Conclusion générale
Dans la présente étude, nous avons tenté de
démêler l'écheveau des aides multiples en matière de
décrochage scolaire sur le territoire louvièrois.
Nous avons vu que l'Etat Social Actif légitime des
dispositifs dont le but est «d'activer» les «décrocheurs
sociaux» ; l'idée étant de leur donner toutes les chances
d'entrer dans le marché de l'emploi, devenant ainsi des agents actifs
contribuant aux ressources de financement traditionnelles de la
sécurité sociale.
Pour répondre aux problèmes sociaux locaux, le
Ministère de l'Intérieur finance les Contrats de
Sécurité et de Prévention pour d'une part, être plus
«proche» (pour plus de contrôle et de sécurité)
du citoyen et des réalités de terrain des opérateurs
traitant le décrochage scolaire et, d'autre part, créer une
solidarité entre les différents acteurs sociaux autour d'une
problématique commune.
Pour saisir les différents leviers de cette
solidarité socio-professionnelle qui lie spécifiquement les
acteurs que nous avons rencontrés, nous avons mobilisé la
typologie des logiques de solidarité du sociologue Guy Bajoit,
elle-même inspirée en partie de la typologie des formes de
l'action selon Max Weber. Nous avons construit des outils
méthodologiques pour confirmer ou infirmer notre hypothèse de
départ, à savoir : les perceptions de la gestion du
décrochage scolaire et les logiques de solidarité des acteurs
scolaire, communal, judiciaire et issu du milieu associatif sont
influencées par l'organisation à laquelle ils appartiennent.
Pour répondre à notre hypothèse, nous
avons récolté des données qualitatives (entretiens
semi-directifs auprès des acteurs interviewés) pour ensuite
analyser et traiter les résultats à l'aide d'une matrice
conçue pour l'occasion. Ceci nous a permis de dégager les
perceptions de la gestion du décrochage scolaire et les logiques de
solidarité des différents acteurs scolaires (l'école et le
CPMS), communal (l'AAS du PSSP), judiciaire (SJF de la Police) et issu du
milieu associatif (l'AMO). Les résultats soumis à notre analyse
nous ont d'abord permis d'observer que les perceptions de la gestion du
décrochage scolaire et les logiques de solidarité des acteurs
sont influencées par l'organisation à laquelle ils appartiennent.
Ces différentes observations vont dans le sens d'une confirmation de
notre hypothèse.
Revenons à la question du contrôle social
évoquée plus haut. Nous avons relevé que le Pass scolaire
mobilise bon nombre de partenaires. Le succès de cet outil
révèle bien toute l'ambiguïté (prévention vs
répression ; solidarité sociale vs contrôle social)
vécue par des travailleurs sociaux guidés par une logique de
contrôle, de moins en moins déguisée, d'une population
stigmatisée (décrochage scolaire, précarité...).
En somme, les logiques de solidarité entre les acteurs
que nous avons interviewés ont renforcé le contrôle social
des «jeunes en difficultés». Sur ce point, un des acteurs,
toutefois, fait exception : en effet, l'AMO, qui prône les Droits des
jeunes, s'isole par rapport aux écoles soucieuses de protéger
leur réputation et aux autres acteurs s'inscrivant davantage dans le
contrôle social. Il est plus facile pour les écoles de collaborer
avec l'acteur communal ou judiciaire car celui-ci répond sur-le-champ
à la demande (renvoyer le jeune au sein de l'école ou l'orienter
vers des services compétents pour des suivis socio-éducatifs).
Dès lors, l'acteur issu du milieu associatif s'inscrit et collabore dans
des projets qui correspondent (l'acteur communal rencontre un nombre important
de jeunes pour participer à des activités sportives...) au mieux
à ses objectifs tout en justifiant ses actions auprès de sa
hiérarchie.
Pour terminer, ce travail nous laisse perplexe quant à
la manière d'agir sur le problème du décrochage scolaire.
En effet, si l'on tient compte des difficultés et de l'aveu
d'impuissance face au décrochage scolaire formulés par les
acteurs interrogés, il nous est permis de nous interroger sur
l'efficacité de ces différentes collaborations.
Ainsi, nous rejoignons le point de vue du directeur de
l'établissement scolaire que nous avons questionné,
considérant qu'il serait plus pertinent d'octroyer des ressources
financières et humaines aux écoles pour y accrocher le jeune
plutôt que de créer une multitude de services
périphériques qui, in fine, sont dépassés par la
problématique et, de surcroît, tendent non seulement à
soustraire à l'école une part de son pouvoir d'action mais
également à « grignoter le coeur de son métier »
: l'apprentissage165.
Cette étude nous a permis de soulever l'influence des
réunions de concertation gérées par le Plan
Stratégique de Sécurité et de Prévention de la
Ville de La Louvière ainsi que ses limites. En tant qu'agent de
l'Antenne Accrochage Scolaire, nous sommes en position de
réfléchir à l'orientation de la Commission Accrochage
Scolaire et aux sujets qu'elle aborde avec les intervenants sociaux.
165Le lecteur peut revenir sur la critique
émise sur la construction du décrochage scolaire dans notre
premier chapitre, p. 17-18.
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