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DEDICACE
Je dédis ce mémoire à :
ü DIEU, par qui tout existe,
ü Mes parents (Mr Raoul Gbenagnon et sa charmante
épouse ma mère Félicité)
ü Tous ceux que j'ai connus et aimé qui aujourd'hui
reposent dans la paix de DIEU
ü A mes amis de tous les jours, Angelo, Christelle,
Frédéric, Kati, Marc-André, Marie Claude, Marlène,
Serge
ü A Madame Anna M'baye et ses enfants, et a tous ceux qui de
près ou de loin m'ont aidé, conseillé et soutenu
REMERCIEMENTS
- J'adresse mes sincères remerciements à mon
directeur de mémoire, Monsieur Emien Miesan, pour la rigueur qu'il a eu
envers moi, sa disponibilité, puisse DIEU m'accorder de lui
ressembler.
- J'adresse mes remerciements aussi ma Tata
désirée, Mr et Mme Akoto, au groupe des servants de Messe de La
Paroisse Notre Dame de l'Incarnation, à la chorale Salve Regina,
à la Communauté du Chemin Néo-Catéchuménat,
à tous les prêtres de Jésus Christ qui m'ont aidé,
et à tout ceux que je n'ai pu mentionner.
AVERTISSEMENT
La Faculté de Droit n'accorde ni approbation, ni
improbation aux propos contenus dans ce mémoire. Ils n'engagent que leur
auteur.
SOMMAIRE
PARTIE I : LA GREVE, L'EXERCICE D'UN
DROIT LEGALEMENT RECONNU
CHAPITRE I : RECONNAISSANCE PAR
LES POUVOIRS PUBLICS ET LES PARTENAIRES SOCIAUX.
CHAPITRE II : LE STATUT PROTECYEUR
DU SALARIE GREVISTE.
PARTIE II : LA GREVE, L'EXERCICE D'UN
DROIT GENERATEUR DE RESPONSABILITE.
CHAPITRE I : LA RESPONSABILITE
DES ACTEURS PRIVENT.
CHAPITRE II : LA
RESPONSABILITE DES AUTORITES PORTUAIRES ET DES AUTORITES PUBLIQUES
« Il n'y a pas de vent favorable pour qui ne
connaît pas son port »
Sénèque.
INTRODUCTION
L'opinion publique s'émeut lorsque la presse annonce
une prise d'otages dans une banque, dans un avion ou dans une région
éloignée du globe contrôlée par la guérilla.
La liberté est un principe énoncé par la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 Décembre
1948, auquel chacun est attaché, et pourtant le blocage des accès
d'un port ou d'un terminal voire d'un navire par des manifestants ne suscite
pas une émotion proportionnée à
l'événement.
Au contraire, certains responsables de mouvements de
protestation accèdent au <<vedettariat>>
télévisuel, justifiant les infractions dont ils sont les auteurs
ou les instigateurs.
Le respect du droit de grève est invoqué comme
ayant presque à leurs yeux une origine divine, sans que certains
s'intéressent sur ses limites au plan juridique1(*).
Et pourtant cette démarche est nécessaire pour
déterminer les conditions de son exercice.
Ainsi, la grève de quelques milliers de personnes d'un
« secteur clef » comme le transport maritime peut menacer
l'appareil économique d'une nation. La grève des dockers de la
côte ouest américaine à la fin de l'année 2002 vient
confirmer ces propos. Jean Fourastié a sur ce plan été
visionnaire : « dans la civilisation tertiaire, quelques
centaines de techniciens pourront priver des millions d'hommes
d'électricité, de transports et même
d'aliments », en sachant que plus de 80 % des marchandises circulant
au niveau mondial sont acheminées par la voie maritime les
conséquences d'une grève concertée dans ce secteur
d'activité à l'échelon mondial serait un véritable
coup de fouet à l'ordre économique et social2(*).
A ce facteur numérique, il faut ajouter un facteur
juridique, trouvant lui même une double expression du moins à
l'échelon national : la reconnaissance du droit de grève et
la liberté syndicale.
Ainsi, en Côte d'Ivoire, d'une part le droit de
grève a été reconnu par la Constitution, le Code du
Travail a proclamé la liberté syndicale par les articles 51-1
à 51-9 et l'article 82-1 alinéa 1, de la Convention Collective
Interprofessionnelle (CCI), en son article 9.
Il en est résulté une prise de conscience par
les travailleurs de leur communauté d'intérêts et de leur
force, ainsi qu'une organisation de celle-ci la rendant plus efficace. La
grève étant devenue licite et étant utilisée par
des personnes de plus en plus nombreuses et mieux organisées a donc pris
une portée tout autre que celle qu'elle avait auparavant3(*).
La finalité de telles actions de grève
étant bien entendu de paralyser l'entreprise et empêcher le patron
d'assurer toute activité de production et donc l'empêcher
d'exécuter les engagements qu'il a contractés vis à vis
des tiers.
Ce résultat est particulièrement grave dans le
secteur du transport maritime, ce dernier jouant un rôle vital dans
l'économie et la grève qui l'affecte présente pour
l'observateur un préjudice considérable.
On comprend dès lors l'intérêt qui
s'attache à l'analyse de la grève et de ses effets dans le monde
du « shipping ».
Sans doute, la grève soulève tant au point de
vue économique et sociale qu'au point de vue juridique, des
problèmes spécifiques intéressants et graves. Cependant
même si cette étude se veut assez exhaustive, il ne nous
appartient pas d'envisager tous les problèmes liés à la
grève en général.
Nous limiterons par conséquent le champ de nos
investigations à certaines situations qui paraissent incontournables en
temps de grève. Il ne s'agit pas d'un recueil de situations types en
temps de grève dans le transport maritime mais d'un éventail qui
se veut le plus large possible des effets de la grève sur les
activités maritimes les plus caractéristiques.
Cependant, la grève, traduit en elle-même, des
conflits d'intérêts entre, d'une part les grévistes et
d'autre part les employeurs, et le port.
Du côté de l'armateur, si ce dernier peut
apparaître comme <<un homme pressé>> c'est parce qu'un
navire de moyen tonnage immobilisé par une grève coûte
environ 25 000 dollars par jour (environ 16 250 000). La
rentabilité d'un navire dépend donc de sa mobilité.
Par ailleurs les armateurs reconnaissent que les montages de
plus en plus complexes dans le cadre de pools ou de consortiums groupant des
armateurs internationaux accroissent ces risques d'exploitation
imprévisibles.
En outre le dommage que subit la communauté portuaire
pour les navires immobilisés par des mouvements sociaux à poste
résulte de ce que des mètres de quai deviennent inutilisables et
que leur équipement est bloqué. Et comme il y a de plus en plus
de postes spécialisés par nature de cargaison ou de trafic, plus
le port est modeste en taille ou en activité, plus le dommage peut se
révéler important pour celui-ci.
En effet, le port est la principale victime des grèves,
si l'immobilisation d'un navire coûte cher à l'armateur, elle
coûte encore plus cher aux ports ivoiriens qui sont
discrédités par rapport aux ports étrangers. Logique, un
armateur préfèrera diriger sa flotte vers un port fiable qui ne
sera pas tous les quinze jours bloqués par une grève.
Ainsi, toute la chaîne du transport n'est pas
épargnée par des conflits sociaux.
L'immobilisation d'un navire est bien un mal, pour l'armateur
évidemment puisque son navire n'est pas rémunéré
quand il est bloqué, un mal pour l'affréteur qui ne peut
utilement l'exploiter, un mal pour la cargaison qui est prise en otage, un mal
pour le port qui n'assure pas la rapide rotation des bâtiments qui y font
escale, un mal pour les auxiliaires du transport dont l'action est
paralysée, un mal pour les marins qui risquent de perdre leur emploi, un
mal pour les syndicats qui peuvent apparaître à l'occasion de ces
actions comme défendant des privilèges.
Dans notre étude, nous serons guidés
par cette question à savoir : comment s'exerce le droit de
grève dans les transports maritimes ? En d'autres termes, quels
sont les conditions d'exercice du droit de grève et quelles sont les
responsabilités qui découlent de l'exercice de ce droit dans les
transports maritimes. A titre préliminaire, il faut préciser que
la notion de <<conflit collectif>> utilisée tout au long du
développement, est prise dans son sens générique,
c'est-à-dire englobant le lock-out, le piquetage, le boycottage,
l'occupation des locaux et la grève stricto sensu.
Nous tenterons donc dans une première partie de prendre
en compte les fondements de la grève et son approche sociologique selon
les différentes activités maritimes concernées.
La deuxième partie mettra en lumière les
responsabilités qui peuvent découler de l'exercice du droit de
grève dans les transports maritimes.
PARTIE I :
LA GREVE, L'EXERCICE D'UN DROIT
LEGALEMENT RECONNU
La grève est une cessation collective et
concertée du travail en vue d'appuyer des revendications
professionnelles.
De nos jours, il serait excessif de penser que la grève
est devenue un « arsenal mythologique
d'hier »4(*).
La grève générale a pu être
considérée comme l'instrument de prise de pouvoir par la classe
ouvrière ; elle fut la seule arme des travailleurs face à
l'inefficacité de la négociation collective.
Depuis ces vingt dernières années, les conflits
sont essentiellement localisés, c'est-à-dire propres à une
entreprise ou un groupe de sociétés. Ils sont souvent
médiatisés, accompagnés d'occupation. Les revendications
portent de façon classique sur les salaires, en dépit de la
montée des revendications d'emploi, en période de crise et de
restructuration.
Ainsi si le phénomène de la grève est
à prendre dans son sens général pour pouvoir mieux
appréhender le particularisme de la grève dans le secteur du
transport maritime, il conviendra de s'attarder sur l'étude de ce
dernier car l'activité d'échange est devenue
prépondérante dans nos sociétés industrielles.
C'est pourquoi les transports jouent un rôle vital dans
l'économie et les grèves qui les affectent présentent pour
l'observateur un risque considérable, dans la mesure où les
échanges sont assurés par le transport qui constitue le poumon de
l'économie. De ce fait, il paraît important d'analyser la
reconnaissance du droit de grève par les autorités publics et les
partenaires sociaux (chapitre II), et ensuite le statut protecteur du
salarié gréviste (section II).
CHAPITRE I :
RECONNAISSANCE PAR LES POUVOIRS PUBLICS ET LES
PARTENAIRES SOCIAUX
La grève est une liberté conquise qui s'est
d'abord inscrite dans l'histoire des luttes sociales. Délit pénal
au départ, la grève est restée longtemps une faute civile
justifiant la rupture du contrat de travail, en dépit de l'abolition du
délit de coalition par la loi Emile Ollivier du 25 mai 1864, auquel sera
substitué le délit d'atteinte à la liberté du
travail, avant d'être une liberté publique inscrite dans le
préambule de la Constitution de 1946.
En Côte d'Ivoire, le droit de grève a
été reconnu d'abord par la Constitution de 1960, puis par la
Constitution du 1er août 2000, à travers
l'article 18 qui dit : <<Le droit syndical
et le droit de grève sont reconnus aux travailleurs des secteurs publics
et privés qui les exercent dans les limites déterminés par
la loi>>. Il apparaît donc que la grève
précède le droit, le fait de grève s'en échappe.
Même si l'exercice du droit de grève est fonction
de la législation en vigueur, notamment le Code du travail, il n'en
demeure pas moins que dans le transport maritime, l'exercice du droit de
grève présente une certaine particularité.
Il convient donc de déterminer les conditions
légales d'exercice du droit de grève définies par les
pouvoirs publics (section I), et les partenaires sociaux (section II).
Section 1 : Les conditions
légales d'exercice du droit de grève, définies par les
pouvoirs publics
La grève est une liberté
constitutionnelle5(*). Mais
le préambule de la Constitution du 1er Août 2000,
ajoute qu'elle s'exerce « dans le cadre des lois qui la
réglementent ».
Le législateur, méticuleux, a prévu des
modes de règlements alternatifs des conflits collectifs (conciliation,
arbitrage, médiation), sans rapport avec la réglementation
relative à l'exercice d'un droit.
Au contraire de son homologue français qui ne
définit, ni ne fixe les contours de cette liberté, le
législateur ivoirien a essayé de définir la grève,
dans l'article 82.1 du Code du travail : << Tous les
salariés ont le droit de se mettre en grève. La grève est
un arrêt concerté du travail décidé par les
salariés pour faire aboutir des revendications professionnellement. Sous
réserve des dispositions de l'article 82.16 du présent code, la
grève ne rompt pas le contrat de travail, sauf faute lourde imputable au
travailleur. >>
Il peut sembler vain de vouloir réglementer un conflit
qui semble échapper au droit, étant donné que le Code du
Travail ivoirien ne définit, ni ne fixe les contours de cette
liberté.
Pourtant tout mouvement collectif n'est pas une grève.
Faute d'entrer dans son espace, le mouvement illicite fait retour au droit
commun, et les salariés qui y participent s'exposent au pouvoir
disciplinaire du chef d'entreprise.
Une liberté ne s'exerce pas sans limites. Et comme la
grève est une liberté constitutionnelle, il importe avant de
faire grève, faute de dispositions claires, de ne pas ignorer les
dispositions générales du Code du Travail et le dernier
état de la jurisprudence, ce qui d'ailleurs ne confère pas la
sécurité absolue en raison de possibles revirements.
Il apparait nécessaire d'étudier les aspects de
la reconnaissance du droit de grève (paragraphe I), puis les conditions
nécessaires à l'exercice du droit de grève (paragraphe
II). Et enfin les modes alternatifs de règlement des conflits
(paragraphe II).
Paragraphe 1 : La reconnaissance du droit de
grève
La grève est un droit constitutionnel, qui
s'exerce collectivement et non un droit syndical (A), qu'il faut
nuancer l'affirmation dans l'hypothèse de la grève dans les
services publics (B).
A. Droit collectif et non droit
syndical.
Le droit ivoirien s'est inspiré de la conception des
pays à tradition syndicale et négociatrice forte, pour faire du
droit de grève, un droit collectif6(*). La grève peut être décidée
en toute opportunité par leurs auteurs.
Lorsque la grève est un droit syndical, les syndicats
peuvent signer un engagement de paix sociale, opposable aux salariés.
C'est le cas en Côte d'Ivoire où depuis 2001, il y a une
trêve demandée par le 1er Ministre AFFI
N'Guessan .Une autre paix sociale a été signée entre
le patronat et les centrales syndicales UGTCI, DIGNITE et FESACI, depuis
Janvier 2007.
Cette liberté collective n'est pas garantie sur le plan
pénal, et la violation du droit de grève n'est pas en tant que
tel un délit d'entrave à l'exercice du droit syndical. Si la
grève est un concept général, elle revêt certaines
caractéristiques quant à son exercice dans le secteur public.
B. Grève dans les services
publics.
En mettant de côté certaines catégories
d'agents publics pour lesquels la grève est interdite tels que police,
magistrature, personnel des services pénitentiaires, armée, la
grève dans les services publics est licite, mais elle se heurte au
principe de la continuité nécessaire des services
publics. Il convenait donc d'instaurer un système juridique qui
tienne compte de cette mission, étant entendu que le seul critère
est celui du service public, abstraction faite du caractère public ou
privé de l'entreprise ou du service.
1. Continuité nécessaire des services
publics
Une conciliation doit être recherchée entre la
défense des intérêts professionnels manifestée par
la grève, et le respect de l'intérêt général
qu'assure le service public.
Cette recherche a été admise d'abord
par le Conseil d'Etat, dans l'arrêt Dehaene en 1950, qui a
surtout reconnu le droit de grève dans les services publics, puis par le
Conseil constitutionnel, par la suite, a estimé que la
continuité du service public tout comme la grève sont des
principes à valeur constitutionnelle. La conciliation entre ces
deux principes suppose qu'une réglementation légale
prévoit les modalités d'organisation du service en cas de
grève.
Or le législateur s'est trouvé peu bavard
malgré les invitations faites par la Constitution; ainsi aucune loi
générale ne porte sur l'organisation d'un service minimum. Quant
au Conseil d'Etat, il a estimé qu'il appartenait alors au gouvernement
de fixer lui même les limites du droit de grève, sous le
contrôle du juge administratif.
2. Réglementation du droit de
grève.
Tout d'abord, un préavis obligatoire et
motivé de six jours ouvrables, doit être déposé par
une organisation syndicale représentative7(*). Cette pratique est de
coutume en matière de transport maritime dans les entreprises à
capitaux nationaux ou dans les établissements publics à
caractère industriel et commercial comme les ports autonomes.
Le préavis est censé permettre non seulement la
mise en place d'un service minimum en vue d'assurer la continuité du
service public et une préparation quant à l'ouverture de
négociations, mais aussi le législateur a permis un
règlement du conflit par la négociation, à la charge des
« parties intéressées »8(*).
Paragraphe 2 : Les conditions
nécessaires à l'exercice du droit de grève.
Selon la Cour de cassation, la grève est <<la
cessation concertée du travail, en vue d'appuyer des revendications
professionnelles déjà déterminées auxquelles
l'employeur refuse de donner satisfaction>>.
Le Code du Travail prévoit trois conditions ou
éléments nécessaires pour qu'il y ait grève et pour
que le salarié puisse bénéficier de la protection
attachée à l'exercice normal de cette liberté. A
défaut, son comportement peut s'analyser en une exécution
défectueuse du contrat de travail, justifiant éventuellement un
licenciement, même en l'absence de faute lourde.
La qualification du conflit est le préalable
nécessaire à l'application du régime protecteur
attaché à l'exercice normal du droit de grève. Il convient
alors d'analyser les trois conditions nécessaires à l'exercice du
droit de grève, à savoir une interruption du travail(A),
collective et concertée(B), ayant un mobile professionnel(C).
A. Interruption du travail...
Le travail doit cesser. Un simple ralentissement de la
production ou l'inexécution d'une partie des obligations contractuelles,
ne satisfont pas à ce premier critère ; les salariés
qui participent à ces mouvements collectifs, s'exposent au pouvoir
disciplinaire du chef d'entreprise, sans pouvoir se prévaloir de leur
droit à l'expression direct et collectif9(*).
La « grève perlée » (
travail au ralenti), est une pratique courante chez les dockers marseillais
sous couvert de revendications professionnelles peu crédibles afin de
prolonger les vacations d'après midi et tomber ainsi sous le
régime salarial beaucoup plus avantageux des « petites
nuits » , ou son contraire, la « grève du
zèle » pratiquée notamment chez les douaniers depuis de
nombreuses années afin de ralentir les formalités d'embarquement
et/ou de débarquement , ne sont pas qualifiées de
grève.
Un préavis obligatoire et motivé de six jours
ouvrables, doit être déposé par une organisation syndicale
représentative10(*). Cette pratique est de coutume en matière
de transport maritime, dans les entreprises à capitaux nationaux ou dans
les établissements publics à caractère industriel et
commercial comme les ports autonomes.
Satisfont au premier critère à
l'inverse, les grèves tournantes hors service public, quels que soient
leur durée et le nombre de participants. Ces mouvements, tels les
débrayages répétés de courte durée, sont
d'une grande efficacité. Ils sont licites11(*), à moins qu'ils
n'entraînent pas une désorganisation de l'entreprise.
B. Collective et concertée
L'arrêt du travail doit avoir été
décidé collectivement par les salariés ; ce qui
suppose une concertation. Sur ce point de la concertation, différentes
conceptions au niveau doctrinal se sont affrontées.
En effet, certains auteurs estiment que la concertation
suppose une <<orchestration préalable>>, ou une
organisation technique du mouvement de grève. Il apparaît alors
que pour ces auteurs, la concertation suppose une organisation technique voir
schématique de la grève.
La jurisprudence quant à elle, admet qu'une simple
rencontre de volontés suffit à caractériser la
grève. Cette conception plus dominante fait ressentir que le droit
ivoirien de grève ne peut s'exercer que de façon collective et
concertée12(*)
Quant aux nombres de grévistes, le droit ivoirien s'est inspiré
de la décision de la Cour Suprême Française, qui a moins
d'exigence13(*).
Pour autant, la concertation nécessaire,
oblige les grévistes à déposer un préavis de
grève auprès de l'employeur, car la connaissance par l'employeur
des revendications professionnelles ne suffit pas à faire naître
une grève.
C. Mobile professionnel.
Ce troisième élément a donné lieu
à des discussions doctrinales. Certains ont donné au but
professionnel un sens extensif, débordant le cadre strict du contrat de
travail et de l'entreprise, pour prendre en compte tout ce qui porte atteinte
aux intérêts des travailleurs, et résultant de
l'organisation économique, sociales et politique de l'Etat.
Mais fidèles à une conception contractuelle du
Droit du Travail, d'autres auteurs, en majorité, et le droit positif ont
rejeté la conception trop large de la grève. C'est dire, partant
de la définition de la grève donnée par la Cour
Suprême <<la cessation concertée du travail, en vue
d'appuyer des revendications professionnelles auxquelles l'employeur refuse de
donner satisfaction>>14(*), que la grève se développe dans le
cadre du contrat de travail et de l'entreprise. Le mouvement collectif est un
droit contre l'employeur et non contre l'Etat qui a pour objet la
défense d'intérêts professionnels.
Sur quatre points essentiels, la Cour de cassation a
défini une jurisprudence, non sans revirement.
En effet, la solidarité n'est pas un mobile
professionnel justifiant le recours à la grève. Pour être
professionnelle, une revendication doit être raisonnable, et aucune place
ne doit laissée à l'utopie. Aussi, les revendications doivent
être portées à la connaissance de l'employeur
préalablement à l'arrêt de travail, car se servir du droit
de grève à des fins personnelles, épuise le mobile
professionnel.
De ce fait, la grève est possible, à condition
d'avoir un mobile professionnel ; la Cour de Cassation se livra à
une analyse au cas par cas pour accepter ou non la qualification de
grève.15(*)
Qu'en est- il des modes alternatifs de règlement des
conflits définis par la loi ?
D. Les modes alternatifs de
règlement des conflits.
A terre, c'est-à-dire sur le continent notamment dans
la zone portuaire, la période allant de 1936 à 1938 était
la grande époque du règlement des conflits du travail, et le
recours à la procédure de conciliation et d'arbitrage
était un préalable à la grève. De telles
procédures sont quelque peu remises en question.
En effet, le dialogue permanent est présumé
contribuer largement à mettre fin aux conflits, même s'il ne porte
pas toujours ses fruits. En ce qui concerne les entreprises de manutention,
elles sont régies par les « dispositions
terrestres » du Code du travail.
D'un autre côté, comme à terre, le milieu
maritime n'est pas resté étranger aux résolutions
pacifiques des conflits.
Il apparaît opportun, l'analyse des modes alternatifs de
règlement des conflits, en occurrence, la médiation (A),
l'arbitrage (B), la médiation (C) et les modes alternatifs de
règlement des conflits sociaux (D).
1. la conciliation.
La conciliation est une procédure qui a pour objet de
mettre d'accord les parties sur un certain nombre de dispositions litigieuses.
Les parties n'abandonnent en rien leur liberté de décision,
puisqu'elles restent entièrement libres d'aboutir ou de ne pas aboutir
à un accord.
L'article 97 du Code de la Marine Marchande, prévoit
un règlement des litiges par une procédure préalable de
conciliation, renvoyant implicitement à l'Article 82-6 du Code du
travail qui définit la procédure de conciliation, mais suivant le
particularisme du conflit collectif maritime.
Tous les confits collectifs maritimes doivent être
soumis au préalable aux procédures de conciliation16(*). Les litiges sont
portés devant l'Autorité des affaires maritimes en vue d'une
conciliation (Article 97 Code de la Marine Marchande), qui comprend
une commission composée de six représentants des armateurs et six
représentants des personnels navigants. Une distinction est
effectuée entre d'une part, le personnel officier et d'autre part, le
personnel subalterne17(*).
2. L'arbitrage
S'il y a eu échec de la conciliation, il peut y avoir
lieu à l'arbitrage, c'est à dire à jugement du conflit par
arbitre.
Cela suppose soit que la convention collective ait
prévu cet arbitrage, soit que les parties décident d'y avoir
recours après échec de la conciliation18(*). En Côte d'Ivoire, les
dispositions relatives à l'arbitrage sont utilisées en
matière de conflit collectif maritime. Ceci à cause de l'absence
de dispositions dans le Code de la Marine Marchande.
L'arbitre est un juge, il statue dans les termes du litige,
c'est à dire sur les points qui lui sont soumis par le
procès-verbal de non-conciliation ou éventuellement sur ceux qui,
résultant d'événements postérieurs à ce
procès-verbal, sont la conséquence du conflit en cours. Il statue
en droit sur l'interprétation des lois, règlements, conventions
collectives ou accords en vigueur, et en équité sur les autres
points. Sa décision s'impose aux parties comme toute décision
juridictionnelle, sauf recours.
Tandis qu'en France, dans la marine marchande, le
décret du 24 septembre 1925 a créé un conseil permanent
d'arbitrage, pour la solution des différends d'ordre collectif entre les
armateurs et leurs équipages19(*), en Côte d'Ivoire, il n'existe aucun organe
chargé du règlement par arbitrage des conflits collectifs
maritimes.
La première sentence rendue par ce conseil date du 22
avril 1926, suite à un conflit concernant les augmentations de salaire
qui opposait le Comité Central des Armateurs de France et la
Fédération des marins20(*). Malgré des concessions de part et d'autre,
aucun accord ne fut trouvé.
Mais, cette procédure d'arbitrage en matière de
conflit collectif de travail n'a pas connu un grand succès.
3. la médiation
Devant le très médiocre succès de la
conciliation, et surtout de l'arbitrage, le législateur a mis sur pied
un autre système qui est celui de la médiation. Ce mode de
règlement est utilisé par la partie la plus diligente, lorsque
les parties ne s'accordent pas sur le choix de la procédure d'arbitrage
facultatif, dans le délai de 6 jours ouvrables, suivant la notification
du procès verbal de non conciliation partielle.
C'est une procédure qui ne fait pas
nécessairement suite à l'une ou l'autre des deux
procédures précédentes. Elle est cependant originale et
souple, car le médiateur ne rend pas de sentence qui s'impose aux
parties, il se contente de proposer une solution21(*).
La médiation est réglée par l'article
82.10 du Code du Travail qui s'applique aux conflits collectifs maritimes
notamment entre les dockers et les armateurs.
En définitive, il faut reconnaître d'après
l'avis des différents partenaires sociaux pris grâce à une
enquête faite auprès de la communauté portuaire, le Lundi
12 Octobre 2008, (SEMPA, PORT AUTONOME d'Abidjan, FENADOSTRAPACCI, SYMATRAPA),
que les procédures de conciliation, d'arbitrage et de médiation,
telles qu'elles ont été définies par la loi, n'ont obtenu
qu'un succès très mince.
La conciliation se fait de façon informelle,
généralement par discussion entre les armateurs et les
organisations syndicales les plus représentatives, ce qui aboutit
parfois à des règlements de conflits.
L'arbitrage ne paraît avoir jamais fonctionné.
Quant à la médiation, elle n'a pas été souvent
utilisée et ses résultats ne sont guère encourageants.
Mais qu'en est-il des conditions légales d'exercice du
droit de grève définies par les partenaires sociaux.
Section 2 : Les conditions
légales d'exercice du droit de grève définies par les
partenaires sociaux
Les partenaires sociaux sont les
représentants des forces sociales du pays : les syndicats de
travailleurs et les représentants des dirigeants d'entreprise. Le terme
va ensuite être repris par d'autres acteurs et son usage va se
généraliser pour caractériser les relations
socioprofessionnelles.
Nous ne sommes plus tout à fait dans le
cadre des prescriptions constitutionnelles, puisque ce n'est pas à la
loi que l'on demande de réglementer la grève, mais à la
convention entre partenaires sociaux.
D'où l'analyse du rôle des partenaires sociaux
(A) et ensuite les difficultés rencontrées dans l'harmonisation
de leurs intérêts (B)
Paragraphe 1 : L'action des partenaires
sociaux
Il sera question de l'analyse de la
reconnaissance par les partenaires sociaux du droit de grève (A), puis
des conditions nécessaires à l'exercice du droit de grève
(B).
