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La problématique des délais dans la procédure pénale

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par Pissibinawe YAKE
Ecole nationale d'administration - Diplôme de l'ENA cycle 2 2006
  

Disponible en mode multipage

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PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE REPUBLIQUE TOGOLAISE

.................. Travail-Liberté-Patrie

MINISTERE DE LA FONCTION

PUBLIQUE ET DE LA REFORME

ADMINISTRATIVE

......................

ECOLE NATIONALE D'ADMINISTRATION

BP. 64 - Lomé (TOGO)

Email : enatogo@ids.tg

MEMOIRE

POUR L'OBTENTION DU DIPLOME DE L'ENA CYCLE II

SECTION JUDICIAIRE

OPTION : GREFFE ET PARQUET

LA PROBLEMATIQUE DES DELAIS DANS LA PROCEDURE PENALE

Préparé et soutenu par : Sous la direction de :

YAKE Pissibinawè BEKETI Adamou

Magistrat, Directeur des

Certificats de Nationalité

Promotion 2006 - 2009

LA PROBLEMATIQUE DES DELAIS DANS LA PROCEDURE PENALE

Présentation

Merci Monsieur le président du Jury,

Monsieur le Président du jury,

Messieurs les membres du jury,

A cette solennelle circonstance, nous vous adressons nos sincères remerciements pour avoir accepté, malgré vos multiples occupations d'examiner, d'apprécier et d'améliorer le contenu de ce mémoire qui marque la fin de notre formation.

A l'Ecole Nationale d'Administration, la fin de la formation aux cycles 2 et 3 est sanctionnée en effet, par un stage pratique de 6 mois. Suite à ce stage, l'élève prépare et soutient un mémoire.

L'honneur nous revient aujourd'hui de vous exposer les conclusions de nos travaux.

Nous voudrions saisir cette occasion pour exprimer toute notre gratitude au corps professoral et au personnel administratif d'une part, pour les sacrifices consentis et, d'autre part, pour les connaissances à nous cédées.

Nos remerciements vont également à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre ont contribué à la réalisation de cet ouvrage.

Monsieur le Président du jury,

Messieurs les membres du jury,

La multiplication des problèmes sociaux, de nos jours exige une plus grande responsabilité de l'Etat dans le règlement des litiges. Ceci fait d'ailleurs partie des missions régaliennes de l'Etat. Le droit à la justice est un droit de l'homme. Au cours de notre stage, nous nous sommes intéressée à la manière dont cette justice est rendue et rendu compte de certaines évidences. Ce qui nous amène à ce thème : « La Problématique des délais dans la procédure pénale. »

Si nous avons choisi ce thème, c'est pour mettre en évidence certains maux dont la correction pourrait rendre la justice togolaise plus efficace. Et surtout pour éviter la répétition des cas comme, celui de Senaya : « c'est dur, très dur de passer 13 ans de sa vie en prison surtout quand on a 20 ans en y entrant. De l'enfance, je suis passé au stade adulte sans rien savoir des joies de la vie d'un adolescent », disait Senaya Abalo. En effet, Senaya Abalo est une des nombreuses victimes de la lenteur de la justice pénale togolaise. En fait, il a été gardé en prison pendant 13 ans, pour des faits non prouvés dont l'examen au niveau de l'instance judiciaire a fait éclater son innocence.

Pour appréhender certains aspects de notre sujet, nous avons dû procéder à des constats dans certains tribunaux ; à des visites des maisons d'arrêt pour des fins de recherches.

L'institution des délais n'est pas qu'une exigence constitutionnelle ; elle figure un peu partout dans les traités, déclarations et pactes relatifs au droit de l'homme.

La revendication d'une justice rapide découle d'un certain nombre de constats :

ü La lourdeur des procédures entraine une lenteur dans l'accomplissement des actes.

ü La submersion du personnel judiciaire justifie par ailleurs leur apparente inefficacité.

ü La déstabilisation du prévenu ; nous pouvons illustrer ce cas par un exemple. Le constat d'une procédure lente s'observe également à travers la détention préventive qui prend parfois un temps relativement long. Ainsi, des prévenus peuvent passer de longs moment en détention puis être détaché à l'issu du procès ; parfois sans condamnation, parfois condamnés à une peine curieusement proche de la durée de la détention préventive. Ce fut le cas de Kohomlan Dogbévi lors des assises de juillet 1997 à Lomé. Poursuivi pour homicide volontaire sur la personne de sa victime Ramatou Soulé, il a été arrêté le 30 avril 1989. L'instruction terminée, son dossier n'a été inscrit au rôle de la cour d'assise que le 15 juillet 1997 soit 8 ans 2 mois 18 jours après les faits. Reconnu coupable, il a été condamné à 5ans de travaux forcés et 7.000.000 de dommages et intérêts aux ayants droits. Les portes de la prison lui furent ouvertes le jour même du verdict de la cour d'assises puisqu'il avait déjà largement purgé sa peine pendant longue détention préventive.

Ayant fait ressorti ces observations, nous avons essayé de les expliquer car l'efficacité exige des moyens humains, matériels et infrastructurels.

A cet effet, les solutions proposées se résument à :

ü aménager les textes,

ü instaurer les délais pour les infractions dont la peine est supérieure à 5ans.

ü Instaurer le plaider coupable ou bien la comparution immédiate.

Monsieur le Président du jury,

Messieurs les membres du jury,

Voila présenté de façon globale le contenu de notre document. Toutefois, persuadés que toute oeuvre humaine est perfectible, nous restons ouverte à toutes vos observations, remarques et suggestions pour améliorer le contenu de ce mémoire pour qu'il serve de référence.

Nous vous remercions de votre bienveillante attention.

DEDICACE

Je dédie ce mémoire à :

ü mes parents YAKE Manga et AKPELI Yadè, pour tant de sacrifices consentis à mon égard ;

ü ma fille adorée Kenza Ayoka Gnimwèdéou.

REMERCIEMENTS

Au terme de ce mémoire, nous tenons à remercier de tout coeur tous ceux qui, de près ou de loin, nous ont permis d'atteindre notre objectif. Nos remerciements s'adressent particulièrement à :

ü Monsieur BEKETI Adamou, Directeur des Certificats de Nationalité, notre Directeur de mémoire qui a accepté de diriger ce travail malgré ses multiples occupations, sans nous marchander ses connaissances et ses expériences ;

ü Monsieur DONKON Kasségné, Directeur de Cabinet au Ministère de la Fonction Publique ;

ü Monsieur FOMBO Kokou, Proviseur du Lycée Agoè-ouest à Lomé;

ü Mon époux, ALOGOU Babatoundé Eustache qui a été de tous les combats et a su supporter les contraintes de travail ;

ü Mes frères et soeurs ;

ü La famille LOTSU;

ü Tous mes professeurs.

AVERTISSEMENT

L'ENA N'ENTEND DONNER AUCUNE APPROBATION NI IMPROBATION AUX OPINIONS EMISES DANS CE DOCUMENT ; ELLES DOIVENT ETRE CONSIDEREES COMME PROPRES A LEURS AUTEURS.

