L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
DEDICACES
Je dédie ce travail :
Au Seigneur Dieu Tout Puissant pour l'orientation, le
contrôle et la force accordée jusqu'ici pour mener jusqu'au bout
tous mes travaux durant mon cursus académique.
A ma feue mère Mme BATA née Ngo Nouga
Philomène et à mon père Mr BATA Pierre Roch, qui ont
toujours cru aux sacrifices et aux bienfaits de l'éducation.
A tous ceux qui sont confrontés dans leur chair ou
devant leurs écrans à la violence, aux souffrances et à la
marginalisation. A tous ceux qui la subissent, à tous ceux qui la
combattent et militent pour la reconstruction d'un monde plus juste.
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indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
REMERCIEMENTS
Au seuil de la présentation de ce travail, je ne
saurais omettre d'exprimer mes sincères remerciements à tous ceux
sans le concours multiforme de qui il n'aurait assurément jamais vu le
jour.
Je voudrais remercier tout d'abord le Professeur Ernest-Marie
MBONDA, non seulement parce qu'il a dirigé ce travail, mais aussi parce
qu'il m'a permis de bénéficier de ses conseils pratiques, et ceci
malgré ses innombrables engagements.
Mes remerciements vont ensuite à l'Association pour la
Promotion des Droits de l'Homme en Afrique Centrale (APDHAC), à
l'Université Catholique d'Afrique Centrale (l'UCAC) et à
l'Université de Yaoundé II pour la formation reçue.
Je suis également reconnaissant à tout le corps
enseignant du Master Droits de l'homme et action humanitaire pour m'avoir
formé. Que le Professeur Jean Didier BOUKONGOU, Directeur du Master
Droits de l'homme et action humanitaire soit particulièrement
remercié pour la formation offerte, la rigueur dans le travail et pour
l'opportunité à nous offerte de découvrir le vaste domaine
des Droits de l'homme et de l'action humanitaire.
A tout le personnel de la Croix Rouge et spécialement
au Dr GALIATCHA pour la disponibilité et l'encadrement durant mon stage
académique.
Mes remerciements s'adressent également à tous
mes amis et surtout mes camarades de la promotion Simone Weil pour leur soutien
multiforme.
La beauté de la finale ne devrait pas faire oublier le
début : j'aimerais particulièrement remercier mes parents, mon
frère aîné Carlos Nicolas BATA pour son important soutien.
Ma gratitude s'adresse également à mon frère Hervé
BATA et à mes soeurs Dominique BATA, Marguerite BATA, Joyce BATA,
Pierrette BATA, Nicole BATA qui ont été pour moi une source de
motivation.
Je ne saurais clore sans remercier mon comité de
relecture composé de Igor NGIMA, Mirelle MEFANME, Yvonne NGO OUM,
Christelle TCHATCHOU dont l'abnégation aura permis d'accroître la
clarté et la lisibilité de ce travail.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
SIGLES ET ABREVIATIONS
AGNU : Assemblée Générale des
Nations Unies
BM : Banque Mondiale
CEP : Conseil Electoral Provisoire
CERF : Central Emergency Response Fund
CH : Coordinateur Humanitaire
CICR : Comité International de la Croix-Rouge et
du Croissant Rouge
CIRH : Commission intérimaire pour la
reconstruction d'Haïti
Ed : Editions
ERC : Emergency Relief Coordinator
ERU : Equipe de Réponse aux Urgences
Humanitaires
FAO : L'Organisation des Nations Unies pour
l'Alimentation et l'Agriculture
FIDA : Fonds International de Développement
Agricole
FMI : Fond Monétaire International
GAM : Mouvement pour un Aceh libre
HRR : Humanitarian Response Review
Ibid : Ibidem (même chose)
IHNG : Institution Humanitaire Non
Gouvernementale
ISDR : Stratégie Internationale de
Prévention des Désastres
MDM : Médecins Du Monde
MINUSTAH : Mission des Nations Unies pour la
Stabilisation en Haïti
MSF : Médecins Sans Frontières
OCHA : Office for the Coordination of Humanitarian
Affairs
OIT : Organisation Internationale du Travail
ONG : Organisation Non Gouvernementale
OP CIT : Opus Citadum (déjà
cité)
PAH : Plan d'Action Humanitaire
PAM : Programme Alimentaire Mondial
PF : Pool Fund
PNH : Police Nationale d'Haiti
RDC : République Démocratique du
Congo
RFI : Radio France International
SCHR : Programme du Comité Directeur pour l'Action
Humanitaire
SCHR : Steering Commitee for Humanitarian
Response
UE : Union Européenne
UN : United Nations
UNASUR : Union des Nations
Sud-Américaines
UPU : Union Postale Universelle
URD : Urgence, Réhabilitation,
Développement
USD : Dollars américain
VSF : Voix Sans Frontières
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
RESUME
Chaque jour des milliers de personnes meurent de faim, se
retrouvent sans abris ou sans soins adéquats. Les catastrophes
naturelles sont un exemple qui peut entraîner des êtres humains
dans des situations qui ne leur permettent plus de survivre par leurs propres
moyens. Ce n'est qu'avec le soutien d'autres personnes que ces hommes ont une
chance de subsister. L'aide humanitaire est l'une des réponses à
la détresse provoquée par ce genre de crise : elle permet de
sauver des gens, de les aider à reconstruire leur existence et essaie de
leur redonner l'espoir en l'avenir. L'aide humanitaire permet de
remédier à la détresse la plus grave. Dans ce sens,
beaucoup d'espoirs reposent sur le dos des acteurs humanitaires qui dans la
plupart de leurs interventions, restent crispés sur le ressort exclusif
qui a promu l'action humanitaire : l'urgence. Celle-ci est certes
indispensable, mais il faut reconnaître qu'il devient de plus en plus
nécessaire d'élargir le champ de l'action humanitaire à la
reconstruction (méme s'il est admis que c'est aux Etats sinistrés
qu'incombe le rôle premier de supprimer la cause des crises et de
combattre les racines mêmes de la détresse). Ce travail a donc
pour but de présenter les principales limites de l'aide humanitaire.
L'objectif est de montrer que l'aide centrée sur l'urgence peut parfois
diminuer fortement son effet bénéfique. Contribuer en
l'occurrence à l'échec de la reconstruction. Le but n'est pas de
remettre en question l'aide humanitaire d'urgence, laquelle sera toujours
nécessaire, mais de montrer que sa prépondérance dans les
situations de crise peut annihiler ou freiner tout espoir de reconstruction.
Mots dles :
Action humanitaire, bénéficiaires,
Communauté internationale, crise humanitaire, Dons, Reconstruction,
Séisme, Tsunami, urgence humanitaire, MSF.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
ABSTRACT
Every day, thousands of people die of hunger, become homeless
or without appropriate treatments. Natural disasters are an example that may
lead human beings to states in which they can no more survive by their own
means. Their only chance to survive is the support of some other people.
Humanitarian aid is one response to the poverty caused by this type of crisis:
it saves people, helps them to rebuild their lives and tries to give hope in
the future. Humanitarian aid helps to remedy to the worse poverty. That is,
hope lies on humanitarian actors who in most interventions, enclose theirselves
in the cause of the humanitarian action: emergency. This is certainly
essential, but we have to admit that it becomes more and more necessary to
widen the field of humanitarian action to rebuilding (even if it is admitted
that it falls to the disaster-stricken country to suppress the cause of the
crisis and fight the roots of poverty). This work therefore aims at presenting
the main limits of humanitarian aid. The goal is to show that aid centered on
emergency may sometimes harm more than it relieves, or considerably reduce its
positive effects. It may contribute to the failure of the reconstruction
indeed. The aim is not to question urgent humanitarian aid, that will always be
necessary, but to show that its preponderance in crisis may annihilate or slow
down any hope of reconstruction.
Keys words:
Humanitarian Action, Benefactor, International Community,
Humanitarian Crisis, Rebuilding, Donation, Earthquake, Tsunami, Humanitarian
Emergency, MSF
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
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SOMMAIRE DEDICACES I
REMERCIEMENTS
II
SIGLES ET ABREVIATIONS III
RESUME IV
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : L'INTERVENTION HUMANITAIRE EN INDONESIE
ET EN
HAITI : ENTRE URGENCE ET RECONSTRUCTION 17
CHAPITRE I: LE CADRE JURIDIQUE DE
L'INTERVENTION HUMANITAIRE EN INDONESIE ET EN HAITI 18
SECTION 1 : UN CADRE JURIDIQUE DE L'ACTION HUMANITAIRE LACUNAIRE
DANS LE DOMAINE DE LA RECONSTRUCTION. 18 SECTION 2 : LE DEPLOIEMENT
INSTITUTIONNEL HUMANITAIRE ET LA MOBILISATION EN INDONESIE
ET EN HAÏTI AU SERVICE DE L'URGENCE. 25
CHAPITRE II: LA MISE EN OEUVRE DE LA
RECONSTRUCTION INDONESIENNE ET HAITIENNE: POLEMIQUE ET MALAISE 31
SECTION 1 : LA GESTION DE LA RECONSTRUCTION EN INDONESIE ET EN
HAÏTI 31
SECTION 2 : LA PREDOMINANCE DE LA GESTION DE L'URGENCE
GENERATRICE DE NOUVELLES CRISES : LES EFFETS PERVERS DE L'ASSISTANCE PROLONGEE
38
DEUXIEME PARTIE : LES FREINS ET LES PERSPECTIVES
POST-CATASTROPHE EN INDONESIE ET EN HAITI 45
CHAPITRE I: LES FREINS A LA MISE EN
OEUVRE DE LA RECONSTRUCTION 46
SECTION 1 : L'INTERVENTION LIMITEE ET INTERESSEE DES ACTEURS
HUMANITAIRES ET L'ABSENCE DE FINANCEMENT COMME UNE ENTRAVE A LA RECONSTRUCTION
46 SECTION 2 : LES PRATIQUES DE L'ACTION HUMANITAIRE COMME UNE ENTRAVE A
LA
RECONSTRUCTION. 51
CHAPITRE II: PERSPECTIVES POUR UNE
MEILLEURE PRISE EN COMPTE DE LA RECONSTRUCTION DANS L'HUMANITAIRE
60
SECTION 1 : PERSPECTIVES INTERNES POUR UNE MEILLEURE
RECONSTRUCTION 60
SECTION 2 : LA MISE EN OEUVRE DE L'APPROCHE PARTICIPATIVE ET LE
ROLE CATALYSEUR DES ETATS ET DES MEDIAS POUR UNE RECONSTRUCTION EFFICACE. 64
CONCLUSION GENERALE 69
BIBLIOGRAPHIE 70
ANNEXES 77
TABLE DES MATIERES 78
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
INTRODUCTION GENERALE
« L'action humanitaire est celle qui vise, sans
aucune discrimination et avec des moyens pacifiques, à préserver
la vie dans le respect de la dignité, à restaurer l'homme dans
ses capacités de choix. »1. Les désastres
humains, sociaux, infrastructurels et économiques
générés par les catastrophes naturelles ont appelé
de par le monde à une prise de conscience générale de
leurs conséquences destructrices. Ainsi, Etats, Organisations
Internationales, ONG s'accordent à travers des actes et des
décisions sur la nécessité de réduire les effets de
ces phénomènes. Le code de conduite pour le mouvement
international de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge précise que
« le droit de recevoir et d'offrir une assistance humanitaire est un
principe humanitaire fondamental dont devraient bénéficier tous
les citoyens de tous les pays »2.
Aussi, a-t-on vu se déployer dans l'urgence, en
Indonésie3et en Haïti4, un déferlement
de générosité planétaire pour venir en aide aux
victimes et exorciser les images cauchemardesques qui inondaient les
écrans. Les acteurs humanitaires sur le terrain ont apporté leur
soutien aux victimes, pour limiter dans l'urgence les
vulnérabilités de ces dernières. Cependant et au regard de
la gestion actuelle des crises5 et de la réalité
sociale qui y prévaut6, un certain nombre de questions
méritent une attention particulière : une fois les morts
enterrés, les blessés soignés, les sinistrés
regroupés, faut-il considérer que la tâche est
achevée ? Faut-il laisser les sinistrés désespérer
de l'avenir ? Quand s'arreter ? L'objectif de rétablir l'homme dans ses
capacités de choix à travers le procédé de
reconstruction semble etre oblitéré par la réduction du
champ de l'humanitaire au seul périmètre de l'urgence.
On assimile en effet aujourd'hui la cause humanitaire à
l'intervention d'urgence, comme si l'on pouvait se contenter de sauver
quelqu'un de la noyade pour ensuite
1 Rony BRAUMAN, L'action humanitaire,
Flammarion, « Dominos », Paris, 1995, p. 9.
2 Le code de conduite pour le mouvement international
de la Croix-Rouge et du croissant rouge et pour les ONG lors des
opérations de secours d'urgence en cas de catastrophes.
3 Le 26 décembre 2004, les vagues du Tsunami
ravagent les cotes d'Asie du Sud-est et emportent avec elles plus de 200 000
personnes.
4 Le 12 janvier 2010, un puissant séisme de
magnitude 7,3 sur l'échelle de Richter a frappé l'ile
d'Haïti prés de la capitale Port au prince occasionnant la mort de
plus de 212.000 personnes.
5 Les crises indonésienne et haïtienne.
6 Aujourd'hui en Haïti comme en Indonésie,
plusieurs personnes manquent encore du strict minimum pour survivre.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
l'abandonner sur la berge. Dans ce sens, « la
restriction des interventions humanitaires aux situations d'urgence ne
correspond plus au principe d'humanité qui implique l'obligation d'agir
dans toutes les circonstances, et pas seulement dans les circonstances les plus
urgentes et les plus tragiques »7.
Au delà de l'enjeu de la protection des populations
vulnérables, c'est bien le sens de l'action humanitaire qui est remis en
cause, dans ses aptitudes à pouvoir s'inscrire dans la durée.
Mais par-dessus tout, c'est bien de la protection de la vie, de
l'intégrité physique et morale ainsi que de la dignité de
la personne humaine, dont il est question.
I- CONTEXTE DE L'ETUDE
Les catastrophes naturelles occupent de nos jours le devant de
la scène de l'actualité internationale. Le 26 décembre
2004 et le 12 janvier 2010, l'Indonésie et Haïti ont
été respectivement frappés par un violent
tsunami8 et secoués par un puissant tremblement de
terre9, occasionnant dans les deux cas, de nombreuses pertes tant
sur le plan infrastructurel et économique que sur le plan
humain10. Il fallait agir et ce dans l'urgence. Ainsi, à
l'occasion de la Conférence de l'Organisation des Nations Unies sur le
financement de l'aide humanitaire11 à Genève en
Suisse, le Secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon a
appelé la communauté internationale à « redoubler
d'efforts pour assurer un financement suffisant permettant de répondre
aux urgences et au travail humanitaire qui sauve des vies ». En
effet,
7Ernest-Marie MBONDA, L'action humanitaire en
Afrique, lieux et enjeux, Paris, Edition des archives contemporaines,
2008, p. 67.
8Beth GREENHOUGH, Tariq JAZEEL et Doreen MASSEY,
« Introduction: geographical encounters with the Indian Ocean tsunami
», in Geographical Journal, vol. 171, no. 4, Décembre 2005, p.
369.
9 Le 12 Janvier 2010, Haïti est frappé par
un violent séisme. Celui-ci fait 300 000 victimes et 1,5 million de
sansabris.
10Haïti et l'Indonésie, avant la
survenue du séisme et du tsunami connaissent une certaine
instabilité, marquée par des crises politiques et des
problèmes climatiques. L'Indonésie, particulièrement Aceh
est, le théâtre depuis 1976, d'une
rébellion, animée par le GAM (Mouvement pour un
Aceh Libre), qui s'explique en partie par le sentiment des habitants d'Aceh
d'être marginalisés par le pouvoir central de Jakarta et
dépossédés de leurs ressources en hydrocarbures. C'est
aussi une partie du pays qui vit dans un contexte religieux très
sensible.
Haïti, pays qui occupe la partie Est de l'île
d'Hispaniola, dans l'archipel des Antilles (la partie Ouest étant
constituée de la République Dominicaine), a une histoire faite
d'instabilité politique et de catastrophes climatiques.
Indépendants depuis 1804, après avoir été
colonisés par les Espagnols et les Français, les Haïtiens
connurent l'occupation américaine à partir de 1915, puis la
dictature jusqu'à la fin des années 1980, avec les Duvalier
père et fils. Jean Bertrand Aristide, Président élu au
suffrage universel en 1990, est renversé un an plus tard par un coup
d'Etat militaire et contraint de s'exiler. Il revient au pouvoir trois ans plus
tard, avant de s'exiler à nouveau en 2004, sous la pression de la
communauté internationale. Depuis 2006, c'est l'un de ses proches,
René Préval, qui préside la République
d'Haïti. En plus de cette instabilité politique, l'île est
confrontée à de nombreux aléas climatiques.
11 L'ONU appelle à financer l'action
humanitaire en 2011, Conférence de l'ONU sur le financement de l'aide
humanitaire, à Genève, en Suisse, 25 janvier 2011.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
dans les premiers mois de la crise
indonésienne12 et haïtienne, la mobilisation a
été sans précédent. En Haïti par exemple, on a
noté la promptitude avec laquelle acteurs humanitaires, stars de
cinéma, artistes et musiciens se sont manifestés. A coté
de cette mobilisation, plusieurs actions concertées ont
été mises en oeuvre. D'une part, pendant que Bill Clinton,
émissaire spécial des Nations unies pour Haïti était
en visite à Port-au-Prince, le conseil de sécurité se
réunissait à New York. D'autre part à Bruxelles, l'Union
Européenne décidait d'une aide d'urgence supplémentaire et
à Saint-Domingue, se tenait une première réunion de
donateurs. Au Bénin, pays considéré comme le berceau du
peuple haïtien, une collecte de fonds y a été
organisée13. Dans le cas du tsunami, la quantité
importante des dons14 collectés a conduit certaines
organisations humanitaires, à l'instar de Médecins sans
frontières (MSF), à appeler à l'arrêt de ceux-ci en
sa faveur, en expliquant que ce qu'elle avait reçu était
très largement suffisant.
De manière assez contradictoire, un an après le
séisme de Port-au-Prince, c'est encore le chaos. Bon nombre de rapports
continuent de présenter la situation précaire dans laquelle vit
la population. Dans la capitale, c'est à mains nues que les habitants
déblaient les décombres. Sur les rares chantiers en cours munis
de simples seaux en plastique, parfois de pelles, ils déversent à
longueur de journée la terre, les fers à béton, les
briques, les gravats, tout ce que le séisme a laissé de leurs
maisons, à même les trottoirs et les rues15. La
reconstruction est encore au point mort16. Les sans-abris sont
toujours dans une situation de précarité, de nombreuses personnes
affamées et sans eau potable, et l'épidémie de
choléra meurtrière17 rappelle le piteux état
sanitaire du pays. En Indonésie, considérée comme un
exemple d'une reconstruction plus ou moins réussie, c'est la
qualité de cette reconstruction, à travers les programmes
élaborés qui est interrogée quand on sait l'importance des
moyens
12 Plus de 220 000 morts, dont 40 900
élèves et 2 500 enseignants ; 500 000 personnes
déplacées ; 247 hôpitaux et centres médicaux
détruits ; 1 755 écoles détruites ou endommagées ;
1 082 enfants orphelins des deux parents et 70 enfants orphelins et qui n'ont
plus aucune famille.
13 Dans ce pays qui abrite la seule
représentation diplomatique d'Haïti sur le continent africain,
associations, ONG et autres particuliers se font un devoir de venir en aide
à Haïti. Pour les Béninois, les Haïtiens sont un peuple
frère.
14 Le Comité international de la Croix-Rouge
a reçu 1,5 milliard d'euros, soit autant qu'en plusieurs
décennies pour plus d'un millier de catastrophes naturelles couvertes
par le CICR ces dernières années.
15 Pierre SALIGNON et Luc ÉVRARD,
« Haïti ne peut plus attendre », in
Humanitaire, disponible sur
http://humanitaire.revues.org/index841.html,
mis en ligne le 07 janvier 2011 (Consulté le 20 février 2011).
16 Oxfam porte un regard sévère sur
la situation en Haïti. «Ni l'État haïtien, ni la
communauté internationale n'a progressé sur le plan de la
reconstruction».
17 L'épidémie a déjà
officiellement causé plus de 3 000 décès et affecté
plus de 52 000 personnes. Mais, selon l'Organisation mondiale de la
santé (OMS), le nombre de cas pourrait atteindre 70 000, la maladie
touchant environ 400 000 personnes au cours des douze prochains mois. De leur
côté, les autorités sanitaires et les organisations non
gouvernementales (ONG) se déclarent impuissantes à enrayer la
contagion.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
financiers récoltés à cet effet. Par
ailleurs, si la vie semble avoir repris son cours, force est de constater que
l'argent à lui seul ne cicatrise pas les profondes blessures. En effet,
les images d'une ville dévastée comme au lendemain d'un
bombardement ne disparaissent pas de la mémoire des victimes « d'un
revers de la main ». Eléonore LABATTUT18 évoque
d'ailleurs le niveau de vie encore très bas d'une partie de la
population indonésienne touchée par le tsunami19. Elle
souligne par ailleurs que de nouvelles tensions pourraient voir le jour si les
efforts dans l'éducation, le développement et l'économie
ne s'étendaient pas à ces districts.
Le contraste apparent entre l'état de dénuement
des populations sinistrées qui vivent encore aujourd'hui dans une grande
précarité et l'objectif de l'action humanitaire de remettre
l'homme dans ses capacités de choix nous amène à nous
interroger sur la finalité de l'action humanitaire.
II À DELIMITATION DE L'ETUDE
Dans l'optique de bien cerner notre sujet, il est
nécessaire d'opérer une délimitation spatiale (A),
matérielle (B) et temporelle (C).
A À Délimitation
spatiale
Le Tsunami du 26 décembre 2004 qui a tué plus de
200 000 personnes et détruit de milliers de villages côtiers a
affecté 12 pays asiatiques20. Notre étude portera
particulièrement sur l'Indonésie, considéré comme
le pays le plus touché avec plus de 167000 victimes21. Notre
étude s'appuiera également sur le cas d'Haïti qui a
été violement frappé par un séisme en 2010.
Les terrains d'Haïti et de l'Indonésie
siéent à notre étude dans la mesure où ils nous
permettent de nous interroger sur la place que les acteurs humanitaires
accordent à la reconstruction dans leurs interventions, à travers
un questionnement déjà formulé par Jean François
MATTEI : « L'urgence humanitaire et Après » ?
18 Eléonore LABATTUT est architecte. Elle a
collaboré avec l'ONG Architecture et Développement en Inde en
2005, et a effectué dans le cadre universitaire plusieurs études
urbaines et territoriales.
19Six ans après le tsunami, plus de 3000
personnes sont encore sans logement,
http://www.rfi.fr/contenu/20091218-6-ans-après-le-tsunami-nouveaux-défis-Aceh.
20 Tous ces pays n'ont pas été
également et indistinctement affectés par le tsunami puisque
l'épicentre du séisme, qui est à l'origine des
raz-de-marée, est situé tout à l'est de l'océan
Indien, à proximité de la province indonésienne d'Aceh, au
nord de Sumatra, où les trois quarts des victimes ont été
recensées.
21THE ASSOCIATED PRESS. «
Cérémonies à la mémoire des victimes du tsunami de
2004 en Asie », 26 décembre 2009,
http://www.latribune.fr/depeches/associated
(Consulté le 11 janvier 2010).
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
B- Délimitation matérielle
Notre étude convoquera en premier lieu, les normes
contenues dans la Charte Humanitaire et Normes Minimales pour les
Interventions lors de Catastrophes naturelles22. Il sera aussi
question de faire recours aux différents principes et codes qui
régissent les interventions des différents acteurs humanitaires
sur le terrain. Il s'agit du Code de conduite pour le mouvement
international de la croix rouge et du croissant rouge et pour les ONG lors des
opérations de secours en cas de catastrophes, les dix principes de
Médecins Sans Frontières. Nous ferons également
mention de la responsabilité de protéger, un concept selon lequel
les États souverains ont l'obligation de protéger leurs propres
citoyens contre des catastrophes évitables, mais en vertu duquel aussi,
s'ils refusent ou ne sont pas en mesure de le faire, cette
responsabilité incombe à la communauté internationale.
Acteurs importants dans les interventions humanitaires, les résolutions
et rapports des Nations unies en matière de gestion des catastrophes
seront nécessaires dans le cadre de notre travail. Ces textes nous
permettront dans le cadre de notre étude, de mettre en exergue la place
fondamentale et essentielle que les acteurs humanitaires accordent à
l'urgence, ce qui peut être à l'origine du vide juridique que l'on
observe aujourd'hui dans le champ de la reconstruction.
C À Délimitation
temporelle
L'Indonésie et Haïti sont des pays qui ont connu
plusieurs catastrophes naturelles. Loin d'avoir la prétention d'analyser
toutes ces catastrophes, notre étude aura pour point de départ
l'année 2004 qui représente pour les populations
indonésiennes une date significative au vu de l'importance des
dégâts occasionnés par le violent tsunami qui a sévi
ce jour là dans l'ile. Nous nous référerons
également à l'année 2010, Une date qui restera sans doute
à jamais gravée dans la mémoire des Haïtiens. Ainsi,
prenant pour point de départ l'année 2004 et compte tenu de la
survenue de la crise haïtienne en 2010, nos travaux se limiterons en juin
2011, date de la présentation des résultats de nos recherches.
III À DEFINITION DES CONCEPTS
Le sujet sur l'action humanitaire et la reconstruction
présente un certain nombre de concepts qu'il conviendrait de clarifier.
Il s'agit plus précisément de l'action humanitaire(A) et de la
reconstruction(B).
22 Ces normes sont de nature qualitative et
précisent les niveaux minimaux à atteindre dans une intervention
humanitaire destinée à porter secours aux personnes en
détresse.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
A- / 4D1111010P DnitDire
J.L. BLONDEL définit l'action humanitaire à
travers une liste de fournitures et services : « secours nutritionnels
et matériels, assistance médicale, démarche contre les
mesures arbitraires de détention, visites-entretiens sans
témoins, réconfort spirituel, communication avec la famille,
recherche de personnes, rapatriements, réunions de familles, couverture
de certains besoins culturels comme l'éducation.
