L'action humanitaire et la reconstruction: le cas du tsunami indonésien de 2004 et du séisme haitien de 2010( Télécharger le fichier original )par Pierre Thibaut BATA Université Catholique d'Afrique Centrale - Master 2011 |
B- L'instabilité politique et économique comme un frein à la reconstruction.1- I Iftxkuflfkysnfkfqxi On parle d'instabilité politique dans un pays donné et pendant une période donnée lorsque règne un chaos au sein des institutions politiques ou étatiques. Elle constitue une 157 Pierre MICHELETTI, Op. Cit. p. 83. 158 Maragareta WAHLSTROM, la coordonnatrice adjointe des secours d'urgence des Nations unies. 159 Le chaos actuel dans le quel vit Haïti nous amène même à conclure que cette coordination a été inexistante. Ce qui a favorisé la récupération de la conduite des opérations de secours par l'armée américaine. 160América gov, « Développement en Haïti »Auteur, disponible sur http://www.america.gov/st/developfrench/2010/January/20100113153202esnamfuak8.532351e 02.html?CP.rss=true (Consulté le 19 avril 2011). 161Le monde, « Catastrophe haiti Sarkhozy fait part de sa profonde émotion » disponible sur http://www.lepoint.fr/actualites-monde/2010-01-13/catastrophe-haiti-sarkozy-fait-part-de-sa-profondeemotion/924/0/412940 (Consulté le 19 avril 2011). L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme véritable entrave à la reconstruction post-crise dans la mesure où il faut reconnaître que dans un climat de tension, il est presqu'impossible de penser la reconstruction. Chaque partie voulant faire valoir ses arguments par la force, de nombreuses pertes sur le plan humain et sur le plan matériel en résultent en termes de conséquences. On n'envisagera donc mieux la réussite de la reconstruction que dans un contexte de paix. A Aceh par exemple que l'on présente comme un exemple de reconstruction réussie, un conflit opposait depuis 1976 l'armée indonésienne au Mouvement pour un Aceh libre (GAM)162. Avant le 26 décembre, la province d'Aceh était sous administration militaire, et personne ne pouvait y accéder. La zone était très peu développée, et le taux de vaccination peu élevé. Depuis le tsunami, un processus de paix a été engagé ce qui sans doute a favorisé les avancées que l'on a observés en termes de reconstruction du pays. Par ailleurs, le climat d'insécurité engendré par l'instabilité, favorise généralement l'intrusion d'une nouvelle forme d'acteurs que sont les militaires, (guidés par des intérêts géostratégique (s) et géopolitique (s), sous le couvert de la « responsabilité de protéger » ; une responsabilité de protéger qui, sauf erreur de notre part, s'inscrit dans le cadre strict de l'urgence163. Dans le cas haïtien164 par exemple, la chef de la diplomatie de l'UE165 Catherine ASHTON dans un communiqué signé également par les commissaires européens chargés respectivement du développement et de l'aide humanitaire Andris PIEBALGS et Kristalina GEORGIEV a fait mention de ce que, l'instabilité politique en Haïti ralentit et complique le processus de reconstruction. Il faut noter que, la stabilité et le fonctionnement démocratique d'Haïti constituent une condition préalable nécessaire pour que l'ensemble de la communauté internationale puissent coopérer dans l'optique de définir les besoins prioritaires du pays. Le 162 Banda Aceh, le 6 février. Le conflit avec le GAM «ne crée pas un environnement favorable à la reconstruction», indique le ministre indonésien des Affaires sociales. 163 N'ya t-il pas lieu de parler aujourd'hui d'une responsabilité de reconstruire ? 164 Il faut rappeler ici concernant la situation politique que, Haïti connaît une vie politique instable, marquée par plusieurs coups d'État, avant l'avènement au pouvoir de François Duvalier, en 1957. Celui-ci instaure un régime autoritaire qui exerce une sévère répression contre toute forme d'opposition. À la mort de Duvalier, en 1971, son fils François lui succède à la tête du pays. Il faut attendre 1986 avant que la contestation, qui s'amplifie depuis quelques années, n'entraîne le départ de Duvalier en exil. La Constitution adoptée en 1987 prévoit des réformes démocratiques, mais les militaires reprennent le contrôle du pays qui est brièvement dirigé par un président élu, Jean-Bertrand Aristide, en 1990-1991. Forcé à l'exil par l'armée, celui-ci revient au pouvoir en 1994 avec l'appui des Américains. Malgré la tenue d'élections, la vie politique à Haïti, un État d'une grande pauvreté, demeure cependant instable et imprévisible. 