur fournir :
a. Un logement convenable ;
b. Des conseils et des informations, concernant
notamment les droits que la loi leur reconnait, dans une langue qu'elles
peuvent comprendre ;
c. Une assistance medicale, psychologique et materielle
; et
d. Des possibilites d'emploi, d'education et de
formation N.
Ces autres types de reparations qui sont repris a
l'article 75, paragraphe 1, du statut de Rome sont constitutifs de la
restitution, de la readaptation et de la rehabilitation qu'ont droit les
victimes des violations des droits de l'homme. Par ailleurs, comme enonce
ci-dessus, les victimes ont droit a une indemnisation proportionnee. Afin que
cela soit possible, il est cree un g Fonds au profit des victimes D. Ainsi,
l'article 7 9 du statut de Rome dispose :
381 Protocole du 12 decembre
2000.
g 1. Un fonds est cree, sur decision de l'Assemblee
des Etats Parties, au profit des victimes de crimes relevant de la competence
de la Cour et de leur famille.
2. La Cour peut ordonner que le produit des amendes et
tout autre bien confisque soient verses au fonds.
3. Le fonds est gere selon les principes fixes par
l'Assemblee des Etats Parties D.
Ainsi, les amendes et les biens confisques prevus a
l'article 10 9, paragraphe 3, du statut de Rome contribuent a alimenter le
fonds au profit des victimes. En outre, les ayants droit des victimes
beneficient aussi de l'indemnisation. Mais, la difficulte liee a la
determination des victimes est reelle, car, d'autres ne pourront pas faire
entendre leur voix382. Ce qui allégera sans doute la charge
du debiteur de l'obligation de reparer.
B- Le debiteur de l'obligation de reparer
L'auteur des violations des droits de l'homme est
charge d'une obligation de reparer. Pour cela, il est procede a l'execution des
peines d'amende et a des mesures de confiscation qui sont eventuellement
destinees a etre versees au g Fonds au profit des victimes N383. En
effet, l'article 10 9 du statut de Rome dispose :
g 1. Les Etats font executer les peines d'amende et
les mesures de confiscation ordonnees par la Cour en vertu du chapitre VII,
sans prejudice des droits des tiers de bonne foi et conformement a la procedure
prevue par leur legislation interne.
2. Lorsqu'un Etat Partie n'est pas en mesure de donner
effet a l'ordonnance de confiscation, il prend des mesures pour recuperer la
valeur
382 Voir LA ROSA
Anne-Marie, * La sanction dans un meilleur respect du droit humanitaire : son
efficacite scrutee *, IRRC, vol. 90, n°870, juin 2008, P.16, in
www.icrc.org/fre/assets/files/other/irrc-870-la-rosa-pr-web.pdf
383 Voir article 7 9, paragraphe 2, du statut de
Rome.
du produit, des biens ou des avoirs dont la Cour a
ordonne la confiscation, sans prejudice des droits des tiers de bonne
foi.
3. Les biens, ou le produit de la vente de biens
immobiliers ou, le cas echeant, d'autres biens, obtenus par un Etat Partie en
execution d'un arrIt de la Cour sont transferes a la Cour N.
Ainsi, les biens de l'auteur des violations des droits
de l'homme ainsi que ceux de sa famille proche -ceux qui ne sont pas de bonne
foi-, sont evalues et servent a indemniser les victimes.
Cependant, les individus sanctionnes peuvent organiser
au prealable leur insolvabilite384. Dans ce cas il sera fait recours
a la solidarite internationale pour alimenter le « Fonds au profit des
victimes N385. En effet, la communaute internationale a aussi
l'obligation de reparer les violations des droits de l'homme car il s'agit des
offenses portees a son egard. C'est dans cette mesure que l'article 6,
paragraphe 5, du Protocole additionnel a la Convention des Nations Unies contre
la criminalite transnationale organisee visant a prevenir, reprimer et punir la
traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants impose a chaque
Etat de permettre aux victimes d'obtenir reparation du prejudice subi. Et
l'article 75, paragraphe 1, du statut de Rome reconnait cette obligation a la
CPI. Il dispose :
g La Cour etablit des principes applicables aux formes
de reparation, telles que la restitution, l'indemnisation ou la rehabilitation
a accorder aux victimes ou a leur ayant droit. Sur cette base, la Cour peut,
sur demande, ou de son propre chef dans des circonstances exceptionnelles,
determiner dans sa decision l'ampleur du dommage, de la perte ou du prejudice
cause aux victimes ou a leurs ayants droit, en indiquant les principes sur
lesquels elle fonde sa decision N.