»23 Cette définition a l'intérêt de
mettre en évidence les domaines variés de l'action humanitaire :
« assistance ponctuelle, interventions de nature politique,
restauration des liens familiaux perturbés, culture et
éducation~etc Par ailleurs, elle permet de prendre en compte l'ampleur
de la complexité des problèmes que soulèvent des
situations ou des crises humanitaires, et sans doute aussi des
difficultés à y répondre de façon
adéquate »24. Riche en extension, cette
définition présente cependant la difficulté de formuler
une définition permettant de cerner la notion d'humanitaire.
Rony BRAUMAN quant à lui définit l'action
humanitaire comme « celle qui vise, sans aucune discrimination et avec
des moyens pacifiques à préserver la vie dans le respect
de la dignité, à restaurer l'homme dans ses
capacités de choix
25. Chez BRAUMAN et comme l'a expliqué
Ernest Marie MBONDA, « la signification de l'humanitaire réside
en premier lieu dans la visée fondamentale de la préservation de
la vie, celle-ci étant, pour l'rtre humain au moins, inséparable
de la notion de dignité et d'autonomie intrinsèquement
liées au concept mrme de l'homme ». Pour lui, cette
signification n'est pas neutre car « prend en compte, le grief qui a
souvent été formulé contre l'action humanitaire, en
l'occurrence, celui prétendant qu'elle installe les individus
secourus, dans une situation de dépendance plutôt que de les
aider à retrouver leur autonomie, grief auquel répond la
dernière partie de la définition : restaurer l'homme dans ses
capacités de choix ».
26
Selon Jean François MATTEI, l'action humanitaire est
une action qui se noue entre deux consciences humaines. Une action qui consiste
à créer des conditions d'un équilibre personnel qui permet
à chaque bénéficiaire de se relancer, d'être
à mesure de vivre sa vie. Une action qui permet à chaque personne
d'avoir au moins un toit, une instruction, un accès
23J.L. BLONDEL, « Signification du mot
«humanitaire » au vu des principes fondamentaux de la croix rouge
et du croissant rouge », in RICR, N°780,
Genève, 1989, pp. 535-536.
24 Ernest-Marie MBONDA, op. Cit. p. 23.
25 Rony BRAUMAN, L'action humanitaire Op. Cit.
p. 9.
26Rony BRAUMAN, L'action humanitaire, Op.
Cit. p. 9.
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aux soins, une activité productrice de revenus suffisants
pour satisfaire les besoins d'une famille.
A la lumière de la définition de Ernest-Marie
MBONDA, nous admettons au final que, « l'action humanitaire est une
action qui consiste pour des acteurs de catégories diverses, agissant au
nom d'un certain nombre de principes ou de valeurs, à déployer
des efforts et des moyens humains, matériels et financiers pour
délivrer de la détresse des personnes placées par des
circonstances plus ou moins exceptionnelles dans des situations
particulièrement difficiles »27. C'est celle qui
poursuit l'action, accompagne corps brisés et dmes en peine, pour leur
permettre de repartir dans la vie, la vraie vie de tous les jours, assurer la
vie après la survie. C'est cette définition qui guidera notre
travail.
B- La reconstruction
Il n'est pas toujours aisé de donner une
définition arretée au concept de reconstruction28.
Cependant pour comprendre la notion, il est important de la situer dans le
temps29. La reconstruction évoque certaines interrogations :
pour qui reconstruire? Avec qui reconstruire?, par qui reconstruire ? et
comment reconstruire ?
Jean François MATTEI voit dans la reconstruction, au
delà de la remise en l'état des édifices un aspect plus
englobant. La reconstruction pour lui, est « la capacité
à réussir à vivre et à se développer
positivement, de manière socialem ent acceptable, en dépit du
stress ou d'une adversité qui comporte normalement le risque grave d'une
issue négative »30. Le CICR parlera plutôt de
la « transition ». Il s'agit donc de venir en aide aux
populations
27 Ernest-Marie MBONDA, Op. Cit, p. 25.
28 Elle s'appréhende généralement
selon le dictionnaire Larousse comme « l'action de rétablir
dans son état originel », p. 906.
29 D'après une analyse de Bernard HUSSON,
affirmer que la reconstruction est à la jonction de l'urgence et du
développement signifie qu'elle occupe une temporalité
précise, ce que reconnaissent les experts dans le domaine. Une
périodisation conventionnelle est la suivante : trois mois pour
l'urgence, six pour la réhabilitation, axée sur le retour aux
activités productives, puis la reconstruction proprement dite, ne
dépassant pas deux ans d'intervalle, si possible. Pour lui, cet
échelonnement peut sembler arbitraire, et il l'est d'ailleurs puisque
souvent les activités se prolongent au-delà du découpage
temporel ci-dessus. Néanmoins, il indique bien les paramètres
dans lesquels opèrent les bâtisseurs humanitaires. La
reconstruction post désastre s'inscrit donc dans des balises temporelles
de l'urgence. Par ailleurs les activités de reconstruction se
distinguent de celles du développement. Les premières sont
conçues sur les court et moyen termes pour secourir, soigner les
victimes et rebâtir toutes sortes d'infrastructures. Quant aux secondes,
elles s'occupent en principe du long terme, de la transformation des
sociétés vers un avenir supposé meilleur. La
reconstruction participe à une logique développementaliste et le
fait autour d'un concept charnière, celui de la
vulnérabilité, sur lequel il est nécessaire de s'attarder.
Cependant, celle-ci ne concerne pas seulement les édifices, ponts et
routes mais aussi des questions d'ordre social et psychologique.
30 Un Face-à-face entre Rony BRAUMAN et Jean
François Mattei, Quelles frontières pour l'action humanitaire
? Disponible sur
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/quelles-frontieres-pour-l-actionhumanitaire_483687.html,Propos
recueillis par Anne VIDALIE, publié le 15/12/2005 (Consulté le
07/08/2011).
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
sinistrées, les remettre dans leurs capacités de
choix en leur remettant la décision de leur futur et en les
libérant de la dépendance.
Jean Didier BOUKONGOU en complétant la
définition de Mattei, intègre dans la reconstruction le
critère qualité. Pour lui en effet, « la reconstruction d'un
pays sinistré implique une compréhension fine des
déterminants de la crise humanitaire. Si l'on reconstruit à
l'identique, on risque de recréer ce qui fut à l'origine de la
crise »31. Reconstruire n'est évidemment pas qu'une
question logistique ou de moyens32. En effet, reconstruire à
l'identique n'a aucun sens quand c'est l'emplacement de
l'habitation33qui est à l'origine de la
vulnérabilité. La reconstruction doit garantir une
réduction des risques ou des vulnérabilités et c'est en
cela qu'elle pourra mieux concourir à la répartition
équitable des ressources du pays. Au final, la reconstruction pour nous
c'est éviter de ne voir que la victime, mais l'humain dans sa
globalité, ses besoins, ses capacités, ses aspirations, ses
projets et même parfois ses rêves34.
IV -INTERET DE L'ETUDE
Cette étude présente un double intérêt
scientifique (A) et social (B) A- L'intérr~t scientifique
L'intérêt scientifique ici suppose l'apport de
cette étude dans le monde de la science et de la recherche, en ce qui
concerne la problématique de l'action humanitaire et de la
reconstruction. Loin d'être des pionniers en la
matière35, notre étude en mettant en exergue de
façon simultanée les cas de l'Indonésie et d'Haïti
présente un intérêt scientifique.
Il nous amène en effet dans le cadre de notre travail
à constater que l'instauration d'un véritable débat sur la
reconstruction tant sur le plan juridique que sur le plan pratique, permettra
au domaine de la science, de relever la faiblesse de l'encadrement du volet de
la reconstruction dans le champ de l'humanitaire.
31Jean Didier BOUKONGOU, Gestion de l'action
humanitaire, Cours de Master Droits de l'homme et Action humanitaire,
2010-2011, UCAC/APDHAC, Yaoundé, p. 15, inédit.
32 Tous ceux qui ont accompagné un jour le
retour de personnes déplacées ou refugiées comprennent
combien la reconstruction physique d'une maison est la partie la plus simple du
processus de l'aide.
33 Au bord du fleuve, sur une zone inondable.
34 La reconstruction est réalisée pour
les morts, les blessés, les vivants d'une population sinistrée
tant, dans leur maison, leur chair, dans les hôpitaux, mais aussi dans
leurs idées, leurs rêves.
35En ce qui concerne la reconstruction, bon nombre de
travaux scientifiques se bornent à mettre en exergue la
nécessité de la prendre en compte, sans en donner les voies et
moyens.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
B- L'intérêt social
Notre étude sur le plan social, permettra d'envisager
de nouveaux mécanismes pour une meilleure prise en compte du volet de la
reconstruction, dans les interventions humanitaires.
Ainsi, elle interpelle au premier chef, les acteurs de
l'humanitaire. En effet, la connaissance scientifique doit pouvoir guider
l'action. Une étude qui met en exergue la problématique de la
reconstruction peut permettre aux acteurs de l'humanitaire d'élargir
leur champ d'action ou de compétence, dans l'optique d'améliorer
les réponses apportées lors de leurs interventions.
Au second chef, notre étude bénéficie
à la population sinistrée. En effet, la prédominance de la
gestion de l'urgence pose des problèmes en rapport avec la
dignité humaine. Notre étude milite en faveur du respect de la
dignité des populations victimes des catastrophes.
V - REVUE DE LITTERATURE
Aborder la thématique de l'action humanitaire et de la
reconstruction en Indonésie et en Haïti, impose de faire un
état des lieux de la question. Il s'agira ici de procéder
à une analyse doctrinale de la problématique de la reconstruction
telle que développée par certains auteurs.
En effet, certains auteurs appréhendent l'action
humanitaire dans un contexte essentiellement urgentiste, alors que d'autres
l'inscrivent dans la durée pour parler de la reconstruction. Ce
débat théorique soulève un certain nombre de
questions36 : A qui revient le rôle de
reconstruire ? Où commence et où s'arrête l'engagement
humanitaire? En d'autres termes, la reconstruction est-elle inclue dans
l'action humanitaire ou fait-elle partie du développement ?
36 A la survenue d'une crise, de nombreux moyens
financiers sont souvent collectés pour venir en aide aux
sinistrés. Il va sans dire qu'une nécessité de
reconstruire s'impose. Cependant elle est oblitérée par la
très forte concentration des fonds alloués à la phase
d'urgence.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
Pour Stéphane CHAUVIER : « Un devoir
d'humanité est appelé par une situation d'urgence qu'il s'agit
simplement de faire cesser »37. A cet effet,
l'intervention humanitaire ne peut s'expliquer qu'au moment où une
personne se trouve en situation de danger grave.
« Un devoir d'humanité ne peut, par
définition, s'incarner dans une institution permanente
»38. Venir en aide à un sinistré c'est porter
secours à son prochain. Le devoir d'humanité est un devoir que
nous pouvons avoir à l'égard de tout autre homme, dès lors
qu'il se trouve dans une certaine situation d'urgence et de
vulnérabilité. L'auteur poursuit en disant que « nous
n'avons pas besoin d'avoir des relations régulières avec une
personne ou d'rtre uni à elle par des liens particuliers pour avoir des
obligations de ce genre à son endroit ». Dès qu'il
vient à notre connaissance qu'une personne est dans une situation qui
appelle notre assistance, nous avons une obligation urgente d'humanité
envers elle ou, si l'on préfère, une obligation
d'assistance39. A la lumière de ces développements,
force est de constater que pour Stéphane CHAUVIER, il n'y a devoir
d'humanité qu'au moment où une personne se trouve en situation de
danger grave. A ce titre, on ne saurait conclure que la reconstruction fait
partie intégrante de l'action humanitaire. Il faut agir dans l'urgence
(parfois essentiellement dans le domaine sanitaire) et laisser la tâche
de reconstruire aux autorités locales. En valorisant
les aspects de neutralité et d'impartialité dans la
compréhension de la finalité de l'action humanitaire, l'auteur
dans sa conception de l'action humanitaire, met à mal la
nécessité pour l'acteur humanitaire de poursuivre son action, en
droite ligne avec le respect de la dignité humaine.
Rony BRAUMAN40, (dans le même sillage que
CHAUVIER) lors d'un entretien vidéo avec un journaliste de RFI sur le
thème de la reconstruction en Haïti après le
séisme41, affirme que le
procédé de reconstruction, ne fait pas partie intégrante
des tâches assignées aux humanitaires. La question posée
par le journaliste était celle de savoir si c'était au
gouvernement de reprendre la main pour la reconstruction, le
médecin répond par l'affirmative. C'est la même
réponse qui fut donnée lors d'un face à face avec Jean
François MATTEI42. Rony BRAUMAN réaffirme à
cette occasion que « la reconstruction matérielle
37 Stéphane CHAUVIER, « Les principes de
la justice distributive sont-ils applicables aux nations ? », in Revue
de métaphysique et de morale, no1, 2002, p. 125.
38 Ibid.
39
Dans The Law of Peoples, John RAWLS parle de «duty of
assistance».
40 Rony BRAUMAN est un médecin français,
cofondateur et ancien président de Médecins sans
Frontières
41RFI, interview réalisée le dans le
cadre de la reconstruction en Haïti, disponible sur
http://www.dailymotion.com/video/xhfw9j_rony-brauman-la-reconstruction-en-haiti-apres-le-seisme_news
(consulté le 15 mai 2010).
42 Un face-à-face entre Rony BRAUMAN et
Jean-François MATTEI. Op.cit.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
est du ressort de l'Etat et non du mouvement
humanitaire ». Pour lui, l'action humanitaire se fixe pour objectif
d'alléger des souffrances de façon impartiale et pacifique,
voire, parfois, de sauver des vies, et non pas de les (re)construire ni
d'encadrer des destins. Cela, c'est l'affaire des pretres ou des politiques.
L'action humanitaire c'est« l'impérieuse
nécessité du sauvetage d'urgence ». L'aide humanitaire,
à la différence de l'aide au développement, intervient
dans des situations de crise, de conflits, de déplacement des
populations, de famine, d'épidémies, de catastrophes naturelles
pour aider les plus vulnérables à se redresser et à
franchir un cap difficile. Cette perception de l'action humanitaire est
également partagée par les MSF ou « french doctors
»43. Pour ces urgentistes triomphants, l'urgence est
intrinsèquement liée à l'action humanitaire44,
seul compte la nécessité de « sauver des corps
». La logique du développement, même humaniste inscrite
dans la lutte contre la pauvreté, est ainsi récusée comme
expression d'une action humanitaire. Assurément, l'héritage
d'Henry DUNANT a connu une fortune45 et c'est grace à
l'urgence que de nombreuses vies ont été sauvées.
Cependant, si l'on considère que l'Etat sinistré est très
souvent dans l'incapacité de se reprendre en main46 et si
l'on s'appuie sur les fondements de l'action humanitaire et la finalité
de celle-ci, l'on ne saurait considérer l'urgence comme « le tout
» de l'action humanitaire. C'est une conception de l'action humanitaire
partagée par plusieurs auteurs.
L'essentiel comme le pense Ernest-Marie MBONDA n'est pas en
effet « de sauver une vie d'une catastrophe qui l'aurait sans doute
annihilée sans cette intervention d'urgence, mais aussi de sauvegarder
la dignité des personnes concernées. Or la simple survie ne
suffit pas à garantir cette dignité. Celle-ci est autant
menacée par une catastrophe susceptible de l'anéantir de
façon brutale que par une situation de dépendance
prolongée qui transforme un sujet humain en objet d'aide ou d'assistance
»47. C'est dans ce sens que certains auteurs s'accordent
à dire qu'une action humanitaire n'est pas suffisamment humaine si elle
ne vise pas le rétablissement des capacités de choix de tous les
concernés.
43 En 1971, Bernard KOUCHNER et Max RECAMIER sont
à l'origine de la création de Médecins sans
frontières (MSF), ouvrant la voie à ce qui fut
présenté plus tard comme l'épopée des «
French Doctors ».
44 Le secours d'urgence est né et il
prolifère avec la création de nombreuses associations se
réclamant du mouvement sans-frontiérisme. Depuis ce moment, pour
les acteurs du secteur comme pour l'opinion publique, <4 humanitaire »
se conjugue obligatoirement avec <4 urgence ».
45 L'assimilation de l'humanitaire à l'action
d'urgence est pratiquement réalisée, et sa propagation sur la
scène internationale va s'accélérer avec la vulgarisation
du droit d'ingérence.
46 A la survenue d'une crise, le rôle de
l'humanitaire dans l'urgence est de sauver des vies, et que la tache ou la
mission de reconstruire le pays incombe au premier chef à l'Etat victime
de la crise.
47 Ernest-Marie MBONDA, Op.cit. p. 68.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
Pour Jean François MATTEI, quand on a sauvé de
la mort un homme qui, par ailleurs, a tout perdu, il reste vulnérable
car il n'a aucun moyen de redevenir libre, autonome et responsable. L'aide
humanitaire a pour rôle de donner à chacun les moyens de
(re)construire son existence. Sauver une vie c'est bien, mais ça ne
suffit pas. Il s'inscrit dans ce sens dans la logique d'une action humanitaire
durable dans ses effets. Reconstruire en son sens « c'est bien donner
une maison à quelqu'un pour abriter sa famille, lui permettre d'envoyer
son enfant à l'école, de se faire soigner
»48. Il affirme à cet effet que : « Quand
vous sortez quelqu'un des flots, vous ne pouvez pas l'abandonner sur la berge
»49. L'action humanitaire ne donnerait donc sa pleine
mesure, qu'en prolongeant le combat pour la survie par un engagement pour la
vie, tout en créant les conditions d'un équilibre personnel
retrouvé50.
A la différence du « concept cousin
»51 de développement durable, qui entend concilier dans
le temps croissance économique et respect de l'environnement,
l'humanitaire ne doit être durable que dans les effets recherchés
précise Jean François MATTEI. D'après lui, c'est une
durabilité qui se mesure à l'aune des critères de :
capacités de choix restaurées, autonomie retrouvée,
projets et espoirs réveillés. Il ne s'agit donc pas d'une action
humanitaire conçue pour se perpétuer, « elle a pour
vocation de se dissoudre une fois les objectifs atteints C'est l'action
humanitaire qui dépasse tout en l'intégrant, la seule urgence
pour conduire le débat contre ce qui avilit, conjurer les facteurs qui
fragilisent, permettre à chaque enfant, chaque adulte, d'avoir la vie
devant soi »52.
Au delà des aspects ci-dessus évoqués,
c'est la responsabilité de l'acteur humanitaire qui est mise en cause.
« Une responsabilité humanitaire qui s'inscrit dans la
durée sous peine de se ramener à des résultats sporadiques
d'émotion et à céder ainsi à la logique
médiatique de l'instantané »53 «
L'urgence est ainsi faite que, souvent, elle ne perçoit son
engagement qu'au prisme du corps à sauver sans délai, dans un
environnement sociopolitique hostile ou pour le moins difficile. Pris dans
l'élan impérieux d'agir,
48 La reconstruction à la charge de
l'humanitaire, selon Jean François MATTEI, n'est pas la remise en
l'état des infrastructures, des ports, des ponts, des grands
édifices etc.
49 Jean François MATTEI, « L'urgence
humanitaire et après », op. Cit. p. 155.
50 Jean François MATTEI dans un entretien
avec Valérie ROUVIERE, affirme « Je reste convaincu qu'une fois
qu'on a sauvé les gens, il faut les accompagner pour un mieux-vivre et
une autonomie retrouvée. Après l'urgence, il faut assurer
à chaque famille un toit, une école, un centre de santé et
un travail. Ce sont les quatre directions dans lesquelles nous travaillons
aujourd'hui. »
51 Jean François MATTEI, op. Cit, p.
37.
52 Jean François MATTEI, op. Cit. p.
155.
53 Eric GOEMAERE et François OST, «
L'action humanitaire : questions et enjeux », in la Revue
Nouvelle, no8, novembre 1996, pp 76-96.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
l'humanitaire d'urgence a tendance à ne voir que la
victime, oubliant parfois l'humain dans sa globalité
»54. Mary B. ANDERSON s'interroge d'ailleurs : «
Aujourd'hui vous me sauvez la vie, mais pour quel avenir ?
»55. Comme MATTEI, elle pense qu'il ne s'agit plus ou rarement,
de sauver des vies ou de pratiquer les gestes de survie, mais davantage
d'assurer un toit provisoire, une écoute, un réconfort aux
personnes sinistrées.
Au demeurant, à trop considérer
l'urgence56, il est possible de rentrer dans ce que Jean
François MATTEI a appelé « les travers de
l'immédiateté » ; l'action l'humanitaire perçue
aujourd'hui sous ce seul prisme et au regard des crises indonésienne et
haïtienne, et particulièrement au regard des défis à
relever, participe-t-elle à une vision cohérente et satisfaisante
du concept ? Non sans vouloir ériger la reconstruction comme moteur de
l'action humanitaire, il s'agit dans un monde où tout
événement est capté dans une logique de
l'immédiateté, où les événements se chassent
les uns les autres à une vitesse accélérée, de
garder une perspective globale, dans laquelle la durée de l'action
devient non pas l'opposé de l'urgence mais son complément
indispensable. L'action humanitaire apporte l'espérance, or «
il n'y a d'espérance qu'en pensant à demain,
l'espérance a besoin de temps »57.
L'une des conclusions que nous pouvons tirer à la suite
de cette revue de littérature est que la question sur la finalité
de l'action humanitaire fait débat. Que ce soit du côté de
l'urgence ou du côté de la reconstruction, elle a ses fervents
défenseurs. Cependant, force est de constater que malgré
l'importance de l'urgence dans une intervention humanitaire, la
nécessité de penser à la reconstruction s'impose, car
très peu prise en compte dans la plupart des interventions
humanitaires.
VI #177; PROBLEMATIQUE
Le sujet sur « l'action humanitaire et la reconstruction
» peut se décomposer en deux aspects. Le premier étant de
considérer l'action humanitaire comme une action qui s'inscrit
essentiellement dans l'urgence. Le deuxième aspect quant à lui
découle du premier, mais
54 Jean François MATTEI, op.cit. p.
135.
55 Mary B. ANDERSON, « Aujourd'hui, vous me
sauvez la vie, mais pour quel avenir ? Sur quelques dilemmes moraux de l'aide
humanitaire », in Jonathan MOORE (édit) Des choix difficiles,
p.86.
56 En vingt ans, la passion du secours s'est ainsi
globalisée, et l'assimilation de l'humanitaire à l'action
d'urgence est pratiquement réalisée et sa propagation sur la
scène internationale va s'accélérer encore avec le
lancement du fameux droit d'ingérence.
57Jean François MATTEI, Op Cit. p.
137.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
cependant épouse une conception encore plus large de
l'action humanitaire, dans sa capacité à s'inscrire dans la
durée.
Concernant le premier point, la prospection doctrinale plus
haut déployée démontre à suffisance la place
importante qu'occupe l'urgence dans une intervention humanitaire. Le
deuxième point de la décomposition ci-dessus
évoquée met en exergue la nécessité de soutenir
l'effort de ceux qui, une fois leurs besoins essentiels satisfaits, aspirent
à retrouver leur autonomie, composante essentielle de leur
dignité, la nécessité d'éviter une situation de
dépendance, d'aider des personnes traumatisées physiquement et
psychologiquement à surmonter leurs épreuves. Malgré la
reconnaissance du caractère crucial des enjeux liés à la
reconstruction, celle-ci semble demeurer le parent pauvre de l'action
humanitaire. La combinaison de ces deux axes permet de formuler la
problématique suivante :
Au regard des normes de l'action humanitaire et au regard
de la gestion des crises indonésienne et haïtienne, quelle est la
place de la reconstruction dans le champ de l'humanitaire ? Peut-on attribuer
la faiblesse de la reconstruction aux normes de l'action humanitaire ou aux
facteurs qui l'entourent ?
VII- HYPOTHESE
L'analyse de la gestion des crises indonésienne et
haïtienne révèle que le volet reconstruction continue
d'occuper une place mineure dans le champ de l'action humanitaire. A
cause d'une part d'un encadrement juridique lacunaire et d'autre part à
cause des pratiques qui l'entourent.
VIII- CADRE METHODOLOGIQUE
Le cadre méthodologique est constitué de la
méthode d'analyse qui est la procédure scientifique de validation
de l'hypothèse (A), et de la technique d'investigation (B).
A- / es.1P 115101.115ADODOV
Les deux modèles d'analyse utilisés dans le cadre
de cette recherche sont l'analyse juridique (1) et la méthode
dialectique (2).
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
1- L'analyse juridique
Il faudrait se situer dans une approche juridique au sens de
Charles EISENMAN. Selon lui, la méthode juridique consiste en une double
démarche : la première est une analyse des textes juridiques, et
la seconde est plutôt une exploration de leur condition
d'édiction, les interprétations et l'application qui en sont
faites par les principaux concernés, c'est-à-dire les acteurs
sociaux, véritables destinataires de la règle de droit.
Charles EISENMAN se résume en altérant
dogmatique et casuistique dans la méthode juridique. Au sens large, la
dogmatique considère la règle de droit conformément
à l'armature législative. Au sens strict, il s'agit simplement de
l'étude du droit positif. La casuistique nous permettra ici dans le
cadre de cette étude, d'appliquer les textes juridiques et les normes au
cas particulier de l'Indonésie et d'Haïti. Il sera question pour
nous de résoudre les problèmes posés par l'action
concrète de l'étude de deux cas similaires.
In fine, cette méthode permettra de confronter les normes
internationales consacrant la gestion des crises avec la pratique des acteurs
sur le terrain en se référant aux cas particuliers de
l'Indonésie et d'Haïti.
2- La méthode dialectique
Cette méthode a pour point de départ la
constatation des contradictions dont la réalité est faite. Selon
Grawitz58, « la pensée de l'homme doit donc franchir
un double écran, celui de ses propres limitations et contradictions,
ensuite celui de l'incohérence des choses. » La méthode
dialectique oppose deux thèses ; dans notre cas, la position d'urgence
d'un coté et la position post-urgente de l'autre. L'utilisation de cette
méthode nous permettra de mieux comprendre les rapports antagonistes
entre l'urgence et la reconstruction.
B- Technique de recherche
La délimitation du sujet abordé couvre un vaste
champ d'investigation du point de vue spatial et temporel59.
