2.1 Suivi du régime hydrique de la vigne
2.1.1 Notion de potentiel hydrique
Selon Riou et al., (1997), la notion de potentiel
hydrique permet de comparer les états hydriques des milieux physiques
(sol et ses différentes strates) et biologiques (plante et ses
différents organes), et de déterminer le sens de circulation de
l'eau. Le potentiel hydrique (exprimé en mégapascals ou en bars)
est une grandeur négative, qui représente l'énergie de la
liaison de l'eau avec un milieu (le potentiel de l'eau libre étant
égal à zéro). L'eau se déplace dans le sens des
potentiels décroissants. Le potentiel hydrique de l'air est presque
toujours plus bas que celui du sol, ce qui explique que les plantes soient
traversées par un courant d'eau ascendant. Le potentiel hydrique dans
les feuilles dépend de celui du sol et des
résistances12 au transfert de l'eau à travers la
plante.
2.1.2 Principe de la chambre à pression de
Scholander et techniques de mesure
D'après Payan et Salançon (2003), la
méthode de référence utilisée actuellement pour
étudier la contrainte hydrique de la vigne se réalise à
l'aide de la chambre à pression (ou « bombe ») mise au point
par Scholander et al. en 1965. Le principe consiste en l'application
d'une pression sur les parois du limbe d'une feuille insérée dans
une chambre hermétique, via un gaz inerte, jusqu'à ce que la
sève contenue dans la feuille exsude par la section du pétiole.
La pression exercée, lue sur un manomètre, correspond alors au
« potentiel hydrique régnant dans la feuille. Selon le mode
opératoire (heure de la mesure, ensachage de la feuille au
préalable ou non), la chambre à pression permet de suivre
plusieurs indicateurs physiologiques. Ainsi, plusieurs applications ont
été définies (Van Leeuwen et al., 2003) :
- le potentiel hydrique foliaire (ØF) :
mesuré sur une feuille au cours d'une journée ensoleillée,
sa valeur ne représente que le potentiel hydrique de la feuille
prélevée, à l'instant de la mesure.
- le potentiel hydrique foliaire de base (ØB) :
il correspond au même potentiel hydrique foliaire, mais il est
mesuré cette fois juste avant le lever du soleil. En fin de nuit les
stomates sont fermés, la transpiration est bloquée, et la mesure
reflète l'état d'hydratation de la plante entière, en
relation avec l'état de l'eau dans le sol (teneur en eau).
- le potentiel hydrique tige (ØT) : il est
mesuré au cours d'une journée ensoleillée, sur une feuille
qui a été recouverte par un sachet étanche et opaque
pendant au moins une heure avant la mesure : à l'obscurité les
stomates de la feuille se ferment, et le potentiel hydrique de la feuille
s'équilibre avec le potentiel hydrique du rameau entier (tige) qui la
porte. Cette mesure permet d'approcher l'état hydrique de la plante
entière en cours de journée (qui est sous la dépendance de
de la capacité de fourniture racinaire autant que de l'intensité
de la demande climatique au moment de la mesure). Selon Choné et
al., (2000), il s'agit de l'indicateur le plus précis dans le cadre
d'un suivi de la contrainte hydrique subie par la vigne, et c'est celui-ci qui
a été utilisé dans le cadre de cette étude.