SOMMAIRE

INTRODUCTION.........................................................................................................1

1ère PARTIE : DELAI D'INSTRUCTION DANS UN PROCES PENAL................... 4

CHAPITRE I : La raison d'être du délai d'instruction.............................5

Section 1 : Notion et nécessité du respect du délai d'instruction............5

Paragraphe 1 : Délai d'instruction...................................................5

Paragraphe 2 : Nécessité du respect du délai d'instruction...................7

Section 2 : Objectifs du respect du délai d'instruction ..........................9

Paragraphe 1 : Souci d'un procès équitable....................................9

Paragraphe 2 : Souci du respect de la présomption d'innocence.........11

CHAPITRE II : Les manquements constatés dans le système judiciaire

togolais..........................................................................14

Section1 : Problèmes d'ordre organique.......................................14

Paragraphe 1 : Au niveau des institutions judiciaires........................14

Paragraphe 2 : Au niveau du personnel judiciaire ............................17

Section2 : Problèmes d'ordre matériel...........................................19

Paragraphe 1 : Absence de garantie en matière de détention

provisoire....................................................................... 19

Paragraphe 2 : Obligation du respect de quatre phases incontournables....................................................22

2ème PARTIE : CONSÉQUENCES DU NON RESPECT DU DÉLAI D'INSTRUCTION ET APPROCHES DE SOLUTIONS..........................................24

CHAPITRE I : Les conséquences du non respect du délai d'instruction

dans un procès pénal..............................................25

Section1 : Conséquences à l'égard des parties ...............................25

Paragraphe 1 : A l' égard de la victime...........................................25

Paragraphe 2 : A l'égard du prévenu..............................................25

Section2 : Conséquences sur la justice et la société.........................26

Paragraphe 1 : Sur la société.......................................................27

Paragraphe 2 : Sur la justice elle-même.........................................27

CHAPITRE II : Solutions préconisées pour une célérité de l'instruction dans un procès pénal.....................................................................30

Section 1 : Relecture des règles de procédure......................................30

Paragraphe 1 : Institution de nouveaux délais de procédure..................30

Paragraphe 2 : Institution du «plaider coupable« dans le code de procédure pénal togolais .....................................32

Section1 : Réforme de la justice pénale ........................................34

Paragraphe 1 : Réorganisation des services judiciaires......34 Paragraphe 2 : Actions sur les fonctionnaires et les conditions de

travail................................................................35

CONCLUSION............................................................................37

INTRODUCTION

L'Etat de droit est le socle de toute démocratie. La séparation des pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire) garantit le respect des libertés individuelles et collectives.

En général, le droit se définit comme l'ensemble des règles régissant la vie en société et sanctionnée par la puissance publique1(*).

Sous le vocable "Droit pénal", on comprend généralement l'ensemble des règles visant, d'une part, l'application des peines déterminées à certains actes que la loi défend, soit parce qu'ils menacent l'existence de la société, soit parce qu'ils nuisent à ses institutions, d'autre part, la procédure par laquelle sont constatés poursuivis et punis ces faits délictueux.

Le procès pénal constitue la mise en oeuvre du droit pénal. Si le droit pénal dit ce qu'il ne faut pas faire et également ce que l'on encourt si on le fait quand même, le procès pénal vise à préciser dans quelles conditions une personne pourra se voir reprocher ce que le droit pénal interdit.

Le procès pénal peut être défini comme un litige soumis à un tribunal, une contestation pendante devant une juridiction, un contentieux. Il est parfois synonyme de procédure, d'instance. En outre le procès pénal apparaît comme l'intervention du juge, pour trancher, par application de la loi pénale, un différend opposant un individu auteur d'une infraction à la société aux intérêts de laquelle il est porté atteinte. En effet, la procédure pénale, encore appelée instruction criminelle constitue «l'ensemble des règles qui décrivent et réglementent tout ce qui concerne l'existence du personnel de justice pénale et son activité depuis le moment où la commission de l'infraction est soupçonnée, jusqu' à celui où son auteur, identifié et condamné, commencera l'exécution de sa peine »2(*).

Les différents actes de déroulement du procès pénal obéissent à des principes qui protègent aussi bien la société que l'accusé. Les uns sont relatifs au droit au procès équitable, les autres aux garanties appartenant à tout accusé.

Afin de ne léser personne au procès, celui-ci doit se dérouler dans le plus bref délai. La solution du litige pourrait perdre tout son intérêt pour le justiciable et la justice ne serait pas équitable si la décision n'intervient que bien des années après l'introduction de l'instance. La célérité trouve sa justification dans la Constitution à travers le titre II relatif aux libertés publiques. De son côté, le code de procédure pénale a entendu mettre un terme aux pertes de temps. On peut citer l'institution de délai de rigueur en matière de détention provisoire à travers l'article 113 C.P.P.

Mais, force est de constater que, de nos jours, les procès ne respectent pas les délais. Des instances peuvent durer des mois voire des années. Nous assistons parfois à des relaxes pures au terme des jugements. Des inculpés subissent une longue détention préventive qui excède la peine.

Cette situation ne va ni dans le sens de la protection des intérêts de la société ni de ceux du prévenu. Les actes de procédure sont parfois longs, les étapes nombreuses, les aller et venues fréquents et l'on pourrait se retrouver quelques fois avec des non-lieux3(*). Au demeurant, elle donne lieu à des règlements de compte, les justiciables ayant perdu confiance en la justice quant à leur besoin immédiat d'indemnisation.

Cette lenteur du procès a des causes liées à la procédure quant à la saisine de la juridiction pénale, au règlement des dossiers et au temps des actes.

Peut-on citer l'alourdissement de la procédure, l'accroissement de la criminalité sans que les moyens de la justice aient été adaptés en conséquence? En outre, la surcharge des parquets provoque un encombrement des juridictions, ainsi qu'un retard général dans le traitement des affaires a l'audience.

De tout ce qui précède, découle naturellement la problématique du délai d'instruction d'un procès pénal.

Face à ce fléau, il s'impose au Togo de trouver des voies et moyens pour l'accélération des procédures. En choisissant de traiter ce thème, nous espérons contribuer à apporter des solutions à ces problèmes.

Pour ce faire, nous adopterons une structure bipartite. Dans une première partie, il sera question d'éclaircir la notion de délai d'instruction et d'en dégager les objectifs. Il s'agira également d'analyser les manquements (constats ou problèmes) liés à son non respect.

La deuxième partie sera consacrée non seulement aux causes mais aussi aux conséquences du non respect du délai d'instruction dans un procès pénal. Il y sera question également de proposer des solutions pour une justice plus diligente dans l'intérêt de toute la société.

PREMIERE PARTIE :

DELAI D'INSTRUCTION DANS UN PROCES PENAL

CHAPITRE I : LA RAISON D'ETRE DU DELAI D'INSTRUCTION

L'exigence d'une procédure opérant dans un délai raisonnable est un principe tendant à éviter une lenteur excessive de la justice tout en évitant à la personne en cause de subir longtemps une très grande incertitude sur son sort. L'article 9, paragraphe 3 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques énonce : tout individu arrêté ou détenu du chef d'une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant le juge ou une autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré. La Charte Africaine des Droits de l'Homme, adoptée en 1981 dispose en son article 7 : «Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend : [...] le droit d'être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale»

Le respect du délai raisonnable passe par la célérité de la procédure, donc de l'instruction. Il est donc nécessaire que ce délai soit respecté, au regard des objectifs visés.

Section 1 : Nécessité de respect du délai d'instruction

Avant d'aborder ce qui rend nécessaire le respect du délai d'instruction d'un procès pénal, nous tenterons d'éclaircir la notion de délai d'instruction.

Paragraphe 1 : Délai d'instruction

Le terme délai qui se rapporte à la durée peut s'entendre comme le temps accordé pour faire une chose. L'instruction, quant à elle, se définit comme la phase de l'instance pénale constituant une sorte d'avant-procès qui permet d'établir l'existence d'une infraction et de déterminer si les charges relevées à l'encontre des personnes poursuivies sont suffisantes pour qu'une juridiction de jugement soit saisie4(*).

Ainsi, nous pouvons définir le délai d'instruction comme le temps qui s'écoule depuis la commission d'une infraction jusqu'à sa mise en état.