165 L'UE est le premier bailleur de fonds au monde en faveur d'Haïti. En mars 2010, elle s'était engagée à apporter au gouvernement haïtien une aide de 1,2 milliard d'euros. A ce jour, l'UE a engagé quelque 600 millions d'euros, soit plus de la moitié des fonds promis. A elle seule, la Commission a promis une aide de 522 millions d'euros dont 330 ont fait l'objet d'engagements. L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme processus électoral chaotique166 que connaît Haïti ne saurait dans ce sens constituer une aide pour le relèvement du pays167. C'est en effet à cause de cette instabilité et à cause de la coordination défectueuse168que la récupération de la gestion des opérations par l'armée américaine a été favorisée. Une gestion fortement contestée quant aux perspectives de reconstruction. Une interrogation nous vient à l'esprit. S'il est admis que le militaire n'est pas un acteur humanitaire et que dans le cas haïtien, son intervention est pour la plupart du temps guidée par un certain nombre d'intérets géostratégique (s) et/ou géopolitique (s)169, qu'est ce qu'un sinistré dans l'attente d'une rétrocession de ses capacités de choix (reconstruction) pourrait espérer d'une telle intervention ? Cette question pourrait également se poser dans un contexte où les institutions du pays sinistré sont gangrenées par une instabilité politique et par le fléau de la corruption. 2- / IKMEKKIWOKIP IIuTO TOMITOWEu dTOHE IIIDSISn : des blocages pour une mise en MrTOITOffective de la reconstruction. Lorsque survient dans un pays une catastrophe de grande envergure et que l'économie se porte bien, les possibilités de relèvement sont facilement envisageables. Evoquons une fois de plus le cas du Tsunami japonais de 2011 où les nombreux dégâts provoqués par la catastrophe ont été chiffrés à coup de dizaines de milliards de dollars170. À moyen terme cependant, l'économie japonaise pourrait rebondir fortement. Dressant un parallèle avec le séisme de Kobe, en 1995, Takuji Ôkubo, économiste à la Société Générale, souligne que la 166A la proclamation des résultats du premier tour, Mirlande MANIGAT arrive en tête avec 31 % devant le challenger Jude Célestin qui obtient 22%. Tous deux s'affronteront donc lors d'un second tour, dont la date avait été fixée provisoirement au 16 janvier. Le grand perdant de cette élection est le chanteur Michel MARTELLY. Pourtant, un groupe d'observateurs financé par l'Union européenne annonçait, sur la base de données recueillie dans 1600 bureaux de votes, qu'un deuxième tour aurait lieu entre Mirlande MANIGAT et Michel MARTELLY. Suite à cette annonce, Port-au-Prince a vécu des scènes de guérilla urbaine mardi soir : des manifestations ont eu lieu, des tirs ont été entendus et des barricades ont été dressées. Michel MARTELLY avait en effet promis une vague de contestation s'il ne passait pas le premier tour et il est capable de mobiliser des milliers d'admirateurs. Cf. http://www.lepost.fr/article/2010/12/08/2333074_election-en-haiti-un-deuxieme-tour-en-pointilles.html (Consulté le 19 avril 2011). 167 Selon l'Organisation internationale pour les migrations, plus de 800.000 Haïtiens vivent toujours dans des camps de réfugiés dans des conditions très difficiles. A cela s'ajoute une épidémie de choléra qui, depuis son apparition en octobre, a tué 3.651 personnes et fait 171.304 malades, selon les dernières données de l'OMS. 168 Notons ici que la mission des nations unies pour la stabilisation en HAITI déjà sur le terrain avant la crise, et fortement contestée par la population haïtienne, a été également sévèrement affectée par le séisme. 169 Sans nier évidemment l'apport sécuritaire des militaires dans le cadre de l'acheminement de l'aide en Haïti, 170 Deux jours après la catastrophe, les destructions résultant du séisme et du tsunami qui ont frappé le Japon vendredi restent encore difficile à évaluer. Seule certitude : le tremblement de terre aura «un impact considérable sur les activitéS économiques d'un grand nombre de secteurs», a prévenu le porte-parole du gouvernement japonais, Yukio Edano. Des conséquences qui devraient se chiffrer en dizaines de milliards de dollars. Selon le spécialiste de la gestion des risques AIR Worldwide, le coût du seul tremblement de terre (sans compter les devrait atteindre 34,6 milliards de