A. Reconnaissance du droit de grève
En Côte d'Ivoire, le droit de grève a
été reconnu par les partenaires sociaux, à travers la
Convention Collective Interprofessionnelle du 19 juillet 1977.
Cette convention s'est inspirée de la Convention
(no 87) concernant la liberté syndicale et la protection du
droit syndical de 1948 de l'OIT, qui reconnaît le droit de grève,
sans pour autant fixer ou définir les contours de cette liberté.
Le Code de la Marine Marchande autorise en son Article 79,
des accords entre les partenaires sociaux composant la communauté
portuaire.
D'où la Convention Collective du 28 Mai 1997,
régissant le travail des dockers et manoeuvres transit sur les ports de
Côte d'Ivoire. Avant cette convention, force était de constater
une certaine anarchie dans l'exercice du droit de grève. Les dockers
plus nombreux, et étant la profession dominante, n'hésitaient pas
à se mettre constamment en grève, perturbant ainsi
l'activité portuaire.
Ainsi dans cette convention, il apparaît à
travers le Chapitre 4, C-Litiges, que le droit de grève est un droit
syndical.
Mais à la différence du Code du Travail, les
partenaires sociaux formant la communauté portuaire, par la Convention
du 28 Mai 1997, prévoit une réglementation stricte du droit de
grève, afin d'éviter un arrêt des activités
portuaires qui pourrait nuire à l'économie.
B. Conditions d'exercice du droit de
grève
La grève dans le secteur maritime en Côte
d'ivoire, est un droit individuel qui s'exerce collectivement. Le Code de
Marine Marchande ne prévoit pas des conditions générales
d'exercice du droit de grève, mais elle renvoie en matière de
grève au Code du travail.
Un préavis obligatoire et motivé de six jours
ouvrables, doit être déposé par une organisation syndicale
représentative22(*).
La Convention du 28 Mai 1997, précisément ale
C-Litiges du Chapitre 4, indique que le délégué syndical
doit intervenir auprès de l'entreprise, sans pour autant arrêter
les opérations d'exploitation effectuées tant à bord des
navires, qu'à terre ou sous les hangars.
Il apparaît alors que la grève peut être
déclenchée à tout moment pour un but professionnel qui
peut être soit de mauvaises conditions de travail, ou de mauvais
salaires.
Aussi le délégué syndical est le seul
habilité à s'adresser à l'entreprise contre qui est
dirigée la grève. En cas de refus de l'entreprise, le litige est
porté devant une commission composée de trois
représentants du patronat et de trois représentants des
grévistes.
Il est prévu en cas d'échec que le litige soit
porté devant une commission paritaire. Quant à la suspension du
travail, elle est admise qu'en cas de refus de l'employeur, devant les
revendications justifiées des travailleurs.
Toutes ces mesures définies par les partenaires sociaux
de la communauté portuaire, sont de nature à respecter le droit
légitime des travailleurs du secteur maritime, à se mettre en
grève, sans pour autant nuire aux activités portuaires.
Le délégué syndical devient un personnage
incontournable dans la grève car c'est lui qui est mandaté par
les salariés du secteur maritime, pour aller discuter avec le
patronat.
Ce pouvoir accordé au délégué
syndical est peut être un avantage contre les abus des salariés,
mais aussi un grand inconvénient car il peut être un musellement
du délégué qui risquerait d'être un employé
à la solde du patronat.
Paragraphe 2 : Des acteurs aux objectifs
contradictoires
Lorsque les syndicats de travailleur et le
patronat entament des discussions, les négociations sont souvent
difficiles car ils défendent chacun des intérêts
différents.
D'un côté, les travailleurs cherchent à
améliorer leurs conditions de travail ou, du moins à
empêcher que celles-ci ne se dégradent. De l'autre, les
représentants des patrons souhaitent avant tout gagner en
efficacité économique pour être plus compétitifs.
Toute la difficulté des négociations est de
concilier ces deux positions. Un accord n'est possible que si les
intérêts des uns rejoignent ceux des autres.
Le patronat souhaite assouplir le marché du travail,
c'est-à-dire augmenter la période d'essai pour chaque
salarié, afin d'être certain du choix avant l'embauche
définitive. De même, les chefs d'entreprise souhaitent pouvoir
licencier plus facilement afin d'adapter l'emploi à la conjoncture
économique.
Actuellement, le patronat déplore la rigidité
des contrats qui dissuade les entrepreneurs à embaucher, de peur de ne
pas pouvoir rompre facilement le contrat de travail en cas de
difficultés.
A l'inverse, les syndicats et les salariés refusent
de perdre leurs acquis sociaux et rejettent toute mesure qui marquerait un
recul de leurs droits. Par exemple, ils sont contre l'allongement de la
période d'essai, considérée comme une période
où l'employeur peut facilement mettre l'employé sous pression.
Les revendications de chacun sont donc légitimes,
mais le rôle des "partenaires sociaux" est de trouver des points d'accord
pour faire évoluer le marché du travail. L'Etat n'intervient par
des lois qu'en dernier recours.
Finalement, les négociations entre partenaires sociaux
reflètent deux visions de l'avenir. La première vision,
pessimiste, voit l'avenir comme une menace. La situation va inexorablement
s'aggraver, les réformes imposent toujours de nouveaux reculs dans le
droit du travail pour les salariés.
La mondialisation est vécue comme une menace pour les
travailleurs : les salaires sont tirés vers le bas pour diminuer les
coûts ; la finance donne tout pouvoir à l'actionnaire, la
libre concurrence pousse les entreprises à revenir sur les
différents acquis sociaux des travailleurs.
Dès lors, la seule solution est la lutte des
travailleurs pour défendre leurs acquis.
La deuxième vision de l'avenir est plus positive :
la mondialisation a permis une croissance mondiale sans
précédent, de nombreux pays comme l'Inde ou le Brésil sont
sortis de la pauvreté, du moins une partie de leur population s'en est
sortie grâce à la multiplication des échanges à
l'échelle mondiale et à la croissance qui a suivi.
Même dans les pays développés, le
chômage a tendance à reculer, très faible aux Etats-Unis,
il tend à diminuer en Europe.
Fort de ce constat, les partenaires sociaux sont alors
décidés à discuter pour corriger les effets
négatifs de la mondialisation, à commencer par la
précarisation des relations de travail.
Les négociations entre partenaires sociaux ne peuvent
aboutir que si chacun consent à faire des concessions et prend en compte
les revendications du partenaire d'en face. Pour y parvenir, chacun doit se
défaire des idées reçues et des images caricaturales.
Tous les patrons ne sont pas des agents à la solde du
grand capital et tous les syndicats ne sont pas des organisations corporatistes
qui refusent toute réforme. En définitive, l'efficacité du
dialogue est proportionnelle à la capacité d'écoute de
tous les partenaires sociaux.
Dès lors, il convient de poser la question du sort du
salarié gréviste.
CHAPITRE II :
LE STATUT PROTECTEUR
DU SALARIE GREVISTE
La grève, telle qu'elle a été
définie, a pour effet de suspendre le contrat de travail du
gréviste, ce qui veut dire que l'employeur ne peut se prévaloir
de l'inexécution du contrat pour prendre une sanction, seule une faute
lourde peut justifier la rupture du contrat.
D'où l'intérêt de l'analyse en premier
lieu de la suspension du contrat de travail (Section I), et en second lieu, de
la grève et de la rupture du contrat de travail (section II).
SECTION 1 : SUSPENSION DU CONTRAT DE TRAVAIL
Il fut pendant longtemps considéré que la
grève avait pour effet de rompre le contrat de travail, en dépit
de la suppression du délit de coalition. Il était difficile de
continuer à l'affirmer, dès lors que le préambule de la
Constitution en faisait une liberté.
Le législateur a mis ainsi un terme à l'analyse
purement contractuelle tirée de l'inexécution du contrat, en
énonçant par l'article 82-1 du Code du Travail que la
« grève ne rompt pas le contrat de
travail » ; désormais ce dernier est suspendu, et en
conséquence aucune faute ne saurait être imputée au
gréviste pour inexécution de ses obligations23(*).
En revanche, cet effet interruptif entraîne des
conséquences sur la rémunération, le salarié
gréviste ne peut prétendre au paiement de sa
rémunération pendant la période où il fait
grève.
Concrètement, la grève se traduit par un
abattement opéré sur la rémunération du
salarié gréviste ; ce non versement de salaire doit
être exactement proportionnel à la durée de l'arrêt
de travail.
Cependant, l'employeur peut être condamné
à payer aux grévistes une indemnité compensant la perte de
leur salaire « dans le cas où les salariés se sont
trouvés dans une situation contraignante telle qu'ils ont
été obligés de cesser le travail pour faire respecter
leurs droits essentiels directement lésés par suite d'un
manquement grave et délibéré de celui-ci à ses
obligations »24(*).
En l'espèce, des travailleurs ont décidé
un arrêt pacifique du travail devant les irrégularités
auxquelles, ils étaient soumis par leur employeur. Le juge a reconnu le
caractère licite de la grève du fait des
irrégularités commises par l'employeur.
Ainsi, le non-paiement du salaire ne justifie cette
condamnation, que lorsque le manquement est délibéré.
L'indemnisation est, en revanche, justifiée quand la grève tend
à l'abolition d'une prime illicite incitant au dépassement de la
durée maximale du travail dans les transports25(*).
Parfois, il peut arriver que la grève entraîne la
rupture pure et simple du contrat de travail.
SECTION 2 : GREVE ET RUPTURE DU CONTRAT DE
TRAVAIL
L'Article 82-1 du Code du travail énonce en
son alinéa 2 que : « la grève ne
rompt pas le contrat de travail, sauf faute lourde imputable au
salarié ».
En droit du travail, la faute lourde se situe au plus haut
degré de l'échelle de gravité des fautes, elle est proche
de la faute dolosive en droit civil.
Pris à la lettre, cet article signifierait qu'en cas de
faute lourde commise durant la grève par le salarié, le contrat
de travail liant l'employeur et le salarié est rompu. La faute lourde du
gréviste n'entraîne pas la rupture du contrat de travail ipso
facto26(*).
Elle permet seulement à l'employeur de prononcer le
licenciement (dans les formes et au terme de la procédure habituelle).
Dans le contexte de la grève, la faute doit être lourde pour
justifier le licenciement27(*).
Le Code de la Marine Marchande va plus loin et prévoit
non seulement un licenciement, mais aussi une radiation totale du
salarié dans les registres des affaires maritimes.
Quant à la Convention Collective du 28 Mai 1997, elle
donne un certain nombre de fautes, qui commises en dehors ou durant une
grève entraîne soit un retrait temporaire de la carte de docker,
soit un retrait définitif, suivant la gravité de l'acte.
Dans le secteur maritime en Cote d'Ivoire, surtout au niveau
des dockers, l'employeur est le SEMPA (Syndicat des Entrepreneurs de
Manutention des Ports d'Abidjan et de San Pedro).
En outre, un employeur peut assurément sanctionner ou
licencier le gréviste coupable de faute lourde.
Il reste à préciser comment la faute lourde doit
s'entendre ici. Dans le cadre des relations contractuelles, la Convention du 28
Mai 1997 ne donne pas une définition précise, mais
considère comme faute lourde, tout acte présentant un
caractère de gravité plus accentué que les fautes
déterminées par la Convention Collective, au B du Chapitre 7.
Par ailleurs, un licenciement pourra être
prononcé pour fait de grève, en l'absence de faute lourde ;
dans cette situation, le salarié devra être
réintégré ou bien ce licenciement sera requalifié
par le juge et donnera droit au salarié lésé à des
dommages et intérêts.
Après avoir analysé le statut du salarié
gréviste, il convient de se poser la question de savoir si le transport
maritime, qui a par nature un caractère international, accorde un statut
particulier au salarié gréviste, notamment en ce qui concerne la
détermination de la loi applicable lorsqu'une grève éclate
sur un navire, arborant pavillon étranger (paragraphe I), ou à
quai dans un port ivoirien (paragraphe II) et quelle est le statut du
salarié gréviste en cas de faute commise durant la grève
(paragraphe III).
Paragraphe 1 : Cas des grèves sur
pavillon étranger
Du fait de ses origines militaires et de son importance dans
le commerce extérieur, le travail maritime fut longtemps
réservé aux ressortissants nationaux. La législation
sociale maritime fut longtemps d'application territoriale, rattachée
à la loi du pavillon.
Par ailleurs, au niveau régional, le droit
communautaire à travers les Règlements n°02/2008/CM/UEMOA et
n°04/2008/CM/UEMOA, conduit à un éclatement du cadre
national du travail maritime et à un assouplissement de la loi du
pavillon, en vue d'une libre circulation.
La loi du pavillon assure la juridicité de la haute
mer28(*)et devrait offrir
un rattachement stable au navire, en quelques eaux où il se trouve. La
loi du pavillon permet d'imprimer une unité à la
société du bord. A ce titre, elle gouverne la condition juridique
de l'équipage29(*).
Or le pavillon trop librement choisi ne devient t-il pas une
simple fiction juridique ?
Le syndicat ITF (International Transporter worker's
Federation), syndicat international, affilié à tous les
syndicats du secteur maritime, s'est saisi du problème car entre l'Etat
qui accorde son pavillon et l'armateur, le mariage de convenance, sans
contrôle, conduit à l'instauration de pavillon de complaisance,
avec souvent pour conséquence une situation sociale affligeante pour le
personnel embarqué.
D'où l'analyse de l'exercice du droit de grève
devant un développement des pavillons de complaisance (A) et l'action du
juge ivoirien, face à l'internationalisation du transport maritime (B).
A. L'exercice du droit de grève face au
développement des pavillons de complaisance
Les pavillons de complaisance représentent la grande
majorité de la flotte mondiale. Un des plus représentatifs, le
Libéria dispose d'un droit national peu contraignant pour les armateurs
avec notamment l'interdiction du droit de grève.
Souvent le pavillon ne constitue plus le seul lien de
rattachement de l'équipage à un ordre juridique national ;
l'équipage est soumis à une protection minimale et relève
d'une réglementation unilatérale de l'armateur, malgré les
relations contractuelles30(*) auxquelles l'armateur et l'équipage sont
liées.
Les manifestations des syndicats des dockers (SEMPA, SYDOPSA)
et autres syndicats du secteur portuaire, sont très diverses mais
tendent toutes au même objectif.
Il peut s'agir d'un refus des dockers de charger ou de
décharger le navire, d'une manifestation sur les quais contre le navire,
du blocage d'une écluse de sortie, du refus de remorquer, d'assister ou
de piloter, d'une occupation du navire par des tiers étrangers au
bord31(*).
De nombreux boycottages sont intervenus en soutien d'une
grève de l'équipage, ou parfois l'ont provoquée. Si
certains armateurs négocient rapidement, pour éviter tout retard
dans leur carnet de livraison, d'autres contestent en justice la
légitimité ou la légalité du conflit. Sur ce point,
la jurisprudence notamment française a évolué et il semble
que, depuis 1983, les boycotts aient presque disparu32(*).
En Côte d'Ivoire, les boycotts ne sont pratiquement pas
utilisés, du fait de la sévérité du Code de la
Marine Marchande et de la Convention du 28 Mai 1997, face à ce genre
d'acte.
L'action de l'ITF a débuté contre les navires
dont les armateurs ne payaient pas les marins qu'ils employaient ou les
payaient très en retard malgré les termes de leur contrat
d'engagement et, dans de tels cas de violation flagrante des conditions
contractuelles de travail ; l'organisation syndicale a trouvé un
accueil favorable auprès des juridictions françaises qui, saisies
par les armateurs pour faire cesser ces boycottages, se sont
déclarées incompétentes ( navire Montego,
ordonnance de référé du président du Tribunal de
grande instance de Tarascon du 25 janvier 1977).
Fort de ces décisions apparemment encourageantes,
l'organisation syndicale s'est alors attaquée à des navires
modernes et bien équipés ayant à leur bord des marins du
tiers monde ponctuellement et largement rémunérés, mais
pas aux normes ITF.
Les juges des référés ont continué
de se déclarer incompétents, sans doute parce qu'au lieu
d'assigner le syndicat organisateur du blocage, les armateurs assignaient les
sociétés de remorquage, de lamanage, les entreprises de
manutention ou les ports qui ne prêtaient pas assistance.
Ces derniers répliquaient qu'ils n'étaient pas
responsables du cas de force majeure constitué par le refus de leur
propre personnel de servir le navire, sur directive de leur syndicat. Ce
débat conduisait tout naturellement à l'incompétence du
juge des référés.33(*).
Les choses ont changé le 26 juin 1979 avec l'ordonnance
rendue à propos du navire Bernhard-Oldendorff. Le syndicat CGT
des marins avait réussi à extorquer au capitaine de ce navire,
sous menace de boycott, la signature d'un accord ITF. Le juge des
référés s'était déclaré
compétent et avait qualifié le boycott de « voie de
fait », mais il était sanctionné d'une astreinte par
jour de retard34(*).
En Côte D'Ivoire, les boycotts, c'est-à-dire le
refus d'effectuer toutes opérations nécessaires à la bonne
marche de l'activité portuaire, n'ont presque pas existé, du fait
de la dureté des lois et convention.
En France, les boycotts ITF se sont poursuivis jusqu'en 1982.
A chaque fois, ils ont été sanctionnés de la même
manière, c'est-à-dire par de lourdes astreintes qui ont eu
presque toujours pour effet de mettre fin aux voies de fait. Il semble que
depuis 1983 les boycotts aient presque disparu des ports français,
« ce qui est la preuve que la jurisprudence influe sur le cours de
l'histoire et donc sur l'économie d'un pays ».
Or, l'internationalisation du transport maritime ne peut
rester sans effet sur les relations de travail ; ainsi comment va
réagir le juge ivoirien lorsqu'un navire battant pavillon
étranger, mais à quai dans un port ivoirien subit un conflit
collectif de travail.
B. Position du problème : le juge
ivoirien face à l'internationalisation du travail
maritime
L'internationalisation du transport maritime, le recours
à la libre immatriculation ou à la complaisance, le recours
à des registres internationaux ou à des «
pavillons économiques » permettant l'emploi de marins
étrangers à moindre coût, ne peuvent rester sans effet sur
les relations de travail.
Ces situations soulèvent deux difficultés :
la détermination de la loi applicable à la relation de travail,
la recherche du juge compétent pour connaître d'éventuels
litiges.
1. Le conflit des lois
Le contrat d'engagement des marins est soumis, en principe,
à la loi du pavillon. En droit ivoirien, la loi applicable au contrat de
travail international est la loi du lieu d'exécution du travail35(*), sauf intervention de
dispositions plus favorables au salarié, contenues dans la loi choisie
par les parties contractantes36(*).
Le navire comme l'avion, est par nature mobile. Le pavillon
est le signe apparent de la nationalité du navire, il relie le navire
à un ordre juridique national, susceptible de le contrôler et de
le protéger. Le principe de la liberté de la haute mer interdit
à tout Etat d'exercer une compétence sur la haute mer. L'ordre
juridique qui s'y exerce est celui des autorités du pavillon.
Néanmoins, la Convention de 1958 sur la haute mer avait
réservé l'hypothèse de la piraterie autorisant
l'intervention d'un Etat tiers ; la Convention de 1982 de Montego Bay a
prévu l'intervention de l'Etat du port, en cas d'actes de violence
à des fins privées et à l'encontre d'un autre navire.
Cette évolution s'est achevée par la convention
de Rome de 1988, à la suite de l'affaire de l'Achille Lauro,
qui permet à l'Etat du port de réprimer les actes illicites
portant atteinte à la sécurité des navires et des
personnes à bord.
La loi du pavillon se heurte aux compétences des Etats
riverains qui, pour des motifs économiques et sécuritaires,
exercent leur souveraineté sur les espaces maritimes bordant leur
territoire.
Tout navire étranger est soumis à la juridiction
de l'Etat riverain tant en ce qui concerne les faits délictueux commis
à bord que ceux, qui ont été commis à terre par les
gens de son équipage. Le critère du lieu de travail
détermine la loi applicable.
Il convient de distinguer selon la formule du Professeur
Bonassies, entre l'ordre interne et l'ordre externe du navire. L'Etat riverain
doit s'abstenir d'imposer à des navires étrangers, une
réglementation susceptible d'affecter l'ordre interne du navire,
l'organisation et la protection de la société du bord37(*).
Les règles générales du droit du travail,
applicables à bord sont celles de l'Etat du pavillon, notamment en ce
qui concerne les rapports collectifs de travail.
En ce qui concerne les conflits collectifs de travail, la Cour
de cassation fait application de la loi du lieu d'exécution du travail,
même si la relation de travail est soumise à la loi d'autonomie
plus favorable au salarié.
L'interdiction du droit de grève par la lex
fori ne paraît pas contraire à l'ordre public
international38(*). Il est
alors souhaitable que le juge n'admette pas l'application dans un port
ivoirien, d'une loi étrangère soit du pavillon, soit d'autonomie,
interdisant le droit de grève aux marins.
Ainsi, il n'est plus possible de considérer que le
navire est un lieu d'extra-territorialité interdisant aux
autorités du port d'intervenir, en cas d'affrontements violents ou
d'opérations de commandos armés contre un équipage en
grève.
Le Conseil d'Etat, dans un avis du 20 novembre 1806, permet
aux autorités de se saisir des infractions pénales commises
à bord d'un navire étranger, lorsque l'ordre public du port s'en
trouve troublé, ou quand le capitaine du navire réclame leur
intervention, également lorsque la victime ou l'auteur de l'infraction
n'est pas membre de l'équipage39(*).
Par ailleurs, il est important de souligner que la loi
étrangère normalement applicable ne l'est pas lorsque son contenu
ne peut être prouvé, la lex fori s'applique alors
à titre subsidiaire40(*).
Néanmoins, dans l'affaire du navire Aghios
Charalambos, le juge français a été conduit à
interpréter les dispositions de la convention collective chypriote pour
faire droit aux revendications des marins impayés41(*).
En droit comparé, il est intéressant de
constater que le boycott ou piquetage d'un navire par le syndicat des dockers
ou de marins constitue une pratique illicite.
En Grande-Bretagne, une décision de la Chambre des
Lords de 198242(*) a
annulé la contribution d'un armateur à l'ITF, au fonds syndical
de bien-être, consécutif au blocage du navire par les dockers de
Glasgow, alors même que ce mouvement entrait dans le champ des
immunités syndicales, selon la loi britannique en vigueur.
En Suède, ce boycott est conforme à la loi sur
la paix sociale qui définit les pouvoirs des syndicats43(*). En Norvège, ce blocage
n'est licite qu'en vue de permettre l'organisation libre des membres de
l'équipage, c'est-à-dire le respect de la liberté
syndicale, ou lorsque l'équipage paraît notoirement sous
payé.
Tel n'est pas le cas lorsque les salaires d'officiers italiens
d'un navire battant pavillon libérien sont équivalents aux
salaires qui leur seraient versés en Italie, lorsqu `il existe un
accord collectif entre l'armateur et le Philippine Seamen's Union, pour les
marins philippins44(*).
S'agissant de l'action des syndicats à agir en justice,
que ce soit pour l'action individuelle ou l'action collective, leur
intervention relève de la lex fori. La capacité
juridique d'un syndicat est déterminée par sa loi personnelle,
mais les règles de procédure sont celles du lieu de l'action
judiciaire45(*).
Un syndicat ivoirien peut donc agir en justice, pour la
défense de salariés46(*), marins même étrangers, contre leur
armateur même étranger47(*). L'objet des syndicats est la défense de la
profession, non la défense des marins nationaux seuls, ou des seuls
marins naviguant sous pavillon ivoirien.
Il semble délicat de dégager une règle
cohérente au vu de la diversité des situations et solutions
nationales, l'ensemble démontre une forte insécurité
juridique pour chacun des acteurs maritimes.
2. Le conflit de juridictions
Il convient de se demander quand les juridictions ivoiriennes
sont compétentes. Lorsque le juge ivoirien est compétent, comment
déterminer la juridiction compétente devant un litige de travail
maritime.
a. La compétence des juridictions
ivoiriennes
Les tribunaux ivoiriens sont toujours compétents pour
connaître d'un litige, chaque fois que l'une des parties est au moins
ivoirienne. Les textes (articles 14 et 15 du Code civil) confèrent aux
ressortissants ivoiriens un véritable privilège de juridiction.
Lorsque les plaideurs sont tous de nationalité
étrangère, l'article 11 du Code Civil, leur accorde les
mêmes droits que les nationaux. Si un plaideur est ivoirien, admettre la
compétence des juridictions ivoiriens ne signifient pas qu'elles soient
seules compétentes.
Les juges ont donc fait application des règles de
compétence territoriale des juridictions. Le tribunal compétent
est, en principe, celui du lieu où demeure le défendeur. Il y a
transposition dans l'ordre international des dispositions destinées
à résoudre les difficultés internes48(*).
La Cour de cassation a considéré que le
privilège de juridiction ne pouvait s'appliquer que lorsqu'aucun
critère ordinaire de compétence territoriale n'était
réalisé, devenant donc subsidiaire49(*).
Selon la loi ivoirienne, à travers l'Article
97 du code de la Marine Marchande, quand le litige naît dans un port
ivoirien (d'embarquement, d'escale ou de débarquement), le tribunal
d'instance de ce port est compétent.
Dans les autres cas, l'armateur peut saisir le tribunal
d'instance du port, où le marin est domicilié ou celui du port
où le marin se trouve momentanément. Le marin peut, lui, saisir
le tribunal d'instance du port où l'armateur a son principal
établissement maritime ou une agence, et, à défaut celui
du port d'attache du navire.
Diverses Cours d'Appel ont fait application du lieu
d'exécution du contrat50(*), c'est-à-dire l'Article
1er du Code du travail, se déclarant
incompétentes à trancher le litige résultant du conflit
collectif de travail, puisque le lieu de travail est un navire
étranger.
Cette situation conduit à renvoyer compétence
aux juridictions de la loi du pavillon et à créer une confusion
entre le conflit de juridiction et le conflit de lois.
Selon la Cour de Paris, « le caractère
d'ordre public de la législation du travail ne pouvait s'appliquer
qu'à un travail convenu ou accompli en France, lorsqu'il s'agit de
cocontractants de nationalité
étrangère »51(*).
Cette règle est appliquée en Côte
d'Ivoire, et il s'agit de la constatation de l'inapplicabilité directe
du texte de l'Article 1er du code du Travail, ce qui est
une évidence puisque la situation est internationale.
Quant aux marins, la libre immatriculation des navires, le
marché international du travail, les techniques de gestion nautique,
commerciale et sociale, ont pour effet de générer de nombreux
conflits collectifs ; ainsi, comment le juge ivoirien peut-il ignorer que
son incompétence interdit en pratique tout recours judiciaire aux
membres de l'équipage, situation que les conventions internationales ont
entendu éviter à tout créancier maritime.
b. De la juridiction compétente
rationae materiae
Lorsqu'un conflit collectif maritime oppose à un
armateur des marins, sur un navire battant pavillon étranger, mais
bloqué dans un port ivoirien, la tendance générale des
tribunaux, saisis du litige pour des revendications salariales et ou au vu des
conditions de travail, est de se déclarer incompétents, du fait
que le navire relève de par sa loi du pavillon d'une loi
étrangère.
Les tribunaux d'instance sont uniquement compétents
pour tout service accompli à bord d'un navire battant pavillon
ivoirien.
Si le juge ivoirien est compétent, il ne pourrait donc
s'agir que du juge de droit commun, le tribunal de première instance, du
fait de la compétence exclusive en matière de conflit collectif,
mais spécialisée des autres juridictions.
Il serait souhaitable que la situation soit clarifiée,
afin de combler cette insécurité juridique résultant
notamment du non respect des principes de droit international privé.
En effet, comme l'explicite si bien M Chaumette :
« il semble que la jurisprudence et la doctrine maritimiste
renouvellent l'erreur de confondre application directe des dispositions
internes relatives à la compétence juridictionnelle et
transposition des dispositions internes dans l'ordre
international ».
Or, si ce raisonnement implique de rechercher les conditions
directes d'application, elles ne seront pas réunies ou seulement
artificiellement. Le navire immobilisé à quai devra être
assimilé à un immeuble, les marins du bord
considérés comme débarqués ou travaillant en
Côte d'Ivoire.