Seulement les contraintes techniques et de temps rendent difficile un recueil
des informations à la source ou encore, le recours à des
techniques d'enquêtes courantes en sciences sociales.
58Madeleine GRAWITZ, Méthodes des sciences
sociales, 8émeédition, Dalloz, Paris, 1990,
§381 p. 490. 59 - Cf. supra, pp 4 à 5.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
Aussi ce travail se base-t-il essentiellement sur la recherche
documentaire à travers les textes officiels des nations unies, les
chartes pour l'intervention humanitaire, les rapports des Nations Unies sur les
crises indonésienne et haïtienne, des supports numériques,
audio et visuels, documents produits par les ONG qui trahissent et traduisent
leur manière de comprendre l'action humanitaire en fonction des
situations vécues.
IX- ARTICULATION ET JUSTIFICATION DU PLAN
Cette étude sera axée autour de deux grandes
idées en conformité avec la problématique soulevée.
Il sera question d'une part, de mettre en exergue l'intervention humanitaire en
Indonésie et en Haïti oscillant entre urgence et reconstruction,
pour voir comment, malgré les actions menées pour la
reconstruction, l'urgence a occupé une place centrale voire essentielle
(Première partie). D'autre part, il s'agira d'évaluer cette
gestion de l'urgence qui nous permettra d'extirper les freins à la
reconstruction y compris les différents moyens envisageables pour une
meilleure reconstruction (Deuxième partie)
PREMIERE PARTIE : L'INTERVENTION HUMANITAIRE
EN INDONESIE ET EN HAITI : ENTRE URGENCE ET RECONSTRUCTION
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
Bien que de nature différente, le séisme en
Haïti et le tsunami en Indonésie ont en commun l'ampleur du
phénomène naturel, son caractère massif et
dévastateur. La résonance internationale du raz-de-marée
en Asie avait été facilitée par la présence de
nombreux touristes étrangers. Celle du tremblement de terre dans la
petite île des Caraïbes l'a été par la taille de la
communauté humanitaire et onusienne présente dans le
pays60 , mais aussi par l'importance numérique de la diaspora
haïtienne présente en Amérique du Nord et en Europe. Dans
l'une ou dans l'autre crise, il a été question d'apporter dans
les premiers instants et dans les plus brefs délais une aide aux
populations sinistrées ; priorité à l'urgence qui guidait
toute action. L'urgence humanitaire suscitée par l'ampleur du drame a
ceci de particulier qu'elle draine avec elle une quantité importante
d'acteurs et de moyens financiers. Tout se passe en effet comme si c'est le
spectacle de la souffrance qu'il s'agit uniquement de faire cesser. Ce qui est
à même de fausser les perspectives de reconstruction. La
catastrophe naturelle d'une ampleur extrême qui a touché la
capitale de Port au Prince semble nous faire revivre le scénario du
tsunami de 2004 : appel aux dons, images choc à
répétition, mise en place d'une action humanitaire
conséquente à majorité centrée sur l'urgence. Les
textes juridiques en la matière ne sauraient démentir cet
état des choses (Chapitre I). Par ailleurs, six ans après le
tsunami indonésien et un an après le drame haïtien l'on
s'interroge sur la mise en oeuvre de la reconstruction qui s'avère
être lacunaire dans plusieurs domaines (Chapitre II).
60 La Mission des Nations unies pour la
stabilisation en Haïti (Minustah) a été
déployée en 2004 en vertu de la résolution 1542 du Conseil
de sécurité de l'Organisation des Nations unies (30 avril).
Composée de sept mille militaires (de dix-huit nationalités, sous
commandement brésilien) et de près de deux mille civils, elle a
été renforcée par trois mille cinq cents hommes
après le séisme.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
CHAPITRE I
LE CADRE JURIDIQUE DE L'INTERVENTION HUMANITAIRE EN
INDONESIE ET EN HAITI
Il existe en effet un cadre juridique de l'action humanitaire
qui s'impose à ses acteurs lors de leurs interventions sur les terrains
de crises. Cependant à l'analyse de ces instruments à valeur
non-contraignante, il est clair de constater que la reconstruction
n'apparaît pas comme une priorité humanitaire (section I). Par
ailleurs, lorsqu'on observe les cas indonésien et haïtien, il est
aisé de s'accorder sur le fait que les acteurs humanitaires dans leurs
interventions, s'arriment au rythme de l'urgence. Ce qui est pour la plupart du
temps à l'origine de nouvelles crises (section II).
Section1 : Un cadre juridique de l'action humanitaire
lacunaire dans le domaine de la reconstruction.
Nous verrons en effet ici que l'état actuel du cadre
juridique de l'action humanitaire favorise une limitation de celle-ci à
l'urgence. On pourrait faire allusion à la charte humanitaire et le code
de conduite pour le Mouvement International de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge et pour les ONG lors des opérations de secours en cas de
catastrophes qui n'intègrent presque pas les éléments de
reconstruction (il faudrait opérer une gymnastique interprétative
lorsqu'ils existent) (Paragraphe 1), ou encore de la réforme humanitaire
qui, malgré des évolutions, s'inscrit toujours dans une dynamique
urgentiste (dans le cadre du financement et de l'approche de
responsabilité sectorielle) et du cadre de la responsabilité de
reconstruire(Paragraphe 2).
Paragraphe1 : La charte humanitaire et le code de
conduite dans la logique de la reconstruction : une nécessité
d'interprétation.
En dépit du fait que la Charte humanitaire (A) et le
code de conduite (B) ont été mis en place pour palier les
défaillances des réponses humanitaires, la contribution de ces
textes demeure insignifiante en ce qui concerne la reconstruction.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
A- La charte humanitaire et sa contribution limitée
sur le plan de la reconstruction
Il faut avouer que la contribution de la charte humanitaire en
matière de reconstruction se trouve vraiment limitée, voire
inexistante61. Pour déceler les traits qui pourraient faire
allusion à la reconstruction, il faudrait se livrer à une «
gymnastique interprétative ». En effet,
on pourrait faire allusion à l'un des principes qu'elle
promeut à savoir : « la
dignitéhumaine»62 qui s'inscrit aussi
bien dans le court terme que dans le long terme. La dignité est
inhérente à toute personne humaine et ne souffre
d'aucune contestation. C'est bien dans ce sillage que s'inscrit la
reconstruction. Dans le même ordre d'idées, il est
précisé que, les informations figurant dans ce manuel ne sont pas
prescriptives. Elles peuvent donc être appliquées de
manière flexible à d'autres situations, comme la
préparation en vue de catastrophes et la « transition suivant
l'aide humanitaire ».
Cependant malgré l'affirmation du droit humain
fondamental à vivre dans la dignité et la possible utilisation de
la charte dans les situations de transition, nous pouvons constater que dans
tout le manuel, l'accent est mis sur « la satisfaction des besoins
urgents de survie des populations affectées par la catastrophe
»63. Cet aspect apparaît clairement dans la
définition de « sphère » spécifiquement sur
l'une de ses convictions qui recommande de « prendre toutes les
mesures possibles pour atténuer les souffrances humaines causées
par les calamités(...) ». Par ailleurs, il est clair de noter
que, malgré les révisions approfondies contenues dans
l'édition 2004 qui tiennent compte des progrès techniques
récents et des réactions et commentaires reçus
d'organisations qui utilisent le projet Sphère sur le terrain, une place
importante continue d'être accordée à l'urgence au
détriment de la reconstruction. Dans les propos introductifs des
principes de la charte, il est écrit : « Nous
réaffirmons notre foi en l'impératif humanitaire et en sa
primauté C'est dire que nous sommes convaincus que toutes les mesures
possibles doivent être prises pour prévenir ou atténuer les
souffrances humaines qu'engendrent conflits et calamités, et que les
populations ainsi touchées sont en droit d'attendre protection et
assistance ». De plus dans le cadre des questions transversales, il
est mentionné que bien que la Charte humanitaire soit un
énoncé général de principes
61 Elle se borne en effet à affirmer le droit
des populations affectées à vivre dans la dignité sans
préciser à long terme quelles sont les modalités pour y
parvenir.
62 Les populations affectées par une
catastrophe ont le droit de vivre dans la dignité
63 Projet sphère, Charte humanitaire et normes
minimales pour les interventions lors de catastrophes de 2004, p. 412
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
humanitaires, le présent manuel ne saurait à lui
seul constituer un guide d'évaluation complet ni un ensemble de
critères pour l'action humanitaire64.
B- Le code de conduite et une prise en compte
presqu'inexistante du volet de la reconstruction
Le «Code de conduite pour le Mouvement International de
la Croix-Rouge et du
Croissant- Rouge et les ONG lors des opérations de
secours en cas de catastrophe » est le premier engagement des
organisations humanitaires internationales à faire appel à la
notion d'obligation et de responsabilité en matière d'assistance
humanitaire65. Cette responsabilité s'articule autour de dix
principes66 dont le premier met en exergue la fondamentale mission
de l'humanitaire qui consiste à « soulager les souffrances des
victimes les moins aptes à en supporter les conséquences
». Le primat continue d'être accordé à l'urgence. Par
ailleurs, présentés dans un esprit d'ouverture et de
coopération, ces principes directeurs sont donnés à titre
d'orientation. Ils ne sont donc pas contraignants et de ce fait limitent les
réflexions sur un éventuel prolongement de ces textes vers la
prise en compte de la reconstruction dans le champ juridique humanitaire. Cette
pauvreté juridique en matière de reconstruction s'observe
également dans le cadre de la réforme humanitaire.
Paragraphe2 : Une réforme humanitaire
essentiellement tournée vers l'urgence, et les difficultés de
mise en oeuvre de la responsabilité de protéger.
Conçue pour une réponse humanitaire «
S45YMEOTIQ tRuTHMICHRQUAu4gICH »67, la réforme
humanitaire (A) ne prend pas en compte ou alors très peu les aspects
liés à la reconstruction. Par ailleurs, malgré la
présence notoire de « la responsabilité de reconstruire
» (B) dans le cadre général de la responsabilité de
protéger, la reconstruction continue de souffrir de sa difficile mise en
oeuvre.
A- La focalisation de la réforme humanitaire dans le
domaine de l'urgence
64 Tous ces exemples démontrent à
suffisance la place secondaire que les ONG accordent à la
reconstruction. Cette dernière n'entre pas, tout au moins à la
lecture de la charte, dans le champ de leurs interventions et par là
même dans le champ de l'action humanitaire contemporaine.
65 Toutefois, le texte y fait
référence en termes de principes généraux : non
discrimination des secours, non instrumentalisation en faveur d'options
religieuses ou politiques, indépendances par rapport aux gouvernements,
respect dans le cadre des interventions destinées à sauver des
vies.
66 Ces dix principes figurent dans le code de conduite
en annexe 1.
67ONU, Rapport de l'ex Secrétaire
Général des Nations Unies KOFI Annan, dans une liberté
plus grande, développement et respect des droits de l'homme pour tous.
(A/59/2005).
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
Malgré les évolutions observées, cette
réforme reste lacunaire surtout dans le domaine de la reconstruction. La
réforme humanitaire s'appuie sur quatre piliers essentiels qui sont :
l'approche de responsabilité sectorielle ou « cluster
approach », le coordonateur humanitaire, les mécanismes de
financement et le partenariat global entre les agences onusiennes et non
onusiennes (Global Humanitarian Partnership). Ces piliers de la réforme
ont été institutionnalisés par les NU afin d'apporter dans
l'urgence une réponse plus efficace, plus diligente et plus
adéquate lors des interventions humanitaires. Cependant, en ne tenant
presque pas compte de l'un des objectifs de l'action humanitaire dont l'objet
est de remettre l'homme dans ses capacités de choix, peut-on
réellement considérer que la réforme à travers ses
piliers améliore effectivement l'action humanitaire en ce qui concerne
la reconstruction, lorsque celle-ci continue de s'inscrire dans une dynamique
essentiellement urgentiste. Pour mener cette analyse, nous nous
arrêterons particulièrement sur deux piliers. A savoir le
financement et l'approche cluster68.
> Le financement
Le financement est un pilier indispensable dans la
réussite de toute intervention humanitaire, en ce sens qu'il ne peut y
avoir de déploiement sur le terrain sans la disponibilité des
fonds. La faible couverture des besoins (16%) observée lors des
interventions humanitaires a fait naître plusieurs mécanismes dans
le cadre de la réforme en concordance avec les principes de la Good
Humanitarian Donorship Initiative. Il s'agit du CERF et Pool Fund.
A partir de la résolution des NU de l'Assemblée
Générale du 15 décembre 2005 et dans le cadre de la
réforme, on perçoit aisément la réaffirmation du
primat de l'urgence sur la reconstruction. Le Central Emergency Response Fund
(CERF) a en effet été mis en place afin d'améliorer
« la prévisibilité et la rapidité du financement
lors des urgences... ». Il apparaît comme un outil
indispensable pour la réussite de l'action humanitaire à travers
l'usage de trois méthodes de financement, toutes centrées sur
l'urgence. Il s'agit d'abord du volet prêt69 qui est
d'environ 50 USD ; ensuite le volet don pour les réponses
rapides qui représentent plus de 2/3 des concessions du fond, soit
300 millions USD pour les urgences humanitaires ; et enfin du volet
allocation aux urgences sous financées de l'ordre de 1/3 des
concessions du
68 Le choix de ces deux piliers se justifie par le
fait que, il ne saurait y avoir d'intervention humanitaire sans financement. De
même, la coordination se veut plus efficace et renforcée par
l'entremise de l'approche « cluster ». Ces piliers de la reforme des
NU sont d'une importance capitale pour sa réussite.
69 Il constitue pour les organisations humanitaires un
outil d'auto financement qui renforce leur flexibilité financière
afin de combler leur lacune de financement.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
fond soit 150 millions USD. Par ces mécanismes, le CERF
a été implémenté afin de renforcer l'actuel fond
central auto-renouvelable. Excellent élément pour les projets
vitaux des urgences humanitaires70, le CERF n'intègre pas des
aspects liés à la reconstruction et c'est dans ce meme sillage
que s'inscrit le Pool Fund.
« Le Pool Fund a pour but essentiel de contribuer
à l'amélioration de la réponse de l'action humanitaire au
travers des financements octroyés par les bailleurs de fonds pour les
(besoins d'urgence) dans tous les pays dotés d'un coordinateur
Humanitaire »71. C'est un fond d'urgence qui ne prend en
considération que les six premiers mois de la crise. Aussi, dans le
cadre du Pool Fund, les ONG urgentistes sont plus financées que celles
qui s'inscrivent dans le long terme. Comme le CERF, le PF améliore la
réponse humanitaire72, mais n'intègre pas le volet de
la reconstruction. Qu'en est-il de l'approche de responsabilité
sectorielle ?
Dans le cas du conflit en RDC par exemple, on a pu reprocher
une certaine myopie à ces deux mécanismes73 qui se
sont montrés impraticables au-delà du court terme et inaptes
à garantir un financement prévisible sur le long terme alors que
la crise congolaise est de nature prolongée. A ce sujet, certains
organismes qui travaillent sur le terrain avancent que « ce sont les
populations vulnérables du Congo qui perdent dans ce jeu des
priorités et des interventions à court terme
»74. Une ONG internationale par exemple signale qu'elle a
facilement accédé aux fonds du Pool Fund ou du CERF pour financer
une opération anticholéra de trois mois à Goma, mais qu'il
lui a été beaucoup plus difficile de se faire débloquer
des fonds pour un programme sanitaire plus substantiel qui devait faire face
aux récurrences annuelles du choléra suite à la
disparition des services de santé publique en RDC. En Ituri, des
bénéficiaires ont exprimé leur souci de ne voir
financés que les trois premiers mois de leur déplacement, sans
savoir s'ils recevraient une assistance adéquate au-delà pour
leur permettre de se réinstaller chez eux dans des conditions viables.
Dans des cas semblables, certains organismes trouvent plus faciles de se mettre
en cheville avec des donateurs bilatéraux,
70 Introduction au CERF, in
http://cerf.un.org (consulté le
10 avril 2011).
71 RDC- humanitaire/pool fund, in
http://www.rdc-humanitaire.net/ (consulté le 10avril 2011).
72 Il améliore la réponse humanitaire
par de nouveaux programmes et stratégies tel que le PAH avec pour
finalité la prise en compte des réalités urgentes sur le
terrain de la crise.
73 Au CERF et au Pooled Fund, entre
l'identification des besoins et le versement de l'argent sur le compte de
l'organisme opérateur, le déboursement des fonds peut prendre
jusqu'à six mois (il s'agit en effet primairement de sommes
destinées à couvrir des urgences sous-financées,
plutôt que d'une réponse rapide). C'est pourquoi, pour la plupart
des acteurs, le mécanisme de réponse rapide mis en place par
l'UNICEF/OCHA, qui ne prend que quelques jours, est plus approprié aux
réponses rapides.
74 UN, opinion exprimée sur,
www.undg.org/docs/7689/UNDAF%Final%20(9%20%August).doc
(Consulté le 12 février 2011)
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
suivant un modèle plus traditionnel qui leur permet
finalement une plus grande flexibilité et des réactions plus
adaptées à la réalité.
> L'approche de responsabilité
sectorielle
Comme le financement, l'approche de responsabilité
sectorielle est une composante de la réforme humanitaire. Un groupe
sectoriel ou cluster a pour mission entre autres, de se
déployer dans toutes situations d'urgence majeure 75 qu'elle
soit nouvelle ou en cours. Ainsi, les clusters leads sont
nommés promptement et dans les situations d'urgences majeures. Il
n'existe donc pas une rigidité dans cette désignation (les
clusters lead ne sont crées en principe que dans les situations
d'urgence). En RDC encore, certaines organisations ont rejeté en bloc
l'approche cluster. Elles remettent en question la
nécessité de ce rôle d'« intermédiaire »
automatique entre les donateurs et les opérateurs : elles avancent que
dans la majorité des cas, cette étape supplémentaire
n'apporte rien et ne fait que gaspiller de l'argent. C'est une approche qui se
trouve déjà limitée au niveau de l'urgence. En multipliant
les réunions et les rencontres, on n'accélère pas toujours
les réactions pratiques. Que peut-on espérer dans un tel contexte
pour la reconstruction ? Dans le Nord Kivu, par exemple, un spécialiste
en santé raconte que suite à une irruption de malaria,
Médecins Sans Frontières a unilatéralement
décidé de distribuer des moustiquaires alors que « les
responsables du cluster' santé étaient encore en train d'ergoter
autour d'une table plusieurs mois après ».
Les relations en droit international sont guidées par
le respect de la « souveraineté des Etats ». Cependant, la
nécessité d'une ingérence humanitaire (en cas de crise
occasionnant d'importants dégâts) semble fragiliser ce principe
fondamental. Qu'est ce qui peut justifier le fait que, malgré la
vulgarisation du droit d'ingérence sous le joug de « la
responsabilité de protéger », celui-ci continue
d'être marginalisé au motif de « la souveraineté
» des Etats. Il faut le noter, la souveraineté des Etats
utilisée comme une arme peut dans un contexte de crise affaiblir la
reconstruction.
75 L'IASC définit une urgence majeure comme
« toute situation présentant des besoins humanitaires suffisamment
complexes et à une échelle suffisamment vaste pour justifier une
aide et des ressources extérieures importantes et exigeant une
réponse multi sectorielle qui implique un large éventail
d'intervenants humanitaires internationaux ».
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
B- La responsabilité de protéger et la prise
en compte de la reconstruction
Le rapport publié par la Commission internationale de
l'intervention et de la souveraineté des Etats porte sur la question du
« Droit d'intervention humanitaire »76, plus connu sous le
vocable de « la responsabilité de protéger
»77. Cette responsabilité intègre les aspects
aussi bien de l'urgence que ceux de la reconstruction. En effet, dans ce
rapport de la commission et contrairement aux textes ci-dessus
évoqués, une place de choix a été accordée
au volet de la reconstruction. Notamment dans le point 5 qui traite
essentiellement de la « responsabilité de reconstruire
». Cette responsabilité met en exergue les obligations
inhérentes aux acteurs humanitaires après l'intervention
d'urgence. Il s'agit entre autres de l'obligation de consolidation de la
paix. Le paragraphe 5 alinéa1 mentionne que : « la
responsabilité de protéger implique non seulement la
responsabilité de prévenir et de réagir, mais aussi celle
de compléter la réaction et de reconstruire (i) ». Pour
atteindre cet objectif, un financement conséquent s'avère
nécessaire, ainsi qu'une collaboration avec la population locale.
L'alinéa 4 du meme paragraphe précise par ailleurs que,
« le meilleur moyen de parvenir à une vraie
réconciliation c'est d'oeuvrer à la reconstruction ».
Trois domaines fondamentaux guident en effet cette responsabilité. A
savoir la sécurité, la justice et le développement. Il
faut noter dans un cadre général que, la responsabilité de
reconstruire demeure soumise au principe de subsidiarité. En effet,
l'application de la responsabilité de protéger fait face à
des défis considérables, au premier titre desquels la
présence de l'indispensable volonté politique et d'un consensus
international. D'autres écueils comme, le manque de moyens et le manque
de capacités des acteurs existent.
En dépit des avancées que proposent ces
différents textes, nous nous rendons à l'évidence que, la
reconstruction continue d'occuper un rôle second dans le champ de
l'action humanitaire.
76 Mario BETTATI, professeur de droit international
public à l'Université Paris II, et de Bernard KOUCHNER, homme
politique français qui fut l'un des fondateurs de Médecins sans
frontières. Ils voulaient s'opposer, selon l'expression du second,
à "la théorie archaïque de la souveraineté des Etats,
sacralisée en protection des massacres".
77 Le concept de Responsabilité de
protéger est apparu en 2002, dans le sillage du rapport Brahimi sur les
opérations de paix. La Commission internationale de l'intervention et de
la souveraineté des Etats, créée à l'initiative du
Canada et d'un groupe de grandes fondations, délivre alors un rapport
sur le principe et les modalités de la Responsabilité de
protéger (rapport Evans-Sahnoun). Les conclusions de cette
réflexion majeure seront reprises, en 2005, par le rapport du Groupe de
Haut Niveau sur les menaces, les défis et le changement, ainsi que par
le Secrétaire général, dans le contexte de la
réforme des Nations Unies.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
Section 2 : Le déploiement institutionnel
humanitaire et la mobilisation en Indonésie et en Haïti au
service de l'urgence.
Les crises indonésienne et haïtienne ont la
particularité d'avoir en commun (du fait d'avoir occasionné
plusieurs pertes en vies humaines et matérielles) suscité une
déferlante planétaire de générosité à
travers une mobilisation sans précédent, qui a drainé avec
elle une quantité importante de dons et promesses de dons pour la
gestion de l'urgence (Paragraphe1). Il faut noter cependant que lorsque
celle-ci se prolonge, d'autres crises sont susceptibles de voir le jour
(Paragraphe2).
Paragraphe 1 : La mobilisation des acteurs classiques
de l'action humanitaire et celle des médias.
À événement exceptionnel, réaction
exceptionnelle. Les tragédies du 26 décembre
2004 et du 12 janvier 2010 ont soulevé une contre-vague
émotionnelle d'une ampleur inouïe. « L'émotion
mondialisée a convoqué l'humanitaire au chevet des victimes
»78 : Organisations internationales et associations, Etats et
forces armées, Organisations Non Gouvernementales se sont grandement
mobilisés ; à cela s'ajoute la présence massive des
médias et des donnateurs privés qui sont considérés
de plus en plus aujourd'hui comme des acteurs clés de
l'humanitaire79. L'urgence a été en effet une
priorité tant pour les organisations humanitaires classiques (A) que
pour les médias (B).
A- La mobilisation des acteurs clallITXelASTAlWYMRQ
AIIRTDQ11111e
Il n'aura en réalité fallu que quelques heures,
lors du Tsunami indonésien et du séisme haïtien, pour que
soient activés des centres opérationnels d'urgence
(Sociétés Nationales de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge).
Des cellules de crises sont mises sur pieds, associant plus ou moins des cadres
nationaux du secourisme. Nous notons à titre d'exemple dans le cas du
Tsunami, la mission assurée avec dévouement par de jeunes
équipiers bénévoles originaires d'une vingtaine de
départements, mission qui a permis d'entourer les enfants et les adultes
choqués et traumatisés par le sinistre. L'urgence impose en effet
une réponse immédiate ; dans ce sens, tous les opérateurs
humanitaires, les gouvernements, les agences
78 Jean François MATTEI, DECENt, p.
50.
79Le développement exponentiel de nouvelles
technologies de l'information et de la communication hisse les médias
à un rang considérable des interventions humanitaires, par le
fait même du rôle détermine(a)nt qu'ils jouent dans ces
crises.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
internationales compétentes en Europe et sur les autres
continents, déclenchaient leurs procédures d'intervention rapide.
Un véritable fourmillement, cartes de la région à l'appui,
électrisaient les sièges nationaux des grands opérateurs
de la solidarité internationale pour réunir les moyens
logistiques, trouver les possibilités de transférer du
matériel, mobiliser les volontaires afin de porter secours à des
victimes déjà chiffrées à plusieurs dizaines de
milliers. Et cela sous la pression croissante d'une opinion qui, après
la stupeur devant le déferlement en boucle des premières images,
voit dans l'humanitaire, la nécessité ultime de conjurer
l'impensable (l'urgence guide toute action). En Indonésie, dès le
26 décembre et après que le gouvernement s'est résolu
à lancer un appel à la solidarité internationale, une
Equipe de Réponse aux Urgences humanitaires (ERU) a atterrit à
Medan sur l'ile de Sumatra. La cellule téléphonique du centre
opérationnel d''urgence a été prise d'assaut, le site
internet de l'association a littéralement explosé. Les appels ont
inondé le standard, pour faire un don, aider s'informer, comprendre,
voire simplement pour parler80. Pendant prés d'un mois et
week-ends inclus, les associations humanitaires de
référence81 ont accueilli toute la compassion qui
s'est emparée de ces pays82.
En Haïti aussi, une mécanique de réponse
à l'urgence s'est mise en marche. La Croix-Rouge française a
mobilisé toutes ses capacités humaines et matérielles.