Au cours de la phase de l'instruction, un magistrat spécialisé, le juge d'instruction, recherche, sous le contrôle de la chambre d'accusation, s'il existe contre un individu des charges sérieuses justifiant le renvoi de celui-ci devant la juridiction de jugement. L'instruction est donc la phase du procès où s'effectue « la mise en état de l'affaire ». Elle est aussi appelée information. Comme l'enquête donc, l'instruction d'une affaire par le juge tend à la recherche des éléments qui, ultérieurement permettront à la juridiction de jugement, si elle est saisie, de porter une appréciation sur l'infraction et son auteur.

En matière d'instruction, la notion de délai est ambigüe, notamment parce que cette formule ne peut avoir le même sens pour le juge et pour le justiciable.

Les justiciables estiment que l'administration n'a pas travaillé avec la célérité voulue ; les autorités tenteront de démontrer que des motifs légitimes justifient la durée de la procédure. Par exemple, un service de contrôle médical essayera de prouver que l'enquête est le résultat d'une étude longue et détaillée des prestations et prescriptions des dispensateurs de soins.

Le point de départ de la procédure en matière de procédure pénale est aussi appelé le « dies a quo ». Contrairement à ce qui se passe en matière civile où le délai commence, en principe, à courir à partir de la saisine du tribunal, en matière pénale, la question fait l'objet de controverses.

Dans un premier temps, on peut considérer le critère de mise en accusation formelle c'est-à-dire soit les premières accusations, soit l'arrestation.

Dans un second temps, la cour entend par accusation soit la notification officielle de reproche d'avoir commis une infraction pénale par arrestation, placement en détention provisoire, audition, soit le moment où la personne a le sentiment d'être soupçonnée d'une infraction pénale.

La Cour de Cassation française estime qu'en matière d'infraction collective, l'ensemble des infractions doit être jugé dans un délai, qui ne peut commencer à courir qu'a la date où la personne poursuivie s'est trouvée dans l'obligation de se défendre du chef du dernier fait manifestant l'intention frauduleuse 5(*).Une fois le point de départ fixé, il faut voir la date à laquelle la procédure prend fin.

Si la complexité de l'affaire est un critère objectif, il n'en est pas de même pour l'appréciation des comportements des autorités et des personnes impliquées envers lesquelles plusieurs raisons justifient la nécessité de la célérité de la procédure.

Paragraphe 2 : Nécessité du respect du délai raisonnable

Le délai d'instruction d'un procès pénal pose le problème des garanties liées à un tel procès. Il s'agit de voir quelle en est la valeur protectrice.

Le justiciable qu'il soit demandeur ou défendeur dans un litige, doit avoir la possibilité de faire valoir ses droits sans retard excessif. Donc, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice pénale, le Togo à travers le C.P.P.T. relève le pari en posant des règles de délais stricts pour l'accomplissement des actes de procédure.

S'il est admis que l'auteur d'une infraction ne peut être condamné qu'après avoir été jugé, il n'en demeure pas moins que le respect des libertés individuelles d'une part, et la réaction hostile à la délinquance de la société d'autre part, font de la célérité du procès pénal une nécessité .Il s'agit d'une exigence qui doit être observée à toutes les phases de la procédure.

L'idée de renfermer l'instruction dans un délai est une exigence constitutionnelle. En effet, les droits fondamentaux de la personne notamment celui d'être jugé sans retard excessif sont fixés par la Constitution, norme fondamental, qui a consacré son titre II aux libertés publiques et à la personne humaine.

Ces dispositions de la loi fondamentale confèrent à l'Etat des obligations de respecter et de protéger la personne quelque soit, par ailleurs, sa situation. Ainsi, toute personne arrêtée ou placée sous détention doit être jugée le plus vite possible pour qu'elle soit fixée sur son sort. Selon Walter Savage LANDOR «une justice tardive est une injustice»6(*). La lenteur du procès déstabilise l'individu et l'installe dans une situation psychologique pénible. Il a hâte de savoir quelle sera la sentence de la justice. S'il est coupable, il veut savoir s'il va bénéficier de circonstances atténuantes et s'il est innocent, il veut être libéré immédiatement.

Relativement à la dignité, on peut dire sans conteste qu'il est contraire à la dignité humaine de garder infiniment en prison selon le bon vouloir des "bourreaux".

Il est également nécessaire que la phase d'instruction se déroule dans un délai raisonnable pour une bonne appréciation de l'efficacité des services judiciaires. En effet, il est difficile pour les prévenus de comprendre qu'une fois les faits à eux reprochés reconnus ou non, leur jugement n'intervienne pas aussitôt. Les justiciables pensent que les acteurs de la justice éprouveraient un plaisir à faire perdurer l'instance.

La société, quant à elle, a besoin d'être rassurée que l'auteur d'une infraction sera sanctionnée, et ce, dans un bref délai.

Section 2 : Objectifs du respect du délai d'instruction

Ils se manifestent par une protection de différents intérêts souvent antagonistes lors du procès pénal à savoir les intérêts de la société, ceux de la victime et enfin ceux de la personne faisant l'objet des poursuites. En outre, dans le souci d'aboutir à un procès juste et équitable, un certain nombre de garanties est reconnu aux justiciables.

Paragraphe 1 : Souci d'un procès équitable

La célérité de la procédure va dans le sens de l'intérêt de la victime dont il faut hâter l'indemnisation. En effet on peut noter, conformément à l'article 2 du Code Togolais de Procédure Pénale, que « l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit, une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ». Il va de soi alors qu'il s'agit ici d'un droit reconnu à toute personne victime d'une infraction. En effet, on ne saurait logiquement admettre qu'une telle personne puisse accepter éternellement ou à long terme que le coupable de son mal reste impuni.

Même si la détention provisoire est considérée comme un outil au bénéfice de la victime, elle demeure insuffisante à justifier le retard que pourrait connaître le procès dans son dénouement.

La détention provisoire est insuffisante d'abord parce qu'il s'agit d'une simple mesure préventive laissant à l'inculpé un certain nombre de ses droits. Il faut en second lieu prendre en compte le fait que la détention obéit à certaines conditions et de ce fait n'intervient pas toujours.

Au cas contraire, on pourrait assister avec amertume et regret au strict spectacle de la libération tardive d'un accusé ou d'un coupable à chaque session de cours d'assises. Une telle situation provoque des sentiments de révolte et de frustration à l'égard de l'institution chargée de rendre la justice. De plus avec le temps, l'obtention des preuves se fait plus difficilement et c'est d'ailleurs cette idée qui est l'un des fondements de la prescription de l'action publique7(*).

Une autre explication peut être donnée de l'exigence du délai raisonnable mais relative cette fois à la société.

En ce qui concerne la société, il n'est pas de doute que l'opinion publique réclame un châtiment rapide et surtout pour les infractions les plus graves. En effet, ici l'intérêt réside dans le fait que la procédure pénale constitue la mise en oeuvre du droit pénal et révèle les idées que l'on se fait à propos de la protection des libertés individuelles et surtout de celle des intérêts sociaux. Cela implique de ce fait que le procès pénal organisera une répression plus ou moins sévère qui n'est cependant efficace que si son issu intervient dans la célérité. La violation de cette exigence porte atteinte tant à la crédibilité de la justice qu'à son efficacité pour assurer la protection sociale.

C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles le bref délai de la procédure ou à tout le moins un délai raisonnable constitue un pilier d'une bonne justice. Sans doute, un problème surgit lorsqu'il s'agit de déterminer avec précision l'effet immédiat d'une nouvelle loi sur un procès en cours. Le déroulement partiel de l'instance empêchera-t-il l'application du nouveau texte? La jurisprudence française décide de façon constante que la nouvelle loi plus douce doit être appliquée tant que le procès n'est pas irrévocablement clos, et notamment lorsque les faits, après avoir été jugés au premier degré sont soumis à la cour d'appel ou à la cour d'assises. En définitive, pour une meilleure prévention des réactions de la société et un meilleur respect de ses exigences, la célérité procédurale demeure une nécessité.