Ainsi, la transposition consisterait à
considérer que le conflit collectif de travail s'accompagnant d'un
litige, relèverait de la compétence du tribunal de
1ère instance pour l'équipage et pour le capitaine en
tant que représentant de l'armateur.
Mais en pratique, les armateurs ne se soucient guère de
ce genre de considérations pour obtenir l'expulsion de grévistes
ou la levée d'un boycott.
Ils se réfèrent à un conflit collectif et
saisissent le tribunal de première instance, éventuellement par
la voie des référés.
En effet, si la grève des marins se déroule le
plus souvent à bord du navire, elle se déroule également
à quai, la coupure maritime/terrestre étant rarement
évidente.
Les négociations vont se dérouler à
terre, où se situent représentants de l'armateur et organisations
syndicales. C'est de la terre, c'est-à-dire que l'équipage
descend pour retenir le navire, que le navire est retenu, son immobilisation
perturbant relations commerciales et activités portuaires.
L'on peut supposer que dans cette période, les contrats
de travail s'exécutent provisoirement. Le droit ivoirien ne s'appliquera
que si le tribunal de 1ère instance constate un
dépassement de la durée du contrat de travail de trois mois, en
vertu de l'article 1er du Code du Travail.
Paragraphe 2 : Cas des grèves
déclenchées par les professions portuaires
Dans le secteur maritime, les conflits collectifs de
travail sont l'oeuvre pour l'essentiel des marins et des dockers, voire des
entreprises de remorquage.
Les agents de l'outillage public comme les grutiers, de par
leur qualité d'agent public, relèvent d'un régime
particulier.
A côté de ces secteurs, on remarque que les
entreprises de lamanage et les services du pilotage, par la nature de leur
activité, sont soumis à un régime particulier et sont donc
à écarter de notre étude.
En ce qui concerne les entreprises de remorquage, leur
rôle consiste à amarrer le navire à quai. C'est une
opération importante en pratique, car un mauvais amarrage peut avoir de
redoutables incidences sur le navire lui même, sur les autres navires,
voire même sur les tiers52(*).
L'opération de lamanage contribue à la
sécurité intérieure et à la lutte contre les
pollutions.
Ainsi en France, dans une affaire concernant le port de
Gênes (CJCE, Corsica Ferries, 18 juin 1998) la Cour Européenne a
jugé que les activités de lamanage accomplissent des missions de
service public, qui concourent à la sécurité portuaire.
La CJCE estime que « l'obligation de recourir
à un service de lamanage local... pourrait être justifiée
au titre de l'article 56 du traité CE, par des considérations de
sécurité publique »53(*).
Il s'ensuit donc que la grève dans de tel secteur est
strictement réglementée et ne se résume en pratique
qu'à de simples déclarations d'intention.
Quant au pilotage portuaire54(*), il consiste en « l'assistance
donnée au capitaine, par une personne commissionnée par l'Etat,
pour la conduite des navires à l'entrée et à la sortie des
ports, rades et eaux maritimes des fleuves et des canaux » ;
telle est la définition du pilotage posée par le Code de la
Marine Marchande.
Cette disposition législative démontre la
volonté politique de « préserver » lesdits
services des risques de grève.
Sur ce fondement, la directive sur la libéralisation
des services portuaires a écarté le pilotage de son champ
d'application, après de vives réactions des différents
syndicats de pilotes ; en conséquence les services du pilotage ne
peuvent pas s'accorder pour une cessation collective et concertée de
leur activité. En Côte d'Ivoire, les pilotes sont admis à
s'accorder pour une cessation collective et concertée de leur travail.
Ainsi, les conflits collectifs de travail sont l'oeuvre pour
l'essentiel, des dockers (A) et des marins (B) voir des entreprises de
remorquage (C) et aussi de manutention (D).
On remarque, de plus, qu'étant donné
l'interdépendance des activités portuaires, la grève d'un
corps professionnel engendre le plus souvent un arrêt de travail
généralisé à plusieurs corps professionnels. Ce
genre de manifestation ne reflète sûrement pas la
célèbre solidarité des gens de mer.
A. Les marins
Le marin exerce son travail à bord d'un navire sur
lequel il doit se rendre pour exécuter son service, au jour et à
l'heure, qui lui sont indiqués par l'armateur.
Le lien du marin au navire domine la relation entre
l'armateur et le marin à un point tel, que l'ancien Code de la Marine
Marchande sanctionne le délit de désertion.
Le marin reste tenu d'accomplir son service dans les
conditions déterminées par le contrat, et d'obéir aux
ordres de ses employeurs. L'étude de la grève chez les marins (1)
et de la grève en mer (2), permettra d'éclairer notre
compréhension.
1. la grève chez les
marins
La vie à bord d'un navire et la sécurité
de la navigation, ont entraîné l'instauration d'un régime
spécifique de discipline, qui place l'équipage sous
l'autorité du capitaine, comme le précise le Code de
la marine Marchande. La Convention Collective du 28 Mai 1997 affirme,
d'ailleurs qu'un manquement à la discipline ou un refus d'embarquement
sont passibles de sanctions.
Dans le milieu maritime, la grève revêt un aspect
particulier. Le marin étant tenu à une discipline
particulière à bord, le refus de travailler est en
conséquence difficilement admis.
Les membres de l'équipage ne sont pas des
salariés ordinaires, même s'ils bénéficient des
mêmes droits que les salariés « terrestres »,
au premier rang desquels se trouve le droit de grève. Mais la
manifestation de ce droit de grève est tout à fait
spécifique au milieu.
En revanche, on peut se poser la question de savoir si le
capitaine en tant que mandataire de l'armateur, en ce qui concerne
l'accomplissement de tout acte commercial, peut faire grève.
La loi faite du capitaine un préposé de
l'armateur, si on ajoute que le droit de grève est inscrit dans la
Constitution et qu'aucun texte législatif ou réglementaire ne
l'interdit aux capitaines de navires marchands, force est de conclure que le
capitaine peut faire grève55(*).
La grève, envisagée à bord d'un navire
naviguant, est rarement utilisé en pratique, d'une part pour des raisons
de sécurité, et d'autre part parce que le marin doit obéir
aux ordres de ses supérieurs et assurer le soin du navire et de la
cargaison.
Lorsqu'un mouvement de grève est prévu dans une
entreprise à terre, quel que soit le moment de son déclenchement,
il cause une gêne à la direction. Une grève en mer est peu
concevable pour les raisons évoquées précédemment.
C'est pourquoi, les marins ont recours à une forme
spécifique, le retard à l'appareillage. Ce dernier peut prendre
plusieurs formes : les marins refusent d'embarquer, bloquent les moyens
d'accès au navire, montent à bord mais refusent d'appareiller.
Cette dernière possibilité est largement utilisée par les
équipages des ferries.
Il convient cependant d'insister sur le fait que, les marins
dans leur ensemble sont peu syndiqués et représentent un
pourcentage très réduit de la population active en Côte
d'Ivoire.
Leur activité, très spécifique, s'exerce
dans un cadre géographique limité. Il est cependant à la
fois trop vaste, les navires étant présents sur toutes les mers
du monde et trop restreints, la grève n'ayant physiquement lieu qu'au
port ; or on ne trouve jamais tous les navires dans un port en même
temps.
Un mouvement de grève, déclenché dans ces
conditions, ne peut avoir le retentissement de celui déclenché
dans certains secteurs d'activité, sauf si le retard des marins à
l'appareillage affecte certains services, de passagers notamment ou bloque la
desserte territoriale du pays par exemple. Le juge devra prendre en compte,
s'il est saisi, le caractère déraisonnable ou non des
revendications56(*).
Ceci dit, l'armateur a la possibilité de
résoudre ce problème, en procédant au dépôt
du rôle d'équipage pendant la durée de la grève,
suspendant ainsi le paiement des salaires et le contrat d'engagement. Ce genre
de situation s'apparente au lock-out qui permet à l'armateur de
« fermer » l'activité de l'entreprise pendant toute
la durée de la grève.
Par ailleurs, s'il est abusif, le lock-out entraîne
à la charge de l'armateur des dédommagements pour les marins
congédiés, et l'obligation de payer les salaires aux marins dont
le contrat d'engagement est suspendue57(*).
2. La grève en
mer
La grève, envisagée à bord d'un navire en
mer, n'est guère possible, cependant il y a eu des
précédents.
Les deux principales affaires qui illustrent le cas de
grève en mer sont d'une part, l'affaire du navire France
58(*)et d'autre part,
l'affaire du ferry Saint Germain59(*).
Dans l'affaire du France, les membres de
l'équipage et les permanents syndicaux, espérant éviter le
désarmement du France, ont obligé le commandant à
mouiller le navire dans le chenal d'entrée du port du Havre, perturbant
de ce fait les activités commerciales du port. Aucune poursuite
pénale n'a été intentée, seuls les licenciements
économiques ont été prononcés. En ce qui concerne
le navire on connaît la suite...
Dans l'affaire du ferry Saint Germain,
l'équipage, pour s'opposer au désarmement du navire, a
séquestré le commandant et mouillé le navire dans
l'entrée du port de Dunkerque.
Seule l'Association des Capitaines de Navire a porté
plainte et un seul marin a été déclaré coupable,
celui qui avait ouvertement déclaré prendre le commandement. Or,
le 5 mai 1989, le tribunal correctionnel de Dunkerque appliqua aux faits de
l'espèce, la loi d'amnistie du 20 juillet 1988 qui couvrait les
infractions commises lors d'actions syndicales.
L'étendue de ces deux affaires révèle
tout d'abord que les seuls cas de « grève en mer »
ont eu lieu à proximité d'un port. La grève avait bien
lieu en mer, mais pas en pleine mer en laissant un navire à la
dérive, les risques pour le navire et la navigation, étaient donc
réduits. Les marins étant conscients des dangers que peut
entraîner une grève en pleine mer, il est peu probable que la
jurisprudence ait à connaître d'une telle affaire un jour.
Ensuite, on constate que dans l'affaire du France
aucune sanction particulière n'a été prise à
l'égard de l'équipage, sauf le licenciement économique,
mais qui, de toute façon, résultait du désarmement du
navire au « quai de l'oubli ». Dans l'affaire du Saint
Germain, la « mutinerie » a été
assimilée par le tribunal à une simple occupation des locaux pour
motif syndical.
A croire que « la grève en mer »
n'est pas considérée comme illégale et qu'il y a donc
là une perte évidente du particularisme de droit maritime, eu
égard aux règles plus générales encadrant le droit
de grève.
En ce qui concerne un sujet aussi vaste que celui
traité, il est un secteur où le vocable de grève est
souvent utilisé à plus ou bon escient, il s'agit du secteur de la
manutention portuaire.
On utilisera dans les prochains développements, le
terme de docker employé sur les rivages de la Méditerranée
et dans notre pays, et non celui de stevedore utilisé sur la côte
Atlantique, les premiers accomplissent des opérations juridiques alors
que les seconds se contentent d'opérer essentiellement la manutention du
fret. En tout état de cause, une telle distinction n'a pas lieu
d'être lorsque l'on se place dans le cadre d'une grève.
B. Les dockers
Le métier de docker est né au XIXe siècle
avec la navigation à vapeur et ses conséquences :
réduction des équipages et des temps d'escale, augmentation de la
taille des navires et de l'importance de la cargaison. Pendant la
première moitié du XIXe siècle, le métier de docker
était purement manuel. Le conditionnement des marchandises était
adapté à la force humaine (sacs, carton...).
Chaque chargement ou déchargement de navire
nécessitait plusieurs centaines d'hommes pendant plusieurs jours.
Aujourd'hui il, n'existe plus de charges qu'un homme puisse manipuler sans
l'aide d'engins puissants (chariots, douglas, portiques porte-conteneurs,
bandes transporteuses...).
La profession était régie par le code de la
Marine Marchande, mais cette législation devient inadaptée car le
monopole conféré aux dockers, est à l'origine de nombreux
conflits sociaux, paralysant régulièrement les ports et
détériorant leur image.
Ainsi, les relations de travail sur les quais sont très
peu « juridicités », laissant place à une
pratique sociale, principalement issue de l'irrégularité du
trafic portuaire et de l'intermittence de l'emploi.
La pluralité des employeurs a fait naître le
mythe de l'autonomie professionnelle, la fierté de l'indépendance
vis à vis des patrons. Ce qui leur conférait, un certain contre
pouvoir et avait des répercussions importantes, en cas de grève
sur l'économie des pays.
Ces abus, l'évolution des techniques et la baisse de la
quantité de travail fourni aux dockers, n'ont engendré aucune
nouvelle réforme pour assainir le milieu des dockers, qui restent des
travailleurs intermittents.
Au plan social, la création des syndicats du SEMPA et
du SYDOPSA n'a permis de développer la responsabilisation des dockers et
favoriser leur productivité.
Par voie de conséquence, cela a accentué les
conflits sociaux, car le docker ne relève que du droit maritime et non
du droit commun de travail. Le docker est placé sous l'autorité
de son employeur, c'est-à-dire le syndicat et non de l'acconier.
Le facteur déterminant des grèves est l'absence
de lien étroit de subordination entre l'employeur et le docker : le
contrat est conclu par écrit comme le précise l'Article
63 du Code de la Marine Marchande, pour une durée
déterminée de quelques heures et cela même si le docker
travaillait plusieurs fois de suite pour la même entreprise.
Il n'y a donc aucune crainte de la part du docker puisqu'il
n'était pas lié à l'employeur mais plutôt à
son syndicat. Les grèves sont ainsi donc fréquentes dans le
milieu des dockers, sans que les entreprises ne puissent s'y opposer. Les
dockers sont employés par leur syndicat, ce qui explique peut être
ce désordre.
Le droit de grève est régi par le droit commun
et les grèves peuvent prendre des formes diverses : grève
pendant 24 heures, grève d'une demi-journée, les dockers peuvent
refuser les travaux exceptionnels.
Parfois, sous couvert de revendication syndicale, les dockers
travaillent au ralenti afin de dépasser les shifts d'après-midi,
pour pouvoir accéder au tarif salarial plus avantageux des
« petites-nuits ».
Cette étude sur les différents corps de
métiers existant au port est importante du fait que chaque corps de
métier est une entité agissant selon ses règles
définies chacune par le Code de la Marine Marchande.
La grève peut être locale. Elle peut
résulter d'un mot d'ordre national ou même d'un mot d'ordre sous
régionale.
.
Les conséquences négatives des grèves
entraînent une perte de rentabilité et de
crédibilité par rapport aux ports étrangers. Les
différentes places portuaires mondiales ne sont pas
épargnées par de tels conflits sociaux, qui, du fait de la
position stratégique des dockers dans la supply Chain du
commerce international, peut entraîner la paralysie de pans entiers de
l'économie.
Pour exemple, les activités des ports de la côte
ouest américaine ont été paralysées pendant onze
jours par un conflit opposant l'Association maritime du Pacifique (PMA,
regroupant les armateurs et les patrons des installations portuaires) aux
dockers60(*).
A l'origine du mouvement, les dockers faisaient uniquement la
grève des heures supplémentaires et respectaient scrupuleusement
les consignes de sécurité, afin de protester contre la
volonté de certaines entreprises de manutention d'adopter des
systèmes automatiques de pointage des conteneurs, ce qui aurait
réduit les équipes de dockers.
Or, c'est précisément en raison des retards et
de la désorganisation que ce mouvement qui durait depuis plusieurs mois,
entraînait dans la rotation des portes conteneurs, que les armateurs ont
décidé de ne plus accoster dans les vingt-neuf grands ports de la
côte ouest des Etats-Unis. Ce conflit coûta environ deux milliards
de dollars par jour à l'économie américaine.
Le secteur high-tech fut en partie paralysé par ce
blocus, les usines automobiles japonaises ont du réduire leur
production, les exportations agricoles ont été
sérieusement réduites...
Par ailleurs, les armateurs ont subi une très forte
désorganisation de leurs rotations de navire, près de deux cents
unités attendaient devant les ports américains et des armements
comme le danois Maersk-Sealand ont refusé le départ des
conteneurs d'Hong-Kong vers les Etats-Unis. Or, l'immobilisation d'un gros
porte-conteneurs, se chiffre en dizaine de milliers de dollars par jour.
Face à ce coup de frein pour l'économie
américaine, le gouvernement américain entama une procédure
d'interdiction de grève contre les dockers, par l'intermédiaire
du Taft-Hartley-Act, qui obligea les grévistes à reprendre le
travail pendant quatre vingt jours pour des raisons de
« sécurité nationale et de guerre en
Irak ».
En Côte d'Ivoire, suivant une enquête
effectuée auprès du SEMPA et de quelques dockers, les
grèves des dockers n'excèdent pas une semaine du fait de la
non-affluence des navires.
En définitive, les dockers sont un véritable
contre pouvoir, et ils peuvent par leur action de grève, asphyxier
totalement l'économie d'un pays voire l'économie mondiale, si un
mouvement planétaire éclate, quand on sait que plus de 90% des
marchandises échangées sont transportées par mer.
Si le blocage d'un port par les dockers est
préjudiciable pour ce dernier, qu'en advient-il lorsque les services du
remorquage entament une grève et bloquent ainsi l'accès du port
aux navires de grande taille ou non pourvus de moyen de propulsion suffisamment
puissant, pour accoster ou « décoller » d'un
quai.
C. les entreprises de remorquage
Tout d'abord, il faut distinguer le remorquage portuaire, qui
consiste à assister le navire dans les manoeuvres d'accostage et
d'appareillage dans l'enceinte portuaire, et le remorquage en haute mer, qui
permet de prêter assistance aux navires en avarie.
Le premier cas de remorquage retiendra notre attention,
lorsque ces services sont interrompus du fait de la survenance d'une
grève.
En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation suivant
laquelle « l'employeur est tenu vis-à-vis des tiers des
conséquences d'une grève, sauf si celle-ci présente le
caractère de la force majeure »61(*), crée des
difficultés insolubles au détriment des entreprises de
remorquage.
Le remorquage constitue un service public connexe à
ceux du port, en vertu du Code de la Maritime Marchande, dont la gestion peut
être confiée au port autonome, sur la demande du conseil
d'administration.
En pratique, les ports autonomes ne gèrent pas
eux-mêmes le service connexe du remorquage portuaire. Ce service est
assuré par des entreprises privées, qui bénéficient
d'un agrément fixant les obligations de service public auxquelles elles
se trouvent assujetties.
Dès 1944, le Conseil d'Etat avait décidé
que dans les ports et rades, le remorquage portuaire offert par l'exploitant
sur le domaine public, devait faire l'objet d'une autorisation
préalable, laquelle pouvait être assortie d'obligations de service
public. Selon le commissaire Chenot, il s'agissait de la gestion d'un
véritable service public par une entreprise privée62(*).
Malheureusement pour elles, les entreprises de remorquage
portuaire ne disposent d'aucune prérogative de puissance publique, elles
restent des entreprises de droit privé, et sont liées à
leur personnel par des contrats qui relèvent du Code du Travail63(*).
En cas de conflit collectif du travail, elles ne disposent
d'aucun des remèdes, que la jurisprudence administrative met à la
disposition de la puissance publique, afin d'assurer la continuité du
service public.
Pour l'instant, étant encore un établissement
public de l'Etat en attendant sa décentralisation, le port autonome peut
assumer le service du remorquage, qui est effectué par l'entreprise
privée qui a été agréée à cet effet,
dès lors que l'entrée et la sortie des navires sont
réglées par les officiers du port, l'entreprise de remorquage
doit respecter les priorités de mouvement de navires fixées par
eux.
Il est encore demandé aux services du remorquage
d'assurer en toute circonstance un service minimum de sécurité,
ainsi qu'un service commercial minimum. Ce dernier service est manifestement
destiné à assurer la continuité du service public,
notamment en cas de grève des personnels qui servent les remorqueurs.
Cette dernière obligation de service public minimum
pose problème, car les personnels en grève refusent de
l'accomplir, portant ainsi atteinte à la fiabilité du port.
Le port autonome, comme les entreprises de remorquage, se
retrouve ainsi dans une impasse qui met en évidence une
incohérence juridique : alors qu'il n'est pas tenu de remplir
lui-même la mission de service public du remorquage, le port qui a de ce
fait la possibilité de faire assurer des obligations de service public
par une entreprise privée, est dans l'incapacité de faire
respecter un service minimum par l'entreprise de remorquage, car celle-ci
n'aurait pas le droit de l'imposer à ses salariés.
Pour que le système gagne en cohérence, il
conviendrait que le juge ivoirien aligne sa jurisprudence sur celle du Conseil
d'Etat, en prenant en considération le fait qu'il s'agit d'une
entreprise privée, ayant en charge l'exécution d'un service
public, dont la continuité doit être garantie.
Dès lors, qu'il existe des normes juridiques
régissant les conflits du travail, par conséquent il est
légitime d'attendre de ces règles, qu'elles déterminent
des modes de règlement de ces conflits.
Or, on constate comme à terre, que le milieu maritime
n'est pas resté étranger aux résolutions pacifiques des
conflits.
Paragraphe 3 : Cas des grèves résultant
de la responsabilité civile du salarié gréviste
La grève présente un certain
intérêt en matière de responsabilité civile.
La responsabilité civile qu'il s'agisse de la
responsabilité pour faute de l'article 1382 du Code civil ou de la
responsabilité des choses que l'on a sous sa garde de l'article 1384 du
même code sont affectés par le fait de grève, soit que
celui-ci serve de fondement à la mise en oeuvre de la
responsabilité, soit qu'il contribue éventuellement à un
cas d'exonération de responsabilité.
Ainsi dans le cadre du droit commun, bien que les
règles relatives à la charge de la preuve ne l'y obligent pas, le
réclamant va s'efforcer d'établir que la grève a pour
origine une faute du transporteur. S'il réussit à rapporter cette
preuve, la responsabilité du transporteur sera totale car, l'existence
d'une faute ayant provoqué la grève interdit de considérer
ces évènements de force majeure.
Selon certains auteurs, la preuve qu'une faute du transporteur
n'est à l'origine de la grève ne produit aucun effet sur sa
responsabilité. A l'appui de cette thèse, Monsieur Scapel invoque
un argument de texte : « l'expression « pour
quelque cause que ce soit » de la convention de Bruxelles de 1924,
exonère la responsabilité de l'armateur, même si la
grève ou autre événement de ce genre, pourrait être
considérée comme déclenchée par la faute de la
compagnie de navigation ».
Selon une deuxième opinion, le transporteur qui a
provoqué la grève par sa faute doit être
déclaré entièrement responsable du dommage.
« Il ne nous paraît pas douteux, écrit
le doyen Ripert64(*), que
dans ces hypothèses, le transporteur ne saurait réclamer une
exonération de responsabilité ».
On peut estimer, que l'argument invoqué par Mr Scapel
contredit directement le droit accorder par la loi de faire la preuve d'une
faute du transporteur pour l'empêcher de se prévaloir d'un des cas
d `exonération.
En ce qui concerne l'argument de fait développé
par le doyen Ripert, force est de reconnaître qu'il est délicat,
en présence de certains conflits de travail, de discerner à qui
incombe la faute et de déterminer les responsabilités de chacune
des parties.
Mais le rôle des juges, devient très difficile,
les textes se multiplient, les interprétations divergent et
créent souvent des situations inextricables, il semble donc
légitime de faire confiance aux tribunaux et de leur laisser le soin
d'apprécier la faute du transporteur ou du manutentionnaire dans le cas
d'un conflit de travail.
D'ailleurs comme l'indique le doyen Ripert65(*), « il est
illusoire d'espérer arriver à créer des règles
objectives, et l'on ne saurait écarter l'appréciation personnelle
et subjective du juge ».
D'ailleurs les tenants de cette deuxième position font
valoir les arguments selon lesquels: « les causes
d'exonération énumérées ne peuvent être
retenues qu'à la double condition que... et que, par ailleurs ni
indirectement, les causes d'exonération ne soient le résultat
d'un acte (plus exactement une faute) du transporteur ».
L'argument décisif semble devoir être tiré
du lien de causalité : le cas excepté doit être la
cause de la perte ou de l'avarie ; or, quand la grève a
été le résultat d'une faute du transporteur, sans doute
entre-t-elle bien dans la chaîne causale qui conduit au dommage, mais
elle n'est qu'un intermédiaire entre celui-ci et la faute.
La véritable cause de la totalité du dommage,
c'est la faute. Voilà pourquoi comme le considère Mr Fieschi la
responsabilité du transporteur doit, dans ce cas, être
totale66(*).
Lorsque la faute du transporteur se trouve être à
l'origine de la grève, il n'y a donc pas de particularisme des
règles régissant le transport maritime.
Or que se passe t-il si l'on s'en tient exclusivement aux
dispositions de l'article 1382 du Code civil et de son application faite par le
juge en temps de grève dans des « situations
maritimes ».
A. De la responsabilité pour faute en temps de
grève.
L'article 1382 du Code Civil dispose que toute personne est
responsable des dommages causés par sa faute. Cet article est
susceptible de s'appliquer à l'action d'une personne morale comme un
syndicat ou comme à l'action des salariés, personnes
physiques.
L'action d'un syndicat, lorsqu'elle occasionne un trouble
manifestement illicite peut faire l'objet d'une mesure de
référer, notamment une expulsion ou un ordre de faire cesser le
trouble sous astreinte.
Mais à cette mesure provisoire fera suite une
assignation au fond de l'armateur ou du chef d'entreprise pour obtenir des
dommages et intérêts du fait des dommages qu'il a subies (en
général des pertes d'exploitation ou running cost.).
Il faudra en application du droit commun établir une
faute, un dommage et un lien de causalité, qui en pratique du moins pour
les deux derniers éléments sont facilement identifiables.
La faute exigée est, ici, une faute simple. Elle peut
consister soit en une grève illicite (par exemple le non respect du
préavis de cinq jours obligatoire pour les marins), soit une
grève licite accompagnée d'actes illicites tels que les menaces
de violence, les entraves à la liberté du travail ou à la
liberté d'aller et venir.
Les juridictions ayant de plus en plus tendance à
parler « d'abus de droit de grève ou d'abus de droit
syndical ». Or la notion d'abus de droit est inappropriée en
l'espèce car le droit de grève constitue une liberté
publique fondamentale que seules des circonstances particulières sont
susceptibles de limiter.
Dans l'affaire du «Global Med»67(*)navire sous pavillon
libérien, le syndicat ITF représenté par la CFDT en France
avait soutenu une grève des marins du navire qui souhaitaient obtenir un
salaire conforme aux normes ITF.
Le tribunal de grande instance de Boulogne avait
condamné les syndicats au paiement de dommages-intérêts
à l'armateur car « il n'était pas tolérable que
les officiers du bord aient été séparés de
l'équipage et menacés de violences physiques et que les
représentants de l'armateur aient été
empêchés de remettre aux marins un message officiel et de
s'entretenir librement avec eux... ». Ces faits qui constituent des
entraves à la liberté du travail et des voies de fait constituent
la faute reprochée au syndicat.
Quant au dommage subi par l'employeur il consistera le plus
souvent comme il a été dit précédemment comme
financier et se matérialisera par des pertes d'exploitation ou des
marchandises avariées...
La conception ivoirienne de l'exercice du droit de
grève ne permet pas d'incriminer automatiquement un syndicat puisque les
syndicats n'ont pas, contrairement à d'autres pays, le monopole de
l'exercice du droit de grève.
Il semblerait donc que lorsque les syndicalistes non membres
du personnel de l'entreprise victime, sont à l'origine du mouvement, la
jurisprudence présume que la grève a été
commanditée par un syndicat et retient donc sa responsabilité.
C'est le raisonnement retenu de manière implicite par la cour de
cassation dans l'affaire du « Global Med ».
En revanche lorsque la grève trouve son origine dans
l'action des syndicalistes membres de l'entreprise victime de la grève,
la cour de cassation exige que l'initiative du syndicat dans les actes
illicites soit recherchée68(*).
Si cette initiative du syndicat n'est pas établie, les
grévistes peuvent eux-mêmes êtres tenus pour responsables.
Cette solution a été admise dans un arrêt Corfu contre
société Sarlino69(*). Mais la jurisprudence semble être devenue
depuis plus réticente pour admettre la responsabilité des
grévistes vis à vis de l'entreprise ou des non
grévistes.