dollars. Cf. http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2011/03/12/04016- 20110312ARTFIG00428-japon-l-economie-rebondira-apres-le-seisme.php. (Consulté le 07 mars 2011). L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme reconstruction devrait générer un surcroît d'activité, et le besoin de la population de renouveler ses biens endommagés doper la consommation171. Si le japon se retrouve dans cette situation aujourd'hui, c'est bien parce qu'avant la survenue du drame, l'économie reposait sur des bases solides. On ne peut pas en dire autant d'Haïti où la situation économique et sociale est épouvantable. En effet, l'impact de la catastrophe a été extrêmement grave et il a handicapé un peu plus une économie qui, jusqu'en 2006, avait connu plusieurs décennies de déclin172. C'est également le cas en Indonésie certainement avec moins d'acuité, qui six ans après le tsunami, peine encore à redresser son économie. Pour reconstruire un pays sévèrement affecté par une catastrophe, les acteurs de la reconstruction tant internes qu'internationaux ont un besoin énorme de fonds. On ne peut cependant pas dire, dans le cas indonésien et haïtien que ce sont les fonds qui ont manqué. En effet, la grande mobilisation orchestrée par les médias a entraîné une abondante générosité aussi bien sur le plan humain que sur le plan financier. Cependant, la reconstruction a été freinée par le fléau de la corruption. Six ans après le tsunami en Indonésie le prolongement de la reconstruction a été confié aux administrations locales, encore minées par la corruption et beaucoup s'interrogent sur leurs capacités à redresser l'économie de la province : Aceh doit maintenant faire face à une croissance affaiblie et à l'augmentation du taux de chômage dûe en partie au départ de la majorité des ONG (qui avaient pour priorité la gestion de l'urgence) et à la fin de la « bulle » des fonds post-tsunami. La reconstruction de la province indonésienne de Banda Aceh, à la pointe nord-ouest de Sumatra, la région la plus meurtrie par le tsunami du 26 décembre 2004, avait été conçue par le président Susilo Bambang Yudhoyono comme un modèle de transparence quant à l'utilisation des fonds - dons individuels d'une opinion mondiale bouleversée et assistance multilatérale des gouvernements. Il avait mis à sa tête un homme à la réputation impeccable sur ce plan, l'ancien ministre de l'énergie Kuntoro Mangkusubroto qui jurait en décembre 2005 que bien qu'un peu de retard ait été pris au démarrage, tout allait se passer "dans une propreté financière totale". Deux ans après le désastre - qui a fait à Aceh 200 000 morts et disparus et 500 000 sans-abri - les nuages commencent à s'accumuler sur l'opération. En effet, Le Bureau de Réhabilitation et Reconstruction (BRR) de M. Kuntoro est accusé depuis août 2006 par 171 «Après le tremblement de terre de 1995, le PIB japonais a crû de 1,9% en 1995, puis de 2,6% en 1996, alors que la croissance moyenne de l'économie nippone sur cette période était de 1,5%. La consommation a progressé de 2,2% entre 1995 et 1996 contre 1,1% en moyenne entre 1995 et 2004», précise Takuji Okubo. (Consulté le 14 mars 2011). 172Voir Crisis Group, Latin America/Caribbean Briefing N°19, Haiti 2009: Stability at Risk, 3 mars 2009. L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme diverses Organisations Non Gouvernementales indonésiennes luttant contre la corruption, d'avoir laissé filer plusieurs millions de dollars dans des poches personnelles. M. Kuntoro lui- - même s'est vu reprocher de percevoir un salaire supérieur de plus de 10 % à celui du chef de l'Etat indonésien. Un an après le séisme en Haïti, la reconstruction ne décolle toujours pas, certes à cause du non respect des promesses qui ont été faites par les donateurs, mais aussi à cause de la corruption. « Où sont passés les milliards promis »? S'interroge Stéphane PALLAGE173. Pour lui, il est loisible de conclure que ces inquiétudes sont fondées en Haïti car basées sur un historique d'institutions fragiles et corrompues. La corruption est bien présente en Haïti et elle freine certainement la reconstruction174. En dehors des limites ci-dessous évoquées, d'autres facteurs sont à même de freiner la reconstruction. Paragraphe 2 : La non prise en compte des
capacités locales ou l'imposition d'un modèle L'examen des capacités locales pour parler de l'Etat (A) précédera celui des facteurs culturels (B). |
|