Paragraphe 2 : souci de respect de la présomption d'innocence

Le principe de la présomption d'innocence est un principe sacré en droit criminel. D'un point de vue textuel, il a été affirmé avec éclat dans une déclaration de Louis XIX en date du 1er mai 1788 selon laquelle « le premier de tous les principes en matière criminelle [...] veut qu'un accusé, fut il condamné en première instance, soit toujours réputé innocent aux yeux de la loi jusqu'à ce que la sentence soit confirmée en dernier ressort ».

Elle est reprise par l'article 141 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme élaborée par l'ONU en 1948.

Ce principe est aujourd'hui consacré par notre législation pénale. En effet, toute personne soupçonnée ou suspectée est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie. Les atteintes à ce principe sont prévenues, réparées et réprimées. Il paraîtrait arbitraire de limiter la présomption d'innocence uniquement aux règles de preuves, puisqu'elle doit régir toute l'instance répressive.

D'aucuns se demandent comment peut on être présumé innocent et voir sa liberté restreinte dans le cadre de la garde à vue ou de la détention provisoire, pouvant dans certains cas avoir une très longue durée ? En effet, la détention provisoire est très grave car fait subir à la personne soupçonnée ou à l'inculpé l'équivalent d'une peine avant même l'intervention d'une décision définitive et semble contraire à la présomption d'innocence. Ne doit-on pas, pour assurer le respect du principe tutélaire, dénier aux organes répressifs le droit de porter atteinte à la liberté d'aller et de venir ? En effet le respect de la présomption d'innocence d'un inculpé apparaît difficilement conciliable avec la détention provisoire. Entre celle-ci et celle-là, il existe une certaine antinomie.

Priver une personne de sa liberté, une personne simplement soupçonnée d'avoir commis un crime ou un délit équivaut à une présomption de culpabilité, à une infliction de sanction avant une reconnaissance de culpabilité et une condamnation par une juridiction. Peut-on alors conclure à l'abus fait par les juges de la faculté qui leur est offerte par l'article 113 C.P.P.T. de placer les suspects en détention ou sous contrôle judiciaire.

Certains auteurs considèrent qu'il est maladroit et qu'il constitue une grande hypocrisie du droit pénal car proclamé puis contourné et méconnu. Même s'il est vrai que la garantie et la sanction des droits proclamés ne sont pas toujours pleinement assurées cela ne doit pas être une raison de la remise en cause ou de la suppression de la présomption d'innocence.

Seulement on ne doit pas oublier que la situation de présumé innocent avec tous les avantages qu'elle comporte ne saurait être conçue de sorte à sacrifier la protection de la société notamment par une accélération de la procédure pour une affaire nécessitant des investigations poussées pour la manifestation da la vérité. Parler d'investigations poussées renvoie nécessairement au mécanisme de la détention provisoire.

CHAPITRE II:

LES MANQUEMENTS CONSTATES DANS LE SYSTEME JUDICIAIRE TOGOLAIS

Souhaiter que la justice soit bien rendue implique non seulement que la décision du juge soit juridiquement correcte mais aussi qu'elle intervienne dans un délai utile. Il suffit pourtant de lire certains arrêts des juridictions pour constater que la revendication d'une accélération du service public de la justice est devenue générale et la règle vaut aussi au Togo. Les problèmes liés au délai d'instruction sont deux (2) ordres. Ils peuvent être d'ordres organique ou matériel.

Section 1 : Problèmes d'ordre organique

Les manquements constatés font état d'un encombrement des rôles dans les tribunaux, de sorte que les dossiers restent des années sans être traités. Les problèmes ressortent aussi bien au niveau des institutions que du personnel judiciaires.

Paragraphe 1: Au niveau des institutions judiciaires

Il s'agit des organes chargés de dire le droit à savoir les juridictions. Notre étude portera sur leurs moyens matériels, leur répartition, leurs structures.

Les problèmes d'équipement sont primordiaux pour un bon fonctionnement de la justice, or l'on constate que la justice togolaise fonctionne dans un état de pénurie.

Les moyens matériels font justement défaut, en raison de l'augmentation du contentieux en général et de la multiplication des conflits et affaires judiciaires en particulier. Il faut mieux organiser, pour éviter les pertes de temps et encombrements. L'insuffisance des cabinets d'instruction, chargés de réunir les preuves entrave par voie de conséquence à la célérité. A Lomé par exemple, on compte six (06) cabinets d'instruction. Le nombre moyen de dossiers qui y sont traités par an est de . Ceci dénote d'une surcharge du personnel judiciaire qui répercute nécessairement sur le délai d'instruction du procès. A Aného et dans d'autres villes, il n'existe qu'un seul juge d'instruction alors que la complexité des dossiers exige parfois de longs et méticuleuses investigations dont la bonne exécution exige une disponibilité qui agit forcément sur le cours de l'évolution des dossiers.

La justice togolaise est peu décentralisée. Il existe deux (2) cours d'appel au Togo: la Cour d'Appel de Lomé reçoit en appel les jugements rendus en premier ressort par les tribunaux de Lomé, Aného, Tsévié, Kévé, Kpalimé, Vogan, Tabligbo et Notsè,... ; la Cour d'Appel de Kara connait en deuxième ressort les litiges jugés en première instance par les tribunaux de Kara, Sotouboua, Tchamba, Bassar, Sokodé, Kantè, Dapaong, Mandouri et Mango. La concentration judiciaire demeure un inconvénient majeur entraînant très souvent des lenteurs excessives.

En tout état de cause, les lenteurs dues par ces facteurs sont imputables à l'Etat, sans que ce dernier puisse se retrancher derrière les lacunes essentielles de sa loi nationale ou de la complexité de son organisation judiciaire.

On ne saurait, enfin s'abstenir de dire que parmi les causes de la lenteur de la justice togolaise figure aussi, le principe de l'unification. Il s'agit d'un principe qui veut que tous les litiges soient portés dans le même ordre de juridiction. Plusieurs raisons d'ordre économique, financier et technique ont été avancées pour expliquer l'option du législateur togolais. Contrairement à la France, le Togo ne pratique pas la séparation8(*). Ainsi les tribunaux ne sont pas partagés entre un ordre judiciaire et un ordre administratif qui représentent deux pyramides hiérarchisées de tribunaux, relevant, chacun, d'une juridiction suprême qui lui est propre et qui peut annuler ses décisions.

Aux termes de l'article 32 du C.P.P, « le Procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et la suite à leur donner ». Cette décision, dans bien des cas, intervient tardivement, car n'étant enfermée dans aucun délai.

Au niveau des formalités de constitution de dossiers, les moyens techniques requis pour leur recevabilité constituent également des causes de lenteur.

Dans le cas de flagrant délit, le retard dans la production d'une pièce du dossier peut freiner la procédure. Par exemple, pour un délinquant né à Kantè et arrêté à Lomé, son dossier ne sera pas reçu en jugement tant que le bulletin n°2 de l'intéressé délivré par le tribunal de Kantè n'y figure pas.

En matière de citation directe, la loi fait obligation au juge de respecter le principe du contradictoire. Dans ce cas aussi, les délais sont minima (article 394 CPPT). Une erreur matérielle comme le non respect de ces délais ou des formes requises pour les formalités peut ralentir le déroulement du procès.

C'est dans le procès criminel que la lourdeur des procédures se fait le plus sentir. En effet, rendue obligatoire en matière de crime, l'instruction préparatoire se déroule sous le contrôle permanent du Procureur de la République9(*). Selon les différentes formes de saisine, des carences existent, qui affectent la célérité de la procédure. Nous pouvons citer entre autres le manque de diligence dans l'envoi des dossiers après la clôture de l'information et la prise de réquisitions écrites par le Procureur Général. Les différents incidents qui peuvent intervenir lors de l'instance sont également des causes de lenteur de l'instruction du procès pénal.

