2) La relance de la productivité du travail2
Ce serait, cependant, une erreur de croire que la suggestion
ci-dessus suffirait à relancer l'emploi. Si une entreprise embauche un
travailleur, c'est parce qu'elle lui rapporte plus qu'il ne lui coüte ou
qu'elle n'a pas la possibilité de la remployer par un autre facteur de
production plus rentable.
Cette évidence basic pointe du doigt que les
entreprises formelles sénégalaises n'ont pas embauché de
travailleurs car elles ont vu leur coüt unitaire de travail s'accroitre de
2,5% par an entre 1995 et 2004. En d'autres termes, les gains de
productivité n'ont pas compensé les hausses salariales, en
particulier dans les secteurs stratégiques identifiés dans la
stratégie de croissance accélérée, tels que
l'électronique et le textile. Cette évolution défavorable
à l'emploi s'est trouvée exacerbée par la politique
fiscale qui a favorisé le capita, expliquant que les entreprises
sénégalaises aient vu le ratio de leur investissement par rapport
à leur valeur ajoutée passer de 24 à 41% dans les
périodes 1980-94 et 1995-2004.
Il est urgent de chercher à accroitre les gains de
productivité du travail au sein de l'économie
sénégalaise pour induire une hausse de la
compétitivité des entreprises sans baisser les salaires.
Aujourd'hui, ces gains ne dépassent pas en moyenne 2% l'an, loin
derrière les taux de 5-7% affichés dans les pays
émergents. La productivité du travail au Sénégal
est, aujourd'hui à la fois inférieure à celle du Botswana,
alors qu'elle était 2 fois supérieure en 1960. L'écart est
encore plus considérable avec Corée ? Le défi est à
la hauteur de l'urgence.
3. La double stratégie pour la relance de l'emploi
:
Les autorités sénégalaises doivent agir
sur deux leviers pour encourager la demande de travail émanant des
entreprises formelles. D'abord, il leur faut stimuler certaines
activités
2 Source : extrait du magazine : « les
échos de la Banque mondiale » n°6 novembre 2007.
économiques porteuses d'emplois. Sans tomber dans le
panneau de la création artificielle d'emplois ! Mais bien en mettant en
place les conditions favorables à cet essor. C'est en tout cas,
l'ambition affichée de la stratégie de croissance
accélérée. Cette action peut reposer sur les grands
chantiers qui, selon la théorie keynésienne traditionnelle, sont
sources d'emplois, du moins temporaires. Elle doit, surtout, chercher à
favoriser l'essor des PME, lesquelles sont les principales créatrices
d'emplois, et ce dans une perspective dynamique, en réduisant leurs
coûts de création et de fonctionnement.
Ensuite, il est impératif de débrider la hausse
de la productivité du travail. Ceci permettant de diminuer les
coüts unitaires du travail, sans baisser les salaires, et d'accroitre, de
la sorte, la compétitivité des entreprises
sénégalaises. Voici esquissées trois actions
complémentaires qui vont dans cette direction.
La première vise à optimiser les
complémentarités entre investissements en capital physique et
qualification des travailleurs. En d'autres termes, il faut encourager les
entreprises y compris celles opérant dans le secteur informel, à
investir dans les nouvelles machines et technologies, en s'assurant toutefois,
que les entrepreneurs forment leur main d'oeuvre pour une exploitation efficace
de ces nouvelles acquisitions et développent ainsi des effets
d'entrainement au sein de l'économie sénégalaise.
La deuxième action consiste à accroitre le
nombre de travailleurs qualifiés disponibles pour les entreprises
privées. Aujourd'hui, non seulement le nombre de
sénégalais dotés d'une éducation supérieure
ne dépasse pas 5% de la population active, mais, de plus, ces personnes
éduquées travaillent, pour la plupart dans l'administration
publique, les agences de développement où à
l'étranger. La proposition est donc de développer une
stratégie favorisant le retour des travailleurs (qualifiés)
sénégalais déployant leurs talents à
l'étranger ainsi que des mesures visant à limiter l'attraction,
souvent biaisée par des critères non financiers comme le prestige
de la fonction, exercée par le secteur public et les agences de
développement au détriment des entreprises privées
prêtent à embaucher.
Enfin, il est indispensable d'améliorer les canaux
d'information facilitant la quête de personnel compétent. Les
entreprises sénégalaises sont contraintes de recourir à
des réseaux informels dont l'utilité est, certes,
avérée, mais qui rallongent leurs temps de recherche (plus de 4
semaines pour trouver un ouvrier qualifié) et privilégient des
critères autres que la compétence. Pour qu'un marché de
l'emploi fonctionne bien, une information homogène doit être mise
à la disposition de tous, afin de réduire ces temps de recherche
et à éliminer les
situations de rente dont jouissent certaines
catégories de travailleurs tels que les expatriés et les
personnels (dans le secteur informel) capables d'obtenir des redistributions
salariales supérieures à leur productivité.
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