384 Comme l'ancien
President liberien, Charles TAYLOR, qui beneficie de l'assistance judiciaire
devant le TSSL ; voir DECAUX Emmanuel, * La definition de la sanction
traditionnelle : sa portee, ses caracteristiques N, op.cit., P.7.
385 Voir ibid.
14
C'est autrement dire que la juridiction pénale
participe, tout comme les Etats, a la solidarité internationale en
remplissant l'obligation de réparer. Ainsi, la réparation d'une
illicéité ayant affecté la paix et la
sécurité internationales contribue largement a leur
préservation, ou encore, a leur rétablissement. Au final, la
prévention et la réparation qui découlent de la sanction
pénale internationale participent a la marche vers une paix
perpétuelle planétaire.
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
La sanction penale internationale ne peut etre mise en
oeuvre que pour des violations des droits de l'homme commises par des
individus386. D'ailleurs meme, d'un point de vue pratique, il n'y a
que les individus qui peuvent etre a l'origine de tels actes illicites, quitte
a ce qu'ils puissent subsumer leur responsabilite individuelle a la
responsabilite internationale de l'Etat. Neanmoins, cette voie leur est a
present bouclee, chacun doit faire face a ses fautes et doit payer pour
elles.
Des lors, la sanction penale internationale est une
mesure adaptee aux auteurs des violations des droits de l'homme et donc
appropriee au maintien de la paix et de la securite internationales. Son
application obeit a des conditions de fond et de forme indispensables au
respect des droits de l'homme des victimes autant que des bourreaux. Ses
consequences permettent la stabilite de l'ordre juridique international, et
partant la sauvegarde de la paix et de la securite internationales. Dans une
moindre mesure, par le biais de la reparation, la sanction penale
internationale vise le retablissement de la paix et de la securite
internationales.
Ainsi, comme le note Julian FERNANDEZ, il convient de
reconnaitre a la sanction penale internationale une double voie complementaire
: g La première vise en quelque sorte a "purifier'' le passe, a venger
l'offense, a restituer le bien derobe, a retourner a l'equilibre du statu quo
ante. La seconde est un pari sur l'avenir N387
386 La Chambre d'appel du
TPIY a eu l'occasion d'indiquer cela dans une affaire qu'elle a eue a connaitre
: * Aux termes du droit international en vigueur, il est evident que les Etats,
par definition, ne peuvent faire l'objet de sanctions penales semblables a
celles prevues par les systemes penaux nationaux *, affaire IT-95-14-AR bis,
Procureur c/ Blaskic, I.L.R., vol. 110, 1 997, P.6 98, paragraphe
25.
387 Voir FERNANDEZ Julian, La
politique juridique extérieure des Etats-Unis a l'égard de la
Cour pénale internationale, op.cit., P.38, note de bas de page n°
124.
CONCLUSION GENERALE
L'universalite des droits de l'homme a eu pour
principale consequence de placer l'homme comme sujet immediat du droit
international. Alors, les violations portees a ses droits constituent des
atteintes a l'ordre juridique international. Ce dernier a ainsi non seulement
l'obligation, mais aussi et surtout le droit de reagir afin de retrouver la
stabilite troublee par le fait de la violation. Dés lors, il lui est
offert une large possibilite de choix de la reaction qu'il entend adopter,
allant de la legitime defense a la mise en oeuvre des sanctions.
La problematique des sanctions internationales est
sujette a de debats et de controverses depuis des siecles. De nos jours, l'ONU
s'est vue confiee la responsabilite d'en faire usage dans le but de maintenir
ou de retablir la paix et la securite internationales. La reference au chapitre
7 de la Charte des Nations Unies justifie la prise des sanctions en cas de
violation des droits de l'homme. L'ONU a la possibilite de faire recours aux
organismes regionaux dans le meme but. En outre, ces organisations
internationales sont suppleees, le cas echeant, par les Etats qui peuvent
mettre en oeuvre des contre-mesures prevues a la troisieme partie, chapitre 2,
du Projet d'articles sur la responsabilite des Etats pour fait
internationalement illicite. La mise en oeuvre des contre-mesures procede de
l'obligation erga omnes de respecter et de proteger les droits de
l'homme.