Paragraphe 2: Au niveau du personnel judiciaire

Le personnel de la justice se compose de magistrats, de greffiers et d'autres corps non professionnels dont les actions concourent à rendre la justice. Vu sous un angle pénal, les acteurs judiciaires se composent de magistrats du parquet, du siège et de ceux de l'instruction.

C'est le magistrat du parquet jouant le rôle de Ministère Public qui fait rechercher et constater les infractions par le biais de la police judiciaire. C'est également lui qui exerce l'action publique et requiert l'application de la loi. L'action du Ministère Public sur la lenteur de l'instruction est perceptible lorsque vient le moment d'apprécier le temps parfois trop long mis pour la qualification des faits.

Le rôle du juge d'instruction est de rechercher les éléments de preuve. L'absence du « plaider coupable« dans le CPPT oblige ce dernier, non à démontrer que le prévenu est coupable (cela relève du Ministère Public), mais à connaitre la vérité. Dans ce processus, la lenteur qui lui est imputable procède de circonstances externes comme :

Ø la dénonciation calomnieuse ;

Ø la non délivrance de mandat de justice ;

Ø la lenteur du Procureur de la République dans l'accomplissement de certaines formalités nécessaires à la suite de la procédure.

Deux conditions sont particulièrement nécessaires pour qu'une justice soit rendue dans un délai raisonnable : il s'agit d'une part d'augmenter les ressources humaines et d'assurer aux agents chargés de rendre la justice une indépendance par rapport à toute influence externe. L'exigence d'une justice rendue avec célérité n'est pas respectée au Togo. Le déficit de personnel entraîne comme conséquences des lenteurs et des dénis de justice. Il est de ce fait plus qu'important de renforcer les moyens humains. Parler de respect du délai raisonnable implique l'impérieuse nécessité de revoir les moyens humains au premier rang desquels figurent les magistrats chargés de rendre la justice.

Pour que les tribunaux puissent siéger avec la célérité qui sied, il ne suffit pas seulement d'augmenter le nombre de magistrats recrutés. Encore faudrait il que ceux-ci bénéficient d'un statut leur permettant de préserver leur indépendance ou de résister aux pressions qui s'exercent sur eux.

Le juge d'instruction dispose d'un délai d'un mois pour rendre une ordonnance motivée. Il peut faire droit à la demande et procéder au règlement de la procédure, en notifiant aux parties l'avis de fin d'instruction. Il peut rejeter la demande s'il décide de poursuivre l'instruction. Les parties peuvent saisir le président de la chambre de l'instruction dans les cinq (5) jours suivants le délai d'un mois. Il s'agit d'une saisine directe et non d'un appel.

Parallèlement, en droit togolais, le président de la chambre d'accusation et le Procureur Général s'assurent du bon fonctionnement des cabinets d'instructions du ressort de la Cour d'appel. Il s'emploie à ce que les procédures ne subissent aucun retard injustifié. A cette fin, il établit chaque mois, dans chaque cabinet d'instruction une notice de toutes les affaires en cours portant mention, pour chacune, la date du dernier acte d'information exécuté.

En vérité, chaque jugement, parce qu'il prétend à l'instauration d'une justice sert au-delà du bien commun qu'il vise, un intérêt particulier : celui pour la personne poursuivie de connaître son sort à l'issu d'un procès équitable tenu dans un délai raisonnable.

Mais ne nous y trompons pas, telle mission ne pourra être accomplie avec succès que si les magistrats disposent d'un environnement convenable, des moyens de travaux suffisants voir performants et surtout d'une rémunération raisonnable.

C'est donc dire que les lenteurs de la justice pénale en général et du procès pénal en particulier ont, au Togo, des causes liées aux facteurs économiques, politiques, et socioculturels ; des causes liées aux effectifs judiciaires ; et enfin des causes relatives à la procédure quant à la saisine des juridictions pénales et quant au règlement des dossiers et le temps des actes.

Section 2: Problèmes d'ordre matériel

Ces problèmes sont liés à l'impossibilité de la victime d'obtenir une indemnisation et à celle de traduire les juges.

Paragraphe 1: Absence de garantie en matière de détention provisoire

Dans un procès pénal, la première garantie exigée du prévenu est la détention préventive. S'il est vrai que le CPPT a voulu limiter les détentions abusives, la liberté d'appréciation du magistrat est un frein à cette limitation dont la violation ne comporte aucune répréhension. En effet, le lien étroit entre détention provisoire et procès pénal s'apprécie selon la gravité de l'infraction.

Le législateur togolais a prévu la détention préventive pour des infractions d'une certaine gravité et en limite la durée : «  En matière correctionnelle, lorsque le maximum de la peine prévue par la loi est inférieure à deux ans d'emprisonnement, l'inculpé domicilié au Togo ne peut être détenu plus de dix jours après sa première comparution devant le juge d'instruction s'il n'a pas déjà été condamné soit pour un crime, soit à un emprisonnement de plus de trois mois sans sursis pour délit de droit commun »10(*)

La mise en liberté est également de droit lorsque la durée de la détention préventive atteint la moitié du maximum de la peine encourue et que l'inculpé est délinquant primaire.». Ainsi le législateur togolais a posé des délais particuliers et chiffrés en matière de détention provisoire qui ne doit pas dépasser la limite du raisonnable.

Seulement, la lecture de ces articles laisse poser un certain nombre de question. Veulent ils dire que le législateur togolais n'a prévu que la réglementation de la seule détention provisoire des délits punis de peine inférieure ou égale à 2 ans ? A-t-il voulu supprimer la détention provisoire lorsque la peine prévue est supérieure à 2 ans ?

En définitive lorsque la durée de la détention excède un an en matière criminelle et quatre mois en matière correctionnelle, les décisions ordonnant sa prolongation ou rejetant les demandes de mise en liberté doivent comporter des indications particulières qui justifient en l'espèce la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure. Une exception à cette obligation existe puisque le juge d'instruction n'est pas tenu d'indiquer la nature des investigations auxquelles il a l'intention de procéder lorsque cette indication risquerait d'entraver l'accomplissement de ces investigations.

Faute d'un renouvellement, l'inculpé doit être placé en liberté provisoire. Cependant, la pratique courante est qu'à l'expiration de la garde à vue, prolongée éventuellement sur autorisation du Procureur de la République11(*), le prévenu subit une incarcération que ne justifie ni la complexité ou non des faits, ni leur gravité. Or, aux termes de l'article 273 du CPPT, « le prévenu doit être traduit à l'audience du tribunal correctionnel au plus tard dans les 48 heures [...] », les faits graves donnant lieu à l'ouverture d'une information.

La première victime de la lenteur de l'instruction pénale est sans nul doute le prévenu. En effet, c'est ce dernier qui perd sa liberté. Cette détention a pu entraîner de lourdes conséquences sur la vie familiale du détenu, lui faire perdre son emploi et le déconsidérer socialement, surtout si la presse s'est fait l'écho de son dossier. Une indemnisation juste doit compenser ces différents préjudices même si, elle n'efface pas l'affront qu'ils ont eu. Toutes ces personnes auront du mal à regagner la confiance de la société et d'avoir un travail digne.

Sa dignité en est de même ébranlée car le verdict du jugement ne se diffusera pas à la même vitesse que celle de son incarcération et tous ne seront plus informés de sa culpabilité ou non. Pour l'opinion publique, aller en prison est souvent synonyme de culpabilité. Cette atteinte à l'honneur provenant de la justice elle-même n'est cependant pas réparée.