12 Voir paragraphe 2.4 : Mouvements de l'eau dans le continuum
sol-plante-atmosphère (CSPA)
Figure 11 : Schéma du principe de fonctionnement
d'une chambre à pression
Un gaz sous pression (a) injecté dans une chambre
hermétique (b) contenant une feuille permet une exsudation de
sève à l'extrémité du pétiole (c). Lecture
de la pression (d). Source : Payan et Salançon (2003)
C D
A B
E
Photo 16 : Mesure du potentiel foliaire de
tige
A : chambre à pression de Scholander, avec bouteille de
gaz ; B : feuille ensachée ; C : découpe de
l'extrémité du pétiole ; D : mise en place de la feuille
dans la chambre et injection du gaz ; E : observation à la loupe du
ménisque de sève. Source : Dufouleur (2011)
Tableau 4 : Etat hydrique de la vigne selon la valeur
des potentiels foliaires de tige (Øt) Source : Sibille
etal. (2007)
Øt (bars) Etat hydrique de la vigne
0 à -5 contrainte hydrique absente à
légère
-5 à -8 contrainte hydrique légère à
moyenne
-8 à -11 contrainte hydrique moyenne à forte
--11 à -14 contrainte hydrique forte à
sévère
< -14 contrainte hydrique sévère
2.1.3 Description et protocole d'utilisation de la
chambre à pression
La chambre à pression de Scholander est une enceinte
fermée permettant d'exercer une pression sur une feuille13.
Reliée à une bouteille d'azote liquide, elle est composée
d'un cylindre permettant d'enfermer la feuille dont le pétiole
dépasse par le couvercle. Le couvercle de la chambre comprend un joint
torique. Celui-ci, serré autour du pétiole, permet d'enfermer la
feuille de façon hermétique dans la chambre. Deux vannes
permettent de contrôler le débit de gaz entrant et sortant de la
chambre. Un manomètre indique l'évolution de la pression à
l'intérieur de celle-ci (Figure 11). Quand la pression du gaz
appliquée équilibre la pression de la sève dans la
feuille, la section du pétiole dépassant du couvercle s'humecte
de sève. Il est très important de régler finement la
montée en pression du gaz. Dans le cas contraire, on risque de
surestimer la mesure en relevant trop tard la pression sur le manomètre,
par rapport au moment de l'apparition de la sève.
2.1.4 Dispositif expérimental et mesure du
potentiel hydrique foliaire de tige (Øt)
Pour chacune des parcelles suivies et de façon à
limiter les effets de bordures, il a été défini une
micro-zone d'étude, à l'intérieur de laquelle 12 ceps de
référence ont été choisi sur 2 rangs
côtes-àcôtes. Les ceps ont été
sélectionnés sur les critères suivants : âge adulte
(> 4 ans) ; expression végétative correcte ; absence visible
de maladie ou de carence. Ils ont été marqués et
numérotés.
Les mesures de potentiel de tige ont été
effectuées par deux équipes différentes sur un
réseau de parcelles de référence géré par le
BIVB et par l'IUVV. Elles ont eu lieu en milieu de journée (midi
solaire), période pendant laquelle la demande évaporatoire est
maximale (ØTIGE MIN). On les a réalisées sur les ceps de
références, en sélectionnant des feuilles saines issues de
la partie médiane d'un rameau principal. L'ensachage a été
réalisé pendant la matinée, au minimum une à deux
heures avant la mesure, dans des doubles sacs plastiques opaques et
aluminisés en surface. Les feuilles ont été
prélevées une par une et juste avant la mesure, en arrachant le
pétiole au niveau de son insertion sur le noeud. Le pétiole a
été amputé de son extrémité à l'aide
d'un cutter bien aiguisé pour ne pas écraser les tissus. Il a
ensuite été introduit dans l'orifice du couvercle de la chambre
prévu à cet effet. L'application du gaz a été
effectuée une fois le couvercle refermé, avec une montée
en pression très progressive. Dès l'apparition du ménisque
de sève (observé à l'aide d'une loupe), la valeur de la
pression régnant dans la chambre a été notée (photo
16).
A partir des résultats obtenus, une valeur moyenne des
potentiels a été calculée pour chaque parcelle et pour
chaque date de mesures. Pour interpréter ces résultats et
caractériser le niveau de la contrainte hydrique subie au cours de la
saison, nous avons utilisé les valeurs seuils définies par
Sibille et al., (2007) pour les potentiels hydriques foliaires de tige
(Øt) (tableau 4).
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