C'est dire que les sanctions politiques sont prevues
de fagon exhaustive pour que les droits de l'homme soient respectes en tout
temps et en tout lieu, et qu'in fine, la paix et la securite internationales
soient sauvegardees. Mais, si le respect des droits de l'homme est susceptible
d'être effectif dans les systêmes juridiques nationaux par le fait
des sanctions, la difficulte qui s'eléve est celle des violations des
droits de l'homme commises par les sanctions politiques. Ces derniéres
frappent sans discrimination et sont par ailleurs contre-productives. Comme le
note le Professeur Louis CAVARE :
g Comme la guerre, dont elles sont l'expression
légalisée, elles atteignent les innocents comme les coupables :
c'est la leur infériorité N388.
De meme, le principe de l'interdépendance et de
l'indivisibilité des droits de la premiere et de la deuxieme
génération ne permet pas que l'obligation de respect des droits
de l'homme s'étende tout juste aux droits de l'homme issus du jus
cogens38 9.
Or, sanctionner les populations civiles pour les
fautes commises par leurs dirigeants est non seulement injuste3 90,
mais aussi attentatoire a la paix et a la sécurité
internationales. C'est la raison pour laquelle la sanction internationale doit
etre adaptée a l'auteur de la violation des droits de
l'homme.
Pour cela, des principes ont été
émis a la suite du jugement de Nuremberg conduisant a la
responsabilité personnelle des auteurs des violations des droits de
l'homme. Ces principes permettent l'adaptation de la sanction au coupable et,
en fin de compte, le maintien de la paix et de la sécurité
internationales.
A ce niveau, l'on envisage la sanction pénale
internationale comme un g préalable a la reconstruction politique de
l'Etat D et un g soutien au nouveau gouvernement N3 91. Comme
l'illustre fort bien le Professeur Emmanuel DECAUX :
g C'est précisément en dissociant le
peuple allemand de la dictature hitlérienne responsable de la
défaite que les alliés ont permis la reconnaissance rapide d'une
Allemagne démocratique D392.
388 Voir CAVARE Louis, * Les
sanctions dans le cadre de l'O.N.U. *, op.cit., P.283.
38 9 Voir Conseil
économique et social, Relation entre les sanctions économiques et
le respect des droits économiques, sociaux et culturels, E/C. 12/1
997/8, CESCR Observations Générales, 12 décembre 1
997.
3 90 Voir COLONOMOS Ariel, *
"Tnjustes'' sanctions : Les constructions internationales de la
dénonciation des embargos et l'escalade de la vertu abolitionniste *,
op.cit.
3 91 Voir MATSON
Rafaëlle, La responsabilité individuelle pour crime d'Etat en droit
international public, op.cit., PP.48 9-4 96.
3 92 Voir DECAUX Emmanuel, *
La définition de la sanction traditionnelle : sa portée, ses
caractéristiques *, op.cit., P.3.
Et ajoute-t-il au travers d'une interrogation
rhétorique :
g Condamner un Etat en imposant ainsi soit la
culpabilité abstraite d'une "personne morale'', vouée a
disparaitre, ou a changer de nom, soit la responsabilité collective d'un
peuple, au lieu de juger ses dirigeants, n'est-ce pas hypothéquer tout
avenir, non seulement pour le peuple mis en cause, mais pour ses voisins ?
N3 93.
C'est autrement dire que la sanction pénale
internationale est la mesure la plus appropriée au maintien de la paix
et de la sécurité internationales. Elle fournit une forme directe
de responsabilité pour les auteurs de violation des droits de l'homme et
de justice pour les victimes, elle est un soutien a un certain nombre de
valeurs démocratiques dans l'Etat, elle contribue a la reconstruction de
la confiance du peuple en les droits de l'homme3 94.
Cependant, le droit international a doublé la
responsabilité pénale individuelle de la responsabilité
internationale de l'Etat. Cette voie, nous l'espérons, devra Itre
abandonnée au vu de ses implications, afin que ne soit prise en
considération que la responsabilité pénale
individuelle.
3 93 Voir ibid.
3 94 Voir FREEMAN Mark et
MAROTINE Dorothée, * Qu'est-ce que la justice transitionnelle ? *,
op.cit., P.4.