Parfois la responsabilité du fait des mouvements
sociaux peut être recherchée sur le fondement de l'article 1384 du
Code Civil.
B. De la responsabilité de l'article 1384 du
Code Civil.
L'article 1384 du Code civil vise la responsabilité des
commettants du fait de leur préposé, l'alinéa
1er dispose de la responsabilité des choses que l'on a sous
sa garde.
Le fait de grève ne joue aucun rôle particulier
en matière de responsabilité des commettants du fait de leurs
préposés.
Le commettant ne sera pas responsable du fait de grève
de ses préposés dans la mesure où ceux-ci ont agi
«hors des fonctions auxquelles ils sont employés, sans autorisation
et à des fins étrangères à ses
attributions »70(*).
Par contre la responsabilité du fait des choses que
l'on a sous sa garde a donné lieu à des applications
particulières à propos de faits de grève dans les
ports.
Il faut tout d'abord préciser que ce sont les
arrêts Champollion du 23 Janvier 1959 et
Lamoricière du 19 juin 195171(*) qui ont adopté la solution suivante :
«l'article 1384 alinéa 1er formule une règle
générale qui s'applique à la navigation maritime toutes
les fois qu'une disposition spéciale de la loi ne l'a pas explicitement
écarté» (ainsi par exemple en matière maritime
l'abordage est soumis à un régime spécial).
Tout navire pourra donc être considéré
comme une chose au sens de l'article 1384 alinéas 1ers du code civil.
Ces arrêts ont ensuite précisé que le
gardien serait, non pas le capitaine qui a certes des pouvoirs de direction
pais qui reste un préposé mais l'armateur.
L'armateur se trouve dès lors responsable du fait de
son navire sauf s'il prouve le fait du tiers, la faute de la victime ou la
force majeure.
Un navire obstruant l'entrée d'un chenal du fait d'une
grève emporte t-elle la responsabilité de l'armateur ?
C'est la question à laquelle ont eu à
répondre les tribunaux français dans l'affaire du
«France»72(*).
Lors de la dernière croisière du France
avant son désarmement au Havre, les représentants syndicaux
montés à bord à la dernière escale, ont contraint
l'Etat major a stoppé le navire dans la rade d'entrée au Havre,
obstruant ainsi le passage pour les navires à fort tirant d'eau.
Trois super tankers ne pouvant rallier Le Havre ont dû
être détournés sur Rotterdam pour être
allégés, leur armateur a donc assigné l'armateur du France
sur le fondement de l'article 1384 pour les coûts supplémentaires
engendrés par ce déroutement dans le port batave.
Pour que la responsabilité du gardien du fait des
choses qu'il a sous sa garde soit retenue, plusieurs conditions sont
exigées :
-En premier lieu, il faut que la chose, en l'espèce le
navire soit la cause du dommage.
Le navire doit avoir participé matériellement
au dommage : la position anormale, irrégulière du navire
justifie cette condition. Dans l'affaire du France, c'est bien le
mouillage irrégulier au milieu du chenal d'accès au port qui a
occasionné le déroutement des pétroliers. Le navire, en
lui-même, a été la cause génératrice du
dommage.
-En deuxième lieu il faut que l'armateur ait
conservé la garde du navire, c'est à dire ses pouvoirs de
direction, d'usage et de contrôle. Or, la grève n'enlève
pas la garde à l'armateur dès lors que les officiers ont
continué à commander sur le plan technique et à
réaliser les opérations exigées par la
sécurité du navire. On peut considérer que c'est un
critère relativement sévère car il est normal que
l'état major assure la sécurité du navire.
-Enfin, l'armateur est responsable s'il n'établit pas
un cas de force majeure. Or la grève, tout comme en matière
contractuelle, ne pourrait-elle pas constituer le cas de force majeur ?
Il faut qu'elle soit imprévisible et
irrésistible ; or la jurisprudence semble très
sévère comme on a pu le vérifier
précédemment pour admettre ces éléments.
Dans l'affaire du France, elle va estimer que
l'imprévisibilité n'existait pas dans la mesure où les
syndicats avaient fait savoir qu'ils s'opposeraient au désarmement par
tous moyens.
Mais, on pourrait répliquer que la forme de l'action de
l'action des syndicats restait cependant imprévisible alors que, de
toute manière, l'armateur ne pouvait prendre aucune précaution
pouvant l'empêcher.
La grève doit être irrésistible. Ici le
caractère s'apprécie in abstracto :
«normalement imprévisible». L'appréciation est plus
sévère qu'en matière contractuelle.
L'extériorité est entièrement
exigée, cet élément n'est pas contourné (alors que
ce caractère n'était pas vraiment recherché dans la
responsabilité contractuelle).
Il en résulte que la grève ne sera pratiquement
jamais un cas de force majeure.
Comme on a pu le voir cette sévérité a
été fortement critiquée par la doctrine ; en fait, il
semble que la jurisprudence ait voulu établir une espèce de
responsabilité de plein droit pour s'assurer dans des affaires
semblables un responsable solvable.
C'est le même objectif, s'assurer un responsable
solvable, qui a conduit les victimes de conflits sociaux à s'adresser
aux pouvoirs publics pour obtenir réparation du préjudice
subi.
PARTIE II :
LA GREVE, L'EXERCICE D'UN DROIT GENERATEUR DE
RESPONSABILITE.
Les grèves par leurs conséquences
économiques et financières : pertes et marchandises
avariées, déroutement de navire et frais supplémentaires,
pertes d'exploitation en général, etc...., engendrent de
nombreuses actions en justice.
Celles- ci peuvent s'exercer entre personnes privées ou
s'exercer à l'encontre des pouvoirs publics.
Il conviendra de mesurer dans cette deuxième partie les
responsabilités qui peuvent découler de l'exercice du droit de
grève tant chez les acteurs privés (chapitre I), que chez les
autorités publiques (chapitre II).
CHAPITRE I :
LES RESPONSABILITES DES ACTEURS PRIVES.
Le fait de grève peut causer des préjudices
divers et variés ; il peut entraîner dans le transport
maritime, des litiges en cascade : immobilisation de la marchandise,
déviation de navire, retard à la livraison, frais
d'entrepôt et/ou de gardiennage supplémentaires, chômage
technique, surestaries, pertes d'exploitation...La plupart des corps
professionnels présents sur un port, sont pris en otage d'une
grève d'un de ces derniers. Un tel mouvement laisse des marchandises en
souffrance sur les quais, crée des délais d'acheminement
allongés, perturbant ainsi toute la chaîne logistique. Le
transporteur maritime se trouve en première ligne quant aux effets d'un
tel blocage, de telles conséquences emportent nécessairement des
effets sur sa responsabilité, engendrant ainsi de nombreuses actions en
justice.
Il s'agira d'envisager les responsabilités qui peuvent
naître des rapports grévistes et employés (section I), sans
oublier les responsabilités entre les employeurs et les tiers (section
II), du fait des conflits collectifs de travail.
Section 1 : DANS LES RAPPORTS GREVISTES ET
EMPLOYEURS
Il s'agira ici, d'analyser la notion de force
majeure dans la grève (paragraphe I) puis de faire, une
appréciation jurisprudentielle et doctrinale de cette notion dans la
grève (paragraphe II).
Paragraphe 1 : la grève en tant que cas de
force majeure.
Lorsque le transporteur a démontré l'existence
d'une grève, constitutive soit d'un cas excepté, soit d'un cas de
force majeure, et qu'il s'est par cette démonstration,
dégagé de la responsabilité qui pesait sur lui, le
débat est-il clos, le procès s'arrête t-il ?
La plupart des corps professionnels présents sur un
port, sont soumis, quant à leur responsabilité contractuelle au
droit commun (en fait, presque tous, excepté le transporteur et
l'acconier qui sont soumis au régime légal impératif).
S'agissant en général soit d'une obligation de
moyen, soit de faire le résultat, ils sont soumis à l'article
1147 du Code Civil qui dispose que, le débiteur est responsable vis
à vis du créancier du seul fait de l'inexécution du
contrat, sauf s'il établit le fait du créancier ou du tiers ou la
force majeure. La grève en tant qu'événement de force
majeure, revêt un intérêt particulier dan le contrat
d'affrètement.
En effet, la grève peut donc constituer un
événement de force majeure, dans la mesure où elle est
imprévisible, irrésistible et présente
l'élément d'extériorité.
La grève, pour constituer un événement de
force majeure, doit être tout d'abord imprévisible.
L'imprévisibilité s'apprécie au moment de la conclusion du
contrat, le débiteur contractuel ne doit pas avoir pu prévoir la
grève au moment de son engagement.
Cette solution est affirmée expressément dans
deux décisions : le Tribunal de commerce dans l'affaire du navire
« Joseph Duhamel », a rappelé que
« l'événement était imprévisible au
moment de la conclusion du contrat ». En l'espèce, il
s'agissait d'un navire de l'armement Delmas-Vieljeux, qui rentrait en forme de
radoub, pour travaux ayant été retenu par une grève du
chantier de réparation naval, l'armateur ayant assigné le
chantier pour détention illégale. La Cour d'appel de Rennes, a
quant à elle, énoncé que « la demande en
dommages et intérêts pour retard dans l'exécution du
contrat et la livraison du navire se heurte à un événement
de force majeure », à savoir l'arrêt soudain de
l'activité du chantier. Il peut s'agir par exemple d'une grève
sans préavis.
Ainsi, la Cour d'appel d'Aix en Provence73(*), qui connaissait la solution
très rigoureuse adoptée par la Cour de cassation en la
matière74(*), prend
bien soin de souligner les circonstances de fait par lesquelles elle estime
devoir considérer que l'interruption de travail présentait en
l'espèce, un caractère imprévisible : des grutiers
concernées avaient travaillé en début de matinée et
d'après-midi, ils ont « subitement, dans des conditions
parfaitement illicites », décidé de cesser leur
activité en d'exécution du contrat de location, «de
surcroît pendant une courte durée n'autorisant aucune mesure utile
pour pallier les conséquences du comportement illégal».
Il est de jurisprudence constante, que cette conception
retenue de l'imprévisibilité en matière de grève
dans le domaine maritime, n'est pas spécifique à ce dernier,
comme le prévoit la Cour de Cassation Chambre Mixte, qui énonce
que «lors de la signature du contrat, il n'était pas possible de
prévoir les grèves qui devaient se produire presque dix ans
après»75(*).
La grève doit ensuite être irrésistible ou
insurmontable. L'irrésistibilité, s'apprécie au cas par
cas. L'analyse de la justice étant in concreto :
« Attendu qu'en se déterminant ainsi... s'en rechercher
concrètement. » L'irrésistibilité, comme l'a dit
le Doyen Cornu, contient en elle-même deux
éléments :
- Il faut d'abord que le débiteur contractuel n'ait pu
empêcher la grève. Pour cela, il ne faut pas que la grève
ait été suscitée par son attitude, son refus de
négocier avec les salariés.Aujourd'hui, le patron ne peut
rarement éviter la grève dans la mesure où les
revendications sociales, surtout dans une enceinte portuaire, s'adressent le
plus souvent à la politique nationale.
- Il faut ensuite que le débiteur contractuel ne puisse
pas éviter les effets de la grève, autrement dit qu'il ne puisse
pas réaliser son travail en prenant des mesures nécessaires.
Ainsi saisir le juge par la voie des référés peut
remettre en cause la licéité de la grève.
La Cour de cassation en France76(*) apprécie sévèrement cette
impossibilité de s'opposer aux effets de la grève. Elle demande
aux Cours d'Appel, de bien mettre en évidence cet «état de
contrainte» du débiteur contractuel, de nature à le mettre
dans l'impossibilité absolue d'exécuter ses obligations.
La grève doit enfin présenter un
élément d'extériorité. On constate très
souvent qu'il s'agit de la grève du propre personnel de l'entreprise
débitrice. Alors, où est l'élément
d'extériorité ?
Une partie de la doctrine, considère que les juges se
contentent de rechercher l'extériorité, dans les causes du
déclenchement du mouvement de grève, ce qui tend à
rechercher de nouveau l'irrésistibilité.
Une autre partie de la doctrine, estime que
l'extériorité résulte du fait que le personnel, en faisant
grève, n'agit plus dans l'exercice de ses fonctions et n'a donc plus la
qualité de préposé de l'entreprise.
En réalité, la notion
d'extériorité est assez confuse et les juges ne semblent pas trop
s'attacher à rechercher cet élément dans leur
décision. Cette solution est tout à fait louable, car elle
évite des solutions absurdes, qui ne retiendraient la force majeure
qu'en cas de grève d'une autre entreprise.
Une grève, qui présente toutes les
particularités de la force majeure, exonère automatiquement le
débiteur contractuel.
En conclusion, en droit commun, une fois que la force majeure
a été établie, tout le monde s'accorde pour admettre que
le réclamant ne peut plus prétendre démontrer, l'existence
d'une faute du débiteur contractuel relative à
l'événement.
On peut considérer, qu'il s'agit de solutions logiques
constamment réaffirmées par la jurisprudence, car il est
difficile d'apprécier de manière générale un
concept strict de la force majeure et une appréciation
compréhensive de ce critère si rigoureux.
Par ailleurs, la force majeure, cause d'exonération de
responsabilité, joue un rôle très important en
matière de contrat d'affrètement, notamment en ce qui concerne
les staries et l'obligation du fréteur.
Paragraphe 2 : Appréciations jurisprudentielles
et doctrinales du cas de force majeure dans le contrat
d'affrètement.
L'affrètement est la mise à disposition d'un
navire moyennant une rémunération. Les parties contractantes sont
le fréteur, qui laisse la disposition du navire et l'affréteur
qui la prend.
Ces termes de fréteur et d'affréteur sont
communs aux trois types d'affrètement que sont ceux au voyage, à
temps ou bien l'affrètement coque-nue. Au fond, le fréteur est le
propriétaire du navire ou l'armateur, qui en a la disposition. Pour
cette raison, le fréteur est dénommé disponent owner
en anglais.
L'instrumentum de l'affrètement est
matérialisé par une charte-partie, définissant les droits
et obligations des parties, la liberté contractuelle est de mise dans un
tel contrat. Cependant les courtiers d'affrètement peuvent avoir recours
et c'est souvent le cas en pratique à des chartes-parties types
notamment en matière d'affrètement au voyage, certaines sont
à vocation générale, comme la NEW YORK PRODUCE, la GENCON
1922-1976, la NUVOY 1984, la MULTIFORM 1986 ; d'autres plus
spécialisées, sont utilisées pour telles marchandises
déterminées, notamment la FERTIVOY 1988 pour le transport
d'engrais et la SYNACOMEX 1990 pour le transport de céréales.
Quant à la grève, dans le contrat
d'affrètement, elle soulève deux caractères particuliers.
A savoir celui du boycott syndical dans le contrat d'affrètement (A), et
celui des staries et surestaries (B).
A. L'affrètement face au boycott
syndical.
En premier lieu, la question s'est posée de savoir si,
l'obligation n'incombait pas au fréteur de remettre un navire à
l'affréteur, non susceptible de faire l'objet d'un boycott notamment des
syndicats. Le contrat d'affrètement au voyage ou à temps n'oblige
t-il pas le fréteur ou son ship manager à garantir
l'affréteur de tous incidents sociaux, notamment en fournissant un
équipage soumis aux normes légales?
Une telle solution pourrait être fondée de deux
manières : soit on considère que l'obligation incombant au
fréteur de fournir un navire en bon état de navigabilité
englobe celle d'offrir un navire susceptible de ne pas faire l'objet d'une
immobilisation ; soit par un raisonnement négatif et en s'appuyant
non plus sur la délimitation de l'obligation du fréteur mais sur
le système de la responsabilité, on pose comme principe que toute
immobilisation du navire engendre des dommages (même si la garantie de
non immobilisation ne fait pas partie du contrat). Or la grève dans une
telle circonstance ne revêtira jamais les caractères de la force
majeure, notamment celui de l'imprévisibilité puisque ce sera le
fréteur qui sera à l'origine de la grève en n'ayant pas
consenti à soumettre l'équipage aux normes légales, donc
ce dernier sera responsable.
La chambre arbitrale maritime de Paris s'étant saisi du
problème, a par une sentence rendue en 198077(*) dans l'affaire du navire
« Hinrich Oldendorff » ; s'est
prononcée en faveur de l'affréteur, il s'agissait d'un navire
battant pavillon Singapourien et appartenant à une obscure
société libérienne comme c'est malheureusement souvent le
cas en matière de shipping, la Holsatia Shipping Corporation. Ce navire
avait été affrété par la CGM. Or, le navire
à quai à Anvers avait fait l'objet de mouvements de grève
des dockers belges.
La chambre arbitrale de Paris avait déclaré que
« l'armateur (en l'espèce le fréteur) n'avait pas
rempli son obligation, il devait être efficient, il ne l'était
plus à partir du moment où les dockers d'un port, pour motif qui
ne relève pas de la force majeure et ne résulte pas d'une faute
ou d'un fait de l'affréteur... » Refusaient d'opérer ce
navire. La formule utilisée par la Chambre arbitrale de Paris
paraît mélanger le problème du contenu de l'obligation de
fréteur et les causes exonératoires de responsabilité, or
ces deux éléments peuvent justifier la solution mais ne doivent
pas se confondre.
Ultérieurement, sous l'influence de la Court of Appeal
Anglaise ainsi que des arbitres américains78(*), l'on est venue, à une
position plus matérialiste : « l'obligation du
fréteur de maintenir le navire en complet état
d'efficacité quant à sa coque et sa machine durant le service
(en quelque sorte en bon état de navigabilité) ne vise
expressément que l'état matériel du
navire »79(*).
La sentence prise en définitive, projette que « la
responsabilité du fréteur serait envisagée s'il avait
connu avant le début du voyage, les risques pesant sur le navire... ou
s'il avait négligé de se renseigner sur
l'éventualité de tels risques ». On retrouve ici
implicitement l'imprévisibilité.
Cette motivation appliquée à l'affaire du
Hinrich Oldendorff n'aurait pas permis une solution différente
de celle qui avait été retenue. En effet dans ce cas
contrairement aux faits de la sentence du 15 juin 1986, l'armateur
n'était pas aux normes légales et avait déjà eu des
accrochages avec les syndicats, en foi de quoi les arbitres auraient pu
souligner la négligence de l'armateur qui aurait pu éviter les
incidents.
Or on conclut que le raisonnement développé par
la sentence du 15 juin 1986 ne modifie pas radicalement les solutions mais
gagne en clarté par un raisonnement simple et cohérent qui
correspond parfaitement à la situation.
Par ailleurs on peut se poser la question de savoir si la
responsabilité des ships managers s'occupant de manière
croissante de la gestion et du recrutement de l'équipage (ship
crew) ne doit pas pouvoir être recherché lorsque ces derniers
fournissent du personnel en deçà des normes légales? Il
serait souhaitable qu'une réponse positive l'emporte.
Malheureusement, certains armateurs peu scrupuleux en
matière d'affrètement se renseignent sur les conditions sociales
de certains ports susceptibles d'être touché par leur
navire afin que ces derniers ne soient pas bloqués par des syndicats.
B. La grève, cas de force majeure en
matière d'affrètement au voyage : staries et surestaries
Dans l'affrètement au voyage, le temps court contre le
fréteur car le fret est fixé eu égard à
l'expédition (quantité de marchandises et conditions de voyage).
Le temps passé au port est une perte sèche pour le fréteur
dont le navire ne rapporte pas. Il a donc intérêt à
l'écourter. Pour se faire, il laisse une certaine durée à
l'affréteur pour charger et décharger, étant entendu que
l'affréteur paiera en plus si la durée prévue est
dépassée.
Ce temps de planche (laytime) est appelé
staries. Le temps ajouté est appelé surestaries, ces
dernières peuvent parfois être très importantes en
égard au retard pour opérer le navire.
De plus, d'après la doctrine commune au monde entier
« une fois en surestaries, toujours en surestaries »
(once on demurrage always on demurrage) qui emporta parfois des
conséquences qui ont été de plusieurs centaines de
milliers de dollars pour un seul navire, ainsi on peut tout à fait
imaginer que la grève, événement de force majeure joue un
rôle fondamental en matière d'affrètement au voyage.
Le plus souvent les chartes parties contiennent des clauses
relatives80(*) à la
suspension des staries, l'étude de ces clauses sera envisagée
ultérieurement.
De multiples clauses organisent la situation notamment les
clauses les plus communément utilisées que sont les clauses
WIPON, WIBON, WIFON, WECCON. Le navire étant prêt à
opérer qu'après qu'ait été remise une NOR
(notice of readiness).
En l'absence de clause relative au problème de la
suspension des staries, le droit commun a vocation à s'appliquer, c'est
à dire que la faute du fréteur et la force majeure suspend le
cours des staries.
La grève qui n'aura pas été
prévisible au moment de la signature de la charte-partie, qui aura
été assez générale pour que l'affréteur
n'ait pu la briser ou la tourner et qui n'est pas due à la faute de
l'affréteur constituera un cas de force majeure qui suspendra les jours
de planche.
On ne reviendra pas ici sur l'appréciation des
caractères de la force majeure.
Ainsi, dans une affaire « Automoteur, La
Chance »81(*) intervenue en matière
d'affrètement fluvial, l'arrêt retient l'attention au regard d'un
événement de force majeure suspendant le cours des staries.
Un chaland automoteur, se rendant vers la section maritime du
port de Rouen pour y décharger sa cargaison de farine, avait
été bloqué pendant près d'un mois par des barrages
de mariniers. Par application des usages du port de Rouen, le délai de
planche était de deux jours à compter de l'arrivée dans la
section fluviale du port, et la propriétaire de l'automoteur
réclamait le paiement de 29 jours de surestaries.
La cour d'appel l'avait débouté de sa demande au
motif que s'agissant d'un cas de force majeur, le délai de planche
n'avait pu courir. Le fréteur avait intenté un pourvoi en
cassation en invoquant, entre autres, comme moyen du pourvoi, le fait que
l'affréteur aurait pu décharger au port fluvial et faire le
transport par voie terrestre.
La Chambre commerciale a rejeté le pourvoi formé
contre la décision de la Cour d'appel, et il semble que, ce faisant,
elle ait admis l'application d'une force majeure atténuée.
Au regard du critère d'imprévisibilité,
la Cour suprême a considérée le
« caractère inopiné » de
l'événement relevé par les juges du fond.
Quant au critère d'irrésistibilité qui,
en matière contractuelle, est facilement privilégié par
les décisions arbitrales ou judiciaires, l'arrêt rapporté
reste indécis. En effet il se contente d'affirmer que c'est sans
renverser la charge de la preuve que la Cour d'appel a considéré
que l'affréteur « avait établi l'existence de faits
permettant de décider que le barrage présentait les
caractères de la force majeure » tandis que le fréteur
ne rapportait pas la preuve contraire.
Cette application de la force majeure atténuée
paraît conforme à ce qu'en dit le doyen Rodière82(*). Il considère que
l'application des règles de droit commun conduit à suspendre le
délai des staries « pendant les jours où le travail ne
peut pas se faire par l'effet d'une cause indépendante de la
volonté de l'affréteur ».
Par ailleurs par analogie avec les circonstances de
l'espèce, on reliera ce que dit le doyen Rodière83(*) des conditions que doit
remplir la grève des dockers pour être suspensive du délai
des staries, en l'absence de toute clause à cet égard.
Comme on a pu le voir précédemment la
grève des dockers est très fréquente, elle appuie aussi
bien les revendications des dockers que, par solidarité d'autres
revendications.
Le droit privé ne verra dans les origines, l'ampleur,
l'intensité et la durée de la grève que des
éléments propres à reconnaître si le mouvement
était imprévisible ou insurmontable, pour l'affréteur,
c'est à dire si la grève peut être considérée
comme un élément de force majeure.
Tout en tenant compte des caractères modernes de la
grève et du fait que les dockers sont uniquement recrutés par
leur syndicat et non par l'affréteur, on doit, notre droit positif
n'ayant pas particulièrement été bouleversé,
déclarer que la grève des dockers en l' « absence
de toute clause de la charte », ne suspend le cours des staries que
si :
- la grève n'était pas prévisible
à l'époque où la charte a été signée
et le délai des staries fixé 84(*) ;
- la grève a été assez
générale pour que l'affréteur n'ait pu ni la briser ni la
tourner, c'est sur ce dernier point que les caractères modernes de la
grève doivent être pris en considération de sorte que cette
dernière condition sera généralement satisfaite85(*).
- La grève n'est pas due à la faute de
l'affréteur86(*),
cette condition sera également satisfaite en général,
étant donné que l'affréteur et l'acconier sont deux
entrepreneurs indépendants.
En définitive, on peut considérer, en ce qui
concerne les staries, que la logique conduit à suspendre le délai
de ces dernières dès lors que le chargement ou le
déchargement ne peut pas se faire par l'effet d'une cause
indépendante de la volonté de l'affréteur.
Le contrat d'affrètement tout comme le contrat de
transport étant régi pour l'essentiel par la volonté des
parties, il contient de nombreuses clauses relatives à la
grève.
Section 2 : Dans les rapports employeurs et
grévistes
Le fait de grève peut causer des préjudices
divers et variés.
La grève peut entraîner dans le transport
maritime, des litiges en cascade : immobilisation de la marchandise,
déviation de navire, retard à la livraison, frais
d'entrepôt et ou de gardiennage supplémentaires, chômage
technique, surestaries, pertes d'exploitation...
La plupart des corps professionnels présents sur un
port, sont pris en otage d'une grève d'un de ces derniers. Un tel
mouvement laisse des marchandises en souffrance sur les quais, crée des
délais d'acheminement allongés, perturbant ainsi toute la
chaîne logistique.
Le transporteur maritime se trouve en première ligne
quant aux effets d'un tel blocage, de telles conséquences emportent
nécessairement des effets sur sa responsabilité, engendrant ainsi
de nombreuses actions en justice.
Le principe de la liberté contractuelle
énoncé à l'article 1134 du Code civil permet aux parties
contractantes d'aménager le contrat à leur convenance,
néanmoins cette latitude reste encadrée par la loi.
Ainsi les conséquences d'une grève sur
l'exécution du contrat peuvent éventuellement être
réglées par la volonté des parties.
Ces clauses et les limitations de responsabilités qui
sont très fréquentes et sont régies pour les
premières quant à leur interprétation et leur
validité par les articles 1134 à 1160 du Code civil, et pour les
secondes par les différentes conventions internationales.
De telles clauses et limitations de responsabilités
visent dans le transport de marchandises par mer les dommages autres que ceux
subis par la marchandise (dus au retard causé par la grève, en
particulier), ainsi que des pertes de loyer pour le fréteur qui se
trouvera dans une situation off hire si ces dernières avaient
été portées dans la charte partie ou bien des frais
supplémentaires, pouvant apparaître comme du surfret pour
l'affréteur.
Ces clauses (paragraphe I) de grève et ces limitations
de responsabilité (paragraphe II), présentent donc un
intérêt particulier dans le contrat de transport et dans le
contrat d'affrètement.
Paragraphe 1 : Les clauses de grève et les
limitations de responsabilités
Il s'agira d'analyser les différentes
clauses de grève (A) et les limitations de responsabilités (B),
existant dans le transport maritime.
A. Les clauses de grèves
Les clauses de grève doivent être
analysées d'abord dans les contrats de transport et ensuite dans le
contrat d'affrètement.
1. Dans les contrats de
transport
En application du contrat de transport, le transporteur
maritime est tenu de délivrer la marchandise au port convenu. Si une
grève se déclenche au port de destination bloquant ainsi son
accès, que peut faire le transporteur ?
Attendre, cela ne paraît guère possible car le
transporteur assure en général des lignes
régulières, il sera donc obligé soit de ramener la
marchandise, soit de la décharger dans un autre port ou au moyen de
barge lorsque ce dernier est bloqué par des conflits sociaux87(*).
Mais dans ce cas, le transporteur n'aura pas rempli son
obligation et il devra payer les frais de réexpédition et
même éventuellement des dommages et intérêts.
