Notion de système formel. Prolégomènes à une logique cognitiviste à partir de Donald Davidson( Télécharger le fichier original )par Tamis Muamba Ngueshe Université de Kinshasa - Licence 2010 |
I.1.3. A propos d'une théorie pour l'explication des conditions de vérité et d'une théorie de la significationLa théorie des conditions de vérité, nous l'aborderons à partir de deux auteurs : Alfred Tarski (1901-1983) et Donald Davidson (1917-2003). En effet, pour Tarski (11(*)), comme déjà pour Aristote, la vérité est une propriété des énoncés du langage. Chez cet auteur, il y a essentiellement deux conditions à satisfaire pour définir la vérité d'un énoncé. La première est dite condition d'adéquation formelle. Celle-ci signifie qu'un énoncé (entendez par là un énoncé constatif ou déclaratif) ne doit pas contenir de contradiction. Soit l'expression suivante : Certains cercles sont des triangles. Une telle proposition est contradictoire, car cercle et triangle n'ont pas la même référence, du moins du point de vue de la géométrie : un cercle se réfère aux objets circulaires ayant une circonférence alors qu'un triangle se réfère aux objets ayant trois côtés et trois angles. En second lieu, il propose la condition d'adéquation matérielle. A ce niveau, la théorie tarskienne s'inscrit dans la conception classique de la vérité selon laquelle le vrai est synonyme de correspondant à la réalité. Ceci n'est pas clair pour au moins deux raisons. La première raison est que la réalité connue est une construction des nos représentations mentales. En clair, la vérité dépend de notre intentionnalité, de l'angle à partir duquel nous percevons les choses et telle qu'elles se laissent dévoiler à notre conscience. La seconde raison est que les conditions de vérité proposées par Tarski sont conçues pour s'appliquer non à un langage ordinaire, mais plutôt au langage formel de la logique. Et on le sait, dans un langage formel, la vérité est toujours fonction des critères à satisfaire, lesquels diffèrent d'un système à un autre. D'ailleurs, Jean Ladrière relève cette relativité en ces termes : « les expressions qui figurent dans un système formel n'ont d'autre sens que celui qui résulte des possibilités opératoires stipulées dans les règles de maniement »(12(*)). Pour Tarski, une définition de «vrai » (pour le langage L) est matériellement adéquate si et seulement si on peut en déduire tous les énoncés de la forme de la convention T, laquelle s'énonce comme suit : N est vrai (en L) si et seulement si p, N est le nom d'un énoncé de L, p est sa traduction dans le métalangage dans lequel la définition est formulée et L est le langage-objet. Tarski définit ensuite la notion de satisfaction. Celle -ci implique tous les biconditionnels de la forme de la convention T. En outre, la notion de satisfaction (et indirectement celle de vérité) est définie par lui comme relation entre formules et objets ou séquence d'objets. Quant à Davidson, à partir d'un article paru en 1967, lequel avait pour titre vérité et signification (13(*)), il a proposé une idée de la théorie sémantique fondée sur la théorie de la vérité de Tarski. En effet, pour Donald Davidson, donner les conditions nécessaires et suffisantes pour la vérité d'un énoncé, c'est une manière d'en donner la signification. Aussi, pour sa théorie de la signification, il propose trois catégories de conditions (14(*)). La première catégorie est celle des conditions dites constitutives. Celles-ci justifient le projet même de construction d'une théorie de la signification. Elles découlent de deux faits, à savoir : les locuteurs d'une langue naturelle comprennent leur langage et ils sont en mesure, sur base des énonciations d'autres locuteurs, d'interpréter ce que disent ces locuteurs, car comprendre une expression, c'est savoir ce qu'elle signifie. La deuxième catégorie est celle des conditions dites formelles. Elle stipule qu'une théorie sémantique, pour une langue naturelle, a une certaine structure et cette structure est, dans une large mesure, comparable à celle des théories sémantiques que les logiciens construisent pour les langues formelles. A ce propos, Davidson disait : « Je suggère qu'une théorie de la vérité pour un langage accomplit, de manière minimale mais importante, ce que nous cherchons : elle donne les significations de toutes les expressions douées de sens par elles-mêmes sur la base d'une analyse de leur structure. Et d'autre part, une théorie sémantique d'un langage naturelle ne peut être tenue pour adéquate si elle ne rend pas compte du concept de vérité pour ce langage dans la ligne générale de ce que Tarski a proposé pour les langages formalisés » (15(*)). La dernière est celle des conditions empiriques. En effet, une théorie sémantique doit pouvoir être testable, c'est-à-dire se prêter à des attributions vérifiables de significations aux locuteurs d'une langue et d'une communauté données. En clair, il faudrait qu'il y ait certaines bases objectives à partir desquelles on puisse effectuer des attributions de signification. L'ensemble de ces conditions fait l'objet de ce que Davidson appelle « théorie de l'interprétation radicale ». Tarski considérait les axiomes de la théorie de la vérité comme des hypothèses sur la signification du prédicat « vrai » en tant qu'il est appliqué à des énoncés du langage - objet. Contrairement à lui, Davidson pense que les axiomes de la théorie doivent être entendus comme des hypothèses sur la signification des expressions de base du langage dont on peut donner la sémantique. D'après Davidson, la construction d'une théorie de vérité pour un langage doit être conçue comme une tentative d'interprétation radicale, c'est-à-dire mettre à la disposition d'un interprète toutes les informations dont il a besoin pour comprendre un langage qu'initialement il ne comprend pas. Mutombo Matshumakia ajoute que : « il y a donc chez Montague aussi bien chez Kaplan que chez Davidson le souci de ne pas accepter une théorie logique qui ignore la dimension génétique de la langue et qui exclut la conception générative de la signification » (16(*)) Paraphrasant Davidson, Diego Marconi, précise cette vue en ces termes : « chaque divergence entre nos jugements de vérité et ceux d'un autre locuteur peut toujours être reconduit soit à des croyances différentes, soit au fait qu'aux mêmes mots nous attribuons des significations différentes » (17(*)). Tout compte fait, la vérité d'un énoncé est fonction de sa signification. Qui dit signification, dit contexte d'usage ; et qui dit contexte d'usage, dit monde possible ; et, enfin, qui dit monde possible, dit modalité. Essayons maintenant de scruter la théorie sémantique des mondes possibles. * 11. Cfr Diego MARCONI, La philosophie du langage au XXè siècle, L'éclat ( en ligne : #) * 12.Jean LADRIERE, op.cit, p.313. * 13. Cfr Donald Herbert DAVIDSON (http://www.philosophyprofessor.com/philosophers/donald-davidson.php) * 14. Cfr. Pascal ENGEL, Davidson et la philosophie du langage, Paris, PUF, 1994, p.6. * 15. Donald DAVIDSON, Enquêtes sur la vérité et l'interprétation, Nîmes, J Chambon, 1993, p.55, cité par François Rivenc, Sémantique et vérité : de Tarski à Davidson, Paris, PUF, 1998, pp.7-8. * 16 .MUTOMBO MATSUMAKIA, Opacité référentielle et quantification. Une introduction à la sémantique intentionnelle. Paris, Perter lang, 1998, p.115 * 17. Cfr. Diego MARCONI, op.cit, §30. |
|