Paragraphe 2 : Obligation du respect des différentes phases du procès

Hormis le cas de flagrant délit, qui est une procédure rapide car l'auteur de l'infraction est traduit sur le champ devant la justice par le procureur de la République après une instruction sommaire du dossier, ce qui évite toute perte de temps, tout procès pénal connaît généralement, quatre phases que sont : l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement. Ces étapes du procès pénal peuvent être divisées en deux ordres à savoir une phase préparatoire du procès et une phase décisoire qui est le point d'aboutissement du processus pénal.

On constate donc que par la simple application de la loi, on peut être confronté à des situations où le procès peut avoir, à la limite, un dénouement lent.

Dans le procès pénal, la phase préparatoire est le stade de la recherche de la preuve et est caractérisée par l'intervention respective de la police judicaire et du juge d'instruction. Elle coïncide avec l'enquête, effectuée pour l'essentiel par les officiers de police judiciaire, la poursuite diligentée par les parties poursuivantes et l'instruction menée par le juge d'instruction et la chambre d'accusation.

Il existe une théorie commune à ces trois stades. C'est la recherche de la preuve qui apparaît comme l'objet essentiel de la phase préparatoire.

La phase décisoire marque l'aboutissement du processus pénal. Elle a, en effet, pour objet deux questions : celle de la culpabilité et celle de l'application de la peine.

Par le jugement une première décision est prise par une juridiction dite de premier degré. Par la suite, des recours pourront être intentés par les parties contre cette décision, par l'effet desquelles l'affaire est rejugée en fait et en droit par les juridictions supérieures.

Le nécessaire respect de ces étapes impose à l'administration une succession d'actes qui ne rencontrent pas toujours l'impatience des justiciables. Les victimes comprennent difficilement, par exemple, que suite à un flagrant délit, le coupable ne soit pas jugé et envoyé aussitôt en prison. De fait, sa détention provisoire leur paraît quelques fois comme une parjure, un arrangement entre juges et criminels, alors que le prévenu, de son coté, brûle d'impatience pour savoir quelle peine lui sera appliquée.

DEUXIEME PARTIE :

LES CONSEQUENCES DU NON RESPECT DU DELAI D'INSTRUCTION ET APPROCHES DE SOLUTIONS

CHAPITRE I :

LES CONSEQUENCES DU NON RESPECT DU DELAI D'INSTRUCTION DANS UN PROCES PENAL

Plusieurs facteurs entraînent un encombrement des rôles dans les tribunaux, de sorte que les dossiers restent des années sans être traités. Ces observations masquent une avalanche de conséquences auxquelles nous nous intéresserons dans ce chapitre. Les répercussions de la lenteur de l'instruction se manifestent au niveau des justiciables, de l'administration de la justice et de la société.

Section 1: Conséquences à l'égard des parties

La victime qui a subi un préjudice n'est pas toujours favorisée par la lenteur de la procédure. De même, le présumé auteur paie le prix de la non accélération de l'instruction.

Paragraphe 1: Conséquences sur la victime de l'infraction

La personne dont il a été porté atteinte à l'intégrité physique ou morale ou aux biens attend naturellement que justice lui soit rendue. Le temps qui passe, c'est la vérité qui s'enfuit, sera t-on tenté de dire. Le sentiment d'injustice qui anime la justice est lié au fait que durant toute la durée de l'instruction son préjudice reste entier et les interventions d'autres acteurs (témoins, experts) dans la procédure apparaissent comme des embûches à sa réhabilitation.

Le non respect du délai d'instruction ne donne aucune garantie à la victime quant à son dédommagement, pas plus qu'il ne lui en donne pas les moyens. Par exemple dans un vol, il n'y a ni restitution ni remboursement à l'équivalent, tant que la procédure n'est pas achevée. Celui-ci souffrira du manque de son bien pendant tout ce temps. S'il n'a pas les moyens de le renouveler, nous pouvons imaginer les conséquences s'il s'agit de la moto d'un conducteur de taxi moto.

On peut citer les règlements de comptes, les dérèglements sociaux et même la vindicte populaire sont en partie imputable à la lenteur du procès pénal.

Nous ne passerons pas sous silence les nombreux aller et venues qui peuvent leur être difficile et représenter pour eux de fortes contraintes qui justifient par ailleurs les nombreux questionnements qu'ils sont amenés à méditer quant à la volonté réelle de l'Etat dit de droit à donner satisfaction de leur demande de réparation.

Aussi, les différents frais d'actes à payer par une personne déjà éprouvée juridiquement ne sont-ils pas de nature à rassurer la victime.

Enfin, un long délai de procédure permet à l'inculpé de mauvaise foi d'organiser son insolvabilité et d'échapper à toute indemnisation en cas de condamnation.

Paragraphe 2: Conséquences sur le prévenu

Si la liberté n'a pas de prix, être incarcéré pour une infraction qu'on n'a peut être pas commise peut s'avérer plus avilissant. Les conséquences s'apprécient différemment selon que l'inculpé passe tout ou partie du temps de l'instruction en détention.

Lorsqu'il est laissé en liberté, il vit dans un état psychologique difficile. Désormais sous contrôle de la justice, il n'est pas entièrement libre de ses mouvements. De plus, il lui difficile d'entreprendre quoi que soit tant que plane sur lui la menace d'une condamnation. Il ne suffit, en effet, pas d'être innocent pour éviter cette condamnation, il faudra le prouver.

La détention préalable, elle, inflige un mal réel, une véritable souffrance, à un homme qui non seulement n'est pas réputé coupable, mais qui peut être innocent, et le frappe, sans qu'une réparation ultérieure soit possible, dans sa réputation, dans ses moyens d'existence, dans sa personne. En effet, aux termes de l'article 18 de la Constitution togolaise, « Tout prévenu ou accusé est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie [...] ». Le placement du prévenu en maison d'arrêt avant jugement est une négation pure et simple de cette garantie fondamentale. L'incarcération jette le discrédit sur la personne concernée, considérée désormais comme coupable par la société.

Aussi, d'un point de vu socioprofessionnel, la détention provisoire engendre l'exclusion: le prévenu placé en maison d'arrêt perd dans la plupart des cas, son emploi, donc ses moyens matériels d'existence, ce qui peut entraîner des conséquences désastreuses pour sa famille.

Si la poursuite pénale se termine par une sanction autre que la privation de liberté, la détention provisoire ne pourra donner lieu à aucune compensation. Là encore, cela ne peut être qu'une injustice voire une inégalité des citoyens devant la loi pénale même si l'argument avancé se résume à la « nécessité de l'instruction ». Dans ce cas, pourquoi ne pas placer le détenu sous contrôle judiciaire sachant qu'il n'y a pas de raisons plausibles pour douter du renouvellement de l'infraction, de la fuite de l'intéressé ?

Le dommage qui résulte de la détention provisoire, est sensiblement plus important dans l'hypothèse où le mis en examen est par la suite reconnu innocent.

Enfin, la lenteur, lorsqu'elle s'accompagne d'une détention préventive, ne permet pas au prévenu de préparer convenablement sa défense.

Section 2: Conséquences sur la société et la justice elle-même

Au-delà des personnes directement concernées, l'élasticité de la procédure pénale agit sur d'autres acteurs à savoir : la société au nom de laquelle la justice est rendue et l'administration judiciaire qui rend cette justice.

Paragraphe 1: Conséquences sur la société

Les décisions de justice sont introduites par l'expression «Au nom du peuple Togolais«. Cela signifie que du début jusqu'à la fin de la procédure, les différents acteurs agissent sur mandat du peuple togolais. Cependant, c'est ce même peuple qui ne se retrouve pas dans cette procédure qu'elle trouve longue et contre ses intérêts.

D'abord, les populations ne comprennent pas pourquoi en leur nom, une personne inculpée passe un temps si long en détention dite préventive. Elles ne s'expliquent pas non plus la raison pour laquelle il faille attendre des mois, des années avant d'être désintéresser pour un préjudice subi.