Pour éviter de telles situations, il est
inséré dans les connaissements des clauses qui ne sont pas des
clauses d'exonération de responsabilité puisque celles-ci sont
prohibées par la loi du 18 juin 1966 et la convention de Bruxelles de
1924 ; mais des clauses appelées « liberty
clause » qui limitent le contenu de l'obligation.
Ces clauses sont pour la plupart ainsi libellées :
« si pour une raison quelconque, les marchandises ne sont pas
déchargées au port de destination, le navire est libre de les
décharger à son retour ou de les réexpédier par
n'importe quel moyen, ou de les décharger au port d'escale le plus
proche, le tout aux frais des marchandises »88(*).
Afin que de telles clauses puissent jouer en faveur du
transporteur maritime un certain nombre de conditions doivent être
réunies.
Tout d'abord à titre préliminaire, cette clause
qui permet un déroutement du navire dans l'hypothèse d'une
grève au port de destination doit avoir été
acceptée par le chargeur.
L'acceptation par le chargeur suppose qu'il ait connu les
risques de blocage au port de destination. Sur ce fondement le tribunal de
commerce de Marseille par jugement du 22 mars 200289(*) a condamné
partiellement le transporteur maritime qui a acheminé des marchandises
vers une destination où les risques de grève du personnel de la
manutention étaient connus de tous les professionnels du transport.
Ainsi l'imprévisibilité de l'événement ne pouvait
être soulevée par le transporteur maritime ni même par les
réclamants car l'événement était lui même
prévisible.
Par ailleurs comme le souligne Maîtres Brejeux et
Cadiet90(*), dans cette
espèce une action contractuelle des chargeurs contre les transporteurs
maritimes semble fondée. En effet le litige intéresse le
transport maritime et tant que la marchandise n'a pas été
livrée conformément aux stipulations du connaissement, le
transporteur peut être déclaré responsable.
Pour satisfaire à ses obligations, il appartient
à celui-ci de trouver une solution et d'user de n'importe quel moyen
susceptible d'achever la phase du transport, ainsi de prendre des mesures
nécessaires et appropriées pour remédier aux
conséquences de la grève.
Dans notre espèce cette obligation pesant sur le
transporteur maritime apparaît juridiquement d'autant plus fondée
que, depuis l'arrêt Merci Convenzionali Porto Di Genova c/
Siderrurgica Brielli du 10 décembre 1991, il a été
posé le principe qu'il n'y avait pas d'obligation de recourir à
du personnel docker à propos du déchargement d'un navire, les
opérations de manutention pouvant se faire avec le matériel du
bord, le matériel du navire, ou tout autre entreprise. Cette
argumentation est d'autant plus vraie quant à la libéralisation
des services portuaires.
Dans le jugement susmentionné rendu par le tribunal de
commerce de Marseille, les juges même s'ils ont apprécié
partiellement la mise en cause du transporteur maritime, ils ont
considéré qu'il était difficile au transporteur maritime
de prétendre avoir été surpris par le mouvement de
grève dès lors qu'il avait accepté de prendre en charge
des marchandises à destination de Pointe à Pitre, port
bloqué par les dockers, à une date où le mouvement durait
depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines.
Par ailleurs le tribunal de commerce de Marseille91(*) a pu considérer que la
clause par laquelle le transporteur se réserve le droit de modifier
l'ordre prévu des escales est licite lorsque la suppression d'une escale
a été rendue nécessaire par des grèves et que
l'article 4-2 de la convention de Bruxelles de 1924 exonère le
transporteur de toute responsabilité en cas de pertes ou dommages pour
grèves, arrêts ou entraves apportés à la
liberté du travail, en l'espèce la marchandises (agrumes) a
été débarqué avariée dans un port de
substitution, à Trieste au lieu de Marseille, ici les faits de
grève rencontrés par le bord exonèrent le transport de
toute responsabilité.
Ensuite, il faut que la grève présente un
caractère inopiné, imprévisible, tel n'est pas le cas d'un
encombrement chronique d'un port92(*).
Par contre, il n'est pas nécessaire que la grève
présente un caractère insurmontable car le transporteur pourrait
toujours attendre la fin du conflit social pour accomplir son
obligation93(*).
Le transporteur doit tout de même faire preuve de
diligence dans le réacheminement des marchandises et ne pas avoir
abusé de la liberty clause, ainsi le transporteur n'est pas
exonéré de sa responsabilité lorsque le chargeur
démontre la faute du transporteur ou de ses préposés, par
exemple l'absence de mesures propres à assurer la bonne conservation de
la marchandise94(*).
Par ailleurs la liberty clause présente un
intérêt évident en cas de dommage causé à
l'entreprise elle même par le retard, ainsi comme le fait remarquer Mr
Fieschi95(*)il ne serait
pas possible d'allonger contractuellement la liste des cas
énumérés, mais il est permis au transporteur de se
déclarer irresponsable en cas de retard, lorsque le retard n'a pas
causé de perte ou de dommage à la marchandise, parce que le
retard qui cause un dommage à la seule entreprise n'est pas
envisagé par la loi.
Ceci est vrai quelle que soit la cause du retard96(*), à plus forte raison,
en sera-t-il ainsi lorsque le transporteur désigne dans le connaissement
la cause du retard (grève).
Des clauses à peu près semblables se retrouvent
dans le contrat d'affrètement.
2. les clauses de
grève dans le contrat d'affrètement.
Les conflits collectifs dans les ports occasionnent
généralement des retards dans le chargement et le
déchargement, ce qui parfois peut inciter les partenaires commerciaux,
même si en pratique il ira de l'intérêt du fréteur,
à opérer un détournement ou une déviation du navire
afin d'éviter la zone de grève.
Ces incidents ne présentent pas le même
intérêt selon qu'il s'agit d'une charte partie au voyage ou d'un
affrètement à temps.
Dans l'hypothèse d'un affrètement à
temps, qui est un contrat par lequel le fréteur s'engage à mettre
un navire armé à la disposition d'un affréteur pour un
temps défini, la gestion commerciale du navire est confiée
à l'affréteur qui paie le fret en fonction du temps de
«location»du navire. Ainsi c'est l'affréteur qui assume le
risque de perte de temps causé par un détournement ou un
retard.
Il s'ensuit que les chartes parties à temps ne
présentent pas, en général, de clause expressément
consacrée à la grève puisque l'affréteur est libre
de changer de «route» ou d'attendre.
On y trouve seulement une clause97(*) assez générale
qui stipule par exemple « que les déficiences d'hommes... qui
empêchent ou entravent le fonctionnement du navire plus de 24 heures
consécutives suspendent le paiement du loyer... », ou bien la
clause n°15 de la New York Produce « en cas de perte de temps
causée par la déficience des hommes...aucun loyer ne sera
payé ».
En revanche, dans les chartes parties au voyage qui
représentent le contrat par lequel le fréteur met un navire
à la disposition de l'affréteur en vue d'accomplir un ou
plusieurs voyages, le fréteur est rémunéré soit en
fonction de la cargaison, soit forfaitairement et il conserve la gestion
commerciale.
Dès lors n'ayant pas intérêt à ce
que le voyage « s'éternise », il instaure des
staries ou jours de planche (limitant la durée du chargement et ou du
déchargement) que doit respecter l'affréteur sous peine de devoir
verser des surestaries. Mais le fréteur est, lui, contraint d'amener le
navire au port désigné par l'affréteur.
Ces deux obligations, l'une relative au fréteur,
l'autre à l'affréteur, peuvent être écartées
en cas de grève.
a. Le respect des staries.
Les staries sont, comme il a été dit
précédemment, suspendues par un cas de force majeure, lequel peut
être représenté par une grève.
Mais le plus souvent les chartes parties au voyage contiennent
des clauses relatives aux incidences de la grève sur les staries
même hors cas de force majeure. Elles peuvent être favorables
à l'affréteur, c'est à dire prévoir la suspension
des staries en cas de grève, ou défavorables, autrement dit
prévoir le paiement des surestaries.
1. Enumération des clauses.
La strike clause de la charte partie Synacomex
énonce « qu'en cas d'impossibilité de chargement ou de
déchargement par suite de grève, lock out du personnel portuaire
ou en raison d'obstacle en dehors du contrôle de l'affréteur le
temps alloué pour charger ou décharger ne comptera pas pour la
durée de cette impossibilité pourvu que l'affréteur ait
fait une diligence raisonnable pour tenter d'effectuer les opérations
commerciales du navire au tarif usuel ».
Il existe un certain nombre de chartes parties comportant une
clause semblable98(*).
D'autres clauses sont assez défavorables à
l'affréteur, ainsi la clause spéciale de grève de la
BIMCO : « ... si le navire souffre d'une perte quelconque
de temps du fait qu'il a été empêché...de charger ou
de décharger ou qu'il n'a pu le faire qu'avec retard en
conséquence directe ou indirecte d'une grève quelconque, d'un
lock out...les affréteurs seront responsables et seront tenus
d'indemniser les fréteurs ».
Enfin certaines clauses prévoient un compromis entre
les intérêts du fréteur et ceux de l'affréteur tout
en précisant à titre préliminaire que personne n'est
responsable des conséquences de la grève, notamment dans la
charte partie Gencon : « au chargement, si celui-ci n'a pas
commencé, le fréteur en cas de grève, a le choix de
résilier le contrat. Pour le déchargement, l'affréteur a
le choix soit de laisser le navire en attente moyennant paiement de la
moitié des surestaries jusqu'à l'expiration du temps prévu
pour l'opération, soit d'envoyer le navire dans un autre
port » (étant précisé que la jurisprudence
française contrairement à celle anglaise n'admet le paiement des
surestaries que jusqu'au début du déchargement et non
jusqu'à la fin de celui-ci99(*)).
Il existe d'autres clauses de portée plus
générale : C/P Cemenco, clause n°6 ; C/P Medcon,
clause ; Polcoalvoy : clause 29. Celles-ci exonèrent
l'affréteur pour toute grève même si elle ne concerne
qu'indirectement le port.
En présence de telles clauses qui suspendent
l'écoulement des jours de planche où évitent le paiement
d'indemnité de retard, l'affréteur doit donc prouver la
grève et le lien de causalité entre la grève et le
retard.
2. L'action de l'affréteur.
L'affréteur doit établir le fait de
grève. Mais que signifie le terme «grève» dans la
clause ?
Ce terme englobe normalement toutes les formes de conflit
social : le lock-out (qui est la décision par laquelle un employeur
interdit aux salariés l'accès de l'entreprise à l'occasion
d'un conflit collectif de travail), l'occupation de locaux et même le
boycottage.
Cette dernière hypothèse a été
affirmée dans la sentence
« L'Armoricain »100(*). Il s'agissait en l'espèce d'un vraquier
transportant du blé de France en Grande Bretagne. Le navire n'avait pu
être déchargé pendant une semaine par suite de la
décision des syndicats de dockers anglais qui refusaient de
décharger de la cargaison en signe de protestation contre les essais
nucléaires auxquels la France procédait. La Chambre arbitrale a
affirmé que le « boycottage est assimilé à
la grève », donc la Gencon strike est applicable.
Par contre, les arbitres exigent le plus souvent que la
grève soit totale, une sentence n°268 du 27 juin 1978101(*) précise que la
« grève ne suspend les staries que si elle est totale sauf si
la non assimilation de la grève partielle à la grève
totale est absurde ».
De manière générale, la clause de
grève dans le contrat d'affrètement va jouer dès qu'il y a
impossibilité de charger ou décharger la cargaison pour fait
imputable à une grève, les arbitres au terme de la strike clause
de la Synacomex 90 ont ainsi considéré dans une sentence
n°1040 du 20 novembre 2000102(*) « qu'aux termes de la clause de
grève, il faut qu'il y est impossibilité de décharger du
fait de la grève pour qu'elle puisse trouver application ».
En pratique une question peut se poser, celle de savoir si la
grève doit revêtir les caractères de la force
majeure ? Normalement, la grève ne devrait pas revêtir les
critères de la force majeure car l'exigence de ces caractères
ôte tout intérêt à la clause puisqu'on revient, dans
ce cas, au droit commun de la force majeure.
Et pourtant, les chambres arbitrales semblent rester
attachées aux éléments de la force majeure : une
sentence n°56 du 29 avril 1970103(*) précise que « le refus des dockers
du port de Rouen de travailler en dehors des heures normales ne constitue pas
une fait de grève, lequel de plus, ne présentait pas les
caractères de la force majeure ».
Une sentence n°358 du 1er juillet 1980
témoigne que la « clause de grève est une clause
d'exception et celui qui l'invoque doit fournir tous les éléments
permettant de l'accepter », par ailleurs en l'espèce
concernant la strike clause de la Synacomex la notion de grève a
été interprétée de manière restrictive
« les affréteurs ne peuvent réclamer le remboursement
des surestaries correspondant à des mouvements de travail au ralenti et
au refus de travailler en overtime ».
De même une sentence n°685 du 12 novembre 1987
réaffirme l'exigence de la réalité de la force majeure
à propos de la général strike clause
« l'affréteur doit faire état de la cause
étrangère pour justifier l'inexécution de l'obligation lui
incombant de charger à bord du navire... ».
Cette position de la Chambre arbitrale est discutable car elle
peut rendre les clauses de grève inutiles, elle est de plus contraire
aux prescriptions de l'article 1157 du Code civil qui dispose que l'on
interprète les clauses de manière à leur donner un
sens.
L'affréteur est tenu d'établir ensuite
l'existence d'un lien de causalité entre la grève et le retard.
Il faut que l'affréteur ait fait preuve dans certains cas d'une
diligence raisonnable, autrement dit qu'il ait essayé par tous les
moyens de se procurer la main d'oeuvre nécessaire pour le chargement ou
le déchargement.
Toutefois, en droit français, l'effet de la
grève sur les staries est à moduler en fonction du point de
départ des staries. Si celles-ci ne débutent que lorsque le
navire est à quai (clause time lost is waiting for berth)
la grève qui survient pendant le temps d'attente n'aura aucun effet
dérogatoire. En revanche, si les staries débutent dès
l'arrivée au port (port charter) nonobstant l'absence de poste
à quai disponible, la grève suspend le cours des staries.
b. Des clauses relatives à l'obligation du
fréteur de conduire le navire au port indiqué.
Le fréteur est tenu d'amener par l'intermédiaire
de son capitaine, le navire aux ports désignés dans la charte
partie, soit dans ceux annoncés ultérieurement par
l'affréteur dans la limité d'une zone préalablement
déterminée.
Ainsi, dans le cas d'empêchement durable
d'entrée dans le port, le capitaine doit obéir aux ordres
donnés d'un commun accord par le fréteur ou l'affréteur ou
à défaut se rendre dans un port voisin où il pourra
décharger. Cela permet au cours d'une grève durable, de
détourner le navire dans un port de substitution.
Il existe également une clause assez
générale qui est susceptible de s'appliquer à la
grève, c'est la clause « aussi près que »
(near). Elle permet à l'affréteur de conduire le navire
au port le plus proche lorsque celui qui était désigné par
ses soins est victime de conflits sociaux.
Pour que le fréteur puisse user de cette clause, il
faut que la grève n'ait pas été connue par ce dernier au
départ et qu'ensuite l'attente au port désigné paraisse
irraisonnable.
La jurisprudence exigeait seulement
l'imprévisibilité de l'événement
appréciée au moment de la conclusion du contrat104(*), or comme on a pu le voir
précédemment la jurisprudence admet que la force majeure soit
constituée également par la seule irrésistibilité
de l'événement.
La clause permet de mettre les frais d'allèges, de
manutention et de transport supplémentaire à la charge de
l'affréteur.
La jurisprudence anglaise ne retient pas les mêmes
critères pour l'application de cette clause ; elle distingue
l'événement permanent et l'événement temporaire.
Seul l'événement permanent au moment de
l'arrivée au port permet au fréteur de se rendre dans un autre
port.
Le Doyen Rodière souhaitait l'application de ce
critère au droit français. Mais, la grève n'étant
pratiquement jamais un événement permanent, le fréteur ne
pourrait plus se rendre dans un autre port.
Il en résulte que l'application du critère
anglais ne paraît guère convaincante. Encore que, l'application
des critères anglais n'est plus gênante dès lors qu'il
existe des clauses spécifiques à la grève qui permettent
le déroutement du navire.
C'est le cas de la strike clause Gencon :
« l'affréteur a le choix d'attendre en payant la moitié
des surestaries ou d'envoyer le navire dans un autre port » (on
remarque toutefois ici que c'est l'affréteur qui a l'initiative de
proposer le changement de port contrairement à la clause «aussi
près que»).
Le changement de port implique souvent un transbordement de
marchandises pour livrer celles-ci au port initialement prévu. Bien que
cette mesure soit utilisée dans le contrat de transport, elle peut
s'appliquer à l'affrètement, et les frais de transbordement
seront donc à la charge de l'affréteur.
On constate en matière de clause de déroutement
pour cause de grève une certaine similitude entre le transporteur
maritime et l'affréteur car on ne se situe pas ici au niveau de la
responsabilité (dont le régime est impératif pour le
transporteur) mais au niveau de la détermination de l'obligation.
Les règles que nous venons d'indiquer ont
été pendant longtemps les seules applicables. Or, les transports
maritimes sont soumis, en ce qui concerne les conditions auxquelles doivent
satisfaire la grève pour exonérer le transporteur de sa
responsabilité, à des règles particulières,
résultant pour les transports internationaux, de la convention de
Bruxelles du 25 avril 1924, et, pour les transports internes, de la loi
nationale.
B. Les limitations de responsabilités
En ce qui concerne les transports maritimes, la grève
est devenue tant dans notre législation nationale, qu'en droit
international, un « cas excepté », c'est à
dire un événement dont la seule preuve de l'existence (à
condition toutefois qu'il présente un lien de causalité avec le
dommage), exonère le transporteur de sa responsabilité.
En effet l'article 4, alinéa 2-j de la convention de
Bruxelles du 25 août 1924, exonère le transporteur des dommages
provenant « de grèves ou lock-out ou d'arrêts ou
entraves apportées au travail pour quelque cause que ce soit,
partiellement ou complètement ».
De même, les frais de transbordement sont mis sur un
autre navire à la charge de la marchandise, lorsque l'interruption du
voyage est due aux cas d'exonération, dont la grève, d'où
l'intérêt en pratique pour les chargeurs de souscrire une
«assurance grève » lorsqu'ils touchent des ports à
risque.
Les conditions d'exonération du transporteur maritime,
en cas de grève sont moins rigoureuses que les conditions
d'exonération du transporteur de droit commun.
En premier lieu, il faut, mais cela est évident qu'il
s'agisse d'une grève, c'est à dire d'un arrêt
concerté et volontaire du travail, et non d'un arrêt
forcé105(*).
L'absence de faute relative à ces
événements, à l'inverse de ce qui se passe en droit
commun, est présumée.
Il y a donc, quant aux conditions que doit remplir la
grève pour être libératoire, des solutions propres au
transport maritime.
Il nous faut donc constater que, si la grève
libère le transporteur de sa responsabilité, il doit
néanmoins exister un lien de causalité entre la grève et
le dommage subi.
1. L'exonération du transporteur par la
preuve de l'existence d'une grève.
Pour être exonéré de sa
responsabilité, le transporteur n'a pas à démontrer que la
grève présente les caractères de la force majeure.
Il lui suffit d'établir l'existence de
l'événement, les textes semblent clairs sur ce point. Cependant,
si la quasi-unanimité des auteurs est d'accord, pour adopter cette
opinion il n'en va pas de même de la jurisprudence.
a. Les positions doctrinales.
Les auteurs admettent que, la convention de 1924,
déroge au droit commun en ce qui concerne les conditions que doit
remplir la grève pour exonérer le transporteur maritime de sa
responsabilité et que, par conséquent, la grève
libère elle-même le débiteur.
En effet comme l'écrit M.Fraikin, « s'il en
était autrement, la mention de l'alinéa 4 de l'article 4 serait
absolument superflue : il faut donc interpréter cette disposition
comme le préconise l'article 1157 du Code Civil au sujet des contrats,
dans le sens qui lui permet d'avoir quelque effet. Il faut décider en
conséquence que l'armateur sera exonéré même par une
grève partielle ou prévisible : il lui appartiendra
seulement de prouver le lien entre la grève et l'inexécution du
contrat »106(*).
C'est également l'opinion du doyen Ripert107(*), qui considère comme
« fausse la théorie d'après laquelle l'exclusion de
responsabilité ne pourra être invoquée que dans
l'hypothèse où le cas prévu par la loi ne pourra
être invoquée que dans l'hypothèse où le cas
prévu aurait le caractère d'un cas de force
majeure ». « Si la loi devait être ainsi
interprétée, elle se séparerait complètement de la
convention internationale ».
Or il résulte des travaux préparatoires de la
loi qu'on a voulu abréger la liste des cas exceptés en supprimant
ceux qui paraissaient rentrer dans la notion trop générale de
force majeure du droit français, mais que les cas maintenus l'ont
été parce qu'ils ne constituaient pas nécessairement des
cas de force majeure.
Le doyen Rodière108(*) considère par
ailleurs : « il suffit que le transporteur établisse
que le dommage a été causé par une grève, il est
a priori libéré...C'est donc une erreur que de
requérir de la grève qu'elle réponde à la
définition de la force majeure »
M. Bonassies109(*) justifie cette position en constatant que la
grève est visée de façon particulière dans la
convention, indépendamment de la force majeure.
Si l'ensemble des auteurs est unanime sur
l'interprétation à donner aux textes, cette dernière donne
lieu à des difficultés lorsque nos juridictions ont eu à
en connaître.
b. Les solutions
jurisprudentielles.
Il semble difficile de connaître la position des juges
sur cette question tant leur analyse se fait de manière in
concreto à la lumière des faits et non au vu des textes.
Leur décision, même si elles apparaissent
pragmatiques se détournent parfois de leur fondement textuel.
Ainsi par exemple, le tribunal de commerce de Marseille dans
un jugement du 24 octobre 1950110(*) a décidé que le
« transporteur maritime n'est plus responsable des avaries subies par
la marchandise à lui confiée lorsqu'elles sont la
conséquence des manipulations supplémentaires provoquées
par une grève des dockers du port de déchargement ».
Le même tribunal par un jugement rendu le 2
février 1982111(*)a considéré « qu `en cas
d'avaries survenues par suite de retards dus à des grèves au port
prévu, le transporteur maritime est exonéré de sa
responsabilité en vertu des dispositions de l'article 4§2 de la
convention de Bruxelles de 1924 ».
La Cour de cassation112(*) a considéré comme justifiée la
décision de déroutement prise par le transporteur maritime
dès lors qu'il existait un « risque très sérieux
d'incidents dans les ports plus proches du port de destination (bloqué
par des marins pêcheurs) », cette décision du
transporteur ne pouvait être qualifiée de déraisonnable et
« les juges d'appel ont justifié leur décision au
regard de la convention précitée ».
Ainsi, la Cour suprême a fait droit aux dispositions de
la convention de Bruxelles exonérant le transporteur maritime de sa
responsabilité lorsque celui-ci se trouve face à un risque de
blocage aux abords du port de destination.
Ces quelques décisions adoptent donc
l'interprétation des textes données par la majorité de la
doctrine.
Cependant, il existe des décisions en sens contraire
qui sont bien souvent plus nombreuses que celles appliquant à la lettre
les dispositions législatives et ou conventionnelles.
On peut citer par exemple un autre jugement du tribunal de
commerce de Marseille, du 17 janvier 1956113(*). Une grève du personnel de la manutention
sévissant au port de Marseille, le réceptionnaire de la
marchandise, sachant que le gardiennage de celle-ci ne pouvait être
assuré sur le quai, enleva tout ou partie des lots appartenant à
ses mandants. C'est seulement un mois après l'accostage du navire que le
réceptionnaire fit procéder à des constats
révélant des pertes.
Les assureurs de la marchandise, comme c'est souvent le cas en
matière de réclamation, agissant en qualité de
subrogés aux droits du réceptionnaire et autres,
demandèrent au tribunal de commerce de Marseille de condamner le
transporteur à réparer le dommage causé par la perte d'une
partie de la marchandise. Le transporteur invoqua pour sa défense la
grève des dockers, cas excepté de responsabilité.
Le tribunal fit droit aux assurés car il appartenait au
transporteur maritime de « rapporter la preuve du caractère
irrésistible de la grève sévissant alors dans le
port ».
Cette décision manifeste un retour pur et simple aux
règles antérieures concernant l'effet exonératoire de la
grève, puisqu'elle exige, pour que la grève ait cet effet,
qu'elle présente les caractères de la force majeure ; elle
nie totalement l'apport de la loi, puisqu'il est dit, et c'est là
certainement l'essentiel, qu'aucune règle spéciale du droit
maritime n'est venue supplanter le droit commun sur ce point.
Pour cette raison, la décision a été
unanimement critiquée par la doctrine114(*).
On remarquera que le tribunal de commerce de Marseille est
revenu sur sa jurisprudence, ainsi qu'en témoigne un jugement du 26 mars
1971115(*) concernant un
fait de lock-out dans lequel il affirme : le transporteur est
exonéré de toute responsabilité s'il établit que
les manquants survenus à la marchandise qu'il avait à transporter
proviennent d'un lock-out ».
Mais on s'apercevra en général que les juges
consulaires ou autres magistrats supérieurs ne se livrent guère
à une appréciation stricto sensu des textes qui nous
intéressent, ils établissent leur décision au cas par cas
et recherchent souvent la diligence du transporteur.
Ainsi, il appartient au transporteur de rapporter la preuve
que le dommage résulte bien de la grève116(*).
De même, le transporteur n'est pas exonéré
de sa responsabilité lorsque le chargeur démontre la faute du
transporteur ou de ses préposés, par exemple l'absence de mesures
propres à assurer la bonne conversation de la marchandise117(*) ou encore la décision
prise par le transporteur de continuer à escaler dans des ports
touchés par des conflits sociaux118(*).
Par ailleurs une grève ne peut être prise en
considération que si elle existe au jour où l'escale pour
déchargement est prévue et non la veille119(*).
La jurisprudence devient très sévère
à l'égard du transporteur à l'image des tribunaux
américains : une décision Lykes Brothers
Company120(*) qui
retient la responsabilité du transporteur à la suite
d'infestation de la farine transportée alors que la grève avait
immobilisé le navire et causé ainsi des dommages à la
marchandise. La cour estima que « le cas excepté de
grève ne relève le transporteur de son obligation de soigner la
marchandise que dans la mesure où la grève rend
déraisonnablement difficile de continuer à la
soigner ».
Au vu des différentes décisions, la
jurisprudence reste aléatoire pour envisager la grève comme cas
excepté « total » de responsabilité pour le
transporteur maritime.
Cependant encore faut-il que la grève
conformément au droit commun présente un lien de causalité
avec l'inexécution dommageable.
2. Le lien de causalité entre la
grève et l'inexécution dommageable.
1°) Une fois démontrée
l'existence de la grève, le transporteur doit établir que cet
événement a été à l'origine de
l'inexécution de son obligation de façon directe ; ou encore
que l'inexécution en est la conséquence.
Cela explique que la preuve par le destinataire d'une faute du
transporteur engendre, à nouveau, malgré l'existence de la
grève sa responsabilité partielle ou totale.
Il faut, que la grève dont se prévaut le
transporteur constitue une véritable entrave au travail, un obstacle
sérieux à l'exécution du contrat, sans quoi le
transporteur risquera d'invoquer n'importe quelle grève n'ayant
entraîné qu'une petite gêne, parfois inexistante, comme a
dit le doyen Rodière : « il faut s'assurer que la
grève est bien la cause du dommage souffert par la
marchandise ».
2°) La jurisprudence admet ce lien de
causalité au cas par cas et à la lumière d'indices
factuels qui ont souvent force probante afin de déterminer ou non la
responsabilité du transporteur maritime en cas d'inexécution de
son obligation imputable à la grève.
- Le tribunal de commerce de Marseille a statué sur
cette question par le jugement précité du 26 mars 1971. Il
s'agissait d'un transport de 1000 caisses de figues à destination de
Marseille. Par suite d'un lock-out qui sévissait à
l'époque dans ce port (assez « coutumier » en ces
temps), les caisses avaient déchargées à
Saint-Raphaël. Au déchargement, des manquants furent
constatés et le destinataire assigna le capitaine et le transporteur
à fin du dommage ainsi causé. Les défendeurs soutenaient
que le grappillage sur les cargaisons au port de substitution s'était
produit pendant la période du lock-out du port de Marseille et
demandaient en conséquence à bénéficier des
dispositions de la convention.