Cinq Equipes de Réponses aux Urgences (ERU), soit 93 équipiers
spécialisés en santé, eau/assainissement et distribution,
ont été mobilisés durant près de 4 mois avant que
ne débute tout le travail de post-urgence. À ce jour, 32
délégués en mission internationale sont toujours
présents sur le terrain, appuyés par près de 250
collaborateurs nationaux83. En dehors de la présence des ONG
locales déjà très nombreuses, nous notons aussi dans le
cas d'Haïti, la forte implication des organisations Onusiennes.
L'équation logistique, infiniment difficile à résoudre a
facilité dans les cas haïtien84 et indonésien, un
afflux massif de secours, émanant de forces armées
80 Jean François MATTEI, Op Cit, p.
33.
81 Médecins Sans Frontières, Handicap
International, Action Contre la Faim, Médecins du Monde,
Solidarités qui devient Solidarités International, Agence d'Aide
à la Coopération Technique Et au Développement
(ACTED),Première Urgence, Aide Médicale Internationale, Care
France, Secours Islamique, Triangle, Comité d'Aide Médicale, etc.
D'autres organisations caritatives agissent dans le domaine humanitaire : la
Croix Rouge Française, le Secours Catholique, le Secours Populaire,
etc.
82 Nous parlons dans un cadre général des pays qui
ont été touchés par le Tsunami.
83 Il s'agit de la plus importante mobilisation de la
Croix-Rouge française à l'international.
84 La France a colonisé Haïti jusqu'en
1804 où ce pays obtenait son indépendance après une
révolte d'esclaves. Soutenu par les États Unis, Paris imposera un
embargo militaire pour obliger Haïti à lui payer des
réparations pour la libération des esclaves ! Port-au-Prince
emprunta auprès de l'étranger pour payer. La dette fit
soldée en 1947 par un dernier emprunt aux États-Unis !De son
côté, les États-Unis ne reconnurent pas
l'indépendance d'Haïti par crainte des répercussions d'une
telle décision sur la situation interne avec ses millions d'esclaves.
L'embargo américain sera maintenu jusqu'en 1863. En 1915, le
président Wilson envoie des troupes pour mater une révolte
d'haïtiens. Jusqu'en 1934, les Américains contrôleront le
pays, percevant les droits de douane,
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
étrangère, notamment française et
américaine. Une communion s'est donc créée autour de ces
catastrophes dans l'optique, pour parler comme Jean François MATTEI, de
donner une réponse humanitaire sans délai. Le rôle des
médias dans ce sens est d'un apport indéniable.
B- Le rôle des médias dans la
mobilisation en Indonésie et en HaïtiLes
médias, qu'ils soient publics, privés, confessionnels ou
associatifs, remplissent
généralement un ensemble de fonctions classiques,
répertoriées depuis longtemps par les chercheurs et
spécialistes85.
Dans l'urgence, le rôle des médias a
été déterminant (tant en Haïti qu'en
Indonésie) dans ce processus de type cathartique, relayant la puissance
sensationnelle des images qui abondaient dans les rédactions. A la
manière des « prêtres modernes»86, ils ont
orchestré l'élan de générosité. Non
seulement ils furent fournisseurs d'émotions, mais certains d'entre eux
se sont également posés en acteurs directs de l'engagement
humanitaire, lançant euxmémes des souscriptions, des
partenariats, des parrainages. Ils ont incarné dans l'urgence, un
rôle de prescripteurs comme jamais auparavant. Cette hypertrophie de la
fonction médiatique eut naturellement des effets très
bénéfiques. Les organisations humanitaires eurent la chance
exceptionnelle de pouvoir s'appuyer sur des leviers de solidarité
irremplaçables que furent les spots diffusés gratuitement par les
grandes chaines de télévision et de radio et bien d'autres
supports, si nombreux qu'il est impossible de les citer tous. C'est dans
l'urgence que tout est réalisé. Et cette mobilisation
médiatique a fonctionné comme un inimaginable amplificateur d'une
générosité dont les associations humanitaires ont
été les récepteurs87.
Paragraphe 2 : Un afflux massif des dons en
Indonésie et en Haïti pour l'urgence
Dans les premiers mois qui ont suivi les catastrophes
indonésiennes et haïtienne, la population sinistrée et la
communauté internationale vivent au rythme des images cauchemardesques
qui inondent le petit écran. L'objectif étant de susciter un
élan de générosité et ce dans les plus brefs
délais. D'un seul élan, l'ensemble de la société
était à pied d'oeuvre. ONG, entreprises,
fédérations associatives, pouvoirs publics... tout le monde s'y
est
collectant les impôts et dirigeant de nombreuses
institutions gouvernementales. De 1957 à 1986, Haïti connaît
les dictatures de «Papa Doc» Duvalier et de son fils «Baby
Doc», soutenus économiquement et militairement par les
Américains. Durant ces deux périodes, les USA mirent directement
ou indirectement le pays en coupe réglée.
85 Information : recherche, traitement, diffusion
de l'information et expression d'opinion Économique : lieu de mise en
valeur des biens et services, intermédiaire entre offreurs et demandeur:
c'est par les médias qu'on reçoit l'essentiel des informations
sur la vie sociale et politique. Ils influencent aussi le comportement de
l'individu, qui tend à s'identifier au public ; fonction
idéologique : influencer la manière de penser des individus en
vue de maintenir ou renverser les structures sociales existantes.
86 Jean François MATTEI, « l'urgence
humanitaire et après » Op Cit p. 45.
87 Ibid.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
mis. En Indonésie parce que débordés par
l'afflux massif des dons, MSF estiment qu'ils en ont trop reçu pour la
gestion de l'urgence et lancent un appel à l'arrêt de ceux-ci (A).
En Haïti, par le biais de l'ONU, une interpellation constante de la
communauté internationale de continuer à se mobiliser pour
l'urgence est lancée(B).
A- La collecte des dons pour le Tsunami en Indonésie
: quelles limites à la générosité88 ?
Quelles limites à la générosité ?
S'interroge Jean François MATTEI. De façon plus claire,
jusqu'où va l'engagement humanitaire et l'aide apportée à
une population sinistrée ? Il a été clairement
établi que, les crises indonésienne et haïtienne ont permis
de rassembler des sommes importantes pour subvenir aux besoins des populations
sinistrées. Evoquons en passant quelques chiffres, pour montrer
l'importance des dons qui ont été collectés. Dans le cas
du Tsunami en Indonésie, un montant de 288 millions d'euros a
été collecté auxquels s'ajoutaient les 3O millions d'euros
issus des financements institutionnels. Une fois les frais de collecte et de
fonctionnement déduits, les sommes dont disposèrent les
trente-deux organismes contrôlés atteignaient 289 millions
d'euros. Soit pour cette seule urgence, plus de deux fois le budget annuel de
MSF France et cinq fois le budget de Médecins du Monde. Dans le monde,
c'est presque 13,6 milliards de dollars qui furent collectés au profit
de la région touchée par le Tsunami, dont 5 milliards issus de
fond privés89.
En 2005, moins de trois semaines après la catastrophe,
MSF90 suspendait son appel aux dons et prévoyait
déjà des réaffectations d'une part des sommes
reçues vers d'autres causes jugées plus prioritaires. Si nous
nous arrêtons sur le mandat qui guide les actions de MSF, à savoir
« agir dans l'urgence », il est justifié de penser comme Jean
François MATTEI que MSF avait raison. En effet, pour ces derniers le
rôle de l'humanitaire se limite à ce niveau. Celui d'apporter dans
un espace temporel et matériel très court, une aide à la
population victime d'une catastrophe. La reconstruction ne relève donc
pas de l'humanitaire mais de la responsabilité des Etats. Par le geste
de Médecins Sans Frontière, la priorité de la gestion de
l'urgence dans le champ humanitaire est réaffirmée. « La
démarche humanitaire
88 Jean François MATTEI, Op. Cit. p.
50.
89 Michel DOUCIN, Les ONG : le contre pouvoir
?, Paris, Toogezer, 2007, p. 136, cité par Pierre MICHELETTI, in
Humanitaire s'Adapter ou renoncer ? (coll. Marabout, 245 p) p.82.
90 Si nous nous attardons sur le cas particulier de
MSF, c'est pour la simple raison que, MSF s'est imposé depuis 30 ans
comme un opérateur humanitaire de référence, dont
l'efficacité et l'expertise ne sont plus à démontrer.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
obéit à une temporalité : celle de
l'émotion immédiate »91. Et le cas haïtien
n'opère pas en ce sens une grande démarcation.
B- Haïti et une collecte des dons
essentiellHPH2AWXr2éH JIHrNI'XatH2cH.
Huit jours après le séisme, plusieurs dons ont
été récoltés en faveur de la population
haïtienne. Les Etats-Unis avait fait des dons à hauteur de 132
millions d'euros, un « Téléthon » animé par
l'acteur George CLOONEY rapportant 41 millions d'euros quelques jours plus
tard. Même le Fonds Monétaire International (FMI) a
décidé de verser 81 millions d'euros. La France n'a pas
été en reste par l'ampleur des dons privés qu'elle a
mobilisés au bénéfice de la population haïtienne. La
prédominance de la gestion de l'urgence a conduit à lancer un
appel de fonds, qui a été révisé plusieurs fois. Au
départ, l'appel de 577 millions de dollars qui a été
entièrement financé était initialement destiné
à couvrir une période de six mois. Il a été
élargi pour répondre aux besoins pendant un an comme, l'ouragan
et les saisons de pluies approchaient. Le 18 février 2010, l'ONU
lança un appel de fonds révisé d'un montant de 1,44
milliard de dollars pour aider quelques trois millions de personnes
touchées par le séisme. Force est de remarquer que ce montant
dépasse celui lancé après le gigantesque tsunami dans
l'océan indien en décembre 2004 et que près d'un tiers des
fonds demandés ont été injectés dans la gestion de
l'urgence (nourriture, abris provisoires, éducation, santé,
hygiène)92. Comme si cela ne suffisait pas, un nouvel appel a
été lancé le 25 janvier 2011. Le Secrétaire
général de l'ONU, BAN KI-MOON, a appelé la
communauté internationale à « redoubler d'efforts pour
assurer un financement suffisant, permettant de répondre aux urgences et
au travail humanitaire qui sauve des vies », à l'occasion de la
Conférence de l'ONU sur le financement de l'aide humanitaire, à
Genève, en Suisse93. Renouvelant l'appel de fonds
lancé en novembre pour financer les opérations humanitaires de
l'ONU et de ses partenaires en 2011, le Secrétaire général
a rappelé que les besoins humanitaires étaient « de plus en
plus importants ». « Le système humanitaire international aide
les gouvernements à aider leur propre peuple. De plus en plus de
personnes comptent sur nous pour sauver des vies. Un soutien financier
supplémentaire est plus nécessaire que jamais », a-t-il
poursuivi. Quelle lecture pouvons-nous avoir des développements
ci-dessus ? En effet, malgré la
91 Jean François MATTEI, Op. Cit. p.
53
92 Le Parisien, Appel de fonds pour Haïti
disponible sur
http://www.leparisien.fr/flash-actualité-monde/haitiappel-de-fond-record-del-onu-1-44-milliard-de-dollars-18-02-2010-821333.php.
(Consulté le 13 décembre 2010).
93 L'ONU appelle à financer l'action
humanitaire en 2011 United Nations News Service 25 Janvier 2011.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
nécessité qui s'impose d'engager des
démarches pour la reconstruction, la mobilisation qui est faite continue
de l'être au profit de l'urgence. Une fois de plus, l'urgence semble
supplanter la reconstruction.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
CHAPITRE II LA MISE EN OEUVRE DE LA
RECONSTRUCTION INDONESIENNE ET
HAITIENNE: POLEMIQUE ET MALAISE
Bon nombre de rapports et d'articles présentent en
effet la reconstruction indonésienne comme un véritable
succès. Six ans après, Banda Aceh, chef-lieu de la province, est
aujourd'hui le symbole du « triomphe sur le tsunami », un
lieu où la qualité de la vie est élevée, où
l'harmonie interreligieuse est une réalité et où
« il y a eu une renaissance qui apporte de l'espoir au monde entier,
notamment à la population d'Haïti »94. A
travers les réalisations concrètes sur le plan matériel et
l'implication des acteurs humanitaires de l'urgence dans le processus de
reconstruction en Indonésie, cette dernière regorge en elle un
certain nombre de lacunes pas très éloignées de celles que
l'on retrouve aujourd'hui en Haïti. (Section I). Par ailleurs, il est
clair et comme le pense Mary B ANDERSON que la non prise en compte du volet de
la reconstruction dans le champ de l'humanitaire et à contrario la
valorisation d'une gestion prolongée de l'urgence, peuvent être
à l'origine de nouvelles crises; on parle à cet effet des
dérives de la seule urgence (section II).
Section 1 : La gestion de la reconstruction en
Indonésie et en Haïti
La reconstruction indonésienne a été
présentée à plusieurs reprises comme un succès.
Cependant, les nombreuses lacunes observées six ans plus tard nous
amènent à nous interroger sur la véracité de cette
réussite (paragraphe 1). Dans le cas haïtien, c'est tout le
processus de reconstruction qui est remis en cause (paragraphe2).
Paragraphe 1: La reconstruction indonésienne :
« un succès » ?
La province d'Aceh, au nord de l'île de Sumatra en
Indonésie, a essuyé le plus lourd bilan de la catastrophe avec
près de 170 000 morts. Aujourd'hui, la reconstruction apparaît
comme un succès relatif (A). Cependant, avec le malaise
considérable de l'économie du pays et les quelques 3000 personnes
toujours sans logement décent à Banda Aceh six ans après,
du fait de la corruption, peut-on encore affirmer aujourd'hui que la
reconstruction indonésienne a été un succès ou du
moins a-t-elle été intégrée dans le champ de
l'humanitaire ? (B).
94 A déclaré à l'agence Fides
Mgr Antonius SINAGA, archevêque catholique de Medan, la principale
ville de Sumatra-Nord, 2010,
http://www.zenit.org/article-23494?l=french
(Consulté le 10 mars 2011).
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
A- Les réalisations matérielles en
matière de reconstruction en Indonésie
« L'image est restée célèbre.
Dans le bourg de pecheurs de Lampuuk, où plus des trois quarts de la
population a trouvé la mort, seule la mosquée est restée
debout après le passage
du tsunami. Six ans plus tard, le village est totalement
reconstruit et les survivants tentent de reprendre le cours d'une vie normale
même si le traumatisme est encore profond »95. En
effet, Comme dans le reste des zones sinistrées d'Aceh, le bilan de la
reconstruction semble positif, il ne reste presque aucune trace de la
catastrophe. Grâce aux aides apportées pour une valeur totale de
plus de 6,7 milliards de dollars, on a reconstruit 1 700 écoles, 996
édifices publics, 36 aéroports et ports, 3 800 mosquées,
363 ponts, plus de 20 000 kilomètres de routes et 150 000
maisons96 : de l'avis général, la reconstruction
matérielle est globalement un succès. Cependant lorsqu'on
s'interroge sur la participation des acteurs de l'urgence dans le processus de
reconstruction, sur la situation des plus de 3000 personnes sans logement et
sur l'économie qui peine à se redresser, peut-on affirmer que la
reconstruction indonésienne a été un véritable
succès et de ce fait intégrée dans le champ de l'action
humanitaire contemporaine ?
B- La reconstruction indonésienne : une
reconstruction lacunaire.
La reconstruction indonésienne que l'on présente
aujourd'hui comme un véritable succès, est sans aucune
contestation : Le fait de la participation matérielle et
économique de la communauté internationale, par le biais des ONG,
Etats, et autres acteurs internationaux de l'humanitaire. Les nombreuses
réalisations sur le plan architectural et infrastructurel97
font en effet montre de la présence internationale dans le processus de
reconstruction en Indonésie. Sans oublier les dons en espèces
destinés à la distribution. Il faut noter cependant que, le
volontarisme de l'Etat et l'efficacité de l'administration sont les
ingrédients primordiaux de la reconstruction bien avant les ressources
extérieures. Ainsi, il a été noté que, parce que
plus affaiblie par la mort que par les blessures, la population
indonésienne a grandement participé à son propre
relèvement98. Six ans après le tsunami, le bilan
chiffré de la reconstruction indonésienne donne l'impression d'un
succès de l'action humanitaire. On serait en effet tenté
95Marie NORMAND, « 5ans après le tsunami :
de nouveaux défis pour Aceh », disponible sur
http://www.rfi.fr/contenu/20091218-5-ans-apres-le-tsunami-nouveaux-defis-aceh
(Consulté le 10juillet 2010).
96 Dorian MALOVIC, « Indonésie : Aceh dans
l'après-tsunami, un espoir pour Haïti », disponible sur
http://www.zenit.org/article-23494?l=french
(Consulté le 16 mai 2011).
97 La reconstruction d'Aceh a débuté
dès 2005, grace notamment à un afflux très important de
financements en don (de l'ordre de 5 Mds USD) en provenance des bailleurs et de
la société civile au niveau mondial.
98 La présence du gouvernement
indonésien dans les programmes de reconstruction a été
remarquable et déterminante pour la reconstruction de
l'Indonésie.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
de croire qu'au final la reconstruction occupe une place de
choix dans la démarche de l'action humanitaire et de ses acteurs. En
effet, avec le départ de la majorité d'ONG de l'Indonésie,
et à la fin de la « bulle » des fonds post-tsunami, le
prolongement de la reconstruction a été confié aux
administrations locales, encore minées par la corruption. Par ce fait,
on dénombre encore aujourd'hui, plus de 3000 victimes du tsunami qui
attendent toujours un logement. De plus, Aceh doit maintenant faire face
à une croissance affaiblie et à l'augmentation du taux de
chômage99. Par ailleurs, de nombreux analystes craignent que
les écarts de revenus menacent, à terme, la stabilité de
la région100. Qu'en est-il du cas haïtien ?
Paragraphe 2 : La reconstruction en Haïti : une
population dans l'attente de
la reconstruction101.
Dans le cadre de la mise en oeuvre de la reconstruction,
plusieurs actions ont vu le jour. On dénombre aujourd'hui en Haïti,
plus de 400 ONG au service de la reconstruction. C'est le Grand «
Barnum Humanitaire »102. Les humanitaires semblent en
effet avoir tiré des leçons du cas indonésien. En effet,
quelques années après la gestion de l'urgence en
Indonésie, on a assisté à un départ massif des ONG
humanitaires qui ont confié la tâche à l'administration
indonésienne de reconstruire. Ainsi, dans le cas haïtien, de
nombreuses dynamiques ont été mises en place par les populations
sinistrées103, les ONG et par les acteurs internationaux.
Cependant et en dépit de certaines avancées en ce qui concerne
l'implication des ONG et des réalisations matérielles en
matière de reconstruction(A), on observe encore une population dans
l'attente d'une reconstruction (B).
99 Marie NORMAND, « 6 ans après le tsunami
: de nouveaux défis pour Aceh », disponible sur
http://www.rfi.fr/contenu/20091218-5-ans-apres-le-tsunami-nouveaux-defis-aceh.
(Consulté le 28 mars 2011).
100 La paix est en effet encore relativement récente
à Aceh. L'accord de paix qui a mis fin à 30 ans de conflit entre
les rebelles du Mouvement pour l'Indépendance d'Aceh (GAM) - aujourd'hui
au pouvoir - et le gouvernement indonésien, ne date que d'ao~t 2005.
101 Si quelques projets intéressants se sont
concrétisés, il est clair que très peu a été
fait. La Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti
(CIRH), mise sur pieds pour gérer les fonds et approuver les projets qui
seront financés par ces mêmes fonds, a approuvé 74 projets
au 17 décembre 2010 pour un montant total de 1,6 milliard de dollars.
Récemment, un projet des États-Unis et de la Banque
interaméricaine de développement (BID) d'un montant de 174
millions de dollars pour la création d'un parc industriel de 150
hectares dans la région nord du pays101 vient d'être
adopté. Ce parc sera exploité par une société de
gestion privée. Cet exemple montre que les priorités sont
clairement définies : les intérêts des entreprises priment
sur celui des Haïtiens. Pourtant, les traces du séisme sont
toujours visibles partout où que l'on aille dans la capitale.
102 Pierre MICHELETTI, Humanitaire, s'adapter ou renoncer,
Paris, Hachette, 2008, p 83.
103 Nesmy MANIGAT, Directeur d'Aide et Action Amérique
Latine et Caraïbes. Dans un reportage vidéo, justifie
l'intervention de la population sinistrée dans le processus de
reconstruction par le fait que, cette dernière refuse de se
considérer comme une victime.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
A- L'organisation de la reconstruction en Haïti
Plusieurs actions ont en effet été menées
dans le cadre de la reconstruction en Haïti. Pour ne citer que celles
là, on parlera de la conférence des donateurs de New-York (1), du
projet argent et nourriture contre travail (2) et le projet travail contre
nourriture et distribution de nourriture à l'école (3).
1- La conférence des donateurs de
New-York
En prélude à la conférence des donateurs,
le colloque « reconstruire Haïti » s'est tenu à
l'école de Montréal au canada et a été l'occasion
pour beaucoup d'exprimer leur volonté de s'investir104 et de
présenter des projets d'aide. Les réflexions
élaborées lors de cet événement devaient servir
à établir un plan de reconstruction à présenter
lors de la conférence des donateurs le 31 mars 2010 à
New-York105 au siège des Nations Unies. Quelques 138 pays,
plusieurs organismes internationaux, comme le FMI et la banque mondiale ainsi
que des ONG et des membres de la diaspora haïtienne étaient
présents à cette conférence. Le président
haïtien, René Préval y a présenté le plan de
reconstruction du pays106. Selon ce plan, la commission temporaire
pour la reconstruction d'Haïti doit collecter et répartir 3,8
milliards de dollars au cours des 18 prochains mois qui ont suivi la
catastrophe. La priorité irait à la reconstruction de 50
hôpitaux, 1300 établissements scolaires, d'institutions
gouvernementales et d'infrastructures détruites, dont le palais
présidentiel, le parlement, le principal palais de justice. Cette
conférence représentait un grand espoir pour « aider
Haïti à se reconstruire en mieux ». Le montant total promis
s'élève à 9,9 milliards de dollars pour les trois
prochaines années et au-delà. Durant les deux années
à venir et selon les prévisions, le pays recevra 5,3 milliards.
Pour Haïti, et son gouvernement, il s'agit d'une promesse bien au
delà des attentes107. Avec cet engagement, il s'agit pour
Haïti et ses partenaires internationaux de poser les jalons pour le
développement grandeur nature d'un pays en ruine conformément
aux
104 L'Union européenne s'est engagée à
verser près de 1,6 milliard de dollars. Les Etats-Unis vont donner
près de 1.2 milliard de dollars. Le Canada a promis près de 400
millions de dollars, et la Banque mondiale près de 500 millions de
dollars. De nombreux pays, beaucoup moins riches, ont également tenu
à participer. Cf.
http://www.rfi.fr/contenu/20100401-communaute-internationale-mobilise-haiti-annees(Consulté
le 30mars2011).
105 Colloque «Reconstruire
Haïti» -- Jean-Max BELLERIVE craint que l'aide
humanitaire ne devienne une habitude, Cf.
http://www.ledevoir.com/international/actualites-internationales/284495/colloque-reconstruirehaiti-jean-max-bellerive-craint-que-l-aide-humanitaire-ne-devienne-une-habitude
(Consulté le 28 mars 2011).
106 Martine Denis CHANDLER, Hugo Merveille et UWOLOWULAKANA
Ikavi. Selon le plan du gouvernement haïtien, au cours des dix prochaines
années, la reconstruction nécessitera un total de 11,5 milliards
de dollars. Cf.
http://minustah.org/?p=21924
(Consulté le 28mars 2011).
107 Martine Denis CHANDLER, Hugo Merveille et
UWOLOWULAKANA IKAVI, Op. Cit.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
besoins identifiés par le gouvernement108.
L'utilisation des sommes récoltées à l'issue de cette
conférence a été confiée à la Commission
Intérimaire de Reconstruction d'Haïti109
2- Projet argent et nourriture contre travail. Et
stratégie de santé environnementale.
Le 30 mars 2010, en marge de la conférence de
New-York, le programme alimentaire mondial a annoncé le lancement de
nouveaux projets « Argent et nourriture contre travail » en
Haïti, dans l'optique de soutenir la réhabilitation agricole,
illustrant la mobilisation des Nations Unies pour une transformation en
profondeur du pays avant la conférence des donnateurs. Michel CHANCY,
secrétaire d'Etat pour la production animale et l'assistance alimentaire
en Haïti, déclare à cet effet que : « ces
programmes ont été validés par le gouvernement
haïtien et seront mis en oeuvre en étroit partenariat avec les
institutions nationales ». Ils suivent les priorités du
gouvernement pour soutenir la production agricole et la sécurité
alimentaire tout en garantissant l'accès à la nourriture pour les
plus vulnérables, ce qui en fait un élément essentiel vers
la sécurité et la stabilité sociale.
L'organisation internationale pour les migrations a
annoncé pour sa part le lancement d'une nouvelle stratégie de
santé environnementale et d'assainissement pour le pays, afin
d'améliorer l'accès à l'eau potable et aux latrines. La
première phase de cette stratégie inclut des campagnes de
sensibilisation dans les campements spontanés où les
sinistrés ont trouvé refuge après la catastrophe.
3- Le projet, travail contre nourriture et
distribution de nourriture à l'école.
Le 19 février 2010, l'organisation des Nations Unies
pour l'alimentation et l'agriculture(FAO) et l'organisation humanitaire
internationale CARE, ont émis une alerte conjointe sur la crise
alimentaire qui sévit dans le pays. Des évaluations rapides
menées par la FAO et ses partenaires du groupe agriculture, ont
montré que les « familles d'accueil » dépensent leurs
maigres économies pour nourrir les nouveaux arrivants et consomment
leurs réserves alimentaires. « Dans de nombreux cas, ces
personnes n'ont plus d'autre choix que de manger les semences qu'elles avaient
conservées pour la prochaine campagne et de manger ou de vendre leur
bétail, notamment des chèvres ». Selon la FAO, la
solution immédiate est de lancer des programmes « travail contre
argent liquide dans le secteur agricole. Le programme alimentaire mondial qui a
fourni avec ses partenaires une aide alimentaire à plus de 4,3 millions
de personnes à Port-au-Prince a indiqué qu'il s'associe avec le
gouvernement
108 Idem.
109 Cette commission est coprésidée par
l'ancien président Américain, Bill CLINTON, et le premier
ministre haïtien, Jean-Max BELLERIVE.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
haïtien pour lancer une stratégie urgente de
relèvement rapide qui fera usage de vivres et d'argent liquides pour
autonomiser la population locale afin de permettre aux gens de reconstruire
leur vie. Aussi, les vivres-contre-travail et le cash-for-work remplacent
progressivement les distributions générales de nourriture. Il
s'agit des programmes ciblant une population d'environ 1,1 million.