ANNEXES
ANNEXE I : Chapitre 7 de la Charte des Nations
Unies
ANNEXE II : Chapitre 2, partie III du Projet
d'articles sur la responsabilité des Etats pour fait internationalement
illicite
ANNEXE III: Declaration universelle des droits de
l'homme
ANNEXE IV : Chapitre 2 du Statut de Rome de la Cour
penale internationale
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TABLE DES MATIERES
DEDICACES i
REMERCIEMENTS ii
SOMMAIRE iii
TABLE DES ABREVIATIONS v
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : LES SANCTIONS POLITIQUES, MESURES
« A DOUBLE TRANCHANT » 16
CHAPITRE I : UNE DUALITE TYPOLOGIQUE DES SANCTIONS
POLITIQUES DANS L'OPTIQUE DU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SECURITE
INTERNATIONALES 19
SECTION 1 : LES SANCTIONS AUX VIOLATIONS DES DROITS DE
L'HOMME PRISES PAR LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES 20
PARAGRAPHE 1 : Les sanctions imposées par
l'Organisation des Nations Unies 20
A- La compétence de principe de Conseil de
sécurité dans le cadre du maintien de la paix et de la
sécurité internationale 21
1- La référence au chapitre VII,
fondement de la compétence du Conseil de sécurité en cas
de violation des droits de l'homme 21
a- L'élargissement de la notion de « menace
contre la paix p aux situations de violation des droits de l'homme
22
b- La prise en compte du seuil de gravité des
violations des droits de l'homme 24
2- La portée de la compétence du Conseil de
sécurité en cas de violation des droits de l'homme
25
a- La prise de mesures de contrainte non armee dans le
but de maintenir la paix et la securite internationales 25
b- La prise de mesures de coercition armee dans
l'optique du maintien de
la paix et de la securite internationales 27
B- L'affirmation de la competence des autres organes
des Nations Unies dans le cadre du maintien de la paix et de la securite
internationales 29
1- La primaute formelle des autres organes de l'ONU en
matiere de droits de l'Homme 29
2- La resolution de l'Assemblee generale du 03 Novembre
1 950, g Union pour le maintien de la paix D 31
PARAGRAPHE 2 : Les sanctions prises g en vertu
d'accords
regionaux D 34
A- Les mecanismes regionaux d'application des sanctions
aux violations des droits de l'homme 34
1- La qualification des situations de violation des
droits de l'homme 35
2- L'exigence d'un mandat prealable du Conseil de
securite pour
l'application des sanctions par les organismes regionaux
36
B- La determination de l'organisme regional competent
38
1- L'importance du critére geographique
38
2- Le depassement du critére geographique
39
SECTION 2 : LES SANCTIONS AUX VIOLATIONS DES DROITS DE
L'HOMME PRISES PAR LES ETATS : LES CONTRE-MESURES 41
DEVELOPPEMENT PRELIMINAIRE : Les fondements juridiques du
recours aux contre-mesures en cas de violation des droits de l'homme
41
PARAGRAPHE 1 : Les conditions d'application des
contre-mesures 44
A- Les violations des droits de l'homme : condition de
declenchement des
1- Une condition necessaire pour le declenchement des
mesures de represailles 45
2- Une condition excessive pour le declenchement des
mesures de retorsion 47
B- Les conditions d'exercice des contre-mesures
49
1- La condition de proportionnalite 50
2- La condition de la temporalite 51
PARAGRAPHE 2 : La portee des contre-mesures
53
A- Les contre-mesures comme substituts aux sanctions de
l'Organisation des Nations Unies 53
1- Les contre-mesures, outils de stabilité de
l'ordre juridique international 53
2- Le cas particulier de l'autorisation de
l'Organisation des Nations Unies 55
B- Contre-mesures et persistance de la justice
privée 57
1- Les contre-mesures, armes entre les mains des Etats
puissants 57
2- Contre-mesures et escalade de la violence
59
CHAPITRE II : SANCTIONS POLITIQUES ET RESPECT DES DROITS
DE L'HOMME : UNE COMPATIBILITE PROBLEMATIQUE 62
SECTION 1 : LA MISE EN EXERGUE DE L'INCOMPATIBILITE ENTRE
LES SANCTIONS POLITIQUES ET LE RESPECT DES DROITS DE L'HOMME 63
PARAGRAPHE 1 : La meconnaissance d'une obligation
implicite de respect des droits de l'homme 63
A- Une obligation issue de la Charte des Nations Unies
64
B- Une obligation contenue dans les textes
internationaux relatifs aux droits de l'homme 65
C- Une obligation dérivée du droit
humanitaire 67
PARAGRAPHE 2 : Les repercussions des sanctions politiques
sur les droits de l'homme 71
A- Les effets secondaires des sanctions politiques sur
les droits de la premiere generation (Droits civils et politiques)
72
B- Les effets secondaires des sanctions politiques sur
les droits de la deuxieme generation (Droits economiques, sociaux
et
culturels) 74
C- Les effets secondaires des sanctions politiques sur
les droits de la troisieme generation (Droit a la paix, au développement
et a un environnement sain) 77
SECTION 2 : L'EFFORT DE LEGITIMATION DES SANCTIONS