Le surpeuplement carcéral est une conséquence directe de la lenteur procédurale. Dans les prisons togolaises, près du tiers des détenus sont en détention préventive. La longue période passée en milieu carcéral offr aux délinquants primaires l'occasion de se «perfectionner«. Ils y entrent contrevenants et en sortent criminels. Les effets sur la société sont multiples et ont trait d'une part à l'augmentation de la criminalité, d'autre part à l'insensibilité à la menace d'une incarcération.

C'est en effet dans nos prisons que se constituent les grands réseaux de malfrats.

Lorsque la population se livre à la vindicte populaire, c'est pour manifester leur ras-le-bol de la confiance qu'elle a perdu en la justice.

CHAPITRE II :

LES SOLUTIONS PRECONISEES POUR UNE CELERITE DE L'INSTRUCTION DANS UN PROCES PENAL

Les problèmes, comme nous l'avons souligné dans les développements supra, existent et méritent d'être réglés. En effet, les différents manquements relevés tiennent, d'une part, à la caducité de certains textes et, d'autre part, à la non-adaptation des services aux exigences de notre société contemporaine. Dans cette perspective, il faudra procéder à une relecture des règles de procédure et à une réforme de la justice pénale.

Section 1: Relecture des règles de procédure

Répondre dans un délai raisonnable à l'infraction a plusieurs vertus : apaiser la victime par la condamnation de l'infracteur laquelle, par ailleurs, peut obtenir réparation du préjudice par elle subit ; apaiser la société dont l'ordre a été troublé ; atténuer l'angoisse qui habite l'infracteur présumé dans l'attente de son jugement. L'on ne peut affirmer aujourd'hui - loin s'en faut -, que la justice pénale satisfait à cette exigence de célérité. Au-delà du problème récurrent de la détention avant jugement, - contraire au principe de la présomption d'innocence - c'est toutes les phases du procès pénal qui sollicitent l'attention du législateur.

Paragraphe 1: Institution de nouveaux délais de procédure

S'il est vrai que le code togolais de procédure pénale a connu des évolutions notables il n'en demeure pas moins que les réformes sont restées insuffisantes.

En effet, des avancées spectaculaires sont notées depuis le Code d'Instruction Criminelle12(*) jusqu'à nos jours, en matière de droits humains et de libertés fondamentales. D'un autre côté, le code de procédure pénale a, lui-même, évolué depuis sa promulgation.

Des actions devraient être menées à tous les niveaux de la chaîne pénale. L'on peut imaginer de purger les exceptions dans la phase préparatoire du procès et de réaménager les règles qui régissent la privation de liberté avant jugement qui doit être l'exception et non la règle comme c'est le cas actuellement.

Par ailleurs, l'on devrait distinguer entre les délais de détention et le délai du procès appréhendé in globo. Dans le premier cas, des délais butoirs non extensibles pourraient être adoptés. Dans le second cas, des délais butoirs extensibles après motivation circonstanciée seraient indiqués.

Pour une célérité de l'instruction du procès pénal, le législateur togolais, dans le but de mettre fin aux pertes de temps, devrait prendre un certain nombre de mesures notamment :

Ø la détermination des délais de rigueur ;

Ø la limitation du nombre de renvoi ;

Ø l'extension de la notion de flagrance aux mineurs.

Dans le même sens, le législateur doit renforcer les mesures de contrôle de la garde à vue et aussi limiter le temps de la détention provisoire. Par exemple, l'article 113 du CPPT parle seulement de la durée de la détention préventive lorsque la peine encourue est inférieure à deux (02) ans. Son silence sur sa réglementation des peines supérieures laisse la porte ouverte à l'arbitraire.

Notre législateur devrait, surtout, penser à une réforme allant dans le sens de l'institution d'un délai de détention en matière criminelle. Au surplus, il faut penser à réduire, la latitude dont dispose le juge d'instruction en matière de prolongation de la détention provisoire.

Pour les crimes punis de réclusion perpétuelle, il faudra prévoir une durée pour la détention préventive.

Enfin le législateur, à l'instar de son homologue français, pourrait introduire dans le C.P.P., un article incitant clairement au respect du délai raisonnable. L'article préliminaire du C.P.P. français dispose qu'il doit être statué, définitivement sur l'accusation dont la personne fait l'objet dans un délai raisonnable.

Paragraphe 2: Institution du «plaider coupable« dans le code de procédure pénal togolais

Le Togo, à l'instar d'autres pays étrangers, devrait instituer le "plaider coupable" encore appelé comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. En effet, dans certains pays, pour accélérer le cours de la justice on a évoqué la possibilité de faire appel à cette technique. L'objectif est simple: organiser un traitement plus rapide d'un nombre important de délits. En France, le "plaider coupable" est applicable aux délits punis à titre principal d'une peine d'amende ou d'emprisonnement d'une durée égale ou inférieure à 5 ans13(*).

A ce niveau, il y aurait une suppression du débat sur la preuve: l'auteur des faits choisirait de plaider coupable après avoir été informé dès son arrestation de son droit de se taire, une fois son avocat présent. A vrai dire, il s'agit d'une sorte de jugement immédiat, une procédure sommaire de nature particulière en ce sens qu'il permet au juge de statuer immédiatement si le prévenu reconnaît les faits, en prononçant un jugement de condamnation, séance tenante. C'est donc une procédure qui épargne du temps aux magistrats.

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité autorise au juge à prononcer non seulement des peines d'amende mais aussi d'emprisonnement, ce qui permet de juger rapidement et efficacement le nombre de délits et crimes peu importants.

Le système est séduisant et très utilisé dans les pays anglo-saxons, environ 90 fois sur 100 aux Etats-Unis14(*).

En France, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité a fait son entrée dans le palais de justice le 1er octobre 200415(*) et déjà l'entreprise semble être un succès: selon les premières statistiques, deux tiers des juridictions pénales appliquent le "plaider coupable"16(*).

On sait donc aisément que le gain de temps escompté ne réside pas seulement dans la suppression du débat sur la culpabilité comme nous le montre le nom de cette procédure mais également et essentiellement dans la suppression du débat sur la peine. La question de la peine n'est pas débattue lors de l'audience, le juge n'ayant d'autre solution que d'homologuer ou non la proposition du parquet.

En considération des observations précédentes, on constate que le "plaider coupable" fait apparaître une procédure que nous pouvons qualifier de "diminutif au jugement". En effet le qualificatif diminutif tient à ce que l'audience se vide du débat sur la culpabilité et sur la peine, l'une et l'autre se déterminant en amont devant le procureur de la République. L'office du juge est cantonné à la vérification de l'existence d'une qualification, au constat d'un accord et d'un rapport de proportionnalité entre le comportement reproché et la peine acceptée113( *).

En effet, il n'est en rien nécessaire de débattre de la culpabilité lorsque celle-ci est reconnue et acquise avant l'audience. Toujours est-il que le fait de reconnaître sa culpabilité, à condition que cette reconnaissance soit libre et volontaire n'est en rien préjudiciable à l'intéressé - contrairement à une détention préventive excessive - dès lors, d'une part, que celui-ci conserve une faculté de rétractation devant le juge et d'autre part que sont prises les mesures nécessaires à la conservation des preuves en cas de rétractation.

Section 2: Réforme de la justice pénale

Paragraphe 1: Réorganisation des services judiciaires

Réorganiser les services judiciaires demande un minimum de volonté politique. Certes, tout ne se fera pas en un jour mais faille-t-il commencer. Les sempiternels problèmes de personnel et de matériel doivent être résolus au même titre que les problèmes d'ordre infrastructurel. Une réorganisation administrative s'impose également.

