CHAPITRE III: Le diagnostic de la pauvreté et
l'impact des PME à la réduction de la pauvreté
Section 1 : le diagnostic de la pauvreté
I. Définition de la pauvreté
La pauvreté est l'insuffisance des ressources
matérielles, comme la nourriture, l'accès à l'eau potable,
les vêtements, le logement, et les conditions de vie en
général, mais également des ressources intangibles comme
l'accès à l'éducation l'exercice valorisant le respect
reçu.
D'autre part la pauvreté est un phénomène
multidimensionnel. C'est pourquoi, le Sénégal a pris en compte
d'une part la perception de la pauvreté, et d'autre part l'analyse du
profil basée sur une information quantitative résumée
à travers un indicateur monétaire ou non monétaire.
a) Perception de la pauvreté
Les populations s'auto désignent pauvres ou non pauvres
selon des critères qui leur sont propres. A cet égard, un
proverbe recueilli lors du processus participatif définit la
pauvreté comme « l'absence d'avoir, de savoir et de pouvoir
».L'absence d'avoir peut s'interpréter comme une insuffisance de
revenus et patrimoines physiques, tandis que l'absence de savoir et de pouvoir
peuvent s'interpréter respectivement comme une insuffisance de capital
humain et de capital social.
Cette définition qui fixe les déterminants, de
la pauvreté est finalement plus large que celle des économistes ;
c'est elle qui fonde la stratégie du Sénégal. Elle
découle de la culture qui renvoie à la nature des d'organisations
sociale et politique des communications locales aux stratégies
sous-jacentes. Aussi importe t-il d'investir dans la culture qui
détermine la manière de vivre des populations et qui
subséquemment influence la méthode à utiliser pour
combattre la pauvreté.
Le pauvre vie dans un dénouement total,
économique et social : il est sans soutien et ne compte que sur l'aide
que lui apporte son entourage pour survivre. Il est souvent qualifié de
déclassé social et plonge dans un état de misère
quasi-permanent. Son trait dominant est qu'il s'auto exclue lui-même du
tissu social, préférant ainsi évaluer dans l'anonymat le
plus total. Quant aux ménages pauvres ils disposent de sources de
revenus assez précaires qui ne permettent pas de couvrir
entièrement les besoins en alimentation.
b. Profil de pauvreté
Pour caractériser la pauvreté, une ligne de
pauvreté a été définie comme un seuil en
deçà duquel le ménage (ou l'individu) est
considéré comme pauvre (ESAM I 1994/1995 ; ESAM II 2001/2002 ;
QUID).
Les résultats de la deuxième Enquête
Sénégalaise Auprès des Ménages (ESAM II), montre
que l'incidence de la pauvreté reste élevée méme si
elle a baissé de façon significative dans la période
1994-2002 : la part de la population vivant en dessous du seuil de
pauvreté est ainsi tombée de 67,9% en 1994/95 à 57,1% en
2001/2002, soit une réduction de pauvreté de 10,8 points de
pourcentage en termes absolus et de 16% en termes relatifs.
Tableau 1 : Pauvreté et
inégalité, 1994-1995
|
Ménages
|
Individus
|
Niveau National
|
Dakar
|
Autres Zones urbaines
|
Milieu Rural
|
Niveau National
|
Dakar
|
Autres
zones urbaines
|
Milieu Rural
|
1994-95
|
Incidence de la pauvreté(%)
|
61,4
|
49,7
|
62,6
|
65,9
|
67,9
|
56,4
|
70,7
|
71,0
|
Profondeur de
la pauvreté (%)
|
20,5
|
15,4
|
21,4
|
22,3
|
23,6
|
17,7
|
24,4
|
25,3
|
Gravité de la
pauvreté (%)
|
9,1
|
6,4
|
9,5
|
10,0
|
10,6
|
7,4
|
10,8
|
11,7
|
Coefficients de Gini
|
38,6
|
45,8
|
39,7
|
31,7
|
32,6
|
36,7
|
34,0
|
29,4
|
2001-02
|
Incidence de la pauvreté (%)
|
48,5
|
33,3
|
43,3
|
57,5
|
57,1
|
42,0
|
50,1
|
65,2
|
Profondeur de
la pauvreté (%)
|
14,8
|
9,5
|
13,4
|
17,8
|
18,3
|
12,0
|
16,1
|
21,4
|
Gravité de la
pauvreté (%)
|
6,2
|
3,7
|
5,7
|
7,5
|
7,9
|
4,7
|
6,9
|
9,4
|
Coefficient de
Gini
|
37,4
|
41,9
|
38,3
|
29,9
|
34,2
|
37,3
|
35,2
|
30,1
|
Source: ESAM II, 2001/2002, ESAM I, 1994/1995
Au niveau ménage, l'incidence de
pauvreté est passée de 61,4% (1994/95) à 48,5% (en
2001/02), correspondant à une baisse relative de 16%, mais ces
taux sont largement en dessous de l'incidence de pauvreté du point de
vue de l'approche subjective basée sur la perception des chefs de
ménages. En effet, les résultats de cette approche indiquent que
65% des ménages interrogés se considèrent comme pauvres et
23% d'entre eux se déclarent méme très pauvres. En outre,
à l'opposé des mesures objectives qui montrent une
réduction de la pauvreté, les mesures subjectives indiquent une
augmentation dans la même période. Près de deux
ménages sur trois (64%) estiment que la pauvreté s'est
aggravée au cours des cinq dernières années contrairement
aux mesures objectives qui indiquent une réduction de 16%. La
pauvreté est plus répandue au sein des chefs de ménage
dont le niveau d'instruction est le plus bas. Près de 55% des
chefs de ménage sans instruction sont pauvres contre 46% pour ceux qui
ont le niveau primaire. De plus l'incidence de la pauvreté baisse plus
sensiblement dans les ménages où le chef a atteint le niveau
secondaire (26%) ou supérieur (12,5%). Le faible niveau d'instruction
des femmes accentue davantage cette pauvreté au sein des
ménages.