POLITIQUES 79
PARAGRAPHE 1 : La naissance des sanctions intelligentes
79
A- La signification des sanctions intelligentes
80
1- Definition des sanctions intelligentes 80
2- Criteres d'identification des sanctions intelligentes
81
B- L'application des sanctions intelligentes
84
1- L'application des sanctions intelligentes aux
individus 84
2- L'application des sanctions intelligentes aux groupes
de resistance 85
PARAGRAPHE 2 : Des limites aux sanctions intelligentes
86
A- Des limites relatives a la persistance de
l'incompatibilité avec les droits de l'homme 87
1- La persistance de l'incompatibilité avec
certains droits civils et politiques 87
2- La persistance de l'incompatibilité avec les
droits economiques, sociaux et culturels 89
B- Des limites liées a la consistance des
sanctions intelligentes 90
1- Les sanctions intelligentes comme mesures de pression
91
2- Les sanctions intelligentes et le maintien en place
des personnes responsables des violations des droits de l'homme
92
CONCLUSION 95
SECONDE PARTIE : LES SANCTIONS JURIDICTIONNELLES, MESURES
« APPROPRIEES » 97
INTRODUCTION 99
CHAPITRE I : LA MISE EN OEUVRE DE LA SANCTION PENALE
INTERNATIONALE 100
SECTION 1 : LES CONDITIONS DE FORME A LA MISE EN OEUVRE
DE LA SANCTION PENALE INTERNALE 101
PARAGRAPHE 1 : Les conditions de forme relatives au
statut des individus 101
A- Les conditions de forme liees a la sanction des
autorites etatiques 101
1- La consecration du principe de l'immunite
juridictionnelle des agents etatiques 102
2- La levee de l'immunite juridictionnelle des agents
etatiques 103
B- Les conditions de forme relatives a la sanction des
autorites non etatiques 105
1- La sanction des individus appartenant a une
organisation
criminelle 105
2- La sanction des individus en position d'executants
107
PARAGRPHE 2 : Les conditions de forme liees au respect
des principes generaux du droit penal 109
2- Le respect du principe Non bis in
idem......................................111 B- Le respect des principes
généraux ratione
matéria....................112
1- Le respect du principe de
légalité..............................................112
2- Le respect du principe de l'imprescriptibilité
des crimes...........114
SECTION 2 : LES CONDITIONS DE FOND A L'APPLICATION DE LA
SANCTION PENALE
INTERNATIONALE...................................................116
PARAGRAPHE 1 : Les conditions de fond tenant a l'acte
incriminé.........116
A- Le crime contre
l'humanité........................................................116
B- Le crime
génocide......................................................................118
C- Les crimes de
guerres................................................................120
PARAGRAPHE 2 : Les conditions de fond tenant aux organes
d'application...........................................................................................122
A- La mise en oeuvre de la sanction par les juridictions
pénales
internes....................................................................................123
B- L'application de la sanction par les juridictions
pénales
spéciales...................................................................................125
C- L'application de la sanction par la Cour
pénale
internationale...........................................................................127
CHAPITRE II : LES CONSEQUENCES DE LA SANCTION PENALE
INTERNATIONALE SUR LA PAIX ET LA SECURITE
INTERNATIONALE..................................................................................129
SECTION 1 : LES CONSEQUENCES INHERENTES A L'APPLICATION
DE LA SANCTION PENALE
INTERNATIONALE..................................................130
PARAGRAPHE 1 : L'affirmation de certains principes
fondamentaux du droit
international..........................................................................................130
B- L'emergence de l'intangibilite des droits des l'homme
132
PARAGRAPHE 2 : La manifestation de certains principes
relatifs au proces penal 134
A- L'emergence du principe de « l'egalite devant le
droit 134
B- L'emanation de la previsibilite inherente au jugement
de legalite : l'automaticite de la sanction 136
SECTION 2 : LES CONSEQUENCES LIEES AUX FONCTIONS DE LA
SANCTION PENALE INTERNATIONALE 138
PARAGRAPHE 1 : Sanction penale internationale et
prevention des violations des droits de l'homme 138
A- La prevention generale 139
B- La prevention speciale : dissuasion et mesure de
sUrete 140
PARAGRAPHE 2 : Reparation et sanction penale
internationale 142
A- Le titulaire d'un droit a reparation 143
B- Le debiteur de l'obligation de reparer
145
CONCLUSION 147
CONCLUSION GENERALE 148
ANNEXES 152
BIBLIOGRAPHIE 179
TABLE DES MATIERES 193
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