Mais le tribunal de céans rejeta leur moyen de
défense en observant : « il résulte des
circonstances de la cause que, s'il exact que le navire Mickey Smits
n'a pas accosté au port de Marseille en raison du lock-out qui y
sévissait, il a pu normalement débarquer dans le port de
Saint-Raphaël qui n'était pas atteint par le lock-out, les
marchandises à destination de Marseille. Les pertes subies par la
marchandise transportée qui paraissent provenir du grappillage qui se
serait produit sur le port de Saint-Raphaël, ne peuvent provenir d'un
lock-out puisqu'il n,'en existait pas dans ce port.
Dans ces conditions, le transporteur n'est pas fondé
à se prévaloir du cas excepté à son profit.
Le lock-out n'était donc en l'espèce que la
cause indirecte des manquants, il était la cause directe du
déroutement vers un port où précisément, il n'y
avait pas de blocage.
- On peut encore citer un arrêt de la cour d'appel d'Aix
en Provence en date du 7 décembre 1971121(*), des marchandises furent débarquées
à Marseille du navire Yaga en provenance d'Athènes. Le
transitaire prit livraison de la marchandise et l'a pris sous sa garde durant
trois semaines car le port était bloqué par un lock-out et les
opérations de livraison paralysées par ce conflit social. A la
livraison, le destinataire constatant des manquants, assigna le transporteur en
réparation du préjudice subi du fait de la perte de
marchandise.
Par jugement du 12 février 1971, le tribunal de
commerce débouta la demanderesse de son action parce que, estimait-il,
le manquant s'était bien produit pendant la période du lock-out
et que le transporteur pouvait se prévaloir du cas excepté.
La cour d'appel d'Aix infirma cette décision en
constatant que : « la preuve qu'il y a concomitance entre la
perte de la marchandise et la période de lock-out n'est donc pas
établie, moins encore celle que cette perte a pour origine le
lock-out... dans ces conditions le bord auquel incombe la charge de prouver que
la perte provient de la grève, succombe en son exception et doit
être condamné à réparer le préjudice subi par
la marchandise du fait de la non livraison des cartons
manquants ».
- Par ailleurs le tribunal de commerce de Marseille par un
jugement en date du 2 février 1982122(*) a exonéré le transporteur de toute
responsabilité pour les faits ou dommages subis par la marchandise pour
grève au vu de l'article 4§2 de la convention de Bruxelles. Il
`agissait d'une cargaison de fruits devant débarquer à Fos, mais
sur décision du bord le navire fut dérouté au vu des
mouvements sociaux des dockers touchant ce port alors. La marchandise
déchargea à Trieste avariée, le destinataire actionna le
transporteur en réparation du préjudice subi par une telle
perte.
Le tribunal considéra que cette modification d'escale
était justifié eu égard aux risques de grève
rencontrés dans le port de déchargement initialement
prévu. Ainsi les faits de grève rencontrés par le bord
exonérèrent le transporteur de toute responsabilité.
- En sens inverse, craignant une fois de plus le
déclenchement d'une grève à Fos, un transporteur qui avait
pris en charge des poires fraîches d'Australie avait
dérouté son navire vers Barcelone. Mais la cargaison ne put
débarquer en Espagne du fait d'une interdiction de l'administration
portuaire, en raison d'un décret des douanes prohibant le transport des
poires d'Australie sur le territoire espagnol. La marchandise dut donc
être transbordée sur un autre navire, qui n'arriva à Fos
que trois semaines plus tard, avec d'importantes avaries dues au retard. Le
tribunal de commerce de Marseille, dans une décision du 26 mai 1995, a
refusé d'exonérer le transporteur123(*). Pour les juges consulaires,
la grève n'aurait pu être prise en considération que si
elle avait existé le jour où l'escale et le déchargement
étaient prévus. Par ailleurs la cour d'appel d'Aix en Provence le
19 juin 1991 considéra qu'une grève ne peut être prise en
considération que si elle existe au jour où l'escale pour
déchargement est prévue124(*).
- Ainsi on peut considérer que la simple preuve de la
négligence du transporteur remet en question sa responsabilité,
alors même qu'il a prouvé l'existence d'une grève, ce
dernier doit être diligent. Cette jurisprudence est constante125(*).
Récemment la cour d'appel de Rouen dans un arrêt
en date du 6 juin 2002126(*) a rejeté la prétention du transporteur
souhaitant s'exonérer de sa responsabilité pour fait de
grève.
De plus cet arrêt est intéressant en ce qui
concerne la question de savoir à qui il incombe d'assurer les frais de
transbordement et d'acheminement de la marchandise afin de parachever sa
livraison.
Le transporteur maritime a t-il donc droit au paiement des
frais exposés quand la marchandise, ne pouvant être
débarquée, est transbordée puis réacheminée
au destinataire ?
Telle est la question réglée par cet arrêt
original qui résout deux problèmes : celui de savoir si en
l'espèce la grève pouvait être considérée
comme un cas excepté, d'autre part s'il était possible d'opposer
aux destinataires ou à leurs subrogés la clause d'un
connaissement prévoyant le règlement du surfret
(surcoût du transport).
Les faits sont les suivants : à compter du 24
novembre 1998, les ouvriers des exploitations bananières de Fort de
France bloquent les accès au port de commerce. Le 28, le transporteur
émet des connaissements pour acheminer la cargaison vers cette
destination. A l'arrivée, le port est congestionné, l'armateur
fait transborder les marchandises, les décharges à
Carthagène puis les réembarque pour les livrer à Fort de
France en janvier 1999. Les frais en résultant sont facturés aux
destinataires qui sont indemnisées par les assureurs.
Ceux-ci se retournent contre le transporteur, faisant valoir
qu'en acceptant de charger la marchandise en connaissance de cause, il doit
garder ces frais à sa charge. Le tribunal les déboute mais la
cour d'appel infirme et fait droit à leur demande.
En effet, si en cas d'interruption du voyage, les frais de
transbordement et d'acheminement sont à la charge des
intérêts marchandises, c'est à condition que le
transporteur ne soit pas responsable de l'empêchement et puisse donc
prouver un cas excepté. Dans l'espèce, il en invoquait
deux : les grèves et la faute du chargeur ayant laissé
embarquer la marchandise en connaissance des mouvements sociaux et des
éventuels empêchements.
La Cour rejette le premier argument, elle confère au
cas excepté que constitue la grève un caractère de force
majeure. Elle estime que, professionnel, le transporteur avait émis les
connaissements après le début des mouvements qu'il connaissait ou
aurait du connaître : l'événement n'était donc
pas imprévisible.
Le juge relève aussi que le transporteur n'avait pas
avisé le chargeur qui n'était pas forcément au courant de
la situation, lui infligeant ainsi une obligation d'information selon les
articles 1134 et 1135 du Code Civil (devoir de bonne foi et ses suites).
A défaut de prouver la salvatrice cause
exonératoire, il est intéressant de voir si le transporteur ne
pouvait pas se «rabattre» sur les clauses du connaissement lui
donnant droit au surfret, quoi qu'il advienne ?
La Cour répond par la négative, estimant
qu'elles sont inopposables au destinataire et à ses subrogés, le
juge relève sans le dire qu'il s'agit d'une clause exorbitante du droit
commun pour en conclure qu'elle devait être connue du destinataire lors
de la formation du contrat, la livraison (et donc l'acceptation de la
marchandise) n'équivalant pas à un accord sur la charge des
surcoûts.
En définitive, lorsque le transporteur a établi
l'existence d'une grève et son lien de causalité avec
l'inexécution dommageable, il bénéficie de
l'exonération légale ou conventionnelle de
responsabilité : il y a présomption d'absence de faute eu
égard à la grève.
Or, la jurisprudence a rendu, contrairement aux textes, le cas
excepté de grève très difficile à établir.
Elle s'est attachée à rajouter aux exigences de la convention de
Bruxelles de 1924, les exigences du droit commun, notamment les traditionnels
éléments de la force majeure auxquels la jurisprudence
française semble très attachée et l'existence d'un lien de
causalité entre la grève et l'inexécution dommageable.
Ainsi, même si les grèves, lock-out ou autres
entraves apportés au travail ne doivent pas, en principe, revêtir
nécessairement les traits de la force majeure pour être
libératoires, toutefois, il a été jugé qu'une
entrave au travail apportée par les syndicats des dockers ne pourrait
être invoquée par le transporteur que si elle s'était
produite de façon inopinée127(*).
Le même phénomène se retrouve à
propos des entreprises de manutention.
Paragraphe 2 : Les clauses d'assurances
Comme il a été dit précédemment la
grève reste un aléa pris en compte par les assureurs.
En effet selon les ports touchés par leurs navires les
transporteurs maritimes recommandent à leur client de souscrire une
assurance facultés garantissant les risques de grève, lock-out,
émeutes, mouvements populaires et autres faits analogues
consécutifs à des conflits de travail.
Dans la pratique, les risques exceptionnels sont souscrits par
les compagnies d'assurance en annexe aux risques ordinaires et sont
cédés en réassurance couverte avec la garantie de
l'Etat.
Il faut bien noter que l'on ne peut couvrir une marchandise
contre les risques exceptionnels que si cette marchandise a été
préalablement couverte contre les risques ordinaires de transport.
Pour être couvertes, les marchandises doivent être
chargées sur un moyen de transport (navire, camion ou avion).
Concernant les transports par voie maritime, toutes les
compagnies d'assurance mondiale couvrent les marchandises en application d'un
engagement pris en 1937. Cet engagement est connu sous le nom de
« Waterborne Agreement ».
Il a pour but d'exclure de la garantie les risques de
transport et de stockage qui précèdent où qui suivent le
voyage maritime.
Par l'intermédiaire de leur police, les assureurs des
risques ordinaires peuvent donc consentir des extensions sur risque social,
jouant également à terre.
En matière maritime, deux clauses additionnelles,
n°62 et 62bis prévoient des garanties de ce type128(*) :
- Clause 62 : elle couvre les dommages
matériels résultant de grèves, lock-out, émeutes,
mouvements populaires ayant pour cause des conflits du travail ou
professionnels (à la condition qu'ils ne se rattachent pas à la
guerre civile ou étrangère). Les dommages doivent résulter
de l'action de ces personnes prenant part à ces mouvements. Les
conséquences de retard ne sont normalement pas couvertes. L'assureur
couvre les frais raisonnablement exposés pour préserver les
marchandises de ces dommages.
- Clause 62bis : elle
étend le champ de sa garantie aux frais supplémentaires de
réexpédition que l'assuré doit supporter lorsqu'en
présence d'un conflit du travail au port de destination, le transporteur
a pris la décision de décharger la marchandise dans le port le
plus proche.
Les assureurs ne prennent en charge que le fret maritime ou le
coût du transport routier, ferroviaire ou fluvial. Ils ne prennent pas en
charge les frais accessoires (manutention, stationnement, magasinage,
déchargement, rechargement, staries).
Le montant maximum à la charge des assureurs est
limité à 20 % de la valeur assurée. Ce montant maximum
reste dû dans la limite des 20 % alors même que l'assureur serait
tenu de payer du fait de ces frais une surprime supérieure à la
valeur assurée. L'assuré conserve à se charge 10 % du
montant de la réclamation.
Des extensions de garantie peuvent néanmoins être
demandées moyennant une surprime notamment pour couvrir les dommages
matériels résultants de retards imputables aux dits faits.
En définitive quel que soit le type de contrat de vente
utilisé, un assureur sera toujours amené à intervenir soit
au titre d'assureur de l'exportateur soit au titre d'assureur de l'importateur.
Ces risques « exceptionnels » sont fréquents
à notre époque, souvent troublée, dans toutes les parties
du monde, par des conflits politiques et sociaux.
On a pu se rendre compte dans les développements
précédents que la grève pouvait engendrer des
conséquences juridiques et commerciales diverses et variées pour
les transporteurs maritimes et ses opérateurs.
La grève est désormais un facteur à
prendre en considération dans les relations contractuelles.
Certains contractants l'intègreront dans leurs
obligations, mais le plus souvent, comme on l'a vu, elle sera une limite
à leurs obligations et même une cause d'exonération de
responsabilité (légale ou conventionnelle). Elle peut
apparaître parfois comme un phénomène prévisible et
donc contournable, d'autres fois elle est inévitable et présente
alors des coûts et des problèmes juridiques
supplémentaires. Mais dès lors que l'on se situera dans les
relations extracontractuelles, la grève deviendra en
général une cause de responsabilité.
CHAPITRE II :
LES RESPONSABILITES DES AUTORITES PORTUAIRES ET DES
AUTORITES PUBLICS
Plans d'eau abrités et équipés pour
recevoir les navires, les ports ont joué à travers l'histoire de
l'humanité un rôle de premier plan.
De nos jours, les grands ports, outre leurs fonctions
traditionnelles, constituent de vrais pôles de croissance autour desquels
s'organise l'expression industrielle et commerciale des régions et des
pays limitrophes.
Les ports peuvent être gérés de
manière différente selon les pays dans lesquels ils sont
implantés. En Côte d'Ivoire, il n'y a qu'une catégorie de
ports: les ports autonomes.
Le fonctionnement des ports soulève des questions
diverses de responsabilité selon leur autorité de tutelle, que ce
soit les dommages causés par les navires et manutentionnaires au
fonctionnement du port ou à ses installations ou, à l'inverse,
qu'il s'agisse de la responsabilité des ports ou des concessionnaires
envers les usagers du port, armateurs, manutentionnaires, chargeurs ou ayants
droit.
C'est ainsi, que les conflits du travail maritime font partis
intégrants de l'administration portuaire. La reconnaissance du droit de
grève conduit notamment à permettre l'inexécution des
obligations contractuelles, ce droit peut fournir un correctif au
déséquilibre persistant entre employeurs et salariés.
Cependant, l'instrument de pression des professions portuaires
est alors le blocage des accès aux ports et la paralysie des
activités portuaires.
Or, tandis que la concurrence se développe de plus en
plus entre les grands ports, et que des enjeux sociaux-économiques
très importants en dépendent ; les représentants de
la communauté portuaire doivent être des négociateurs
avisés dans tous les domaines.
S'agissant du débat social, il ne peut se
dérouler équitablement que si les différents
interlocuteurs respectent les règles du jeu. Dans le cas contraire, la
grève devient une arme redoutable capable de tout
détruire129(*).
Plusieurs décisions sont venues statuer sur les
conséquences résultant des mouvements sociaux dans les ports,
notamment certaines relatives au blocage des ports par les marins
pêcheurs130(*).
Ainsi, dans les ports, les conditions de navigation,
d'accostage et d'amarrage des navires sont soumises à une police
spéciale dont les principes sont fixés dans le code des ports
maritimes.
La sécurité constitue un souci permanent pour
les autorités portuaires, et toute attitude ou manoeuvre de nature
à y porter atteinte doit être sanctionnée. La
procédure de contravention de grande voirie y contribue, et
n'écarte qu'exceptionnellement l'infraction notamment pour cas de force
majeure.
De la sorte la jurisprudence administrative a rejeté
les recours mettant en jeu la responsabilité contractuelle des ports
autonomes, dans la mesure où aucune faute lourde ne pouvait leur
être reprochée131(*).
S'il existe une responsabilité contractuelle sans faute
en droit administratif, elle se limite au seul cas de fait du prince.
Or, lorsqu'il y a entrave au fonctionnement du service public
portuaire et à la liberté du commerce et de l'industrie, les
victimes des conflits sociaux peuvent demander l'intervention des forces de
l'ordre pour faire cesser le trouble en résultant.
Si cette demande est refusée, une action en
indemnité pourra être engagée contre l'Etat à
condition qu'en l'absence de faute lourde de la part de l'autorité
chargée de la police de l'ordre public, le requérant prouve qu'il
a subi un préjudice anormal et spécial.
Ainsi, nous tenterons, d'analyser les responsabilités
des autorités portuaires (section I) et ensuite, il sera question
d'observer les responsabilités de l'Etat du fait des conflits sociaux
portuaires (section II).
SECTION I : LES RESPONSABILITES DES AUTORITES
PORTUAIRES.
Bien que l'exercice du droit de grève ait une valeur
constitutionnelle, cette consécration ne saurait exclure toute
indemnisation des tiers qui en sont victimes.
Tantôt l'attitude fautive de l'employeur peut justifier
sa condamnation à indemniser son personnel en grève, dans
d'autres cas, ce sera la responsabilité des grévistes ou du
syndicat qui sera engagée à l'égard du personnel non
grévistes ou de l'employeur.
Mais, la plupart des actions en indemnité
consécutives à des mouvements sociaux sont formés par des
tiers à l'encontre des autorités chargées de la police.
Paragraphe 1 : En cas de grève des agents du
port et des autres professions « portuaires ».
Les salariés des collectivités publiques
gestionnaires d'un service public à caractère administratif sont
des agents publics, et le contentieux se rapportant à leurs conditions
d'emploi relève des juridictions administratives. En revanche, les
agents des services publics à gestion privée n'ont normalement
pas la qualité d'agent public. Cette solution s'applique notamment aux
agents des services publics industriels et commerciaux, comme c'est le cas pour
l'exploitation des outillages publics commerciaux.
Lors des conflits sociaux, la responsabilité du port
est parfois engagée par les victimes du blocage des activités
portuaires soit en tant qu'employeur des grévistes ou sur le fondement
de la responsabilité administrative.
A. La responsabilité du port en tant
qu'employeur.
La responsabilité en cause n'est pas celle de
l'autorité de police, mais celle du service gestionnaire du domaine
public.
Par ailleurs le fonctionnement dudit service n'est pas
entravé par des tiers qui occupent indûment les installations
portuaires, mais par la grève de ses propres agents.
D'autre part, le problème traité n'est pas celui
de la grève licite, car dans ce cas il y a respect des prescriptions
imposées par la législation sociale (notamment par le respect du
préavis visé par le Code du travail afin d'informer les
utilisateurs du port des arrêts de travail à venir.).
Dès lors, le problème se pose en ce qui concerne
les grèves illicites ou « sauvages », car ces
grèves arrivent soudainement et rendent impossibles l'usage des
installations portuaires, ainsi le port ne peut pas satisfaire à ses
obligations contractuelles, par exemple, et c'est souvent le cas, la mise
à disposition de l'outillage public dans les opérations de
manutention des navires.
A propos d'une grève des grutiers du Port autonome de
Rouen, la Cour de cassation avait dans un premier temps cassé
l'arrêt de la cour d'appel de Rouen en lui reprochant de ne pas avoir
recherché «si les décisions de l'autorité de
tutelle avaient entraîné pour le port autonome une contrainte de
nature à le mettre dans l'impossibilité
absolue d'exécuter ses obligations»132(*).
Puis, après renvoi, la Cour a cassé de nouveau
l'arrêt de la cour d'appel en considérant que les juges du second
degré auraient dû rechercher «si le fait que les
salariés avaient cessé le travail sans préavis, parfois
même en cours d'exécution du contrat, ne conférait pas un
caractère imprévisible et irrésistible aux mouvements de
grève et n'était pas de nature à mettre le port autonome
dans l'impossibilité absolue d'exécuter ses obligations par
l'effet d'une cause étrangère qui ne lui serait pas
imputable»133(*).
L'employeur, a en règle générale,
connaissance du climat social de son entreprise et des revendications
professionnelles de ses salariés auxquelles il lui appartient de les
satisfaire ou de les rejeter. Dès lors, l'imminence du mouvement social
étant prévisible, il est exceptionnel que la force majeure soit
admise.
Elle l'a cependant été lorsque l'employeur est
considéré comme étant étranger au
déclenchement de la grève134(*), ou lorsqu'il s'agit d'une grève surprise du
personnel de l'entreprise.
A propos de la grève du personnel du port autonome de
Marseille135(*), la Cour
de cassation a retenu en particulier deux motifs pour écarter la
responsabilité de l'établissement public portuaire du fait de la
grève de ses préposés : d'une part, après
avoir rappelé que l'obligation de préavis ne pesait pas sur le
port autonome, elle en a déduit que les entreprises de manutention
demanderesse à l'action ne pouvaient pas invoquer le non-respect de
cette prescription à son égard, et d'autre part, elle a admis que
le comportement illégal des grutiers qui n'avaient pas respecté
le préavis constituait une cause étrangère pour le port
autonome.
Elle a toutefois étayé ce second motif en
constatant que la spontanéité du mouvement n'avait pas permis de
prendre des mesures utiles pour pallier le comportement du personnel
concerné, et après avoir observé que le port autonome
«avait pris la précaution de notifier à son personnel et aux
organisations syndicales la nécessité de respecter les
préavis légaux, et en relevant que le port autonome avait
pratiqué les sanctions les mieux adaptés aux
circonstances».
Or, comment peut-on désormais envisager la
détermination des responsabilités à la suite de mouvements
sociaux du personnel chargé d'un service public à l'égard
des cocontractants de son gestionnaire ?
B. La détermination des responsabilités
en cas de mouvements sociaux des personnels des établissements publics
portuaires.
Lors des conflits collectifs maritimes de travail,
l'instrument de pression des grévistes est le blocage des accès
aux ports et la paralysie des activités portuaires.
Les autres professionnels du port (armateurs,
manutentionnaires, transitaires...) engagent la responsabilité des
gestionnaires portuaires qui n'assurent plus la liberté du commerce et
de l'industrie et par voie de conséquence la liberté de la
navigation.
L'organisation syndicale qui a donné des consignes pour
commettre des actes illicites engage sa responsabilité, et ce, sur le
fondement de la responsabilité civile.
Ainsi, ni les organisations syndicales, ni les salariés
ne sauraient échapper à toute responsabilité pour des
dommages qu'ils auraient occasionnés à autrui à l'occasion
de conflits collectifs du travail.
La Cour de cassation considère cependant très
justement que la responsabilité d'un salarié ou d'un syndicat en
raison d'actes fautifs commis au cours d'une grève ne peut être
engagée que pour la part du préjudice découlant
directement de ce comportement fautif136(*).
La cessation inopinée du travail dans un service public
constitue-t-elle toujours pour l'employeur une cause exonératoire de
toute responsabilité ?
Dès lors qu'il n'a pas joué de rôle dans
la violation de la loi par les organisations syndicales et les salariés,
il est difficile de mettre en cause la responsabilité de l'employeur
à la suite du non respect du préavis de grève (motif le
plus souvent invoqué à l'appui d'un recours en la
matière).
L'absence de sanctions à l'égard des
salariés coupables d'actes illicites ne paraît pas de nature
à modifier ce point de vue pour deux raisons, d'une part en raison du
principe de la séparation des pouvoirs, il n'appartient pas au juge
judiciaire d'apprécier l'opportunité de l'action des
autorités administratives, d'autre part, les sanctions ne pourraient
intervenir qu'après un certain délai pour respecter les droits de
la défense dont bénéficient les salariés,
c'est-à-dire que les mesures disciplinaires n'auraient en pratique
d'effet sur la réalisation du préjudice.
Le préjudice subi par les entreprises de manutention
serait peut-être moins important dans la mesure où la plupart des
dockers sont mensualisés, et que, quel que soit l'importance de
l'activité, les intéressés doivent être
rémunérés.
Sauf peut-être si le mouvement social n'affecte que
l'activité d'une seule entreprise dans le port, et non celle de ses
concurrents, il paraît exclu d'admettre une indemnisation des usagers sur
le fondement de la rupture d'égalité des entreprises de
manutention devant le service public.
En revanche, sur le fondement du droit public, les armateurs
qui ne sont pas placés137(*) dans une situation contractuelle à
l'égard de l'autorité portuaire seraient susceptibles
d'êtres indemnisés138(*) en cas d'immobilisation prolongée de leurs
navires en raison d'une grève du personnel chargé de
l'exploitation de l'outillage public portuaire, dès l'instant qu'ils
établissent avoir subi un préjudice à la fois anormal et
spécial.
De manière générique pour mettre en jeu
la responsabilité contractuelle des ports, la jurisprudence
administrative exige la faute lourde.
Parmi les fautes qui peuvent être reprochées
à l'administration par ses cocontractants, est souvent invoqué
à l'appui de leur demande l'absence d'utilisation des pouvoirs dont elle
dispose pour faire cesser le trouble lorsque celui-ci est manifestement
illicite.
Ainsi en dehors de toute disposition législative
encadrant le droit de grève il appartient à l'autorité
administrative d'arrêter les dispositions nécessaires pour que
l'exercice de ce droit n'entraîne pas de conséquences contraires
aux exigences de l'ordre public.
Par ailleurs, des fautes peuvent résulter de l'attitude
adoptée vis à vis des agents grévistes, avec les
précautions qu'impliquent les particularités de chaque cas. Il
est ainsi possible de penser qu'une négligence
caractérisée et injustifiée à engager des
négociations avec le personnel en grève serait constitutive d'une
faute lourde susceptible d'engager la responsabilité de
l'autorité portuaire139(*).
De même, bien que le port soit chargé
légalement de la police et de la conservation du domaine public maritime
et de veiller notamment à l'utilisation normale des installations
portuaires, toute négligence de saisir le juge des
référés pour demander à celui-ci d'ordonner
l'expulsion des occupants illégaux du domaine public comme le barrage de
marins pêcheurs à la passe des ports, est constitutif d'une faute
lourde engageant sa responsabilité.
Dès lors que le concours de l'autorité
chargée de la police générale ait été
sollicité, on doit admettre que la notion de faute lourde doit
être écartée à l'encontre du port.
Par ailleurs le port peut voir engager sa
responsabilité contractuelle sur le fondement de la
responsabilité sans faute, alors dans ce cas, elle se limite au seul cas
de fait du prince.
Le fait du prince est la mesure prise par la personne publique
contractante, non sur la base du contrat mais en vertu de ses pouvoirs
généraux extracontractuels, d'une certaine manière il peut
s'apparenter à une mesure exorbitante du droit commun.
Sans que ce soit son but, une telle mesure peut aggraver les
conditions d'exécution du contrat.
Le cocontractant de l'établissement public portuaire
peut alors prétendre à une indemnisation pour les dommages
rencontrés du fait de cette décision, et ce, à trois
conditions :
- il faut que la mesure émane de la personne publique
contractante,
- la mesure doit être spéciale et placer ce
contractant dans une situation particulière,
- ou bien cette mesure peut être générale
mais elle doit avoir une répercussion directe sur l'un des
éléments essentiels du contrat.
Mais encore faut-il que l'autorité portuaire soit
investie de certains pouvoirs pour enrayer ou atténuer les
différentes grèves et paralysie dont ses installations sont
victimes.
Paragraphe 2 : Les pouvoirs de police sur le domaine
portuaire.
Dans un port de commerce, quelque soit son régime
juridique, deux types de police coexistent ; d'une part, la police de la
conservation et de l'exploitation, d'autre part, la police
générale.
Il y a donc complémentarité entre les deux
polices avec certaines limites d'intervention des différentes
autorités.
Une fois cette mission accomplie, existe t-il un recours
contre les fauteurs de trouble ?
Ø De la police spéciale de la conservation
et de l'exploitation des ports et du concours de la police
générale.
Le cadre de cette police spéciale est fixé dans
le Code de la Marine Marchande. La police de la conservation du domaine
portuaire a pour mission de protéger l'intégrité
matérielle du domaine public et d'en assurer un usage conforme à
sa destination.
Or, la notion de police spéciale recouvre
essentiellement les règles relatives aux mouvements des navires, au
stockage des marchandises sur les quais et terre-plein, à la
conservation des ouvrages et des outillages publics.
Les infractions à cette police spéciale sont
sanctionnées par des contraventions de grande voirie, lesquelles sont
prononcées par le juge administratif.
Le Code désigne les agents susceptibles de constater
les infractions à la police de la conservation et de l'exploitation des
ports. Il s'agit principalement des directeurs des ports, des officiers et
surveillants des ports.
En revanche, même si ses autorités disposent de
moyen d'action telle que la contravention de grande voirie, la police
spéciale ne saurait régir l'ensemble de la vie portuaire, elle
vient compléter la police générale.