Par ailleurs, une équipe spéciale dirigée
à la fois par le FAO, le Fond International de Développement
Agricole (FIDA) et le PAM a été créée. Cette
équipe dans les prévisions, était censée appuyer le
gouvernement haïtien dans la mise en oeuvre de stratégies visant
à assurer la sécurité alimentaire du pays dans
l'immédiat et à long terme, et à y intégrer la
production agricole et des filets de sécurité sociale.
Malgré toutes les rencontres concertées des acteurs
internationaux, les promesses enregistrées et les projets lacunaires mis
en oeuvre pour la reconstruction haïtienne, on observe encore aujourd'hui,
une population dans l'attente de la reconstruction. Les leçons apprises
du tsunami en Indonésie, semblent n'avoir pas eu un véritable
écho dans le cas du séisme en Haïti.
B- L'efficacité limitée de la mise en oeuvre
de la reconstruction en Haïti
Un an après le séisme qui a grandement
affecté la ville de Port-au-Prince, les travaux de reconstructions
tardent à se mettre en place. Sur les plus de 390 000 bâtiments
qui ont été détruits, seul un millier a été
remis en place110. Gravats et déchets de toute nature
continuent d'abonder le long des trottoirs de la capitale. On s'interroge sur
les promesses qui ont été faites pour le relèvement
d'Haïti lors de la conférence qui s'est tenue à New-York (1)
; des interrogations qui créent au sein la population sinistrée
un certain nombre d'inquiétudes (2).
1- Le non respect des promesses émises lors de la
Conférence de New York.
La solidarité internationale a ses limites et
Haïti en est la preuve. Les dons n'ont pas manqué dans les semaines
qui ont suivi le tremblement de terre qui a provoqué la mort de plus de
250.000 personnes le 12 janvier 2010. Le Fond monétaire international
(FMI) dans cet optique a annulé la dette d'Haïti à son
égard, soit environ 209 millions d'euros. Mais l'argent pour la
reconstruction n'est toujours pas au rendez-vous malgré les promesses,
en tout cas pas assez111. En effet, les donateurs avaient promis
sensiblement la somme de 10 milliards de
110 Frantz CADET, président du collectif
Haïti Midi-Pyrénées, ensemble pour Haïti de Gilles
CORRE
111RFI, « Les donateurs en Haïti tardent
à tenir leurs promesses» disponible sur
http://www.rfi.fr/ameriques/20100723-donateurs-haiti-tardent-tenir-leurs-promesses-dons,
(consulté le 30 mars 2011).
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
dollars en mars dernier112. En théorie, plus
de la moitié était censée être versée au
cours des prochains 18 mois. Mais, jusqu'à présent, seuls de
rares pays comme le Brésil, la Norvège et l'Australie ont remis
de l'argent. L'Union des Nations Sud-Américaines (UNASUR) a
également un très grand en retard. Les Etats-Unis n'ont
payé que 30 millions de dollars et ils en avaient promis plus d'un
milliard. Le Co-président de la Commission internationale qui
gère une partie des promesses d'aide humanitaire, l'ancien
président américain Bill Clinton s'est déclaré
frustré. Et s'est engagé à recontacter les donateurs pour
leur rappeler leurs engagements. Une entreprise qui ne laisse pas la population
haïtienne indifférente mais reste cependant inquiète.
2- / HIERaIEC INIXIO SIIE IIICHSIEoP N
Les fonds promis par l'aide internationale tardent à
arriver. Un sentiment de frustration se développe dans la population
face à la lenteur de la reconstruction113. Un an après
le séisme dévastateur, les places publiques de la capitale
haïtienne accueillent toujours ceux qui ont tout perdu le 12 janvier et
malgré toute l'aide humanitaire arrivée en Haïti, les
conditions de vie y sont toujours aussi précaires114. Les
jeunes sont désespérés ; Plus qu'une maison, trouver un
travail est devenu une priorité pour la jeunesse115. En mars,
le Programme alimentaire a mis fin aux distributions massives de nourriture
pour concentrer ses efforts sur les populations fragiles, les femmes enceintes,
les enfants de moins de 5 ans et les personnes blessées. Une
sélection nécessaire pour ne pas pénaliser l'agriculture
nationale mais qui exclut tous les jeunes hommes sans famille à charge.
Jean Roquet Clervaux membre d'une association qui travaille au niveau
sanitaire, a du mal à contenir sa colère après
l'année passé à vivre sous la tente il affirme: «
Nous sommes devenus des nomades livrés à nous-mrmes On
pensait qu'on allait rapidement construire des maisons, mais non. Du coup, nous
sommes bien obligés de
112 Idem.
113Séisme en Haïti: entre frustrations et
espoirs, les sinistrés livrés à eux-mêmes
http://www.rfi.fr/ameriques/20100711-seisme-haiti-entre-frustrations-espoirs-sinistres-livreseuxmemes,(consulté
le 30mars 2011).
114 Un million et demi de sans-abri. Les chiffres
et statistiques des organisations internationales peinent à retranscrire
la dure réalité du pays. Depuis six mois, LUCKSON Pierre se
lève, se lave, se nourrit et se rendort sur la place Boyer de
Pétion ville, dans les hauteurs de Port-au-Prince. Ce jeune
étudiant de 21 ans s'est construit son abri de fortune avec une
bâche plastique qu'il a pu obtenir d'une ONG, avec des planches de bois
récupérées dans les décombres de bâtiments
effondrés. Un calendrier comme unique décoration dans sa petite
construction, LUCKSON a du mal à se faire à sa nouvelle vie :
« Avec la saison des pluies, les nuits sont de plus en plus
pénibles. J'ai bien posé des cartons au sol pour éviter de
tremper mon matelas mais ça ne suffit pas : la bâche plastique est
très abîmée et commence à se déchirer
».
115 Maricia 23 ans, tente chaque jour
d'intégrer un programme « argent contre travail »
géré par les ONG. « J'aimerai avoir un boulot, un vrai
pour satisfaire mes besoins premiers : avoir des vêtements,
répondre aux besoins de mon ventre, c'est tout. Ici ça fait belle
lurette qu'on ne nous a plus donné de nourriture sur le terrain
», dit-elle. Mais les offres sont insuffisantes pour répondre
aux nombreuses demandes. Aussi, Maricia essaie-t-elle de gagner quelques
gourdes en vendant des boissons glacées à ses nouveaux
voisins.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
rester sur le golf »116. En effet,
Comme beaucoup, il a cru aux promesses des pays amis d'Haïti, aux sommes
annoncées en grandes pompes après le sommet de New York le 31
mars. Mais l'argent n'a pas été débloqué : sur les
2,6 milliards de dollars promis et nécessaires pour l'année 2010,
la Banque mondiale n'a pour l'heure reçu que 260 millions. Les
frustrations sont les mêmes dans chacun des quelques 1342 camps de
sinistrés recensés par l'ONU dans le pays117. On a en
effet l'impression que contrairement à l'urgence, la reconstruction
semble ne pas véritablement préoccuper les acteurs humanitaires
sur le terrain. Le sentiment d'abandon crée par cette situation peut
etre à l'origine d'autres crises tant sur le plan sanitaire, que sur le
plan sociopolitique.
Section 2 : La prédominance de la gestion de
l'urgence génératrice de nouvelles crises : Les effets pervers
de l'assistance prolongée.
Mary B. ANDERSON écrit : « Il n'est que trop
fréquent que les secours d'urgence ne tiennent pas compte des
circonstances qui font que les gens sont vulnérables aux catastrophes
qui les frappent Lorsque l'aide a pour seul objet de traiter les
symptômes des crises, elle n'influe pas sur les causes des crises Elle
peut donc aggraver les vulnérabilités, voire créer de
nouvelles zones de vulnérabilité en créant des groupes
privilégiés, en sapant des systèmes de défense, ou
en nourrissant des attentes excessives à l'égard de la
disponibilité des ressources extérieures
»118.
En effet, la frontière qui sépare l'aide
d'urgence prolongée et l'émergence de nouvelles crises est
très mince. Lorsque les acteurs humanitaires confondent «
action humanitaire »119 et «
pérennité humanitaire »120, lorsque les
promesses qui sont faites ne sont pas tenues, bref lorsque les questions
liées à la reconstruction ne font pas l'objet d'une attention
particulière, celles-ci finissent toujours par s'imposer. Et
lorsqu'elles interviennent
116 Très dur avec la communauté
humanitaire, Jean Roquet CLERVAUX ne peut contenir un sourire las quand on
l'interroge sur l'action du gouvernement : « Je n'attends rien de
l'Etat haïtien, je me suis habitué à ne rien attendre d'eux.
En revanche, les ONG, elles ont failli à leur mission : regardez toutes
ces grossesses précoces, la délinquance juvénile qui
augmente dans le camp. Ils n'ont pas aidé la jeunesse. Comment peut-on
accepter ça ? ».
117R--.
ri, « Séisme en Haïti: entre frustrations et
espoirs, les sinistrés livrés à eux-mêmes »,
disponible sur
http://www.rfi.fr/ameriques/20100711-seisme-haiti-entre-frustrations-espoirs-sinistres
livrés à eux mêmes, (Consulté le 30
mars 2011).
118 Mary B. ANDERSON, « Aujourd'hui vous me sauvez la vie,
mais pour quel avenir ? Sur quelques dilemmes moraux de l'aide humanitaire
», in Jonathan MOORE (édit) Des choix difficiles p. 86.
119 Qui consiste selon Rony BRAUMAN à restaurer l'homme
dans ses capacités de choix.
120 Nous essayons par cette expression, de traduire
l'idée selon laquelle, parfois l'attitude de certains acteurs
humanitaires plonge les populations sinistrées dans un perpétuel
état d'assisté.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
dans ce climat, elles peuvent etre génératrices
de nouvelles crises, d'ordre sanitaire et sécuritaire d'une part,
politique et économique d'autre part (paragraphe I). Par ailleurs,
l'aide d'urgence prolongée entraine très souvent une situation de
dépendance des populations envers les organisations humanitaires
(paragraphe II).
Paragraphe 1 : L'apparition de nouvelles crises du fait
de la prolongation de l'aide d'urgence en Indonésie et en
Haïti.
La manne humanitaire dépourvue de toute visée
reconstructive a des effets déstabilisateurs dans plusieurs
domaines121. Il sera question pour nous dans cette partie et dans un
premier temps, de mettre en exergue l'émergence des crises sanitaire et
sécuritaire (A) et dans un second temps, il sera question de voir
comment l'aide d'urgence prolongée peut favoriser la recrudescence des
crises sociopolitiques et économiques (B).
A- L'émergence des crises sanitaire et
sécuritaire en Haïti et en Indonésie.
1- L'émergence des crises sanitaires en Haïti
et en Indonésie
Des mois après les catastrophes qui ont touché
ces deux pays, de nombreuses crises ont émergé. Si en Haïti
on a vu apparaître l'épidémie du choléra, en
Indonésie c'est contre l'émergence d'un certain nombre de
maladies telles que la tuberculose, le paludisme, le tétanos que le
combat était mené.
En effet, après le tremblement de terre qui a
dévasté Port-au-Prince le 12 janvier 2010, une
épidémie de choléra éclatait en octobre ajoutant
plus de 4 000 morts sur les 210 000 personnes atteintes aux centaines de
milliers causés par le séisme. Au vue de la reconstruction encore
au point mort, nombre de voix se sont alors fait entendre, estimant que le
choléra122, comme les décombres qui obstruent encore
Port-au-Prince, était le signe d'un échec patent de l'aide
internationale. Selon une évaluation du Ministère haïtien de
la Santé publique et de la population, 225.668 personnes seraient
infectées par la maladie dont 121.883 ont demandé à etre
hospitalisées. A Haïti, on a par ailleurs enregistré 4.452
décès dus à l'épidémie de choléra qui
afflige le pays depuis octobre dernier, un chiffre qui augmente à chaque
nouveau rapport des autorités. Le dernier en date a été
publié le 3 février. La région la plus touchée
par
121 Elle fait monter les prix (de l'immobilier en
particulier). Elle génère un risque d'inflation salariale et
crée de nouvelles distorsions sociales.
122 La population haïtienne et
particulièrement les sinistrés du tremblement de terre, ont
été confrontés à une crise sanitaire
catastrophique. Le risque épidémique de choléra vient en
effet aggraver une situation de grande précarité dans des camps,
plus que jamais exposés aux pluies torrentielles et cyclones à
venir. Plus de 1 500 cas avaient été recensés.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
l'épidémie continue à être
Artibonite où était apparu le premier cas de choléra et
où l'on compte 683 décès. Malgré les efforts faits
pour contenir la diffusion de l'épidémie, cette dernière
s'est propagée également dans la République dominicaine
qui partage avec Haïti l'île de La Espagnola. Sur le territoire
dominicain, on compte plus de 325 cas.
La Province d'Aceh en Indonésie qui compte 4,8 millions
d'habitants a été la région la plus gravement
touchée par le séisme et le tsunami qui a suivi le 26
décembre 2004. Des pertes considérables en vies humaines, biens
et moyens de subsistance dans les 14 des 21 districts de la province, ont fait
qu'une importante partie de la population se retrouve dans un dénuement
complet et exposée à des maladies pouvant donner lieu à
des épidémies. Au 22 mars 2005, l'Indonésie
déclarait avoir enterré 126 602 corps et déclarait 93 638
personnes disparues et 514 150 personnes déplacées dans 20
district/villes de la province de Nanggroe Aceh Darussalam. Dans le secteur
public, 53 des 244 centres de santé ont été
détruits ou gravement endommagés et 42 des 481 professionnels de
santé sont morts123. Cependant, environ 90 cas de
tétanos (non contagieux) ont néanmoins été
relevés et une campagne de vaccination des enfants contre la rougeole,
maladie très contagieuse et potentiellement meurtrière, a
été menée, en particulier par les médecins
militaires français. L'émergence de ces crises sanitaires, dans
une population qui exprime son indifférence, peuvent être en effet
à l'origine de la naissance des crises sécuritaires.
2- La naissance des crises
sécuritaires
Malgré l'importance de l'aide qui a été
fournie, plus de trois millions d'haïtiens, soit près d'un tiers de
la population, vivent encore dans une situation d'insécurité
alimentaire. C'est ce qu'indique un organisme haïtien, la Coordination
Nationale pour la Sécurité Alimentaire (CNSA), précisant
que ce ne sont pas seulement les personnes déplacées à
cause du séisme à souffrir de problèmes alimentaires mais
également les populations du nord-ouest et du sud du pays. Selon la
CNSA, le prix du riz a augmenté de 25% au cours des derniers mois, mais
nombreuses sont les denrées alimentaires qui ont subi, elles aussi, une
notable augmentation de leurs prix. Le marché a sürement subi les
répercussions de l'épidémie de choléra (de nombreux
consommateurs et commerçants ont choisi d'éviter les produits
provenant de la région centrale d'Artibonite, foyer de
l'épidémie) mais il est également vrai
123Chrétienté info, «
AMERIQUE/HAITI À La reconstruction ne décolle pas et la
population vit dans l'insécurité alimentaire » disponible
sur
http://www.chretiente.info/201102180000/ameriquehaiti-la-reconstruction-nedecolle-pas-et-la-population-vit-dans-l%E2%80%99insecurite-alimentaire
(Consulté le 8 avril 2011).
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
que certaines terres sont exploitées par des
consortiums étrangers en vue de productions destinées
essentiellement à l'exportation. En dehors de l'insécurité
alimentaire qui a très peu affectée l'Indonésie,
Haïti est également confronté à d'autres
insécurités dans les camps124, tels que le viol, le
pillage, le vol etc.
Amnisty International affirme dans son rapport du 6 janvier
2011 que les femmes et les filles qui évoluent dans les camps de fortune
en Haïti risquent davantage d'être victimes de viols et de violences
sexuelles125. La violence sexuelle qui constituait
déjà un problème en Haïti, s'est exacerbée
à la suite de la catastrophe du 12 janvier 2010. Des victimes de viols
demandent de l'aide à un groupe de soutien local presque tous les deux
jours. À ceci, s'ajoutent la présence de bandes armées qui
se livrent à des attaques dans les camps en totale impunité et le
manque de mesures de protection pour les victimes de violence sexuelle, ce qui
les expose à une victimisation secondaire. Malheureusement, le manque
d'informations sur les étapes concrètes à suivre par les
victimes de violence sexuelle, en vue de signaler le crime à la police
et à la justice, ne fait que perpétuer cet esprit
d'impunité126. Les filles, les femmes vivent quotidiennement
dans la peur car elles se sentent abandonnées et sont conscientes de
disposer de peu de recours. Les victimes, elles, perdent de plus en plus
confiance dans le système judiciaire et policier puisque celles qui se
sont armées de courage pour demander de l'aide ont fait face à
l'incapacité, voire à l'impuissance de ces structures. Pour ce
qui est de l'Indonésie, beaucoup également reste encore à
faire en ce qui concerne la sécurité. En effet, depuis le tsunami
qui a secoué l'océan indien il y a six ans, la population d'Aceh
a fait de grands progrès en matière de restauration des
infrastructures et des services communautaires et en terme d'implication des
résidants dans la reconstruction de multiples secteurs
d'activités. Cependant, dans son rapport 2010 sur le
développement humain d'Aceh, le PNUD en listant les priorités et
les défis qui l'attendent, mentionne la nécessité
d'améliorer la sécurité127. L'Indonésie
aujourd'hui vit sous la crainte de la reprise des hostilités. La paix
est en effet encore relativement récente à Aceh. L'accord de paix
qui a mis fin à 30 ans de conflit entre les rebelles du Mouvement pour
l'Indépendance d'Aceh (GAM), aujourd'hui au pouvoir et le gouvernement
indonésien est encore fragile.
124 Un an après le séisme du 12 janvier 2010, la
situation humanitaire demeure précaire : 800.000 sinistrés vivent
toujours dans l'un des 1000 camps répertoriés, sous la menace des
intempéries et des épidémies, comme celle du
choléra qui, depuis mi-octobre, a déjà causé le
décès de 4800 malades.
125Amnesty International «Les violences sexuelles
contre les femmes augmentent en Haïti», disponible sur
http://www.amnesty.org/fr/news-and-updates/report/haiti-sexual-violence-against-women-increasing-2011-01-
06> (Consulté le 08 avril 2011).
126 Idem.
127 News center, Cf.
http://www.un.org/french/newscentre/pdf/2011/05012011Fr.pdf
(Consulté le 08 avril 2011).
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
B- La recrudescence des crises économique et
politique.
Les réalisations accomplies à Aceh depuis le
tsunami dépassent les prévisions les plus optimistes faites il y
a six ans. La province reste confrontée à un certain nombre de
défis, notamment la nécessité de faire revivre
l'économie afin de générer des emplois productifs,
d'améliorer la qualité et l'efficacité des services
publics et d'en faire bénéficier les pauvres et les
défavorisés128. Haïti semble être une
répétition du cas indonésien, mais avec beaucoup plus
d'acuité.
1- Une faible prise en compte des facteurs
économiques.
Bien que dans la plupart des cas l'intention et la
volonté soient des plus nobles, l'intervention sur le terrain peut
déstabiliser le contexte local et nuire plutôt qu'aider les
communautés ciblées. Dans le cas du tsunami, le
débarquement massif des ONG occidentales a entraîné une
inflation des prix d'environ 8%129. En effet elles ont
dépensé sans compter l'argent reçu pour mettre en place
leurs actions, sans réaliser que cette prodigalité pouvait avoir
des conséquences sur l'économie locale. L'arrivée massive
des denrées alimentaires gratuites peut ruiner le marché local.
De plus, l'arrivée des organisations humanitaires en zone de crise
instaure en effet souvent une véritable économie
parallèle. Le flux de ressources accompagnant l'engagement
d'organisations étrangères, peut devenir un facteur
économique qui influence le système monétaire, le
marché du travail, mais aussi le secteur de la production et des
services
2- Une faible prise en compte des facteurs socio-
politiques générateurs de crises sociales
Sur le plan politique, lorsque les organisations
internationales et les ONG interviennent dans des Etats affaiblis ou
ruinés, elles sont souvent obligées d'assurer les tâches
incombant normalement à l'Etat et d'établir des structures
parallèles. Cette prise de responsabilité peut engendrer une
perte de crédibilité et de légitimité des organes
restants de l'Etat auprès de la population. De plus, les politiciens et
employés locaux risquent de se sentir déchargés de leurs
responsabilités sociales. Dès lors, on peut redouter que l'argent
d'ordinaire alloué par l'Etat à ces tâches ne soit
détourné. Ces situations ont été vécues tant
en Indonésie qu'en Haïti (de façon plus prononcée).
En effet, comparé à l'Etat indonésien qui a dû
fortement s'appuyer sur les institutions étatiques, pour la gestion du
tsunami, on a assisté en
128 A déclaré le Directeur adjoint de l'agence
onusienne en Indonésie, Stephen Rodrigues.
129 SIVAPRAGASAM P.P. et BENEFICE J., « L'aide vu du
coté des victimes », in Economie et Humanisme, no 375,
Décembre 2005. p. 25.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
Haïti à un effacement presque total de l'Etat. La
population haïtienne vit sans doute dans l'espoir qu'aujourd'hui,
l'élection de MARTELLY apportera un plus dans le respect des obligations
qui lui incombent. Ce problème peut aussi se manifester en situation
d'occupation militaire130. Par ailleurs sur le plan social et dans
le cas de l'Indonésie, les activités de réhabilitation et
de reconstruction ont été menées principalement dans la
province du sud, sous contrôle gouvernemental. Cette situation a
augmenté la frustration des autres provinces et a nourri les tensions
sociales. La passion qui anime les acteurs humanitaires doit être
tempérée pour éviter les écueils de la
naïveté et de la maladresse avec lesquelles certaines crises sont
gérées. Ces conditions devraient rester toujours au centre des
préoccupations des humanitaires, car chaque dérive pourrait
méme contribuer à l'économie de guerre. L'action non
concertée et parfois méme non réfléchie des ONG a
été accusée d'avoir favorisé dans bien de cas
certaines factions politiques. En Indonésie aussi, les habitants de
Banda Aceh craignaient que derrière l'aide humanitaire, ce ne soient les
militaires qui tirent les ficelles131.
Paragraphe 2 : La dépendance des populations
assistées et les autres dérives.
Notre analyse à ce niveau consistera à montrer
que, parce que l'aide d'urgence se prolonge, elle crée vis-à-vis
de la personne secourue une sorte de dépendance de l'aide le plongeant
dans un assistanat perpétuel (A). A côté de cela, parce que
très peu aisé à conceptualiser, nous évoquerons les
autres dérives de l'aide d'urgence prolongée (B).
A- La dépendance des populations sinistrées :
conséquence de la perpétuation de
l'aide d'urgence.
L'aide internationale constitue d'importantes sources de
financement pour les pays touchés par une catastrophe. Elle
représente souvent l'unique solution dans pareil contexte.
Malheureusement, elle peut contribuer à accentuer « la
politique de la main tendue » des pays du sud132. En
effet, méme si dans les conditions d'extrême misère et en
l'absence de politique nationale cohérente et structurée l'aide
internationale est souvent la solution privilégiée, on peut
déplorer le fait qu'elle crée à long terme une
dépendance en générant au fil du temps une sorte de
fatalisme et une logique d'assistance dommageables. Cette aide pourrait
alors
130 En effet, selon la (4ème) Convention de
Genève de 1949, les troupes d'occupation ont l'obligation de prendre en
charge la population civile de la zone qu'ils occupent. Ce sont cependant
souvent des organisations humanitaires qui se chargent de cette tàhe et
qui en libèrent ainsi les occupants.
131 D'anciens soldats à la retraite servaient de
chauffeurs pour les organisations. Ces mêmes soldats qui, quelques
années auparavant, les rendaient victimes de violences. Tous ces
paramètres sont autant de difficultés pour gérer l'aide de
manière efficace et durable.
132 Ces pays se reposant généralement sur l'aide
des pays occidentaux et sur l'aide internationale.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
renforcer le désengagement des gouvernements
vis-à-vis du bien être et du développement des populations
desquelles ils sont responsables. Les humanitaires ne sont pas là pour
se substituer aux Etats, mais pour les accompagner. Action contre la Faim l'a
sans doute compris dans le cas de Haïti133 en tentant depuis
plusieurs années de mettre en place des programmes impliquant et
mobilisant le plus possible les communautés autour des projets d'aide.
Ceci dans le but de pérenniser l'action en transmettant des
connaissances et des compétences134.
B- les autres dérives de l'action humanitaire
prolongée
Nous avons cité jusqu'à présent un grand
nombre de limites de l'aide humanitaire prolongée. Dans les exemples que
nous avons traités, d'autres abus importants mais plus difficiles
à généraliser à un point de vue global peuvent
naître. Dans le cadre du raz-de-marée par exemple, on a vu la
présence de scientologues ou de fanatiques religieux qui recrutent un
nombre impressionnant de nouveaux adhérents en leur apportant un soutien
momentané ou un peu de nourriture. Par ailleurs, des sites internet
frauduleux et sans scrupules n'ont pas hésité à utiliser
les emblèmes du CICR pour demander des fonds. D'autres containers de
matériel douteux sont arrivés sur place soi-disant pour des
raisons humanitaires.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Il y a lieu de retenir dans le cadre de cette première
partie que, que ce soit en Indonésie ou en Haïti, l'urgence a
prédominé. Cet état des choses a sans doute
été favorisé par un cadre juridique limité dans le
domaine de la reconstruction, mais aussi par les actions menées par les
institutions humanitaires en Indonésie et en Haïti. Par ailleurs,
tout en reconnaissant les démarches qui ont été
entreprises dans le sens de la reconstruction, force a été de
constater que, malgré la réussite relative que l'on attribue
à la reconstruction indonésienne, celle-ci ne semble pas avoir
porté des fruits pour le cas de Haïti. Certainement à cause
du fait qu'ellemême renfermait de nombreuses limites. Il s'avère
donc que la reconstruction continue d'occuper dans le champ de l'humanitaire
une place négligeable. La nécessité d'identifier les
freins à la réussite de la reconstruction post-crise et des
perspectives pour y remédier s'impose à cet effet.