L'incidence de la pauvreté augmente avec la
taille du ménage. La taille moyenne des ménages des 20%
les plus pauvres est de plus de 10 personnes alors que parmi les 20% les plus
riches, elle est de 8 personnes. Du point de vue de la consommation, on note
selon l'ESAM II, que les ménages de 1 à 4 personnes ont une
consommation par an et par personne deux fois plus élevée que
celle des ménages de 5 à 10 personnes et trois fois plus que
celle des ménages de 10 à 14 personnes. Cette corrélation
positive entre la taille du ménage et la pauvreté met en
évidence les interrelations existant entre variables et pauvreté
au Sénégal. Ainsi, la forte fécondité (5,3 enfants
par femme) caractérisant les ménages de taille
élevée contribue à la baisse du taux de la consommation
par personne exposant les membres du ménage à des privations
pouvant affecter de manière durable leurs capacités
d'accès à l'avoir, au savoir et au savoir-faire et
au-delà, créer les conditions d'une persistance du
phénomène de pauvreté.
Dans les ménages où le chef de famille dispose
d'un revenu relativement bas, on rencontre un taux de dépense
très élevé. Dans la plupart des cas, les membres
secondaires sont sans revenus et continuent à être entretenus.
Cette situation est le reflet du rapport élevé de
dépendance induit par la proportion importante de jeunes au sein de la
population sénégalaise. Pour ces jeunes représentants 58%
de la population, la transition vers l'age adulte est ardue du fait des
problèmes d'insertion professionnelle, de la précarité de
l'emploi et des conditions difficiles d'accès au logement.
Même si la pauvreté, de manière
générale, touche plus les femmes que les hommes, l'incidence de
la pauvreté est plus faible parmi les ménages dirigés par
une femme. En effet, les données de l'ESAM II montrent que la
pauvreté est moins répandue dans les ménages
dirigés par une femme (37% contre 51% pour les ménages pauvres
dirigés par un homme). A Dakar où le statut de la femme est plus
favorable (autonomie, participation, capital humain et social), la
différence de niveau de pauvreté entre les ménages
dirigés par des femmes et ceux dirigés par des hommes est
même très négligeable (33,7% contre 32,1%).
Cet avantage apparent peut être dû à une
différence dans composition des ménages des deux
catégories, à la taille et à l'importation des transferts
plus favorables aux ménages dirigés par des femmes. Par ailleurs,
les femmes chefs de ménage sont plus autonomes, plus entreprenantes et
ont un meilleur accès aux ressources que les autres femmes.
Environ 56% des ménages dirigés par une personne
de troisième âge sont touchés par la pauvreté dont
ils contribuent à hauteur de 19% (alors que les personnes du
troisième âge ne représentent que 6% de la population). Les
personnes de cette tranche d'fige (plus de 60 ans) rencontrent de nombreuses
difficultés dont : la faible participation à la
citoyenneté et aux instances de décisions, l'insuffisance
d'organisation et de système de prise en charge, le cofit
élevé des consultations, l'accès difficile au
crédit bancaire ou à un fonds spécial d'appui et de
réinsertion, mais également à la terre et au logement.
La vulnérabilité des ménages
dirigés par des personnes du troisième âge est
également imputable aux problèmes auxquels les jeunes
générations sont confrontées pour accéder à
l'autonomie financière et assurer la relève.
La réduction de l'incidence de la
pauvreté est plus marquée en milieu urbain qu'en milieu
rural. En milieu rural, 65,2% des individus et 57,5% des
ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté. Ces pourcentages
sont plus faibles dans les autres villes (respectivement 50,1% et 43,3%) et
nettement plus bas à Dakar (42,0% et 33,6%). Ainsi, le milieu rural
contribue à hauteur de 65% à la pauvreté, pour une
population de moins de 55% du total. En revanche, Dakar qui compte près
d'un quart de la population y contribue pour moins de 18%. Les régions
de Ziguinchor et de Kolda, confrontées pendant plusieurs années
à la crise casamançaise, (insécurité), de
l'enclavement, enregistrent les taux les plus élevés de
pauvreté (supérieure à la moyenne nationale) :
respectivement 67,1% et 66,5%. Ces régions sont suivies de Kaolack
(65,3%) et Diourbel (61,5%), qui se situe au coeur du bassin arachidier et qui
subissent les effets du déclin des activités économiques
liées à l'arachide dans un contexte d'absence d'activités
économiques alternatives et Tambacounda (56,2%). Les régions
moyennement pauvres de Thiès (48,6%), Fatick (46,3%), Saint Louis/Matam
(42,1%)
disposent de plus de revenus du fait des activités dans
les secteurs touristiques, les cultures irriguées, la pêche, les
transferts des émigrés (surtout pour Matam), la présence
d'industries agroalimentaires (en particulier pour Saint Louis) et extractives
(Thiès). Enfin, les deux régions les moins pauvres que sont Dakar
(33,6%) et Louga (36,6%) connaissent d'importants flux de transferts. Par
ailleurs, Dakar constitue un pôle économique, industriel,
administratif, intellectuel et culturel alors que la région de Louga
dispose de richesses liées à l'élevage.
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