L'institution d'une police spéciale n'entraîne
pas obligatoirement le dessaisissement des autorités de police
générale, les deux sont complémentaires.
Dans ce cas, le directeur du port a le pouvoir de
requérir la force publique afin de libérer et c'est souvent les
cas, l'accès des ports. Il transmettra alors le cas
échéant au préfet les procès verbaux de
contravention dressés par les agents du port pour justifier sa
demande.
En outre le maire peut intervenir par le biais de ses
pouvoirs de police générale afin de renforcer l'ordre et la
sécurité des ports maritimes140(*).
Paragraphe 3 : Recours contre les fauteurs de
trouble.
Dans l'hypothèse d'une paralysie de ses accès,
le port est victime au même titre que tout usager. Outre la suspicion
à l'égard de sa fiabilité commerciale, le port subit des
pertes financières importantes au titre des droits de port et des
redevances de l'outillage public.
En qualité de gestionnaire d'un établissement
à caractère public et commercial dont le fonctionnement est
entravé par des manifestants, le port doit pouvoir prétendre
à une indemnisation contre les fauteurs de troubles.
A. Le recours contre les grévistes.
Les revendications actuelles des marins et manutentionnaires
grévistes sont accompagnées d'actions virulentes de plus en plus
virulentes.
La Cour de cassation considère, pour sa part, que
«les dommages causés par des actes fautifs d'infractions
pénales ou de faits manifestement insusceptibles de se rattacher
à l'exercice du droit de grève»141(*) peuvent donner lieu à
réparation de leurs auteurs.
Bien entendu, la police spéciale permet de
réprimer les atteintes à l'exploitation du domaine, mais seule la
réparation des dommages matériels peut intervenir dans le cadre
de la contravention de grande voirie142(*).
Le juge refuse d'étendre le bénéfice de
cette procédure à l'indemnisation du préjudice commercial,
résultant d'une mise hors service d'un ouvrage portuaire
endommagé par les grévistes.
En pratique, les ports ont donc intérêt à
utiliser la procédure de contravention de grande voirie, et à
exercer, le cas échéant, une action en indemnité devant le
juge judiciaire pour la réparation de leur préjudice
commercial.
De même, l'occupation des lieux de travail par un
syndicat révèle un usage abusif du droit de grève,
susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire.
B. Recours contre les syndicats.
Le point délicat reste celui de la
responsabilité des syndicats à la suite de faits dommageables
résultant des conflits de travail.
Naturellement, le syndicat est étranger au contrat de
travail et sa responsabilité sera engagée alors sur un plan
extracontractuel, le plus souvent sur le fondement de l'article 1382 du code
civil.
Pour que le syndicat puisse endosser une
responsabilité, il est nécessaire d'une part qu'il ait commis une
faute, ce qui suppose que les faits dommageables soient fautifs, d'autre part
qu'ils soient imputables au syndicat.
En revanche, la jurisprudence retient la responsabilité
pour faute contractuelle dans les cas de violation de convention collective.
C. Recours contre l'État du fait de la non
intervention des forces de l'ordre.
Dans l'hypothèse d'une paralysie de ses accès,
le port est victime au même titre que tout usager, or en sa
qualité de gestionnaire d'un service public, le port peut-il
prétendre à une indemnisation ?
Comme il a été dit précédemment,
l'autorité portuaire peut prétendre à réparation du
préjudice qu'elle a subi du fait d'autrui. Cela résulte en
particulier de l'article 1382 du code civil.
En règle générale, l'indemnisation doit
être totale, le préjudice doit être anormal et
spécial.
L'anormalité dépend de la durée de
l'immobilisation des ouvrages par les grévistes, quant à la
spécialité, elle a trait au nombre de victimes de cette situation
pour une même catégorie de personnes concernées.
En définitive, l'autorité portuaire se trouve
confrontée à des aléas sociaux importants et le facteur
humain est un élément prépondérant à prendre
en considération pour gérer un port de commerce.
Or, lorsque les négociations et les pouvoirs de police
spéciale sont inefficaces face à ces troubles, il est normal
qu'en cas de résistance, et étant dans l'impossibilité
d'assurer le bon fonctionnement de ses installations, l'autorité
portuaire sollicite le concours des forces de l'ordre pour assurer aux usagers
du domaine public portuaire une utilisation conforme à sa destination et
ce, dans l'intérêt de tous.
Mais, il arrive parfois, lorsque l'autorité
étatique est saisie pour mettre fin aux troubles, que cette
dernière reste inefficace et reste partagée quant à la
solution des conflits. En effet, elle est face à deux exigences
constitutionnelles, assurer la liberté du travail, du commerce et de
l'industrie et ne pas heurter le droit de grève.
SECTION II : LES RESPONSABILITES DE L'ETAT.
Légitimes ou non, les revendications actuelles des
grévistes sont accompagnées d'actions de forces marquées
par le recours quasi-systématique aux prises d'otage des installations
portuaires, qui n'en sont pas moins des atteintes fondamentales aux
libertés énoncées précédemment.
Le blocage des ports constitue un trouble sans
équivoque à l'ordre public, que l'administration a le pouvoir,
les moyens et le devoir de combattre, en vue de garantir à chacun le
respect par tous des lois et règlements.
Dès lors, les usagers du port, qui sont touchés
dans leur activité professionnelle par la non intervention ou
l'intervention insuffisante de l'administration, peuvent tentés de
démontrer la carence fautive des pouvoirs publics pour obtenir
réparation des dommages subis, résultant du blocus de
l'activité portuaire : immobilisation de navires, droits de port
supplémentaires, pertes d'exploitation, retards dans l'acheminement des
marchandises...
Lesdits usagers sont donc fondés à
réclamer, devant les tribunaux administratifs, la condamnation de l'Etat
à réparer le préjudice, résultant de la carence de
l'administration à prendre des mesures appropriées pour faire
lever le blocus.
Paragraphe 1: De la responsabilité pour faute
lourde.
Le fondement principal de la responsabilité est, en
droit administratif comme en droit civil, la faute de celui à qui est
imputé le dommage. Cette faute, en ce qui concerne la puissance
publique, peut apparaître dans deux cas.
D'une part, dans l'exercice de son pouvoir de prendre des
décisions exécutoires, d'autre part, dans l'accomplissement de
ses missions de service public.
Dans le premier cas, la qualification de la faute est
attachée à l'illégalité des décisions de
l'autorité publique, dans le second cas, la faute réside plus
généralement dans la défaillance du service public, et
consiste en des faits ou agissements dont il appartient en principe au
demandeur d'apporter la preuve.
Paragraphe 2 : Responsabilité de l'Etat
à l'égard des usagers du domaine public maritime.
Il y a deux obligations qui pèsent sur les
autorités chargées de la police, tout d'abord elles doivent
veiller à l'application des réglementations et ensuite elles
doivent prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à
une situation dangereuse pour la sécurité ou pour assurer l'ordre
public.
A. Refus des autorités publiques de prendre des
mesures nécessaires pour le maintien de l'ordre public.
Les autorités de l'Etat, chargées de
l'exploitation et de la police des ports maritimes sont tenues en principe
d'exercer les pouvoirs qu'elles tiennent de la législation, pour assurer
aux usagers du domaine public portuaire une utilisation normale et conforme
à sa destination.
En n'intervenant pas ou en assurant une intervention
insuffisante contre les grévistes, l'autorité encourt une
responsabilité à l'égard des usagers du domaine public
maritime, victimes de la carence administrative à faire cesser le
trouble.
L'Etat est tenu d'intervenir, dégageant la
responsabilité du port, dès lors que celui-ci ne peut
manifestement pas lever le blocus par ses pouvoirs de police spéciale
Quant aux actions et inactions de l'administration, la
responsabilité de cette dernière est subordonnée à
une faute lourde. Le juge reconnaît à l'administration une marge
de réflexion et de prudence, liée aux nécessités de
l'ordre public143(*).
Il arrive que la faute lourde de l'administration soit
retenue, lorsque les autorités chargées du maintien de l'ordre
public sont informées d'un conflit social, localisé et qu'elles
s'abstiennent de prendre des dispositions pour s'opposer à la formation
de barrages, alors qu'aucun risque sérieux de troubles graves n'existe,
la faute lourde est alors constituée au vue de la
prévisibilité de l'événement144(*).
En revanche, il a été jugé qu'à la
suite d'un blocage du port de Marseille par les dockers, le préfet des
Bouches du Rhône, en s'abstenant d'utiliser la force publique pour
permettre et faciliter l'accostage et le déchargement des navires, et
compte tenu des risques de troubles sérieux qu'aurait pu entraîner
une telle décision, n'a pas commis de faute lourde de nature à
engager la responsabilité de l'Etat145(*).
Ainsi le juge administratif se livre à une analyse
in concreto et prend largement en considération l'ampleur et
les risques sérieux ou non des différents conflits sociaux.
Dès lors, la responsabilité de la puissance
publique pour inaction de la police ne peut être engagée
principalement que sur le terrain de la faute lourde, car les autorités
étatiques ont le devoir d'intervenir, lorsque les mesures de
prévention et de dispersion, requises par la situation seraient la cause
de troubles graves de la part des contestataires.
Par ailleurs, l'administration peut être poursuivie pour
une insuffisance d'intervention à enrayer le conflit social. Il y a deux
obligations qui pèsent sur les autorités chargées de la
police de l'ordre public, elles doivent veiller au respect de la
réglementation tout en prenant les mesures appropriées pour
préserver le droit d'accès au port, sous peine de voir engager
leur responsabilité pour faute lourde (carence des services de police).
L'obligation qui pèse sur lesdites autorités entraîne une
obligation de résultat, mais il paraît généralement
bien difficile de l'imposer à une autorité publique, ce qui
conduirait à la considérer comme fautive chaque fois que son
action a été inefficace. Plus que jamais, l'exigence d'une faute
lourde répond au souci d'assurer à un service dont les
tâches sont difficiles, une marge de manoeuvre suffisante. Mais cette
exigence est considérée non pas en fonction de critères
théoriques (nature de l'action ou nature du service) mais en fonction de
difficultés réelles que le service a rencontrées et que le
juge a reconnues.
La mise en oeuvre de la responsabilité pour faute
lourde doit nécessairement tenir compte du délai dont dispose
l'administration avant de se trouver dans l'obligation d'agir. Les pouvoirs
publics ont ainsi reconnu que si au delà d'un court délai de
réflexion, ils n'avaient pas fait cesser le blocus par le recours
à la force publique, l'Etat encourrait une responsabilité pour sa
carence, au regard du préjudice dont les usagers du service pouvaient
justifier
Mais en règle générale, ce n'est pas
l'importance des pertes financières qui définit ce
critère, c'est la durée du « délai de
réflexion » de l'autorité administrative qui est prise
en compte.
Ce délai est fixé par le Conseil d'Etat à
quinze jours pour disperser un barrage formé par des manifestants sur
des voies navigables146(*).
Pour les armateurs victimes de «prise d'otage», le
Conseil d'Etat a considéré, en son arrêt du 11 mai 1984
susmentionné, que l'événement dont la
Société Delmas a été la victime (immobilisation du
navire La Rochelle dans une forme de radoub par les
ouvriers en grève de l'entreprise de réparation pendant cinquante
deux jours) était excessive mais que la responsabilité de
l'autorité chargée de la police générale ne devait
être engagée qu'au delà des deux premières semaines
d'immobilisation.
B. Du refus d'exécution des décisions
judiciaires.
En ce qui concerne le refus de prêter main forte
à l'exécution de décision de justice (ordonnant
l'expulsion de grévistes), ce refus d'intervention constitue une faute
lourde dès lors qu'il (le refus opposé par la police)
n'apparaît pas justifié par des considérations
tirées des nécessités du maintien de l'ordre public et
qu'il se poursuit au delà du délai normal que la jurisprudence
accorde pour agir147(*).
Lorsque ce refus est justifié par des
considérations tirées des nécessités du maintien de
l'ordre public, une réparation peut être obtenue sur le terrain de
la responsabilité sans faute.
Mais, dans l'hypothèse où le refus est
injustifié, la faute lourde est la condition nécessaire pour
engager la responsabilité de la puissance publique.
Dès lors, la mise en oeuvre de la responsabilité
pour faute lourde doit nécessairement tenir compte du délai, dont
dispose l'administration avant d'être dans l'obligation d'agir.
Dès que l'exécution de la décision est possible et en
prenant des précautions pour éviter tout incident public pendant
ce délai, l'abstention administrative n'est pas fautive. Au-delà,
elle le devient, autrement dit, la demande du concours de la force publique ne
prend effet qu'à compter du jour où l'ordonnance du juge devient
exécutoire148(*).
Paragraphe 3: Responsabilité du fait des
attroupements.
Les victimes des mouvements sociaux portuaires ont
également entrepris de rechercher outre la responsabilité de
l'Etat, la responsabilité des communes du fait des dégâts
et dommages causés par les attroupements ou rassemblements.
Ainsi, l'Etat est substitué aux communes, comme
collectivités territoriales responsables : «des
dégâts et dommages résultant des crimes et délits
commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou des
rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes,
soit contre les biens».
La compétence juridictionnelle des actions en
responsabilité a été transférée des
juridictions de l'ordre judiciaire à celle de l'ordre administratif. Il
appartient au juge administratif d'apprécier le champ d'application de
la responsabilité publique.
Cependant, deux observations s'imposent : d'une part,
dès 1982 le tribunal des conflits a fait prévaloir que la
spécificité de la responsabilité du fait des attroupements
ou des rassemblements, excluait le préjudice de nature commerciale,
à titre de réparation149(*).
Ensuite, la responsabilité de l'Etat n'est pas une
responsabilité du fait d'autrui et n'a pas automatiquement la même
étendue que celle des auteurs du dommage.
Mais en pratique, cette responsabilité
substituée à celles des communes, reste endossée par
l'Etat.
Ces dispositions ne sont applicables qu'à des
conditions où les faits dommageables doivent être commis par des
attroupements ou rassemblements armés ou non, qui ont compromis la
tranquillité publique par des actes de violence réelle ou
virtuelle, pouvant être considérés comme des crimes ou
délits.
A. Nécessité d'un état de violence
ou à force ouverte.
Les crimes ou délits doivent revêtir les
caractères susmentionnés pour que les victimes puissent
prétendre à une indemnisation de l'Etat.
Ainsi, un groupe de grévistes constitue bien un
attroupement et il importe peu que ce dernier se soit formé dans un
lieu public ou privé et il n'est pas nécessaire qu'il
présente un caractère anonyme.
Le seul fait de l'occupation des lieux de travail constitue un
état de force ouverte, et il n'est donc pas nécessaire qu'il y
ait résistance caractérisant l'état de violence. La
condition de violence s'appliquant au crime ou délit qui est à
l'origine du dommage et non au rassemblement lui- même.
En pratique, le recours à ces notions permet
d'indemniser les dommages causés par ces rassemblements, sans prendre en
compte l'attitude des forces de l'ordre ; peu importe qu'elles aient
été absentes ou insuffisantes car l'idée de «force
ouverte» suppose l'absence de résistance à la violence. La
violence est le plus souvent révélée par des actes de
manifestation, c'est à dire par les dommages qu'elle est susceptible de
causer.
Actuellement, le but du rassemblement n'est jamais pris en
considération par le juge ; ni même les circonstances
déterminants la violence.
La condition relative à la violence s'applique donc
à l'infraction mais pas à la manifestation en elle-même.
B. Nécessité de crimes ou délits
à l'origine du dommage.
La responsabilité du fait des attroupements ne peut
s'appliquer que si le dommage résulte de faits qualifiés de
crimes ou délits par la loi pénale150(*). Dans tous les cas, le juge
est lié par une interprétation restrictive de la loi
pénale.
En outre, l'attroupement lui-même constitue un
délit réprimé par les articles 104 et suivants du Code
Pénal ivoirien. Ainsi, le seul fait d'occuper les lieux de travail
constitue un délit réprimé, d'entrave à la
liberté du travail.
Cependant, la loi précise que le crime ou le
délit doit «être à l'origine» du dommage
causé. Un lien direct est donc exigé entre le comportement des
manifestants et le dommage causé.
Section 3 : De la responsabilité sans
faute de l'Etat.
Dans bien des situations, l'exigence d'une faute lourde assure
une certaine immunité aux services de police. Or, devant l'accroissement
des risques encourus par les acteurs portuaires, il a paru souhaitable
d'apporter un correctif au principe de la responsabilité pour faute.
Mais compte tenu des difficultés inhérentes et
récurrentes du fonctionnement du service public portuaire, ce correctif
ne peut être qu'exceptionnel.
Aussi, le système de responsabilité, exclusif de
toute idée de faute, a t-il un domaine d'application limité et
obéit de surcroît à des conditions spéciales de mise
en oeuvre, fondé sur la rupture d'égalité devant les
charges publiques.
De manière plus instinctive, la distinction entre
décision et agissement n'a pas d'intérêt en matière
de responsabilité sans faute, comme en témoignent, par exemple,
les solutions quasi identiques données par la jurisprudence lorsqu'un
navire est empêché d'appareiller ou d'accoster dans un port, qu'il
y ait à l'origine de cet empêchement un arrêté de
police, un refus de prêter le concours de la force publique à
l'exécution d'une ordonnance de référé, ou tout
simplement l'abstention de l'usage de cette même force publique pour
faire cesser l'occupation illégale du domaine public portuaire par les
manifestants.
Le contentieux de la responsabilité sans faute de la
puissance publique, à raison de la non intervention des forces de
l'ordre, est né de l'occupation des biens privés ou publics par
des ouvriers et nomades, et de l'inexécution des décisions
judiciaires d'expulsion.
Quand la puissance publique n'a commis aucune faute lourde, en
refusant d'utiliser les forces de police, il peut être utile
d'étendre la responsabilité sans faute, fondée sur la
rupture d'égalité devant les charges publiques.
En ce qui concerne les conséquences dommageables des
occupations illégales du domaine public portuaire, le préjudice
subi par l'utilisateur normal dudit domaine doit être anormal et
spécial.
Paragraphe 1 : Responsabilité fondée sur
la rupture d'égalité devant les charges publiques.
Les juges ont compris que la rigueur des principes doit
pouvoir s'effacer devant les moeurs. En effet, de nos jours, les contestataires
n'éprouvent plus guère de respect pour la loi et l'ordre public.
On a donc valorisé l'appréciation
discrétionnaire de l'administration au regard des
nécessités de l'ordre public et reconnu la responsabilité
sans faute de l'Etat.
Cette voie avait déjà été
tracée par deux célèbres arrêts du Conseil
d'Etat151(*). La
solution adoptée par ce dernier dans ces arrêts est sûrement
satisfaisante sur le plan de l'équité, mais sur le plan
juridique, la doctrine l'avait accueillie avec réserve.
Le recours au principe de la rupture d'égalité
devant les charges publiques présente un caractère exceptionnel,
il suppose notamment, en cas de refus de l'administration, qu'un
intérêt général justifie la charge anormale
imposée à la personne victime, et que l'abstention des mesures
présente elle-même un caractère suffisamment choquant.
Ainsi, la responsabilité sans faute reste
limitée à deux hypothèses, soit elle est admise pour
inactions justifiées de la police, soit pour utilisation d'armes et
engins présentant des risques exceptionnels.
A. Carence non fautive de l'administration.
Les victimes de cette carence peuvent être
indemnisées sur le terrain du risque, suite aux dommages que leur cause
le refus de l'administration d'appliquer les réglementations en vigueur
ou le concours de la force publique, lorsque ce refus est motivé par des
raisons tirées de l'ordre public.
- Lorsque le refus opposé par la police, à la
demande de son concours est justifié par des considérations
tirées des nécessités de maintien de l'ordre public. La
victime nantie de la décision judiciaire qui ne peut être ainsi
exécutée faute de l'appui de la force publique, peut obtenir une
indemnité compensatrice du dommage que la victime subit sur le fondement
de la responsabilité sans faute152(*).
L'arrêt Couitéas rendu par le Conseil d'Etat, le
30 novembre 1923, pose explicitement deux principes :
-En premier lieu, sur le plan de la légalité, le
Conseil d'Etat affirme que c'est un devoir pour les autorités
d'apprécier les conditions d'exécution des décisions de
justice, et qu `elles ont le droit de refuser le concours de la force
publique si elles estiment que l'exécution par la force
entraînerait un danger exceptionnel pour l'ordre et la
sécurité (par exemple une manifestation tournant en
émeute).
-En second lieu, sur le plan de la responsabilité, le
conseil d'Etat pose comme règle que le préjudice qui peut
résulter d'un refus légal ne peut, s'il excède une
certaine durée, être regardé comme une charge incombant
normalement à l'intéressé, et que ce dernier doit
être indemnisé.
Par ailleurs, depuis il est de jurisprudence constante que la
carence prolongée de l'administration à fournir le concours de la
force publique, alors même qu'elle n'aurait pas revêtue un
caractère fautif, est de nature à engager la
responsabilité de la puissance publique.
Il peut arriver également que l'administration ne
puisse empêcher des entraves à l'utilisation normale du domaine
public ; les parties du domaine affectées à l'usage du
public en général ou d'un public spécialisé doivent
être normalement accessibles à leurs utilisateurs.
Il appartient à l'administration de rétablir cet
accès lorsqu'il est entravé ou gêné par des
occupations illégales, notamment par des manifestations collectives
telles que des grèves avec occupations ou barrages.
Dans ces hypothèses, les autorités responsables
doivent tenir compte des nécessités de l'ordre public et ne pas
utiliser les forces de l'ordre à n'importe quel moment ; ainsi un
tel recours à la force publique est conditionné à une
atteinte particulièrement grave au domaine public portuaire ou à
son utilisation.
- En dehors de toute décision judiciaire, la police
peut légitimement, eu égard toujours aux nécessités
de l'ordre public, refuser son concours.
La victime de cette abstention est alors privée de
toute action en responsabilité sur le fondement de la faute lourde. Dans
cette hypothèse d'inaction non fautive des services de police, la
jurisprudence offre aux victimes une action fondée sur le principe de
l'égalité des citoyens devant les charges publiques.
Ainsi, la responsabilité sans faute, résultant
de la carence justifiée des forces de l'ordre, est illustrée par
une jurisprudence relative à des refus de briser des barrages sur des
voies navigables ou sur le domaine public maritime153(*).
Si, au contraire, les débordements et excès
susceptibles d'être provoqués par les grévistes en
colère, ainsi que leur écho multiplié par l'émotion
populaire, sont plus à redouter que le dommage financier
résultant d'une abstention délibérée de
l'autorité étatique, il est alors déclaré que
l'obligation d'intervention de celle-ci trouve sa limite dans la
nécessité de l'ordre, devant les charges publiques.
Comme on a pu le constater précédemment, le non
recours à la force publique n'engage la responsabilité de l'Etat,
en l'absence de faute, que si cette abstention excède une certaine
durée et que la prétendue victime a réellement subi un
préjudice.
Dès lors, en face d'une demande d'indemnité
fondée sur un refus de concours de la force publique, le juge doit
d'abord rechercher si ce refus était légal, c'est-à-dire
si l'exécution immédiate par la force aurait été de
nature à provoquer un trouble sérieux pour l'ordre public.
Si le refus de concours est justifié légalement
par des considérations d'ordre public et n'est pas entaché
d'aucune autre cause d'illégalité, alors la responsabilité
sans faute de l'Etat peut être appréciée.
B. Responsabilité de l'Etat du fait de
l'intervention de la force publique.
Il arrive parfois que la force publique intervienne pour
mettre fin aux occupations irrégulières des manifestants et
libérer le plus souvent les voies navigables ou les postes à quai
occupés par les grévistes.
Mais cela n'est pas facile, car il arrive que
l'autorité de police rencontre dans l'accomplissement de ses missions
une forte résistance de la part des grévistes, ce qui oblige ces
autorités d'utiliser la force, ce recours à la violence
représente a priori un risque exceptionnel, mais tout de même
relativement courant au vu de la virulence de certains manifestants.
Il était, dès lors, logique de concevoir un
régime de responsabilité où la victime aurait à
apporter la preuve d'une faute lourde. Mais la juridiction administrative prend
en considération la situation des victimes accidentelles d'actes de
violence commis par les forces de l'ordre.
Cette considération, ralliée au fait que
l'administré rencontre souvent des difficultés pour prouver une
faute, a conduit le Conseil d'Etat à appliquer en ce domaine la
théorie du risque, en admettant que, lorsque le dommage provient de
l'usage par la police d'armes et engins comportant des risques exceptionnels
pour les personnes et pour les biens, la responsabilité de la puissance
publique peut être engagée même sans faute.
Cette constatation de la responsabilité sans faute ne
bénéficiait qu'à une catégorie de victimes, les
tiers. Autrement dit, les personnes étrangères à
l'opération qui a occasionné l'accident.
Les simples passants peuvent ainsi être
indemnisés, mais en matière de conflit social portuaire, la
plupart des manifestations ayant lieu dans l'enceinte du port, peu de personnes
tierces au conflit peuvent pénétrer dans le
périmètre où se déroule les manifestations.
Les autres victimes doivent, pour pouvoir être
indemnisées, établir l'existence d'une faute à l'encontre
du service public. Mais ici, le Conseil d'Etat n'exige pas la preuve d'une
faute lourde, une simple faute suffit. Par ailleurs, il faut souligner que les
dommages causés par l'emploi de grenades lacrymogènes au cours
des manifestations, relèvent de la compétence des tribunaux
judiciaires, faisant application de la responsabilité sans faute.
Paragraphe 2 : Condition de mise en oeuvre de la
responsabilité.
La responsabilité sans faute est automatique dans son
déclenchement. Il apparaît alors qu'elle n'est pas
conditionnée par l'existence d'une faute.
Ses limites se situent au niveau du préjudice
allégué, résultant de la grève, et qui doit
être spécial et anormal, c'est-à-dire selon la terminologie
consacrée, s'il constitue une charge « ne devant pas incomber
normalement à l'intéressé ».
L'anormalité se rapporte, en général,
à la durée du trouble causé et à la période
au cours de laquelle l'autorité chargée de la police
intervient ; tandis que la spécialité comporte
l'appréciation de la situation de la victime par rapport à
l'ensemble des personnes concernées par la non intervention des forces
de l'ordre154(*).
Dès lors, il convient d'étudier successivement
les deux conditions de cette responsabilité sans faute.
A. De l'anormalité du préjudice.
Sont considérés comme dommages anormaux, les
préjudices corporels graves, les préjudices matériels
d'une ampleur exceptionnelle ou tous les préjudices matériels
excédant une certaine durée. En général, il s'agit
de celui qui excède la « norme », la moyenne des
gênes de toute vie sociale. Dans le cadre de la responsabilité
sans faute ici étudiée, à raison des choses ou des
méthodes dangereuses, les victimes invoquent le plus souvent des
préjudices d'ordre corporel.
Encore faut-il préciser que, pour les refus
d'intervention décidés par les autorités administratives,
les juges administratifs accordent une importance décisive à la
durée de l'inaction qui est reprochée aux autorités ou aux
forces de police : le seuil est atteint au delà de deux semaines
pour les grèves avec occupation du lieu du travail et au delà de
quarante huit heures pour les blocus des ports.
Certes, ce n'est pas l'importance des sommes en jeu qui
définit ce critère à propos de la non intervention des
forces de l'ordre, c'est la durée du «délai de
réflexion» de l'autorité administrative qui est prise en
compte.
Ainsi, ce n'est qu'après l'absence d'intervention de la
force publique et après un délai de quinze jours, que sera
considéré comme anormal le dommage résultant d'un barrage
formé par des manifestants sur une installation portuaire155(*).
En revanche, en ce qui concerne un barrage des accès
d'un port par des navires de pêche, le seuil d'indemnisation dû
à la non intervention de la force publique a été
fixé à vingt quatre heures156(*) et ce, notamment dans le cas où le port
visé est une place portuaire où le trafic de passagers est dense.
Les marchandises, quant à elles, n'ont pas « d'états
d `âme ».
Ainsi, en toute logique, cela signifie qu'une immobilisation
d'une durée inférieure à ces seuils ne sera pas
indemnisée, et qu'un blocage plus long ne le sera que pour le
période excédant ce seuil.
B. De la spécialité du
préjudice.