133 Faim Haïti, une population naufragée
Action contre la Faim Février 2006.
134 Ce fut le cas lors de la réhabilitation
du réseau d'eau de Port-de-Paix, de Saint-Louis du Nord et de
l'île de la Tortue où les équipes d'Action contre la Faim
Haïti, travaillaient en étroite collaboration avec l'administration
locale et des « comités d'eau », montés pour l'occasion
avec des Haïtiens formés.
DEUXIEME PARTIE : LES FREINS ET LES PERSPECTIVES
POST- CATASTROPHE EN INDONESIE ET EN HAITI
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
La reconstruction indonésienne apparaît comme un
succès relatif mais aujourd'hui, quelques 3 000 victimes du tsunami
attendent toujours d'être relogées. Les 150 000 maisons
reconstruites n'ont pas toutes été attribuées aux bonnes
personnes135 et 26% des Acehnais vivent toujours en dessous du seuil
de pauvreté. Sous d'autres cieux, pour parodier le titre du dernier
roman de l'écrivain haïtien Dany LAFERRIERE: « tout a
bougé autour d'Haïti ». Un an après, en
dépit d'un élan de générosité
planétaire extraordinaire136 de promesses, de dons
milliardaires de la part des Etats et d'une action massive des oeuvres
d'entraide et de secours, le constat est terrible. Alors que le choléra
et une élection présidentielle contestée se sont mis de la
partie, près d'un million de rescapés vivent toujours dans la
promiscuité d'immenses
camps de tentes et de tôles, seuls 5% des gravats de la
capitale détruits à 85%, ont
étédégagés. Bref, de reconstruction, pas
la moindre trace en Haïti137. Fort de ce constat
inquiétant, il est impératif de s'interroger de
prime abord sur les facteurs ou obstacles qui limitent la mise en oeuvre
efficace du processus de reconstruction (Chapitre I) ; dans un second temps,
nous examinerons quelques perspectives pour une meilleure prise en compte de la
reconstruction par les acteurs humanitaires dans un contexte de crise (Chapitre
II).
135 Ce constat nous amène à nous interroger sur le
fait de savoir : pour qui reconstruit-on ?
136 En Suisse, la Chaîne du Bonheur récoltera 65
millions de francs.
137 «La situation est effectivement très
difficile, surtout à Port-au-Prince, qui avant même le
séisme était déjà une métropole du
tiers-monde congestionnée, avec des bidonvilles surpeuplés»,
relève Alain GEIGER, responsable de projets à la Chaîne du
Bonheur. Port au Prince, Haïti.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
CHAPITRE I LES FREINS A LA MISE EN OEUVRE DE LA
RECONSTRUCTION
La survenue d'une crise de grande envergure suscite
généralement une importante vulgarisation médiatique qui
draine avec elle une présence massive d'ONG. Malheureusement, il nous a
souvent été donné de remarquer que, la phase de l'urgence
achevée, médias et ONG tirent leur révérence. Ce
qui comme l'absence de financement constituent de véritables entraves
à la reconstruction (section I). Aussi, certaines pratiques humanitaires
parce que pleines d'ambiguïté sont une entrave à la
reconstruction (section II).
Section1 : L'intervention limitée et
intéressée des acteurs humanitaires et l'absence
de financement comme une entrave à la reconstruction
Dans le cadre de cette partie, nous allons analyser de prime
à bord le rôle des médias et des ONG dans l'échec de
la reconstruction (paragraphe 1). Pour voir dans un deuxième temps
comment les chances de réussite de la reconstruction peuvent etre
compromises à cause de la corruption, des détournements des fonds
et parfois du non respect des promesses des donateurs (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La participation limitée et
intéressée des Médias et des ONG comme un frein
à la reconstruction
Jamais les médias n'ont pris autant d'importance dans
le contexte humanitaire qu'aujourd'hui. Ils permettent en effet de focaliser
l'attention sur des crises qui seraient passées inaperçues.
Considérés comme des canaux efficaces pour informer et mobiliser
la communauté internationale de la situation chaotique qui sévit
dans un pays donné et à un moment donné, ceux-ci semblent
focaliser la plus grande partie de leurs manoeuvres dans le cadre de l'urgence.
Ce qui en soit serait en même de fragiliser la reconstruction (A). Cette
dernière est aussi dans la plupart des cas victime de l'inconstance de
certaines ONG qui, guidées par des intérets personnels,
transforment l'action humanitaire en une activité lucrative (B).
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
A- Les médias et la logique de
l'instantané
Les médias jouent un rôle très important
pour l'aide humanitaire : ils permettent de récolter des fonds, de
sensibiliser le public aux différentes actions et de dénoncer les
atrocités que l'on trouve dans certains pays. En ce qui concerne la
collecte des fonds, Kofi Annan138 disait en 1994 que «
lorsqu'il existe un problème qui n'a pas été pensé
ou réfléchi, ce sont les médias qui ont le loisir
d'influencer la manière dont la communauté internationale peut
agir »139. Un rôle qu'ils semblent mener à
bien.
Cependant, certaines actions des médias peuvent avoir
des effets redoutables, ce qui en soi pourrait constituer une limite pour la
reconstruction post crise140. En effet, pour parler comme Jean
François MATTEI141, certains pionniers de l'humanitaire en
accord avec les médias, n'ont pas hésité à activer
la corde compassionnelle, à utiliser l'émotion, parfois avec
démesure, pour représenter la victime sous le seul angle de la
tristesse et de la pitié142. Dans le méme ordre
d'idées, sous le coup de l'émotion produite par la grande
mobilisation des médias dans l'urgence, le flot concentré de
l'aide internationale peut aggraver le sentiment d'abandon dans les zones non
bénéficiaires. C'est le cas par exemple de la crise du Darfour
qui a été effacée par celle du Tsunami ; la crise du Niger
par l'Ouragan Katrina aux Etats-Unis ; plus récemment la crise
haïtienne par la crise du Japon143.
Par ailleurs, s'il est admis avec Jean François
DENIAU144que les médias occupent une place importante dans
l'action humanitaire145, l'une des difficultés qui demeure
cependant est que l'ère des médias s'inscrit dans une logique de
l'immédiateté. En Haïti par exemple, trop en faire le temps
de l'urgence et faire systématiquement appel à un réflexe
compassionnel a donné l'illusion au donateur que la rapidité du
don comblera, voire « compensera » le malheur des populations
sinistrées. Mais les médias ne portent leurs caméras que
sur certaines séquences de l'intervention humanitaire :
généralement les premiers temps d'une crise,
138 KOFI ANNAN est l'ancien secrétaire
général des Nations Unies à qui a succédé
BAN KI MOON.
139 Reymond Philippe, Margot Jonas, Margot Antoine, Les
limites de l'aide humanitaire, Lausanne, 2006-2007, p. 62.
140 Une des limites les plus importantes est que
l'intérêt public pour une catastrophe ne dure pas longtemps et
donc que les fonds pour la phase de reconstruction ou l'après crise sont
plus difficiles à mobiliser
141 Jean François MATTEI, Op. Cit. p. 135.
142 Idem.
143 Un violent séisme de magnitude 8,9, a touché
le nord-est du Japon, a provoqué un énorme tsunami. Une
série de vagues, dont la plus importante a atteint dix mètres de
haut, a atteint les côtes nippones. Le bilan des pertes humaines
s'alourdit d'heure en heure.
144 Selon Jean François DENIAU, le risque pour
l'humanitaire « est moins l'excès de médiatisation que
l'excès d'immédiatisation ».
145 Dans un contexte de crise, les médias nourrissent
l'humanitaire dans l'optique d'édifier les consciences et réunir
les moyens de l'aide.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
lorsque arrivent les premiers secours, et que les responsables
politiques des pays donateurs se rendent sur place pour manifester la
solidarité de leurs nations envers les populations frappées par
le malheur. Bien souvent d'ailleurs, les médias ne couvrent ces sujets
que parce que les hommes politiques effectuent une visite sur place, et les
hommes politiques ne sont là que pour les journalistes qu'ils emportent
avec eux dans l'avion. La tragédie ne sert alors que de toile de fond
avec ses alignements de tentes ou de huttes de branchage, les enfants
faméliques dans un dortoir sordide ou jouant devant les caméras
et en guise de commentaire, l'interview d'un agent humanitaire arborant sur le
dos le sigle de son organisation et appelant la communauté
internationale à accroître son aide. Invariablement,
l'émission se termine par le passage d'une bande annonce donnant le
numéro de compte en banque de l'organisation. Dans un tel contexte, les
fonds pour la phase de reconstruction où l'après crise sont plus
difficiles à mobiliser et par conséquent, les perspectives de
reconstruction moins envisageables. Ainsi dans un monde acquis à la
cause du sensationnel où les événements se chassent les
uns les autres à une vitesse accélérée, il s'agit
comme le pense Jean François MATTEI, de garder une perspective globale,
dans laquelle la durée de l'action devient non pas l'opposé de
l'urgence mais son complément indispensable. Une approche que devrait
intégrer bon nombre d'ONG humanitaires qui transforment l'action
humanitaire en une sorte de marché.
B- / Hr2 1 * IHIe PDrH)WPDQitD1H146
Comme l'a mentionné Ernest-Marie MBONDA147,
l'action humanitaire mobilise des associations et des organisations qui
déploient de plus en plus des moyens colossaux pour accomplir leurs
missions. Au cours de ces dix dernières années, remarque Rony
BRAUMAN, « Le mouvement humanitaire est passé de l'artisanat
à l'industrie, de la pénurie à l'opulence grâce
à la générosité du public, certes, mais surtout
grâce aux énormes financements
148.
gouvernementaux »Les organisations humanitaires
ont développé d'imposants appareils, recruté du personnel,
constitué des stocks. Devenues des « entrepreneurs de
causes », elles tendent à identifier leurs
intérêts d'institutions avec ceux des victimes, réelles ou
supposées, c'est-à-dire à confondre les fins qu'elles
poursuivent avec les moyens qu'elles mettent en oeuvre. De plus en plus
considérés comme de grands opérateurs économiques,
les
146L'extrait « marché de l'humanitaire
» est tiré de l'ouvrage d'Ernest-Marie MBONDA, L'Action
humanitaire en Afrique lieux et enjeux, Op.cit. p. 78.
147Ernest-Marie MBONDA, Op. Cit. p. 76.
148Ernest-Marie MBONDA, Op. Cit. p. 78.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
organisations humanitaires modernes se livrent à des
achats d'équipements, de vivres, de couvertures, de médicaments,
parfois inadaptés au contexte de leurs interventions. Dans l'urgence,
chaque organisation essaye tant bien que mal de jouer sa partition et dans
cette optique, chacune d'elle se livre à des batailles acharnées
et à une concurrence féroce149 dans l'optique parfois
d'être sélectionnée comme des agences de sous-traitance des
organisations internationales et des Etats. Pour ces organisations, il s'agit
de plus en plus d'engranger des points pour plaire aux donateurs et de ce fait,
obtenir leur soutien financier. Dans le cas du tsunami en Indonésie, MSF
constata que « nous sommes face à un vrai paradoxe : la
multiplication des initiatives rend de plus en plus difficile le travail
sur le terrain. C'est la course de la visibilité : des ONG
veulent montrer à leurs donateurs qu'elles font bien quelque chose de
leur argent »150. Dans le même ordre d'idée,
on assiste très souvent à la survenue d'une crise
nécessitant une intervention humanitaire, à la naissance
spontanée de certaines ONG parfois sans statut réel.
Aussitôt la gestion de l'urgence terminée, (gestion qu'elles
assurent très peu), celles-ci comme des fantômes disparaissent
dans l'ombre.
Dans un tel contexte quelle place occupe la «
reconstruction » ? Cet état des choses ne justifie t-il pas les
dérives rencontrées en Indonésie et en Haïti dans le
cadre de la reconstruction ? En effet, l'échec de la reconstruction ou
alors de son érection à une place de choix dans le champ de
l'humanitaire (et de ses acteurs) émane des actions ou du comportement
de certaines ONG. Soit elles existent réellement et ne s'impliquent pas
véritablement dans le processus de reconstruction, soit elles naissent
pour la circonstance et disparaissent aussitôt que leurs objectifs
privés sont atteints.
Au final, la transformation de l'action humanitaire en une
sorte de marché peut être considérée comme l'une des
formes les plus pernicieuses de la perversion de l'action humanitaire, biaisant
à coup sûr les perspectives envisagées pour la
reconstruction. A côté des limites ci-dessus relevées, nous
allons évoquer les limites liées aux fonds.
Paragraphe 2 : Le détournement des fonds
consacrés à la reconstruction et le
non- respect des promesses faites par les
donateurs
Le détournement des fonds (A) et la réalisation
partielle des promesses pour la reconstruction (B) constituent effectivement
une entrave à celle-ci.
149 Batailles dans lesquelles le recours aux
pots-de-vin et à la corruption ne sont pas rare.
150Thomas HOFNUNG et Eliane PATRIARCA, «
Embouteillage pour l'aide en Asie », disponible sur
http://www.liberation.fr/evenement/0101515049-embouteillage-pour-l-aide-en-asie
(Consulté le 18 avril 2011).
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
A- Le détournement des fonds consacrés
à la reconstruction
La survenue d'une crise de grande ampleur appelle une
mobilisation conséquente, tant sur le plan humain que sur le plan des
fonds. Dans l'euphorie de l'urgence, ces fonds dans la majorité des cas
font l'objet de détournements. C'est une situation endémique dans
les contextes d'instabilité publique que connaissent certains pays (fait
naturel ou anthropique). La pratique est devenue systématique.
Les coupables parfois circonstanciels bénéficient d'une
impunité totale. C'est une pratique à haut rendement et à
bas risque, qui concerne tout le monde : les fonctionnaires et les élus,
le Parlement, le pouvoir exécutif, le monde judiciaire, le secteur
privé, les acteurs humanitaire etc. Dans le cas de Haïti,
Marilyn ALLIEN151 déclarait déjà :
« La gestion de l'argent nous inquiète : nous craignons qu'une
partie de l'aide soit détournée et ne bénéficie pas
aux Haïtiens qui en ont besoin »152. Un an plus tard
en effet, seulement 38 pour cent des fonds ont été
dépensés pour aider à la reconstruction d'Haïti,
selon un sondage réalisé par le Chronicle of Philanthropy
. En Haïti, on soupçonne largement que de grandes sommes
d'argent ont été détournées vers les caisses des
ONG et des organisations humanitaires153. L'Indonésie ne fut
pas en reste. En effet, malgré le succès relatif qu'on lui
reconnaît la reconstruction indonésienne a connu un retard
à cause des détournements de fonds, la corruption et la mauvaise
gestion. Le non respect des promesses faites par les donateurs dans le cadre de
la reconstruction constituent également une limite à la
reconstruction.
B- L'inexistante ou partielle réalisation des
promesses des donateurs
Les crises dévastatrices ont la particularité de
fragiliser les institutions économiques d'un pays. C'est à ce
niveau qu'intervient la communauté internationale qui, à travers
des actions concertées décident du montant du financement
à allouer pour le relèvement du pays en crise. Cependant, le
constat malheureux qui est souvent fait est celui de l'exécution tardive
ou même de l'inexécution des promesses de financement. En
Haïti, un an à peine, plus de cent cinquante gouvernements et
autres acteurs internationaux s'étaient réunis pour contribuer
significativement au relèvement et à la reconstruction
d'Haïti après le tremblement de terre souffert par ce pays le 12
janvier 2010. La solidarité fut absolument louable, à s'en tenir
aux
151 Présidente de la Fondation Héritage
pour Haïti, la branche locale de Transparency International.
152Le Monde, <4 Reconstruction d'Haïti : le
casse-tête de la corruption », disponible sur
http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2010/02/02/reconstruction-d-haiti-le-casse-tete-de-la
corruption_1300040_3222.html (Consulté le 29 avril 2011).
153Bill Van AUKEN, <4 Un an depuis le séisme
en Haïti », dispo sur
http://wsws.org/francais/News/2011/jan2011/hait-j14.shtml
(Consulté le 29 avril 2011).
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
déclarations. En effet, le montant promis de neuf
milliards de dollars pour la reconstruction, dont cinq à verser dans les
deux premières années, plus les offres supplémentaires en
nature, quoique insuffisantes, traduisaient une volonté de
coopération indéniable. Le principe déclaré de
dégager cette aide selon les priorités du gouvernement
haïtien, de façon à renforcer l'autorité de
l'État, impliquait le respect de la souveraineté de ce pays
meurtri et des prérogatives de ses autorités gouvernementales. Il
semblait donc exister une volonté universelle de preter de l'aide
à cette nation héroïque, la première à avoir
brisé le joug colonial et aboli l'esclavage sur le continent
américain.
Mais ce qu'il est advenu depuis n'a pas été en
accord, hélas, avec l'esprit qui avait régné à
cette conférence du 31 mars 2010, alors que, pourtant, nombre de ce
qu'on appelle « les principaux donateurs » continuent de consacrer
des ressources exorbitantes à la guerre et à l'intervention
militaire. L'aide financière et matérielle promise, bien
qu'insuffisante au regard de l'ampleur du problème, n'a pas
été déboursée. La volonté du gouvernement
haïtien n'a pas été respectée, pas plus que ses
priorités. La reconstruction d'Haïti envers laquelle la
communauté internationale s'était engagée reste en
attente. L'Indonésie trois ans après le tsunami se retrouvait
(peut être à basse échelle) dans la même
situation154. Au demeurant, il n'y a pas que le défaut
d'implication des acteurs ou l'absence de financement qui représente un
frein à la reconstruction ; certaines pratiques humanitaires peuvent
aussi en effet fragiliser celle-ci.
Section2 : Les pratiques de l'action humanitaire comme
une entrave à la reconstruction.
Lorsque survient dans un lieu donné une catastrophe
naturelle de grande envergure, on assiste généralement à
un déploiement humanitaire colossal. Parce que spécialisés
parfois dans des domaines semblables, ces acteurs humanitaires qui
interviennent dans l'urgence dupliquent des interventions similaires dans un
même rayon et pour la même population. On parle dans ce cas du
défaut de coordination, sans laquelle il serait difficile d'envisager la
démarche vers la reconstruction. Aussi, il faut noter que, dans un
contexte de crise naturelle où il n'existe pas d'une part une
cohésion au niveau politique et d'autre part une fragilité au
niveau économique, il est très difficile de réaliser les
objectifs de reconstruction (paragraphe
154Thomas KAUFFMANN, « La reconstruction
après le tsunami, bilan provisoire », disponible sur
http://www.thomas-kauffmann.tk/travelblog/?p=40
(consulté le 30/04/2011).
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
1). Par ailleurs, l'on a souvent remarqué dans les
interventions humanitaires que les acteurs marginalisent ou alors prennent
très peu en considération l'apport des populations locales. Et
dans la même logique ce sont des modèles de reconstruction parfois
inadaptés au contexte qui veulent être imposés bafouant
ainsi les considérations culturelles du pays sinistré
(paragraphe
2).
Paragraphe 1 : Le défaut de coordination
Humanitaire et l'instabilité
politico- économique comme entraves à la
reconstruction.
En effet, lorsque la coordination humanitaire (A) est
défaillante et le contexte politicoéconomique (B) chaotique, il
est difficile d'envisager la réussite de la reconstruction.
A- Le défaut de coordination Humanitaire : un
obstacle à la reconstruction.
En effet, face à l'aggravation à la
multiplication et à la complexification des situations 10YEcitiiILhs
IClurgence nées des catastrophes naturelles ou anthropiques, la
nécessité de coordonner l'assistance à apporter aux
victimes est devenue en elle-meme une urgence. C'est donc par les
résolutions 46/182 du 19 décembre 1991, 47/168 du 22
décembre 1992, 48/57 du 14 décembre 1993 et 49/139 du 20
décembre 1994 que les UN ont entrepris une construction institutionnelle
et normative visant à rationaliser les opérations humanitaires et
à renforcer le rôle du secrétaire général
dans l'aide humanitaire d'urgence et le secours en cas de catastrophes
naturelles. On parle à cet effet de la coordination de l'action
humanitaire. Elle a pour but de limiter les duplications d'interventions
similaires dans un meme rayon d'action et pour la même population. Selon
Jean Didier BOUKONGOU, « OaEILIisRc ICVtILeEICIEOa E coordination se
justifie également par la réalité selon laquelle, dans une
bousculade humanitaire, il peut y avoir un gaspillage de ressources qui peut
avoir une grande incidence sur la population assistée à long
terme »155.
Au vu de ce qui précède, il apparaît
clairement qu'en l'absence d'une véritable coordination humanitaire,
l'on ne saurait envisager une réussite de la reconstruction post
crise156. Si les fonds reçus excédents et que les
actions menées ne sont pas concertées ou coordonnées que
faut-il attendre pour la reconstruction ? On l'a vu, l'aide est beaucoup plus
efficace quand tout le monde tire à la meme corde. Il s'est
avéré dans des cas de désastres majeurs comme l'ouragan
Katrina en 2005 ou le séisme d'octobre 2005 au Pakistan que
155Jean Didier BOUKONGOU, Cours de coordination de
l'action humanitaire, Master droits de l'homme et Action humanitaire,
UCAC/APDHAC, année académique 2010-2011, inédit, p. 3.
156 La gestion de l'urgence étant elle-même
défaillante.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
malgré la présence de nombreuses organisations
humanitaires, les secours n'ont pas pu etre efficaces par manque de
coordination ou de logistique. Ce fut aussi frappant dans le cas du tsunami.
Dans ce dernier cas particulièrement en Indonésie, et
malgré le fait que bon nombre d'observateurs s'arriment à dire
que la reconstruction indonésienne a été un succès,
nous avons assisté à ce que Pierre MICHELETTI a appelé le
« Grand Barnum Humanitaire »157. Une situation
qui entraîna notamment l'intervention d'innombrables petites associations
aux domaines de compétences parfois aussi diverses qu'approximatives qui
révélèrent des difficultés de coordination. Aussi,
Le bureau de l'ONU chargé de coordonner l'aide humanitaire a reconnu
avoir été vite dépassé : « Il y avait
tellement d'organisations qui voulaient aider qu'il n'était pas facile
pour elles de trouver un rôle »158. En Haïti
également la coordination a eu du mal à se mettre en
place159 du fait meme de la pluralité d'acteurs et d'actions
non concertées sur le terrain. On aurait dit « une petite
compétition entre amis ». En effet, l'importante
médiatisation et la vive émotion que cette catastrophe a
suscité au delà des simples frontières haïtiennes ont
permis, dans les jours qui ont suivis le 12 janvier, d'obtenir une relative
assistance internationale en matière de secours d'urgence. Les
États se bousculaient alors pour « se tenir aux
côtés » des Haïtiens en « cette
période difficile »160. Exprimant tour à
tour leur « profonde émotion»161, une
course à l'assistance a été lancée dans les
quelques jours qui ont suivis le séisme. Dans un tel contexte la
reconstruction ne peut qu'etre un leurre dans la mesure où, s'il est
admis que la reconstruction passe par une bonne gestion de l'urgence, on
comprendrait alors que l'échec de cette dernière ne puisse
qu'avoir des conséquences néfastes sur la reconstruction. Il est
évident néanmoins que, lorsque la coordination est
défaillante dans un contexte de crise, c'est parfois le fait de
l'instabilité politique et économique qui sévit dans le
pays en cause.
B- L'instabilité politique et économique
comme un frein à la reconstruction.
1- I Iftxkuflfkysnfkfqxi
On parle d'instabilité politique dans un pays donné
et pendant une période donnée lorsque règne un chaos au
sein des institutions politiques ou étatiques. Elle constitue une
157 Pierre MICHELETTI, Op. Cit. p. 83.
158 Maragareta WAHLSTROM, la coordonnatrice adjointe des secours
d'urgence des Nations unies.
159 Le chaos actuel dans le quel vit Haïti nous
amène même à conclure que cette coordination a
été inexistante. Ce qui a favorisé la
récupération de la conduite des opérations de secours par
l'armée américaine.
160América gov, « Développement en
Haïti »Auteur, disponible sur
http://www.america.gov/st/developfrench/2010/January/20100113153202esnamfuak8.532351e
02.html?CP.rss=true (Consulté le 19 avril 2011). 161Le monde,
« Catastrophe haiti Sarkhozy fait part de sa profonde émotion
» disponible sur
http://www.lepoint.fr/actualites-monde/2010-01-13/catastrophe-haiti-sarkozy-fait-part-de-sa-profondeemotion/924/0/412940
(Consulté le 19 avril 2011).
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
véritable entrave à la reconstruction post-crise
dans la mesure où il faut reconnaître que dans un climat de
tension, il est presqu'impossible de penser la reconstruction. Chaque partie
voulant faire valoir ses arguments par la force, de nombreuses pertes sur le
plan humain et sur le plan matériel en résultent en termes de
conséquences. On n'envisagera donc mieux la réussite de la
reconstruction que dans un contexte de paix. A Aceh par exemple que l'on
présente comme un exemple de reconstruction réussie, un conflit
opposait depuis 1976 l'armée indonésienne au Mouvement pour un
Aceh libre (GAM)162. Avant le 26 décembre, la province d'Aceh
était sous administration militaire, et personne ne pouvait y
accéder. La zone était très peu développée,
et le taux de vaccination peu élevé. Depuis le tsunami, un
processus de paix a été engagé ce qui sans doute a
favorisé les avancées que l'on a observés en termes de
reconstruction du pays.
Par ailleurs, le climat d'insécurité
engendré par l'instabilité, favorise généralement
l'intrusion d'une nouvelle forme d'acteurs que sont les militaires,
(guidés par des intérêts géostratégique (s)
et géopolitique (s), sous le couvert de la «
responsabilité de protéger » ; une
responsabilité de protéger qui, sauf erreur de notre part,
s'inscrit dans le cadre strict de l'urgence163. Dans le cas
haïtien164 par exemple, la chef de la diplomatie de
l'UE165 Catherine ASHTON dans un communiqué signé
également par les commissaires européens chargés
respectivement du développement et de l'aide humanitaire Andris PIEBALGS
et Kristalina GEORGIEV a fait mention de ce que, l'instabilité politique
en Haïti ralentit et complique le processus de reconstruction. Il faut
noter que, la stabilité et le fonctionnement démocratique
d'Haïti constituent une condition préalable nécessaire pour
que l'ensemble de la communauté internationale puissent coopérer
dans l'optique de définir les besoins prioritaires du pays. Le
162 Banda Aceh, le 6 février. Le conflit avec le GAM
«ne crée pas un environnement favorable à la
reconstruction», indique le ministre indonésien des Affaires
sociales.