Le souci de rapprocher la justice des justiciables recommande que des tribunaux et cours soient créés. Les deux (02) cours d'appel du Togo restent insuffisantes dans le contexte togolais pour une célérité de la justice pénale. La distance séparant certains tribunaux des populations justifient la lenteur de la procédure pénale, surtout par temps de pluie ou de campagne agricole où les populations rurales sacrifient difficilement leur temps pour une justice qui n'interviendra peut-être jamais. A cet effet, il faudra non seulement créer des tribunaux mais aussi les équiper. On ne saurait, ensuite, s'abstenir de dire que parmi les causes de la lenteur de la justice togolaise figure aussi, le principe de l'unification. Il s'agit d'un principe qui veut que tous les litiges soient portés dans le même ordre de juridiction. Plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer l'option du législateur togolais. A l'instar de la France, le Togo devrait aller dans le sens de la séparation. Ainsi les tribunaux seraient partagés entre un ordre judiciaire et un ordre administratif qui représentent deux pyramides hiérarchisées de tribunaux, relevant, chacun, d'une juridiction suprême qui lui est propre et qui peut annuler ses décisions.

Enfin l'attitude des autorités judiciaires qui doivent tout faire pour que les affaires ne s'enlisent pas et qui sont tenues à une véritable obligation de résultat. L'Etat togolais doit organiser les services de la justice, afin que les affaires soient traitées sans retard. Cette exigence se rattache au principe de bonne administration.

Paragraphe 2: Actions sur les fonctionnaires et les conditions de travail

Les vingt-six (26) tribunaux existants doivent être équipés en matériel et fournitures. Ce problème est récurent et ne favorise nullement une célérité des procédures. Au niveau des greffiers, en plein XXIème siècle, à l'ère de l'informatique, les machines à écrire mécaniques continuent d'être utilisées ; ce qui retarde le cours des interrogatoires du juge d'instruction avec les inculpés. En outre, il est difficile de concevoir que l'institution judiciaire puisse fonctionner en l'absence d'une informatisation. Elle part de la dotation en ordinateurs à la mise en réseau pour un transfert plus rapide et moins fastidieux des dossiers.

Le personnel devra être recruté en quantité et en qualité. La vingtaine de magistrats qui sort de l'ENA chaque année ne suffit pas à suppléer aux départs à la retraite et à l'appel à d'autres fonctions des magistrats en exercice. Le personnel greffier est en nombre insuffisant. Le recrutement en nombre s'impose mais aussi la formation continue doit être assurée. Il en est de même pour le personnel non judiciaire dont l'apport non négligeable permettra au service judiciaire de jouer pleinement son rôle. Au tribunal d'Anèho, par exemple, on comprend mal comment un secrétariat peut fonctionner sans personnel ; ceci est pourtant vrai.

L'ouverture de bibliothèques et leur équipement ne serait pas superflu.

Une célérité de l'instruction passe également par des moyens budgétaires appropriés.

La création d'un corps d'interprètes assermentés est à envisager. En effet, la lenteur de l'instruction est partiellement imputable à cette catégorie de collaborateurs dont la situation précaire limite tout naturellement leur disponibilité.

CONCLUSION

Le droit à la justice est un droit constitutionnel. Toutefois, les justiciables se méfient de la justice officielle soit, parce qu'ils la jugent trop lente, soit parce qu'ils pensent qu'elle est corrompue.

Les garanties de l'homme en procès contribuent à donner à la justice l'apparence d'être bien rendue. Dès lors le procès pénal équitable ne se définit pas seulement par l'exigence de l'équité, de l'impartialité. Il implique aussi que la justice soit rendue dans un certain délai.

La longueur des procédures peut être, sans difficulté, assimilée à un véritable déni de justice. Passé un certain délai la défense devient malaisée et on peut assister à une disparition totale ou partielle des preuves.

La célérité de la procédure recherche l'équilibre entre des intérêts opposés : le justiciable estimera que l'administration n'a pas travaillé avec la célérité voulue et les autorités tenteront toujours de démontrer que des motifs légitimes justifient la durée de la procédure.

A vrai dire la célérité de la procédure pénale togolaise est mise en cause. Il faut tout simplement souhaiter que dans l'avenir, les principes ayant trait à une bonne administration de la justice ainsi qu'au respect des droits humains connaissent une évolution.

A cet effet, les mesures préconisées ont rapport aux conditions de travail et aux acteurs de la justice. Tous autant, ils ont leur partition à jouer pour une célérité du procès pénal. Le plaignant doit déférer dans les délais aux exigences de la procédure ; le prévenu doit «collaborer« pour la manifestation de la vérité; les témoins doivent «déposer« avec diligence; les avocats doivent limiter les incidents. Le juge d'instruction, grand organisateur de la procédure doit lui-aussi faire preuve de promptitude pour mener à bien cette tâche. La responsabilité du greffier ne doit elle-aussi pas être occultée. Certes, ce sont ces deux derniers acteurs qui sont visés lorsqu'il faille critiquer la lenteur.

Celle-ci peut être améliorée si un certain nombre d'obstacles sont surmontés. Le souci du législateur en instituant des délais pour l'accomplissement des actes de procédure est d'assurer une justice équitable. En mettant en oeuvre les actions proposées, nous pensons aboutir à une justice équitable et rapide. Si, en plus de ce dispositif législatif, le nombre de tribunaux augmenté, le personnel bien traité, les conditions matérielles améliorées, la justice n'en sortira que renforcée et la société plus crédule.

Si l'on ne peut, à proprement parler, imposer au juge un délai pour instruire une affaire, l'aménagement de sa situation et des conditions objectives d'exercice peuvent améliorer son rendement et rendre par ricochet la justice plus crédible. Ce n'est qu'à ce prix que sera dissipée la nostalgie latente de la société d'une justice clanique ou tribale, selon eux, plus respectueuse des valeurs humaines et sociales.

BIBLIOGRAPHIE

I - Ouvrages

BRAHINSKY Corine Renault, Procédure pénale, pages 1219 et suivants.

JEAN PAUL DOUCET, Le droit criminel la protection de la personne humaine, 3ème édition, préface d'André Vitou, Gazette du Palais.

PRADEL Jean et VARINARD A., Les grands arrêts de la procédure pénale, 3éme édition.

PRADEL Jean, Procédure pénale, 10ème édition 2000-2001, édition Cujas.

II - Documents sur les droits de l'Homme

Charte Africaine des Droits de l'Homme.

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.

III - Textes officiels

Ordonnance n° 78-35 du 7 septembre 1978 portant Organisation Judiciaire au Togo.

Constitution Togolaise du 14 octobre 1992 révisée par la loi n° 2002-029 du 31 décembre 2002.

Loi n° 83-1 du 2 mars 1983 instituant Code de Procédure Pénale.

IV - Cours magistraux

ALFA-ADINI, A., Procédure pénale et voies d'exécution, ENA, cycle II, option Greffe et Parquet, 2ème année 2007-2008, Inédit.

FOUGOU, B., Organisation judiciaire au Togo, ENA, cycle II, option Greffe et Parquet, 2ème année 2007-2008, Inédit.

* 1 _

* 2 _ Cf. ALFA ADINI, Cours de procédure pénale, ENA, 2008

* 3 _ Décision par laquelle une juridiction d'instruction, se fondant sur un motif de droit ou une insuffisance des charges ne donne aucune suite à l'action publique.

* 4 _

* 5 _ 74

* 6 _

* 7 _

* 8 _

* 9 _ 191 à 192

* 10 _

* 11 _

* 12 _ Voir Décret du mai 1924

* 13 _ Article 455 CPP France

* 14 _ Jean Pradel, Procédure pénale, p. 297.

* 15 _ Delage Pierre Jérôme, La CRPC: quand la pratique ramène à la théorie, Dalloz 28 juillet 2005

* 16 _ W. Roumier, Mise en oeuvre de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Droit pénal, avril 2005






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