Le dommage spécial est une notion plus qualitative que
quantitative. Le nombre des victimes potentielles qui seraient susceptibles
d'obtenir réparation n'est pas déterminant ; pour le juge
administratif, le critère essentiel est plutôt l'appartenance de
la victime à un groupe facilement identifiable.
De même, seront considérés comme
préjudices spéciaux, les dommages qui affectent soit des
individus isolés, soit une entreprise, ou bien des victimes appartenant
à de groupes peu nombreux et nettement individualisés de sorte
qu'ils se soient trouvés en quelque sorte des victimes
privilégiées de l'inaction publique.
Les décisions de juin 1984157(*)montrent qu'il y souvent un
lien entre spécialité et gravité ; en l'occurrence le
préjudice est spécial parce qu'il est grave. Plus
précisément, c'est la gravité particulière du
préjudice subi qui permet d'isoler un groupe restreint et
homogène indemnisable au sein de la masse des personnes plus ou moins
lésées.
CONCLUSION
La grève est devenue une constante de nos
sociétés contemporaines, l'aléa social est une
réalité bien définie et prise en compte par les acteurs du
transport maritime.
Ces derniers doivent faire face à de telles
perturbations qui pour la plupart du temps apparaissent comme brusques et
génératrices de pertes financières et autres
préjudices.
Les ports, armateurs et autres auxiliaires du transport
doivent se concerter pour éviter une paralysie sociale, la concertation
doit apparaître comme un préalable à tout
déclenchement d'un conflit social et ce, afin d'assurer un service
minimum en temps de grève pour la pérennité des
activités portuaires.
Le port y trouvera son compte et ne sera pas
délaissé par les transporteurs au profit d'un autre ; les
auxiliaires du transport maritime et, notamment les manutentionnaires
« redoreront leur blason » souvent terni par des conflits
sociaux internes, les armateurs, en favorisant une certaine harmonie sociale,
placeront une confiance dans les ports touchés et permettront,
espérons le, un regain de fiabilité à nos
différents ports
.
Les ports, principales victimes des mouvements sociaux, sont
devenus des « entreprises ».
A heure où l'on évoque le développement
du partenariat entre les autorités portuaires et les investisseurs
privés, il est important de prendre en compte ces sujétions
sociales. Les directeurs des ports doivent être des personnes
avisées et encourageant le dialogue social afin de prévenir
d'éventuels conflits. En effet, il ne faut plus voir aujourd'hui les
ports comme des services administratifs de l'Etat, mais comme des pôles
de développement économique indispensables pour le pays, et ce,
dans un contexte concurrentiel international très rude.
Les différents acteurs du transport maritime doivent
intégrer ces paramètres afin de faire prospérer
l'activité maritime dans l'hexagone et relancer la marine marchande
ivoirienne, trop souvent discréditée par ces incertitudes
sociales, et son manque d'adaptation aux exigences du commerce maritime
international.
Cependant, il est vrai que le droit de grève est
confronté à la liberté du commerce et de l'industrie, ces
deux paramètres constitutionnellement reconnus sont antinomiques et il
est délicat comme nous avons pu le constater dans les
développements précédents de trouver un juste
équilibre entre ces considérations ; cela, M. Paniol,
dès 1894, l'avait bien compris en constatant que la
« grève est un droit contraire au droit ».
Mais comme a pu l'écrire M. Simon «le droit
accomplit l `une de ses missions les plus nobles lorsque par sa
fermeté il contribue à créer un climat de paix sociale et
de civilisation nécessaire aux activités
portuaires »158(*).
BIBLIOGRAPHIE
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Car Carriers, v. Swedish Seamens's Union).
DMF 1994, p. 665, obs. P. Bonassies.
DMF 1994, Cass. Com, 2 février 1993, Total France/Les
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note Y. Tassel.
Cass. 22 février 1994, DMF 1995 p. 141.
Cass. Civ 1ère 11 juin 1996, DMF 1996, p.
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DMF 1998, p. 859, obs. P. Bonassies.
Dalloz
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Cass. Soc. 19 octobre 1959, D 1960-37.
D. 1951,p. 717 et D. 1959,p. 281.
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Cass. Civ 1ère, 19 novembre 1985, D.
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Cass. Civ. 1ère 6 octobre 1993, JCP 1993 -
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Autres : Journal de la marine marchande, Droit
ouvrier, Revue de droit Européen des transports...
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Trib. Com. Marseille, 22 mars 2002, Rôle
n°1999FO3714.
WEBOGRAPHIE :
www.arbitrage-maritime.org,
Chambre arbitrale maritime de Paris.
http:/tetley.law.mcgill.ca, site du Professeur William
Tetley.
www.cnt.fr, Conseil national des
transports.
www.bimco.dk, Baltic and International
Maritime Council.
www.imo.org, Organisation maritime
internationale.
www.skuld.com, P&I club.
TABLE DES MATIERES
DEDICACE..............................................................................................1
REMERCIEMENTS....................................................................................2
SOMMAIRE...........................................................................................3
INTRODUCTION.......................................................................................5
PARTIE I : LA GREVE, L'EXERCICE D'UN DROIT
LEGALEMENT
RECONNU..................................................................................9
CHAPITRE I : RECONNAISSANCE DE LA GREVE PAR LES
POUVOIRS PUBLICS ET LES PARTENAIRES
SOCIAUX............................................................................11
SECTION 1 : LES CONDITIONS LEGALES D'EXERCICE DU
DROIT DE GREVE, DEFINIES PAR LES POUVOIRS
PUBLICS.....................................................11
Paragraphe 1 : La reconnaissance du droit de
grève...............................................12
A. Droit collectif et non droit
syndical..............................................................12
B. Grève dans les services
publics...................................................................13
1/ Continuité nécessaire des services
publics......................................................13
2/ Réglementation du droit de
grève...............................................................13
Paragraphe 2 : Les conditions nécessaires
à l'exercice du droit de grève............14
A. Interruption du
travail..............................................................................14
B. Collective et
concertée.............................................................................15
C. Mobile
professionnel..............................................................................16
D. Les modes alternatifs de règlement des
conflits................................................17
1/ La
conciliation..............................................................................................18
2/
L'arbitrage...........................................................................................18
3/ La
médiation........................................................................................19
SECTION 2 : LES CONDITIONS LEGALES D'EXERCICE DDU
DROIT DE GREVE DEFINIES PAR LES PARTENAIRES
SOCIAUX..............................................20
Paragraphe 1 : L'action des partenaires
sociaux....................................................20
A. Reconnaissance du droit de
grève...............................................................21
B. Conditions d'exercice du droit de
grève........................................................22
Paragraphe 2 : Des acteurs aux objectifs
contradictoires...............................23
CHAPITRE II : LE STATUS DU SALARIE
GREVISTE......................................................24
SECTION 1 : SUSPENSION DU CONTRAT DE
TRAVAIL.................................24
SECTION 2 : GREV ET RUPTURE DU CONTRAT DE
TRAVAIL........................35
Paragraphe 1 : Cas des grèves sur
pavillon
étranger..............................................26
A. L'exercice du droit de grève face au
développement des pavillons de complaisances....27
B. Position du problème : le juge ivoirien face
à l'internationalisation du travail maritime.29
1/ Conflit des
lois.......................................................................................29
2/ Le conflit de
juridictions...........................................................................32
a. la compétence des juridictions
ivoiriennes......................................................32
b. de la juridiction compétente rationae
materiae................................................33
Paragraphe 2 : Cas des grèves
déclenchées par les professions portuaires............35
A. Les
marins...........................................................................................36
1/ La grève chez les
marins...........................................................................36
2/ La grève en
mer.....................................................................................38
B. Les
dockers..........................................................................................39
C. Les entreprises de
remorquage....................................................................42
Paragraphe 3 : Cas des grèves
résultant de l responsabilité civile du salarié
gréviste.......43
A. De la responsabilité pour faute en temps de
grève.............................................45
B. De la responsabilité de l'article 1384 du Code
Civil..........................................47
PARTIE II : LA GREVE, L'EXERCICE
D'UN DROIT GENERATEUR DE
RESPONSABILITE...................................................................50
CHAPITRE I : LES RESPONSABILITES DES ACTEURS
PRIVES ............................51
SECTION 1: DANS LES RAPPORTS GREVISTES ET
EMPLOYEURS...................51
Paragraphe 1 : La grève en tant que cas
de force majeure......................................52
Paragraphe 2 : Appréciations
jurisprudentielles et doctrinales du cas de force majeure dans le contrat
d'affrètement..................................................................................54
A. L'affrètement face au boycott
syndical.........................................................55
B. La grève, cas de force majeure en matière
d'affrètement au voyage : staries
et
surestaries............................................................................................56
SECTION 2 : DANS LES RAPPORTS EMPLOYEURS ET
GREVISTES..................59
Paragraphe 1 : Les clauses de grève et
les limitations de responsabilité.................59
A. Les clauses de grève
1/ dans les contrats de
transport......................................................................60
2/ dans le contrat
d'affrètement......................................................................62
a. le respect des staries
1. L'énumération des
clauses.....................................................................63
2. L'action de
l'affréteur...........................................................................64
b. des clauses relatives à l'obligation du fréteur
de conduire le navire au port indiqué.....66
B. Les limitations de
responsabilité..................................................................67
1/ L'exonération du transporteur par la preuve de
l'existence d'une grève....................68
a. Postions
doctrinales...............................................................................68
b. Les solutions
jurisprudentielles..................................................................69
2/ Le lien de causalité entre la grève er
l'inexécution dommageable...........................71
Paragraphe 2 : Les clauses
d'assurance..................................................................75
CHAPITRE II :
LES RESPONSABILITES DES AUTORITES PORTUAIRES ET DEW AUTORITES
PUBLICS................................................................................77
SECTION 1 : LES RESPONSABILITES DES AUTORITES
PORTUAIRES...............79
Paragraphe 1 : En cas de grève des
agents du port et des autres professions
portuaires..................................................................................................................................79
A. la responsabilité du port en tan
qu'employeur...................................................80
B. la détermination des responsabilités en cas de
mouvements sociaux des personnels des établissements publics
portuaires.....................................................................81
Paragraphe 2 : Les pouvoirs de polices sur le
domaine portuaire.............................84
Paragraphe 3 : Recours contre les fauteurs de
trouble..............................................85
A. Recours contre les
grévistes........................................................................85
B. Recours contre les
syndicats........................................................................85
C. Recours contre l'Etat du fait de la non intervention des
forces de l'ordre...................86
SECTION 2 : LES RESPONSABILITES DE
L'ETAT...........................................87
Paragraphe 1 : De la
responsabilité pour faute
lourde...............................................87
Paragraphe 2 : Responsabilité de
l'Etat à l'égard des usagers du domaine public
Maritime....................................................................................................................................88
A. Refus des autorités publiques de prendre des mesures
nécessaires pour le maintien de l'ordre
public.............................................................................................88
B. Du refus d'exécution des décisions
judiciaires...................................................89
Paragraphe 3 : Responsabilité du fait des
attroupements...........................................90
A. Nécessité d'un état de violence ou
à force ouverte..............................................91
B. Nécessité de crimes ou délits à
l'origine du dommage..........................................92
SECTION 3 : DE LA RESPONSABILITE DE L'ETAT SANS
FAUTE.......................92
Paragraphe 1 : Responsabilité
fondée sur la rupture d'égalité devant les charges
Publiques.................................................................................................................................92
A. Carence non fautive de
l'administration.........................................................93
B. Responsabilité de l'Etat du fait de l'intervention de
la force publique......................95
Paragraphe 2 : Conditions de mise en oeuvre de
la responsabilité...........................96
A. De l'anormalité du
préjudice.....................................................................96
B. De la spécialité du
préjudice......................................................................97
CONCLUSION........................................................................98
BIBLIOGRAPHIE...................................................................100
TABLE DES
MATIERES..........................................................102
* 1 Edmond Maire, Le Monde, 30
octobre 1985
* 2 La Tribune Maritime,
Nov-Déc 2002
* 3 R. Rodière,
Traité de Droit Maritime, R. Jambu-merlin, les gens de mer,
n°214-1
* 4 Edmond Maire, Le
Monde, 30 octobre 1985, p.15
* 5 Article 18, Constitution
du 1er Août 2000, JORCI n°30, jeudi 3 Août 2000, p
529-539
* 6 Cas de l'Allemagne et du
Royaume-Uni où depuis 1984 il faut un vote préalable des
adhérents au syndicat.
* 7 Art.82-2 C.Trav.
* 8 Art. 82.3 C.Trav
* 9 T.T d'Abj, 18 Avril 1991,
TPOM n°779 du 2 Mai 1992, p.183, Répertoire de jurisprudence de
Droit du Travail 1960-1965, Collection Sciences Juridiques, Editions
Universitaires de Côte d'Ivoire, p266
* 10 Art.82-2 C.Trav.
* 11 Soc. 14 janv. 1960 ICP
1960, II, 11704 note F.D ; Soc. 2 mars 1960, Dr. Soc. 1960, 421, note
H.F
* 12 T.T Abj 27 Novembre 1991,
TPOM n°822, Octobre 1994, p180
* 13 Soc. 27 mars 1952, s.
1952, 1, 179, grève de deux sous-directeurs
* 14 Soc. 20 fév 1959,
bull IV n°274, p223
* 15 Analyse
détaillée d'A Mazeaud, Droit du travail, Montchrestien p°206
& s.
* 16 Article 97, Code de la
Marine Marchande
* 17 Martine Le
Bihan-Guénolé, « Spécificité structurelle
et relationnelle du travail maritime », éd. L'harmattan.
* 18 Article. 82.8, Code du
travail.
* 19 G.Ripert,
Traité Général de Droit Maritime, n°503.
* 20 Martine Le Bihan
Guénolé, Spécificité structurelle et relationnelle
du travail maritime, préc, p°306.
* 21 R. Rodière,
Traité Général de Droit Maritime, R. Jambu - Merlin, Les
gens de mer, n°219.
* 22 Art.82-2 C.Trav.
* 23 Ce qui explique que les
heures perdues pour fait de grève, ne peuvent être imposées
aux salariés.
* 24 T.T d'Abj, 27 Novembre
1991, TPOM n°822 d'Octobre 1994, p180, Répertoire de jurisprudence
de Droit du Travail 1960-1965, Collection Sciences Juridiques, Editions
Universitaires de Côte d'Ivoire, p266
* 25 Cass. Soc. 21 mai
1997 ; Dr. Soc ; 1997 ; 763, obs. J-E Ray.
* 26 Cass. Soc ; 5 mai
1960, Bull civ, n° 453, p° 353.
* 27 T.T. d'Abidjan, 21 mars
1969, TPOM n°315 du 2 Décembre 1971, p.6965
* 28 P. Bonassies :
« La loi du pavillon et les conflits de droit maritime »,
RCADI, 1969, vol.128, p°504 à 630.
* 29 M.
Remond-Gouilloud : Droit Maritime, Pédone 1993, 2ème
édition, p° 68 à 78.
* 30 P. Chaumette,
« l'internationalisation du travail maritime, l'impossible
encadrement ? », DMF 1994 p° 675 à 694.
* 31 Cass. Soc, 8 novembre
1984, navire « Global Med ».DMF 1985
* 32 P.
Simon, «état de la jurisprudence française sur les
incidents sociaux affectant les navires au port' ».
DMF 1985, p°259 à 263.
* 33 DMF 1977, p°638,
Poitiers, 19 janvier 1977.
* 34 DMF 1980, p°37,
note Simon-Quimbert.
* 35 Article 1er,
Code du Travail
* 36 P. Chaumette,
« Le contrat d'engagement maritime », éd CNRS,
1993.
* 37 P. Bonassies,
« La loi du pavillon et les conflits de droit maritime »,
op. Cit. p°591.
* 38 A. Lyon-Caen. ,
«La grève en droit international privé »,
R.C.D.I.P., 1977-271.
* 39 P. Chaumette,
« Loi du pavillon ou loi du port », Le Marin du 13 novembre
1992, à propos du navire Agios Charalambos et de l'inertie
publique devant un commando armé dans le port de Lorient.
* 40 Cass. Soc, 8 octobre
1969, Montalev, Dr. Ouvr, 1970-41, R.C.D.P.I Pr 1970-684, note de M.
Simon-Depitre.
* 41 DMF 1997-372, CA Rennes
13 février 1997, Navire Aghios Charalambos.
* 42 Universe Tankships Inc.
of Monrovia, navire The Universe sentinel, 1 Lloyd's, Rep. 537-544.
* 43 DMF 1993-315, P.
Chaumette, « Conflit international de travail maritime »
à propos de la décision de Tribunal du travail Suédois du
19 février 1993 (United European Car Carriers, v. Swedish Seamens's
Union).
* 44 Nord Hordland County
Court, Bergen, 2 mai 1990, Ultramar Madrid Ltd, cf. Norwegian Seamen's Union,
navire Nilam.
* 45 Cass. Crim, 15 octobre
1959, R.C.D.I.P 1963-56, note M. Loussouarn.
* 46 Article52-1, Code du
travail
* 47P. Chaumette,
« Réflexions sur les conflits collectifs maritimes de
travail », DMF 1990 p° 283-309
* 48 Cass. Soc. 19 octobre
1959, D 1960-37.
* 49 Cass. Civ
1ère, 19 novembre 1985, D. 1986-I.R.-268, obs. B. Audit.
* 50 P. Chaumette,
« Le contrat d'engagement maritime », CNRS éd 1993,
op cit .
* 51 C.A Paris 7 juillet
1980, Pola, DMF 1980-618.
* 52 CA Rennes, 31 octobre
1989, navire Corsica, DMF 1990, p. 487 ; DMF 1991, p. 88. Obs. P.
Bonassies.
* 53 P. Bonassies, DMF 1998,
p. 859
* 54 Il existe un pilotage
hauturier
* 55 La Tribune Maritime,
Nov-Déc 2002.
* 56 Cass. Ass. Plén.
4 juillet 1986, D. 1986, p. 477, grève à propos de la
réduction des équipages sur certains avions.
* 57 R. Rodière,
Traité de Maritime, R. Jambu-Merlin. Les gens de mer, n°214-1.
* 58 DMF 1979, p. 596,
Gazette du Palais 1979, p. 295.
* 59 DMF 1989, 22 juin
1989.
* 60 Times, 2004
* 61 DMF 1994, Cass. Com, 2
février 1993, Total France/Les Abeilles.
* 62 CE Section, 5 mai 1944,
Cie Maritime de l'Afrique Orientale, Rec. 129, conclusions Chenot.
* 63 DMF 1999-462, P
Pestel-Debord, « Un service commercial minimum est-il dû en cas de
grève des personnels du remorquage portuaire ? ».
* 64 Traité de droit
maritime, Tome II, n°1.816 - 5, p. 588. Cependant le doyen Ripert n'admet
pas cette idée dans le cadre de la convention de 1924 puisque, pour lui,
la contre-épreuve est impossible.
* 65 Traité de droit
maritime, Tome II, p. 666 n°1. 726.
* 66 Le particularisme de la
grève et du lock out dans le transport de marchandises de mer, p.224,
op. cit.
* 67 DMF 1985, p. 266, Cass
8 novembre 1984.
* 68 JCP 1990 IV, p. 351,
Cass civ 17 juillet 1990.
* 69 D 1972, p. 656, Cass
soc 8 février 1972
* 70 Cass Plén., 19
mai 1988.
* 71 D. 1951, p. 717 et D.
1959, p. 281.
* 72 DMF 1979, p. 596.
* 73 CA Aix en Provence 22
février 1994, DMF 1995 p. 145, note Y. Tassel.
* 74 Cass com 31 mai 1989,
DMF 1990 p.374, note R. Rézenthel & DMF 1991p. 14, obs. P
Bonassies.
* 75 Cass. Ch. Mixte., 4
février 1983.
* 76 Cass 22 février
1994, DMF 1995 p. 141
* 77 Voir site Web de la
chambre arbitrale de Paris, www.camp.org.
* 78 The United Faith,
S.M.A. No 1409 (Arb at N.Y, 1980); Time charters p.313 third edition,
Lloyd's of London press LTD.
* 79 Chambre arbitrale de
Paris, sentence du 15 juin 1986.
* 80 Whether in berth or not
- whether in port or not - whether in free practice or not - whether entered
customs clearance or not, Sentence arbitrale 15 avril 1988, DMF 1988, p.696.
* 81 Cass com, 15 mars 1982,
DMF 1983 p. 14.
* 82 Traité
général TI, n°230.
* 83 Traité
général TI, n°236.
* 84 Trib.Com.Marseille, 12
décembre 1900, Autran, XVI, 391.
* 85 CA Paris 14 déc.
1964 pré-citée concernant la grève du personnel EDF.
* 86 CA Rouen, 8 août
1900, D 1903 p. 389.
* 87 Voir en ce sens le
conflit des dockers à Pointe à Pitre ayant paralysé la
Guadeloupe durant plusieurs semaines pendant l'été 1998.
* 88 Connaissement Marfret
en son article 23.
* 89 Tribunal de commerce de
Marseille, 22 mars 2002, Rôle n°1999FO3714.
* 90
« Grève des dockers : quels recours pour les
chargeurs ? », JMM 2036, 11 Septembre 1998.
* 91 Tribunal de commerce de
Marseille, jugement 2 février 1982, Revue Scapel n°3 avril-mai
1982.
* 92 CA Paris 27
févier 1981, DMF 1981, p.719.
* 93 CA Aix en Provence 28
novembre 1983 navire « Douce France », DMF 1986, p.298.
* 94 CA Paris 16 juin 1976,
BTL 1976, p.429.
* 95 P.P Fieschi
« Le particularisme de la grève et du lock out dans le
transport de marchandises par mer », Thèse Aix en Provence
1973, p.162.
* 96 Rodière,
Traité de droit maritime II, n°658.
* 97 Clause n°11de la
Baltime.
* 98 C/P Austral :
clause n°18, C/P Benacon : clause n°11, Centrocon : clause
n°30.
* 99 Tiberg, p. 380 et s,
sur l'interprétation des clauses de grève par la Cour d'appel
anglaise, cons. P Bonassies, DMF. 1963, p. 308.
* 100 Colloque deL'AFDM
à Bordeaux, DMF 1989, p.203 et s.
* 101 DMF 1979, p. 58.
* 102 DMF 2000.
* 103 DMF 1971, p. 636.
* 104 Analyse semblable
à la liberty clause figurant dans les connaissements.
* 105 Par suite d'une
épidémie par exemple, « Carriage of goods by
sea » p. 438 - 439, Carrer.
* 106 Traité de la
responsabilité du transporteur maritime, p. 252, n°261.
* 107 Traité de
droit maritime, Tome II, p. 696, n°1807.
* 108 Traité de
droit maritime, Tome II, p. 274, n°633.
* 109 Cours de droit
maritime 2002 - 2003.
* 110 DMF. 1950, p. 194,
Maritime Insurance Cie c/ Transports maritimes de l'Etat.
* 111 Revue Scapel, p.46
n°6, Septembre 1983.
* 112 DMF 1989, p.526-528,
Cass com 13 juin 1989, navire « Zambezy ».
* 113 DMF 1956, p. 738,
navire «Campana».
* 114 Cf. Rodière,
Traité de droit maritime, Tome II n°633.
* 115 DMF 1972, p.41,
navire «Mickey Smits».
* 116 CA Aix en Provence,
28 mai 1991, Somotrans c/ Norasia Line, Lamy.
* 117 BT 1976, p.429, CA
Paris, 16 juin 1976.
* 118 Tribunal de commerce
de Marseille, jugement du 22 mars 2002, non publié.
* 119 CA Aix en Provence,
2e ch., 19 juin 1991, GAN c/ COTUNAV, Lamy.
* 120 DMF 1979, p. 682.
* 121 DMF 1972, p. 527.
* 122 Revue Scapel
n°3, avril-mai 1982.
* 123 BTL 1995, p. 568
& DMF 1995, p.251, obs. P. Bonassies.
* 124 CA Aix en Provence,
2e ch., 19 juin 1991, Lamy p. 353, Tome II.
* 125 DMF 1977, p. 540.
* 126 BTL 2002, p.619-620,
Cie Mutuelles du Mans et autres c/ Sté Delmas.
* 127 Revue Scapel, 1973,
p. 15, CA Aix en Provence, 6 décembre 1972.
* 128 Risques et assurances
transports, p. 335 JP Marck, éd L'argus de l'assurance.
* 129 DMF 1990, p. 380, R.
Rezenthel.
* 130 En ce sens voir DMF
1984, p. 707 et s concernant blocage des ports français au mois
d'août 1980 par les marins pêcheurs.
* 131 Dans le cas d'une
grève annoncée au moment de la commande de l'outillage public, il
appartient à l'autorité portuaire de refuser cette commande et
d'informer les usagers, si tel n'est pas le cas, elle est susceptible de mettre
en jeu sa responsabilité civile.
* 132 Cass. Civ
1ère 31 mai 1989, DMF 1990, p. 374, note R. Rezenthel. Le
port autonome soutenait qu'il ne pouvait pas satisfaire les revendications des
grévistes alors que les prescriptions gouvernementales ne lui en
donnaient pas la possibilité.
* 133 Cass. Civ.
1ère 6 octobre 1993, JCP 1993 - II - éd G. - 22154
note Ph. Waquet.
* 134 Cass. Mixte 4
février 1983, JCP 1983 - IV - éd G -p. 124.
* 135 Cass. Civ
1ère 11 juin 1996, DMF 1996, p. 949 et s, note R.
Rezenthel.
* 136 Cass. Soc 19
décembre 1990 - Bull. Civ n° 698.
* 137 L'accostage et le
stationnement des navires dans les ports sont des opérations qui font
appel au fonctionnement d'un service public à caractère
administratif, DMF 1973, p. 269 note J.M Auby.
* 138 CE Ass 20 mars 1974
M.A.T.E.L.T. c/ Navarra - Rec Lebon p.200 concl M. Rougevin-Baville.
* 139 RFDA 1986, p. 825 et
s « Grèves dans les services publics et responsabilités
envers les usagers », note B. Stirn.
* 140 DMF 1984, p. 707.
* 141 Cass. Soc 9 novembre
1982 - Droit social 1983, p. 175, note J. Savatier.
* 142 JMM 1980, p. 2076
« Port autonome du Havre contre marins pêcheurs ».
* 143 CE 22 juin 1984, CE
22 juin 1984, Secrétaire d'Etat ministère des transports c/
Sté Townsent car ferries limited : «... cette obligation
trouve sa limite dans la nécessité de l'ordre public »,
J.C.P 1985, II
* 144CE 11 mai 1984,
Sté navale des chargeurs Delmas - Vieljeux c/ Port Autonome de Marseille
et Etat Français, DMF 1984, p. 718 et s
* 145 CE 10 juillet 1987,
Sté Sudcargos, Rec Lebon n°57, p. 506.
* 146CE 2 juin 1973,
Sté des bateaux de la côte d'Emeraude dite « Les
vedettes blanches », AJDA1972, p. 358
* 147 CE juillet 1953 Dame
veuve Tourout, Rec p. 391.
* 148 DMF 1989, p. 500 et
s.
* 149 TC 7 juin 1982,
Préfet du Pas de Calais c/ TGI de Boulogne sur Mer, Rec Lebon 1982, p.
457.
* 150 Voir en ce sens
articles 104 et s du code pénal.
* 151 CE, Couiteas, 30
novembre 1923 et CE 3 juin 1938La Cartonnerie et Imprimerie Saint Charles, voir
dans les Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative.
* 152 « Le
maintien de l'ordre public et la responsabilité de l'Etat »,
note de R. Rezenthel et F. Pitron, DMF 1984, p. 713
* 153 CE 7 avril 1978, JCP
1978, II et cf. JMM 1980, p. 2074.
* 154 DMF 1984, p. 724
susmentionné.
* 155 DMF 1984, p. 724
précité.
* 156 RFDA 1987, p. 480.
* 157 CE 22 juin 1984, Rec
p. 246 et 247 ; CE 27 juillet 1984, Rec p. 728 ; CE 13 novembre 1985,
Rec p. 772.
* 158 P.
Simon : « Etat de la jurisprudence française sur les
incidents sociaux affectant les navires au port », DMF 1985, p.
259.
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