163 N'ya t-il pas lieu de parler aujourd'hui d'une
responsabilité de reconstruire ?
164 Il faut rappeler ici concernant la situation politique
que, Haïti connaît une vie politique instable, marquée par
plusieurs coups d'État, avant l'avènement au pouvoir de
François Duvalier, en 1957. Celui-ci instaure un régime
autoritaire qui exerce une sévère répression contre toute
forme d'opposition. À la mort de Duvalier, en 1971, son fils
François lui succède à la tête du pays. Il faut
attendre 1986 avant que la contestation, qui s'amplifie depuis quelques
années, n'entraîne le départ de Duvalier en exil. La
Constitution adoptée en 1987 prévoit des réformes
démocratiques, mais les militaires reprennent le contrôle du pays
qui est brièvement dirigé par un président élu,
Jean-Bertrand Aristide, en 1990-1991. Forcé à l'exil par
l'armée, celui-ci revient au pouvoir en 1994 avec l'appui des
Américains. Malgré la tenue d'élections, la vie politique
à Haïti, un État d'une grande pauvreté, demeure
cependant instable et imprévisible.
165 L'UE est le premier bailleur de fonds au monde en faveur
d'Haïti. En mars 2010, elle s'était engagée à
apporter au gouvernement haïtien une aide de 1,2 milliard d'euros. A ce
jour, l'UE a engagé quelque 600 millions d'euros, soit plus de la
moitié des fonds promis. A elle seule, la Commission a promis une aide
de 522 millions d'euros dont 330 ont fait l'objet d'engagements.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
processus électoral chaotique166 que
connaît Haïti ne saurait dans ce sens constituer une aide pour le
relèvement du pays167. C'est en effet à cause de cette
instabilité et à cause de la coordination
défectueuse168que la récupération de la gestion
des opérations par l'armée américaine a été
favorisée. Une gestion fortement contestée quant aux perspectives
de reconstruction. Une interrogation nous vient à l'esprit. S'il est
admis que le militaire n'est pas un acteur humanitaire et que dans le cas
haïtien, son intervention est pour la plupart du temps guidée par
un certain nombre d'intérets géostratégique (s) et/ou
géopolitique (s)169, qu'est ce qu'un sinistré dans
l'attente d'une rétrocession de ses capacités de choix
(reconstruction) pourrait espérer d'une telle intervention ? Cette
question pourrait également se poser dans un contexte où les
institutions du pays sinistré sont gangrenées par une
instabilité politique et par le fléau de la corruption.
2- / IKMEKKIWOKIP IIuTO TOMITOWEu dTOHE IIIDSISn : des
blocages pour une mise en MrTOITOffective de la reconstruction.
Lorsque survient dans un pays une catastrophe de grande
envergure et que l'économie se porte bien, les possibilités de
relèvement sont facilement envisageables. Evoquons une fois de plus le
cas du Tsunami japonais de 2011 où les nombreux dégâts
provoqués par la catastrophe ont été chiffrés
à coup de dizaines de milliards de
dollars170. À moyen terme cependant,
l'économie japonaise pourrait rebondir fortement. Dressant un
parallèle avec le séisme de Kobe, en 1995, Takuji Ôkubo,
économiste à la Société Générale,
souligne que la
166A la proclamation des résultats du premier tour,
Mirlande MANIGAT arrive en tête avec 31 % devant le challenger Jude
Célestin qui obtient 22%. Tous deux s'affronteront donc lors d'un second
tour, dont la date avait été fixée provisoirement au 16
janvier. Le grand perdant de cette élection est le chanteur Michel
MARTELLY. Pourtant, un groupe d'observateurs financé par l'Union
européenne annonçait, sur la base de données recueillie
dans 1600 bureaux de votes, qu'un deuxième tour aurait lieu entre
Mirlande MANIGAT et Michel MARTELLY. Suite à cette annonce,
Port-au-Prince a vécu des scènes de guérilla urbaine mardi
soir : des manifestations ont eu lieu, des tirs ont été entendus
et des barricades ont été dressées. Michel MARTELLY avait
en effet promis une vague de contestation s'il ne passait pas le premier tour
et il est capable de mobiliser des milliers d'admirateurs. Cf.
http://www.lepost.fr/article/2010/12/08/2333074_election-en-haiti-un-deuxieme-tour-en-pointilles.html
(Consulté le 19 avril 2011).
167 Selon l'Organisation internationale pour les
migrations, plus de 800.000 Haïtiens vivent toujours dans des camps de
réfugiés dans des conditions très difficiles. A cela
s'ajoute une épidémie de choléra qui, depuis son
apparition en octobre, a tué 3.651 personnes et fait 171.304 malades,
selon les dernières données de l'OMS.
168 Notons ici que la mission des nations unies pour
la stabilisation en HAITI déjà sur le terrain avant la crise, et
fortement contestée par la population haïtienne, a
été également sévèrement affectée par
le séisme.
169 Sans nier évidemment l'apport
sécuritaire des militaires dans le cadre de l'acheminement de l'aide en
Haïti,
170 Deux jours après la catastrophe, les
destructions résultant du séisme et du tsunami qui ont
frappé le Japon vendredi restent encore difficile à
évaluer. Seule certitude : le tremblement de terre aura «un
impact considérable sur les activitéS économiques d'un
grand nombre de secteurs», a prévenu le porte-parole du
gouvernement japonais, Yukio Edano. Des conséquences qui devraient se
chiffrer en dizaines de milliards de dollars. Selon le spécialiste de la
gestion des risques AIR Worldwide, le coût du seul tremblement de terre
(sans compter les devrait atteindre 34,6 milliards de dollars. Cf.
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2011/03/12/04016-
20110312ARTFIG00428-japon-l-economie-rebondira-apres-le-seisme.php.
(Consulté le 07 mars 2011).
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
reconstruction devrait générer un surcroît
d'activité, et le besoin de la population de renouveler ses biens
endommagés doper la consommation171. Si le
japon se retrouve dans cette situation aujourd'hui, c'est bien parce qu'avant
la survenue du drame, l'économie reposait sur des bases solides. On ne
peut pas en dire autant d'Haïti où la situation économique
et sociale est épouvantable. En effet, l'impact de la catastrophe a
été extrêmement grave et il a handicapé un peu plus
une économie qui, jusqu'en 2006, avait connu plusieurs décennies
de déclin172. C'est également le cas
en Indonésie certainement avec moins d'acuité, qui six ans
après le tsunami, peine encore à redresser son
économie.
Pour reconstruire un pays sévèrement
affecté par une catastrophe, les acteurs de la reconstruction tant
internes qu'internationaux ont un besoin énorme de fonds. On ne peut
cependant pas dire, dans le cas indonésien et haïtien que ce sont
les fonds qui ont manqué. En effet, la grande mobilisation
orchestrée par les médias a entraîné une abondante
générosité aussi bien sur le plan humain que sur le plan
financier. Cependant, la reconstruction a été freinée par
le fléau de la corruption. Six ans après le tsunami en
Indonésie le prolongement de la reconstruction a été
confié aux administrations locales, encore minées par la
corruption et beaucoup s'interrogent sur leurs capacités à
redresser l'économie de la province : Aceh doit maintenant faire face
à une croissance affaiblie et à l'augmentation du taux de
chômage dûe en partie au départ de la majorité des
ONG (qui avaient pour priorité la gestion de l'urgence) et à la
fin de la « bulle » des fonds post-tsunami. La
reconstruction de la province indonésienne de Banda Aceh, à la
pointe nord-ouest de Sumatra, la région la plus meurtrie par le tsunami
du 26 décembre 2004, avait été conçue par le
président Susilo Bambang Yudhoyono comme un modèle de
transparence quant à l'utilisation des fonds - dons individuels d'une
opinion mondiale bouleversée et assistance multilatérale des
gouvernements. Il avait mis à sa tête un homme à la
réputation impeccable sur ce plan, l'ancien ministre de l'énergie
Kuntoro Mangkusubroto qui jurait en décembre 2005 que bien qu'un peu de
retard ait été pris au démarrage, tout allait se passer
"dans une propreté financière totale". Deux ans après le
désastre - qui a fait à Aceh 200 000 morts et disparus et 500 000
sans-abri - les nuages commencent à s'accumuler sur l'opération.
En effet, Le Bureau de Réhabilitation et Reconstruction (BRR) de M.
Kuntoro est accusé depuis août 2006 par
171 «Après le tremblement de terre de 1995, le PIB
japonais a crû de 1,9% en 1995, puis de 2,6% en 1996, alors que la
croissance moyenne de l'économie nippone sur cette période
était de 1,5%. La consommation a progressé de 2,2% entre 1995 et
1996 contre 1,1% en moyenne entre 1995 et 2004», précise Takuji
Okubo. (Consulté le 14 mars 2011).
172Voir Crisis Group, Latin America/Caribbean Briefing
N°19, Haiti 2009: Stability at Risk, 3 mars 2009.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
diverses Organisations Non Gouvernementales
indonésiennes luttant contre la corruption, d'avoir laissé filer
plusieurs millions de dollars dans des poches personnelles. M. Kuntoro
lui- - même s'est vu reprocher de percevoir un salaire
supérieur de plus de 10 % à celui du chef de l'Etat
indonésien.
Un an après le séisme en Haïti, la
reconstruction ne décolle toujours pas, certes à cause du non
respect des promesses qui ont été faites par les donateurs, mais
aussi à cause de la corruption. « Où sont passés les
milliards promis »? S'interroge Stéphane PALLAGE173.
Pour lui, il est loisible de conclure que ces inquiétudes sont
fondées en Haïti car basées sur un historique d'institutions
fragiles et corrompues. La corruption est bien présente en Haïti et
elle freine certainement la reconstruction174. En dehors des limites
ci-dessous évoquées, d'autres facteurs sont à même
de freiner la reconstruction.
Paragraphe 2 : La non prise en compte des
capacités locales ou l'imposition d'un modèle standard de
reconstruction et la marginalisation des facteurs culturels comme entraves
à la reconstruction.
L'examen des capacités locales pour parler de l'Etat (A)
précédera celui des facteurs culturels (B).
A- La non prise en compte des capacités locales ou
l'effacement de l'Etat comme un
frein à la reconstruction
Selon Jean Didier BOUKONGOU, « Il y a un
problème pertinent qui oppose souvent les intervenants locaux à
ceux internationaux C'est la récupération des actions des
premiers par les seconds, et plus encore la perte d'intér~t sur les
capacités locales ou l'ignorance d'efforts consentis
antérieurement par des locaux dans l'amélioration de la situation
ayant concourue au déploiement des agences humanitaires internationales
sur le terrain oft les partenaires régionaux de ces dernières
antérieurement déployés ailleurs
»175. Ces nouveaux venus se présentent
généralement avec des moyens colossaux par rapport aux locaux, et
parce que guidés par l'urgence multiplient des actions basiques qui, au
demeurant, ont parfois déjà
173 Stéphane PALLAGE est Directeur,
Département des sciences économiques et membre de l'Observatoire
sur les missions de paix et opérations humanitaires de la Chaire
Raoul-DANDURAND.
174Stéphane PALLAGE, « Reconstruire
Haïti », avril 2011, disponible sur
http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:cNvO0dq1f_UJ:www.dandurand.uqam.ca/uploads/files/
publications/rflexions/Plan_marshall_haiti_Pallage.pdf+la+reconstruction+frein%C3%A9e+par+la+corruption
en+Haïti&hl=fr&gl=fr.
175Jean Didier BOUKONGOU, Cours de coordination de
l'action humanitaire, Master droits de l'homme et Action humanitaire,
UCAC/APDHAC, année académique 2010-2011, inédit, p. 3.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
été réalisées par les locaux. En
effet, les associations humanitaires négligent souvent l'existence des
entreprises locales. En envoyant du matériel déjà
préfabriqué ou commercialisé sur place, elles entravent
l'émergence d'une potentielle reconstruction tout en contribuant
à l'essor fulgurant du chômage. Cette situation peut se
résumer en ce que Sophie PERCHELLET a appelé « L'absence de
L'Etat »176.Tout ceci peut facilement concourir aux
conséquences inattendues notamment sur le plan de la reconstruction.
Dans le cas d'Haïti, il faut rappeler que, avant le 12
janvier 2010, les faiblesses d'Haïti existaient déjà.
Prenons par exemple le fait que 80% des écoles étaient aux mains
du privé (ONG, églises), alors que cette proportion
s'élevait à 90% pour la santé. En d'autres termes, le
séisme en Haïti a exacerbé l'absence de
l'Etat177. En effet, contrairement à l'Indonésie qui
doit son succès relatif de la reconstruction en grande partie à
son Etat et à sa population, les Haïtiens quant à eux sont
les grands absents du processus de reconstruction. Totalement exclus des
concertations et des discussions, les mouvements sociaux s'organisent pourtant
pour exprimer leurs idées. Les récentes révoltes
dirigées contre la Mission des Nations Unies pour la stabilisation
d'Haïti (MINUSTAH) ne sont pas seulement l'expression d'un malaise ayant
pour cause le choléra. Car les Haïtiens n'ont pas attendu la
diffusion de la maladie pour demander le départ de cette mission, au
motif que les militaires et les policiers composant les contingents se sont
rendus coupables de plusieurs exactions et actes de violence. La population
sinistrée occupe une place centrale dans la mise en oeuvre du processus
de reconstruction. Cette dernière intègre en effet des aspects
qui sont pour la plupart du temps ignorés des acteurs de l'aide
internationale. Parce que figés sur un modèle occidental de
reconstruction à imposer, ils ne prennent pas en compte, ou alors
très peu, les valeurs culturelles qui sont des composantes essentielles
pour la réussite de la reconstruction.
B- LtIhFITEFRIXIFIRCMIXBiRC comme une conséquence
des valeurs culturelles bafouées.
Par valeurs culturelles, il faut entendre les principes moraux
qui se classent en fonction des particularités d'une
société178. Lorsqu'elles sont négligées,
elles peuvent considérablement occulter les démarches pour la
reconstruction. Selon Jean Didier
176 Sophie PERCHELLET, « Haïti, du séisme au
choléra : chronique de l'échec de la reconstruction », 13
janvier 2011, disponible sur
http://camarade.over-blog.org/article-haiti-du-seisme-au-cholera-chronique-de-l-echec-de-la
reconstruction-par-sophie-perchellet-64940141.html (Consulté le 21 avril
2011).
Sophie PERCHELLET est auteure du livre « Haïti : entre
colonisation, dette et domination. Deux siècles de lutte pour la
liberté », CADTM-PAPDA, 2010, dispo sur
www.cadtm.org
(Consulté le 21 avril 2011).
177 D'après Daniel Holly professeur
au Département de science politique de l'UQAM « L'État
haïtien est un État sans substance qui ne vise qu'à
satisfaire les intérêts d'une élite. Ses objectifs n'ont
rien à voir avec le progrès économique, social, culturel
et institutionnel du pays ».
178 On peut y classer les habitudes alimentaires,
vestimentaires, religieuses etc.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
BOUKONGOU, « ICIl rlIi à IlilOINlURI lr dlr
PDiFillr qXiInlRIéiSRglii iSDr DXx blr4Inr
locaux ou qui ne sont pas adaptés aux
réalités locales »179. De manière
générale, il ne faut pas négliger les systèmes
traditionnels déjà existants. Ainsi, la reconstruction d'habitats
ne devrait se faire que dans le respect de la culture locale. En effet,
reconstruire une zone d'habitation sans respecter la culture locale comporte un
risque d'un démembrement social et d'un appauvrissement
économique. Aujourd'hui, la culture locale n'est que trop peu souvent
comprise et respectée. L'aide conduit souvent à fournir des aides
matérielles (nourriture, vêtements, tentes et maisons) peu
appropriées au contexte culturel, alors que les personnes auraient
justement besoin de se sentir rassurées à ce moment-là.
Une solution serait plutôt d'apporter un appui financier qui permettrait
une plus grande autodétermination des populations mais aussi une
incidence positive sur les économies locales.
L'exemple du tsunami illustre bien ce fait. La reconstruction
à été confiée à des ONG qui ont le plus
souvent fait appel à des entreprises de construction, lesquelles tendent
plutôt à aligner des blocs uniformes de béton que de
conserver le style architectural et d'utiliser des matériaux
indigènes. De plus, il a été décidé de
construire des maisons neuves pour tous, que les gens aient perdu leur toit ou
non. De nombreuses maisons intactes, riches en histoire, ont donc
été rasées pour reconstruire des blocs tous similaires.
Dans de tels lieux, les familles ne peuvent pas réorganiser leur vie
selon leurs propres besoins socioéconomiques et culturels. Les rapports
de voisinage qui peuvent jouer un rôle fondamental pour le bien-etre d'un
groupe, sont également sacrifiés. Il existe alors un grand risque
de perte culturelle, de démembrement social et d'appauvrissement
économique. Il aurait été préférable de
donner aux gens une aide financière pour qu'ils puissent rebâtir
eux-mêmes leurs maisons, selon leurs habitudes. Il est donc fondamental
du coté des fournisseurs de l'aide de toujours se poser la question de
savoir, quelle reconstruction serait la mieux adaptée aux besoins de
la population ciblée ? Il ne s'agit donc pas comme le font bon
nombre d'acteurs d'imposer un quelconque modèle standard de
reconstruction pour la plupart du temps importé. Chaque pays est
attaché à une histoire et à un certain nombre de valeurs
qui lui sont propres. Occultées, surtout dans un contexte de crise, il
est certain que même si des démarches pour la reconstruction sont
entamées, elles seront vouées à l'échec. Sans
rester sur une note amère, la reconstruction haïtienne peut trouver
une solution à travers un certain nombre de facteurs.
179 Jean Didier BOUKONGOU, Logistique
humanitaire, Master droits de l'homme et Action humanitaire, UCAC/APDHAC,
année académique 2010-2011, inédit, p. 5.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
CHAPITRE II PERSPECTIVES POUR UNE MEILLEURE
PRISE EN COMPTE DE LA
RECONSTRUCTION DANS L'HUMANITAIRE
Tout au long du chapitre I, il a été question de
voir qu'est ce qui pouvait dans le cas indonésien et haïtien
constituer une entrave à la réussite d'une reconstruction.
Celle-ci est fondamentale pour que la dignité humaine soit
respectée. Il est donc important voire crucial de repenser son
encadrement à travers un certain nombre de perspectives qui pourraient
contribuer à sa réussite. Dans cette logique et en admettant
qu'il existe certains facteurs universels sans lesquels la reconstruction
serait un échec180, il sera alors question pour nous dans un
premier temps d'envisager des perspectives sur le plan interne (section I) et
dans un second temps, il sera question pour nous de montrer comment à
travers la mise en oeuvre de l'approche participative et la considérable
implication des Etats et des médias, il est possible d'envisager le
succès de la reconstruction (section II).
Section1 : Perspectives internes pour une meilleure
reconstruction
L'ancien président haïtien René
Préval181 reconnaît que la stabilité politique,
l'Etat de droit et la sécurité sont essentiels pour le
succès de la reconstruction. Pour se faire, les institutions
démocratiques de son pays doivent être renforcées
(paragraphe 1). Il est également important pour une meilleure
reconstruction que soit pris en compte les aspects socioéconomiques sans
oublier par ailleurs, (un facteur souvent négligé) les atouts
dont dispose la société civile (paragraphe 2).
Notre exposé dans ce cadre sera principalement
axé sur le cas haïtien, parce que considéré par
rapport au cas indonésien comme le plus récent et plus
inquiétant en matière de reconstruction.
Paragraphe 1 : La préservation de la
stabilité politique et le rétablissement de la
sécurité et de l'Etat de droit, comme
clé de voûte du succès de la reconstruction.
L'on ne saurait en effet, envisager le succès de la
reconstruction dans un Etat gangrené par des conflits internes, des
guerres civiles, et par de nombreuses restrictions économiques
180 Notre énumération, il faut le noter est non
exhaustive et de ce fait peut faire l'objet de compléments.
181 Le candidat Michel MARTELLY est proclamé vainqueur du
second tour de l'élection présidentielle du 20 mars avec 716 986
voix (67.57%)», a déclaré le porte-parole du CEP
Pierre-Thibault Junior.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
(A). Aussi, la sécurité et l'Etat de droit sont
à considérer comme des atouts majeurs pour la réussite de
la reconstruction (B).
A- La préservation de la stabilité politique
: moteur de la reconstruction
En effet, pour qu'on puisse envisager la réussite de la
reconstruction dans un contexte post-crise, il est nécessaire que soit
instauré un climat politique stable. Dans le cas haïtien, il faut
déjà rappeler que depuis 2007, les efforts combinés de la
MINUSTAH et de la police nationale d'Haïti (PNH), ont contribué
à réduire les menaces de violences politiques. La stabilisation
d'Haïti dans le sillage du séisme requiert un gouvernement et des
ministères opérationnels et essentiels, comme ceux de
l'intérieur, de l'économie et des finances, de la planification
et de la coopération internationale, de la justice, de l'agriculture et
de l'éducation ainsi qu'un renforcement du ministère des affaires
sociales, considérés comme les garants de la stabilité
politique dans un pays. Celle-ci constitue une condition préalable
nécessaire pour que l'ensemble de la communauté internationale
puissent coopérer avec un partenaire légitime, capable de
définir les besoins prioritaires du pays. Elle est ainsi un enjeu
crucial dans la mesure où elle est extrêmement nécessaire
à la prise de décisions importantes concernant la reconstruction.
Cette stabilité politique passera sans doute par l'institution des
élections libres et transparentes. Edmond MULLET représentant
spécial du Secrétaire général des Nations Unies
semble partager notre point de vu lorsqu'il insiste sur « la
nécessité d'une élection présidentielle en 2010
afin d'éviter un dérapage constitutionnel alors que le pays
est
assif »182.
B- / INMEGIIIPI111dI10110,allfifIREIBW WiffIlaRit
La sécurité et l'état de droit sont
essentiels à la transition d'un pays en crise de la phase d'urgence et
de relèvement vers la reconstruction et la préservation des gains
de la stabilité. En Haïti, le niveau de présence de la PNH
dans la rue grandement affectée par la catastrophe a fait montre de ce
désir de préserver cette sécurité. La MINUSTAH qui
se remet de la plus grande tragédie humaine de l'histoire des Nations
Unies a été renforcée par 3 500 militaires et policiers
dont la mission est d'appuyer la PNH. Depuis la catastrophe, la MINUSTAH a
contribué au redressement institutionnel de la PNH pour veiller au
maintien de la présence de celle-ci dans les rues183. C'est
donc un apport fondamental pour la
182 The Associated Press, « UN envoy Haiti should
hold presidential election », 4 mars 2010.
183 Les organisations de secours ont
été encouragées à apporter une aide aux
fonctionnaires et agents de la PNH. Des tentes fournies par la MINUSTAH ont
été dressées à l'école de formation de la
police ; la République dominicaine, (Consulté le 23 mars
2011).
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
reconstruction que de rétablir la
sécurité dans un pays. Les Etats en général et ceux
vivant des situations de crises humanitaires en particulier éprouvent
souvent beaucoup de difficultés à gérer les
problèmes d'insécurité émanant de ces crises. Les
pillages qui pour la plupart se sont produits dans les quartiers les plus
durement touchés du centre-ville de Port-au-Prince, les cambriolages
à domicile et car-jackings survenus peu après le tremblement de
terre, les activités criminelles et notamment les viols, meurtres et
enlèvements, les violences sexuelles ainsi que le trafic de cocaïne
représentent une vraie gageure pour le travail humanitaire et par
ricochet, un obstacle fondamental à la reconstruction.
La reconstruction passe également par la restauration
de l'Etat de droit. À cause du problème de corruption, l'Etat de
droit peine à se consolider en Haïti. Les actions engagées
dans le sens de la reconstruction doivent l'être sur la base de
l'instauration d'un pouvoir judiciaire fort et indépendant mieux, sur le
respect des principes de la démocratie garanties de la consolidation de
l'Etat de droit. Par ailleurs, l'amélioration du contexte
socio-économique et l'apport de la société civile peuvent
s'avérer être des atouts majeurs pour la réussite de la
reconstruction.
Paragraphe 2 : Répondre aux besoins
socio-économiques et établir un
consensus national.
En dehors des ébauches de solutions
évoquées ci-dessus, il faut reconnaître que, lorsque sur le
plan social et économique certains besoins ne sont pas comblés,
le succès de la reconstruction est en péril (A). Aussi, l'absence
de concertation nationale peut constituer un véritable frein à la
reconstruction (B).
A- Répondre aux besoins socio-économiques
Les situations faisant suite à une catastrophe sont un
terrain fertile à l'instabilité. Alors que la phase de l'urgence
destinée à sauver des vies ralentit, les administrations sont
souvent de plus en plus confrontées aux défis liés
à une situation socio-économique exacerbée, touchant
à la crise. Des maux structurels et profondément enracinés
tels qu'une pauvreté omniprésente, alimentée par une
croissance rapide de la population, un taux de chômage très
élevé184, un accès limité à des
services fondamentaux, l'absence d'infrastructures de base, la
184 La destruction de 30 000 édifices commerciaux et de
plus de 180 bâtiments publics a aggravé le chômage. Seules
40 pour cent des usines sont en état de fonctionner et les
opérations des ministères de l'État ont été
réduites, en raison de contraintes spatiales. 43 % de la population
active était constituée de travailleurs indépendants, de
petits commerçants appartenant au secteur informel, qui dans bien des
cas géraient leur entreprise à partir de leur domicile. Un quart
de million de ces domiciles ont été détruits et un autre
quart de million sont inutilisables en raison des dommages subi.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
dégradation de l'environnement et des pénuries
alimentaires rendent difficiles la bonne marche de la reconstruction. En termes
de chiffres et selon les rapports de l'OCHA et les autorités de
reconstruction d'Haïti, environ 200 000 personnes déplacées
se trouvent dans des zones à haut risque d'inondation et de glissement
de terrain. L'OIT quant à elle estime qu'au moins 90 000 emplois ont
été totalement perdus, ainsi qu'au moins 100 000 entreprises
à domicile, ce qui pourrait signifier une perte de recettes pour
près d'un million de personnes185
B- /atnpc1-liiiitOPn tc1411-nsus national autour de la
reconstruction
En Indonésie, on a assisté à une sorte
d'union nationale pour la reconstruction186. Des accords de paix ont
été signés dans ce sens, restaurant la relative paix
visible dans le pays. L'unique objectif national était de reconstruire
à tout prix. Ainsi, Haïti doit s'inscrire dans la même
logique. La reconstruction d'Haïti doit etre le fruit d'un effort commun.
Elle ne peut etre un projet émanant seulement de l'État
haïtien et de la Communauté internationale. La
société civile haïtienne a fait montre à plusieurs
reprises de ses capacités et de sa résilience. Il est donc
aisé de reconnaître son rôle et la réponse
appropriée qu'elle peut apporter dans l'orientation et
l'exécution des projets de reconstruction. L'intégration
participative de la société haïtienne devrait passer par la
mise en place de mécanismes de concertation et d'information à la
population et par l'inclusion des acteurs de la société civile
haïtienne au sein des mécanismes de coordination de l'aide comme la
Commission Intérimaire pour la Reconstruction d'Haïti (CIRH). Ceci
démontrerait une volonté de rupture avec la dynamique d'exclusion
des forces sociales, notamment les organisations de femmes
187(celle-ci dénoncent leur très faible inclusion dans
le PARDN, alors que leur participation au processus de reconstruction est
essentielle)188 et paysannes, les mouvements de jeunes et les
conseils de développement communautaire. Une telle mobilisation des
secteurs marginalisés pourrait contribuer à une reconstruction
basée sur la justice sociale et tournée vers le renforcement
de
185 Ibid.
186 La mobilisation a été très forte en
Indonésie sur le plan national. Société civile, ONG, Etat
et autres y ont grondements contribué.
187 Marie St-Cyr, une militante haïtienne déclare
à cet effet « Nous nous inquiétons du fait que, bien
qu'il traite de questions transversales comme les questions des femmes, il
s'agit en grande partie de rhétorique. Nous souhaitons que le
gouvernement haïtien et la communauté internationale s'engagent
à intégrer véritablement les femmes et les organisations
féministes à l'ensemble du processus »
188 Au Sri Lanka par exemple et selon une analyse
du groupe URD, beaucoup d'organisations dirigent leur attention vers les femmes
et les foyers ou le chef de famille est de sexe féminin. Les projets qui
se centres sur des catégories ou des groupes sociaux spécifiques
paraissent plus à même de revêtir des objectifs consistant
à déléguer les responsabilités et produisent des
effets sur les individus à plus long terme et une solidarité de
groupe.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
la cohésion nationale. Elle permettrait aussi la
construction d'un consensus national autour du projet de la reconstruction
d'Haïti.
D'autres facteurs sont à même de contribuer
à la réussite de la reconstruction en Haïti.
Section2 : La mise en oeuvre de l'approche
participative et le rôle catalyseur des Etats et des médias
pour une reconstruction efficace.
Il est certes vrai que la reconstruction d'un pays qui a
été affecté par une catastrophe, incombe au premier chef
à l'Etat. Mais, l'ampleur du drame concourt pour la plupart du temps,
à la fragilisation de cet Etat. D'où le rôle fondamental de
l'aide fournie par la communauté internationale. Celle-ci
malheureusement (guidée parfois par un certain nombre d'intérets)
est souvent fournie en marge des actions engagées dans ce sens où
encore, sans la concertation et la participation des
bénéficiaires de cette aide. Il s'avère donc important
pour une meilleure reconstruction, de favoriser l'approche participative qui
passera certainement par la valorisation du rôle des structures locales
et la participation des populations dans le processus de reconstruction
(paragraphe 1). Il sera également question pour une reconstruction
efficace d'encourager les donateurs à s'exécuter par rapport
à l'aide promise en passant par la réduction de la dette
extérieure. Au final, le renforcement d'un cadre juridique
spécifiquement dédié à la reconstruction pourrait
etre d'un apport indéniable dans le cadre de l'amélioration de la
reconstruction (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La mise en oeuvre de l'approche
participative : Un facteur clé pour la réussite de la
reconstruction.
Les victimes ne doivent pas rester passives. Il faut leur
donner les moyens de retrouver un statut d'acteur économique et de
devenir actrices dans la gestion des crises. Mais c'est aussi s'appuyer sur les
éléments déjà à disposition, comme au Tchad
où des producteurs locaux ont pu approvisionner des camps de
réfugiés. Comme le veut le projet sphère, il faut
intégrer l'économie locale à l'aide autant que possible.
Ainsi, la mise en oeuvre de l'approche participative ne sera une
réussite que si l'on prend en considération le rôle
important que peuvent jouer les secours locaux d'une part (A) et d'autre part
la participation effective des populations dans le processus de reconstruction
(B).
A- / ipssRuunicRXas lRcaXt danRIWXRBIKIRIDrecRVNIXHIRn
Si on parle d'abord de la réponse à ce type de
catastrophe, il est évident de remarquer que tout le monde a
occulté le fait que les secours les plus efficaces dans les heures
suivant la
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
catastrophe avaient été locaux. Les vies
sauvées l'ont été par les voisins et les proches, par les
médecins et les secouristes des régions et des pays
frappés par la tragédie. Si, dans les premières heures,
les autorités nationales ont certes été
désorganisées et confrontées à des
difficultés logistiques pour atteindre les zones affectées, leur
mobilisation a été réelle pour faire face à
l'urgence de la situation. Certains pays comme l'Inde ont refusé le
déploiement des secouristes internationaux, appelant les ONG à un
peu de modestie devant ses propres capacités de réponse à
la tragédie.
« Le tsunami a permis ainsi de rappeler une autre
évidence: les humanitaires, pris ici dans un sens large, n'interviennent
jamais sur des territoires vierges Le premier niveau de dialogue et de
négociation dans ce type de catastrophe doit donc avoir lieu au plus
près de la tragédie, sur le terrain, en lien avec les
autorités publiques et les communautés concernées
»189. En effet, au lieu de seulement penser à
mobiliser mécaniquement les secours étrangers et à les
projeter vers les zones de la tragédie, il est tout aussi efficace de
s'appuyer sur les capacités de réponse locales et
régionales aux catastrophes, quand elles existent. Et si ce n'est pas le
cas, il serait judicieux de les renforcer ou de les développer avant de
nouvelles tragédies. A côté d'initiatives multiples
déjà lancées dans ce sens par les ONG, c'est l'objectif
que se sont assignées depuis 2005 les Nations Unies au travers notamment
de la Stratégie Internationale de Prévention des Désastres
(ISDR)190, un sous-secrétariat des Nations Unies basé
à Genève. Il reste à voir si ce dispositif sera efficace,
mais l'initiative mérite d'être suivie.
B- Bénéficiaires et partenaires : quels
rôles pour les populations dans la mise en
XvEeRMIEecR12stEXHIR12191
?
D'après un constat de François GRÜNWALD
Président du Groupe URD, dans les situations de crises, « les
humanitaires comprennent en général mal les stratégies de
survie des populations et sous-utilisent de façon quasi
systématique les capacités desdites « victimes »a et le
rôle qu'elles jouent ou peuvent jouer dans leur propre survie
»192 (nous étendons meme l'action jusqu'à
leur propre reconstruction). Dès lors poursuit-il, « la
189Pierre SALIGNON, « Quelles leçons tirer
du Tsunami ? » disponible sur
http://www.youphil.com/fr/article/01417-quelles-lecons-tirer-du-tsunami-de-2004?ypcli=ano,
décembre 2009, (Consulté le 12 mars 2011).
190
http://www.unisdr.org/eng/public_aware/world_camp/2006-2007/iddr/2007-iddr-fr.htm
(Consulté le 15mai 2011).
191 Ce titre est inspiré par un ouvrage du
groupe URD..intitulé Bénéficiaires ou
partenaires ; quels rôles pour les populations daQMactiKVhumDJIaire
?, François GRUNWALD (dir.), Paris, Editions KARTHALA, 2005 p.
1.
192 François GRÜNWALD,
Bénéficiaires ou partenaires ; quels rôles
pour les populations dans l'action humanitaire ?, Paris, KARTHALA, 2005,
p. 7.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
possibilité d'impliquer ces populations en
détresse dans les programmes d'action humanitaire est souvent
éludée, les opportunités que cela offrirait sous
estimées et la question des impacts potentiels de cet engagement mal
traités »193. Malgré la pluralité de
textes en action humanitaire qui soulignent l'importance de la
participation194, « celle-ci sur le plan pratique est moins
évidente. En effet, dans les interventions humanitaires, les acteurs
tiennent
très peu compte des populations sur le terrain.
Considéré parfois comme un marché
»195, le champ de l'humanitaire par le biais de ses acteurs
va représenter un exutoire pour ces derniers. Matériel
sophistiqué, technologie de pointe parfois en inadéquation avec
le contexte. Aussi, voit-on souvent des contrats (à des coûts
exorbitants) qui sont passés entre des sociétés
étrangères et les ONG humanitaires. La main d'oeuvre dans ce cas
est généralement étrangère. Les erreurs du tsunami
en Indonésie il y a six ans ne doivent plus se reproduire en Haïti.
La reconstruction c'est pour les haïtiens et avec les haïtiens. Cette
participation peut donc prendre plusieurs formes. Elle peut donc etre passive,
via un apport d'information, par la consultation, via l'apport de
matériel et de main d'oeuvre par des initiatives locales et interactives
avec à chaque niveau du processus la forte présence des
populations locales. Pour que la reconstruction soit une réussite, elle
a besoin de financements. Ceux-ci proviennent pour la plus part du temps des
promesses faites par les Etats. Le respect de ces engagements contribuera donc
certainement à la bonne marche de la reconstruction. Par ailleurs, les
médias en ne cédant pas à la logique de
l'instantané pourraient etre d'une aide fondamentale.
Paragraphe 2 I ll iESSIRIER IEWEIIERIP édias
pour une meilleure reconstruction et la
nécessité de renforcer un cadre juridique
spécifique à la reconstruction. Avant d'analyser la
question sur le renforcement du cadre juridique (B), nous allons mettre en
exergue le rôle des Etats et des médias (B).
A- Le respect des engagements pris par les Etats et
l'intervention des médias : gage
d'un succ~s de la reconstruction.
Epris par une certaine compassion du fait de la survenue d'une
crise dans un Etat tiers, la communauté internationale se sent
très souvent interpellée. Celle-ci en guise de réponse
promet de verser d'importantes sommes d'argent pour venir en aide aux
sinistrés. Malheureusement dans la pratique, leurs engagements ne sont
respectés qu'en partie. Pourtant, cet argent s'avère titre un
atout majeur pour la bonne marche de la reconstruction. Il
193
Ibid.
194 Code de conduite pour le mouvement et les ONG, charte
humanitaire.
195 Ernest-Marie MBONDA Opcit. p. 78.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
ne s'agit donc plus de rester au stade des promesses, mais
bien plus. L'objectif de restaurer les victimes dans leurs capacités de
choix passera certainement par ces financements. Aussi, l'apport des
médias n'est pas négligeable.
En effet, une information fiable, documentée, attentive
aux secteurs marginalisés, aux mouvements sociaux, aux
communautés et disponible pour diverses audiences à
l'intérieur comme à l'extérieur du pays, s'avère
indispensable pour favoriser l'expression et la vigilance citoyennes sur le
processus de reconstruction. L'information professionnellement correcte,
socialement articulée et dont la diffusion se fait sur une base
globale/locale peut contribuer au respect des droits humains dans la gestion de
l'urgence et la mise en oeuvre de la reconstruction, alimenter un débat
critique sur les interventions, aider à la prise en compte des
thématiques sociales, communautaires et de développement durable,
contribuer à la promotion d'une vision nationale et une mobilisation des
ressources. Dans cette optique, nous considérons les espaces
médiatiques comme des observatoires de la reconstruction à
travers le suivi des informations, le relais des plaidoyers et l'alimentation
des débats citoyens. Assurer la collecte, le traitement et la diffusion
quotidienne de l'information relative au processus de reconstruction, sur une
base participative, pluraliste, inclusive en interpellant les divers acteurs
concernés par la reconstruction : voilà ce qui doit former la
trame de l'action des médias pour l'amélioration de la
reconstruction dans les pays touchés par une catastrophe.
Toutes les solutions ci-dessus évoquées ne peuvent
avoir plus de poids que par le renforcement d'un cadre juridique de la
reconstruction.
B- Une réforme humanitaire au service de la
reconstruction.
L'action humanitaire se professionnalise, cependant en ce qui
concerne le volet de la reconstruction, malgré les démarches qui
ont été entreprises dans ce sens, beaucoup reste encore à
faire surtout sur le plan juridique196. Les nombreuses exactions
observées sur le terrain post-crise rappellent à chaque fois la
nécessité sur le plan éthique de concevoir un code de
conduite pour la reconstruction. Ce code rappellera aux acteurs nationaux et
internationaux qui interviennent dans ce cadre les objectifs et les
finalités de leurs interventions à la suite d'une catastrophe.
Aussi, il s'avère important d'envisager une réforme humanitaire
avec des normes plus solides, spécifiquement dédiées
à la reconstruction. Une réforme qui intégrera sans doute
des aspects liés à la pauvreté et à des
inégalités parfois occasionnées par une gestion accrue de
l'urgence. Cette réforme fera également ressortir les aspects
liés au financement de la reconstruction.
196 On a fait remarquer ci-dessus la prédominance de
l'urgence dans le cadre juridique de l'action humanitaire.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
Par ailleurs, les humanitaires pourraient mettre sur pied des
lignes directrices en admettant que certaines actions s'inscrivent dans
l'urgence et sont appelées à disparaître en laissant la
place à d'autres actions qui s'inscrivent dans la durabilité. On
parlera à cet effet de l'action humanitaire transférable. Cela
pourrait faire l'objet d'une codification. L'idée d'une action
humanitaire a été défendue par Kjell-Ake Norquist qui
pense que l'action humanitaire devrait avoir des éléments
transférables et des éléments non transférables.
Pour lui, l'idée est que l'action humanitaire puisse inclure à la
fois des aspects non-transférables, ainsi que des aspects
transférables.
CONCLUSION PARTIELLE DE LA DEUXIEME PARTIE
En somme, il apparaît clairement que les
améliorations dans la réponse humanitaire ont été
significatives en ce qui concerne majoritairement l'urgence. Cependant, force
est de constater que toute seule, elle ne saurait combler les objectifs de
l'action humanitaire. Remettre l'homme dans ses capacités de choix
nécessite d'envisager le volet de la reconstruction. Malheureusement,
celle-ci se trouve pour la plupart du temps limitée à cause d'un
certain nombre d'obstacles. Il s'est donc avéré nécessaire
d'extirper les freins à une reconstruction efficace sur le plan interne
et externe et d'en proposer des solutions. Au final, en mettant en exergue le
rôle fondamental que devrait jouer la communauté internationale
(par le biais des humanitaires) sur le plan de la reconstruction, force est de
remarquer que la reconstruction ne saurait être l'oeuvre entière
des acteurs humanitaires, mais aussi celle des acteurs locaux. D'où la
nécessité de valoriser l'approche participative. Par ailleurs, il
faut noter que l'action humanitaire pour la reconstruction d'un pays
sinistré, ne s'assimile pas à une assistance humanitaire
conçue pour se perpétuer. Au contraire et comme le pense Jean
François MATTEI, sa vocation est de se dissoudre une fois l'objectif de
remettre l'homme dans ses capacités de choix est atteint.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
CONCLUSION GENERALE
Le débat au sujet de l'intégration de la
reconstruction dans le champ de l'humanitaire est resté jusqu'à
présent au stade de l'hypothèse et de bonnes intentions,
étayé par une définition imprécise du sens et du
domaine de la reconstruction.
Notre objectif à cet effet était de mener une
analyse sur la problématique de la reconstruction en s'interrogeant sur
la place qu'elle a occupée dans les crises indonésienne et
haïtienne. Il a fallu dans cette optique présenter le dispositif
normatif et institutionnel dans lequel s'inscrit la reconstruction, pour voir
sa mise en oeuvre concrète dans les pays ci-dessus
évoqués. En d'autres termes, il s'agissait de voir quelle
était, aussi bien dans l'esprit des normes que dans l'esprit des
humanitaires, la place qu'occupait la reconstruction. En somme, il s'agissait
de faire un état des lieux de la réalisation des objectifs de
l'action humanitaire.
Les résultats de cette analyse ont
révélé qu'après la gestion de l'urgence qui a
été prédominante en Indonésie et en Haïti, des
démarches ont été entreprises dans le cadre de la
reconstruction. Toutefois, elle est confrontée à un certain
nombre d'obstacles l'empêchant d'être menée à son
terme. Néanmoins, pour la réussite de la reconstruction,
certaines solutions sont envisageables. Entre autres : l'instauration d'une
stabilité politique, économique et sociale ; la valorisation
d'une synergie véritable entre acteurs nationaux et internationaux
contribuant à faciliter ou à améliorer la reconstruction.
A ce propos, un renforcement de la participation de la population locale serait
un plus. Tout au plus, la mise en place d'un cadre juridique spécifique
à la reconstruction et d'un fond spécial pour la reconstruction,
l'amélioration des stratégies locales permettraient de mieux
gérer la phase de reconstruction.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
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L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
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L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
ANNEXES
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indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
TABLE DES MATIERES
DEDICACES I
REMERCIEMENTS II
SIGLES ET ABREVIATIONS III
RESUME IV
ABSTRACT V
SOMMAIRE VI
INTRODUCTION GENERALE 1
I- CONTEXTE DE L'ETUDE 2
II À DELIMITATION DE L'ETUDE 4
III À DEFINITION DES CONCEPTS 5
IV -INTERET DE L'ETUDE 8
V - REVUE DE LITTERATURE 9
VI À PROBLEMATIQUE 13
VII- HYPOTHESE 14
VIII- CADRE METHODOLOGIQUE 14
IX- ARTICULATION ET JUSTIFICATION DU PLAN 16
PREMIERE PARTIE : L'INTERVENTION HUMANITAIRE EN INDONESIE
ET EN HAITI : ENTRE URGENCE ET RECONSTRUCTION 17
CHAPITRE I : LE CADRE JURIDIQUE DE L'INTERVENTION
HUMANITAIRE EN INDONESIE ET EN HAITI 18
SECTION1 : UN CADRE JURIDIQUE DE L'ACTION HUMANITAIRE LACUNAIRE
DANS LE DOMAINE DE LA RECONSTRUCTION. 18 Paragraphe1 : La charte
humanitaire et le code de conduite dans la logique de la
reconstruction : une nécessité
d'interprétation. . 18
A- La charte humanitaire et sa contribution limitée sur
le plan de la reconstruction 19
B- Le code de conduite et une prise en compte presqu'inexistante
du volet de la reconstruction 20 Paragraphe2 : Une réforme
humanitaire essentiellement tournée vers l'urgence, et les
difficultés de mise en oeuvre de la
responsabilité de protéger. 20
A- La focalisation de la réforme humanitaire dans le
domaine de l'urgence 20
B- La responsabilité de protéger et la prise en
compte de la reconstruction 24
SECTION2 : LE DEPLOIEMENT INSTITUTIONNEL HUMANITAIRE ET LA
MOBILISATION EN INDONESIE ET EN HAÏTI AU SERVICE DE L'URGENCE. 25
Paragraphe 1 : La mobilisation des acteurs classiques de
l'action humanitaire et celle
des médias. 25
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
A- La mobilisation des acteurs classiques de l'action
humanitaire 25
B- Le rôle des médias dans la mobilisation en
Indonésie et en Haïti 27
Paragraphe 2 : Un afflux massif des dons en Indonésie
et en Haïti pour l'urgence . 27
A- La collecte des dons pour le Tsunami en Indonésie :
quelles limites à la générosité ?
28
B- HAITI et une collecte des dons essentiellement tournée
vers l'urgence. 29
CHAPITRE II : LA MISE EN OEUVRE DE LA
RECONSTRUCTION INDONESIENNE ET HAITIENNE: POLEMIQUE ET
MALAISE 31
SECTION 1 : LA GESTION DE LA RECONSTRUCTION EN INDONESIE ET EN
HAÏTI 31
Paragraphe 1: La reconstruction indonésienne : «
un succès » ? 31
A- Les réalisations matérielles en matière
de reconstruction en Indonésie 32
B- La reconstruction indonésienne : une reconstruction
lacunaire. 32 Paragraphe 2 : La reconstruction en Haïti : une
population dans l'attente de la
reconstruction. 33
A- L'organisation de la reconstruction en Haïti 34
1- La conférence des donateurs de New-York
34
2- Projet argent et nourriture contre travail. Et
stratégie de santé
environnementale. 35
3- Le projet, travail contre nourriture et
distribution de nourriture à l'école. 35
B- L'efficacité limitée de la mise en oeuvre de la
reconstruction en Haïti 36
1- Le non respect des promesses émises lors de la
Conférence de New York 36
2- Le retard accusé par l'aide promise .
37 SECTION 2 : LA PREDOMINANCE DE LA GESTION DE L'URGENCE GENERATRICE DE
NOUVELLES CRISES : LES EFFETS PERVERS DE L'ASSISTANCE PROLONGEE. 38
Paragraphe 1 : L'apparition de nouvelles crises du fait de la
prolongation de l'aide
d'urgence en Indonésie et en Haïti... 39
A- L'émergence des crises sanitaire et sécuritaire
en Haïti et en Indonésie. 39
1- L'émergence des crises sanitaires en
Haïti et en Indonésie 39
2- La naissance des crises sécuritaires
40
B- La recrudescence des crises économique et politique.
42
1- Une faible prise en compte des facteurs
économiques. 42
2- Une faible prise en compte des facteurs socio-
politiques générateurs de crises
sociales 42
Paragraphe 2 : La dépendance des populations
assistées et les autres dérives 43
A- La dépendance des populations sinistrées :
conséquence de la perpétuation de l'aide
d'urgence. 43
B- les autres dérives de l'action humanitaire
prolongée 44
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 44
DEUXIEME PARTIE : LES FREINS ET LES PERSPECTIVES
POST-CATASTROPHE EN INDONESIE ET EN HAITI 45
CHAPITRE I :LES FREINS A LA MISE EN OEUVRE DE LA
RECONSTRUCTION.46
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
SECTION1 : L'INTERVENTION LIMITEE ET INTERESSEE DES ACTEURS
HUMANITAIRES ET L'ABSENCE DE FINANCEMENT COMME UNE ENTRAVE A LA RECONSTRUCTION
46
Paragraphe 1 : La participation limitée et
intéressée des Médias et des ONG comme un
frein à la reconstruction 46
A- Les médias et la logique de l'instantané 47
B- Les ONG et le marché de l'humanitaire
48 Paragraphe 2 : Le détournement des fonds consacrés
à la reconstruction et le non-
respect des promesses faites par les donateurs 49
A- Le détournement des fonds consacrés à la
reconstruction 50
B- L'inexistante ou partielle réalisation des promesses
des donateurs 50
SECTION2 : LES PRATIQUES DE L'ACTION HUMANITAIRE COMME UNE
ENTRAVE A LA RECONSTRUCTION. 51 Paragraphe 1 : Le défaut de
coordination Humanitaire et l'instabilité politico-
économique comme entraves à la reconstruction.
52
A- Le défaut de coordination Humanitaire : un obstacle
à la reconstruction. 52
B- L'instabilité politique et économique comme un
frein à la reconstruction. 53
1- / 41nMUbKItO SIVIOXI . 53
2- / 41nMUbKitOiO0oKIP IIuIIIt
lIBOUN€IRU 0oMSMYn : des blocages pour une
P isI In u5rI IffI0115I1€I14U II0oKM11015n.
. 55 Paragraphe2 : La non prise en compte des capacités
locales ou l'imposition d'un modèle standard de reconstruction et la
marginalisation des facteurs culturels, comme entraves
à la reconstruction 57
A- La non prise en compte des capacités locales ou
l'effacement de l'Etat comme un frein à la reconstruction 57
B- L'échec de la reconstruction comme une
conséquence des valeurs culturelles bafouées. 58
CHAPITRE II: PERSPECTIVES POUR UNE
MEILLEURE PRISE EN COMPTE DE LA RECONSTRUCTION DA1 6 / IfF 8 0 $ 1 ,7$ ,5 (
60
SECTION1 : PERSPECTIVES INTERNES POUR UNE MEILLEURE
RECONSTRUCTION 60
Paragraphe 1 : La préservation de la stabilité
politique et le rétablissement de la
sécurité et de l'Etat de droit, comme
clé de voute du succès de la reconstruction. 60
A- La préservation de la stabilité politique :
moteur de la reconstruction 61
B- Le rétablissement de la sécurité et de
l'Etat de droit 61 Paragraphe 2 : Répondre aux besoins
socio-économiques et établir un consensus
national. 62
A- Répondre aux besoins socio-économiques 62
B- La nécessité d'un consensus national autour de
la reconstruction 63 SECTION2 : LA MISE EN OEUVRE DE L'APPROCHE
PARTICIPATIVE ET LE ROLE CATALYSEUR DES ETATS ET DES MEDIAS POUR UNE
RECONSTRUCTION EFFICACE. 64
Paragraphe 1 : La mise en oeuvre de l'approche
participative : Un facteur clé pour la
réussite de la reconstruction. 64
A- L'apport des secours locaux dans la réussite de la
reconstruction 64
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
B- Bénéficiaires et partenaires : quels
rôles pour les populations dans la mise en oeuvre
de la reconstruction ? 65 Paragraphe 2 : L'apport des
Etats et des médias pour une meilleure reconstruction et la
nécessité de renforcer un cadre juridique spécifique
à la reconstruction. 66
A- Le respect des engagements pris par les Etats et
l'intervention des médias : gage
d'un succès de la reconstruction. 66
B- Une réforme humanitaire au service de la
reconstruction. 67
CONCLUSION PARTIELLE DE LA DEUXIEME PARTIE 68
CONCLUSION GENERALE 69
BIBLIOGRAPHIE 70
ANNEXES 77
TABLE DES MATIERES 78
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