Conclusion de l'analyse des données
La plupart de nos enquêtés ont des âges
inférieurs à 16 ans. Les plus âgés sont
rencontrés dans les écoles publiques tandis que les moins jeunes
fréquentent les écoles privées. Parmi eux, on rencontre
plus de filles que de garçons. Ils sont en majorité chez les
parents mais ils sont plus nombreux dans les écoles publiques à
vivre avec les tuteurs. Ils proviennent des différentes couches
socioprofessionnelles. Cependant, ils sont plus représentés
à déclarer leurs mères comme des commerçantes. Ils
sont aussi plus nombreux à reconnaître que leurs parents ont
reçu d'instructions. Ainsi plus de la moitié des
enquêtés ont situé le niveau d'instruction de leurs
mères au primaire. Ils parlent dans la majorité une langue locale
en famille.
Par ailleurs, nombreux sont nos enquêtés qui
fréquentent les écoles situées à moins d'un
kilomètre de chez eux. Ils sont plus nombreux dans les
établissements publics à rentrer au CP1 à un âge
dépassant 6 ans. Par contre, dans les écoles privées, ils
sont plus représentés à rentrer au CP1 à un
âge inférieur à 6 ans. Au cours de leurs cursus scolaires,
moins de 50% de nos enquêtés ont rencontré des femmes
enseignantes. Ils sont aussi nombreux à posséder des livres de
lecture, mais peu représentés à disposer les livres de
calcul quotidien. Ils entretiennent de bonnes relations avec les enseignants.
Ils
sont moins insultés par ces derniers, moins
tapés et sont parfois sollicités en classe. Malgré cela
ils ne sont pas réguliers en classe pour des raisons d'ennui, des cours
répétés et de leur complexe d'infériorité en
classe. Ils ne sont pas souvent en retard aux cours.
Ainsi présentés, nos enquêtés sont
nombreux à redoubler au moins une fois le CP1 et le CE1. Ceux qui ont
redoublé deux fois le CP1 et ceux qui ont redoublé deux fois le
CE1 ne sont pas non plus négligeables. D'autres parts, certains de nos
enquêtés ont redoublé aussi le CP2 et le CE2. Mais, nous
avons constaté qu'ils ne sont pas très représentés.
Dès lors, ces redoublements ne sont pas sans relation avec les
difficultés rencontrées au CM2 et les échecs au CEPD. En
effet, nous remarquons que la plupart de nos enquêtés ont
affirmé qu'ils ont des difficultés en lecture, en
compréhension d'un texte écrit et en grammaire française.
Ils se reconnaissent faibles également en calcul rapide, en
problème et en calcul mental. Par conséquent, ils sont plus
nombreux à passer plus d'une fois l'examen du CEPD. Plus de la
moitié de nos enquêtés ont passé au moins deux fois
le CEPD.
En croisant le nombre de redoublement au CP1 et au CE1 avec le
nombre de CEPD passé, il nous est donné de constater que
près de la moitié de nos enquêtés ont
redoublé une seule fois le CP1. Parmi ces derniers (133
enquêtés), plus de la moitié, soit 55,64% ont passé
une fois l'examen de CEPD. Dans l'ensemble des enquêtés qui ont
redoublé deux fois le CP1 (56 enquêtés), 66,07% ont
passé deux fois le CEPD. Ce qui nous laisse croire que plus on redouble
le CP1, plus la chance d'échouer au CEPD s'augmente. Par ailleurs, la
majorité de nos enquêtés qui ont redoublé le CE1 ont
passé au moins deux fois le CEPD.
2-2/ Interprétation des résultats de
l'analyse
Si nous considérons la limite du champ de cette
étude, nous ne pouvons pas extrapoler ces résultats sur
l'ensemble du système éducatif du Togo. D'autres
caractéristiques peuvent toutefois influencer ces résultats de
l'analyse qui feront objets dans ce chapitre de notre interprétation.
Dans cette partie interprétative, nous essaierons de comprendre les
relations entre ces données et les facteurs explicatifs du
phénomène de redoublement précoce au Togo. En effet, les
influences de ces différents facteurs s'expriment à travers les
indicateurs des différentes variables. Ainsi certains facteurs seront
plus déterminants que d'autres.
2-2-1/ Pratiques scolaires des redoublants et les
pratiques pédagogiques des enseignants
Pour porter un regard sur les résultats de la pratique
du redoublement, il faut aussi considérer les évolutions des
attitudes, des comportements des redoublants. Il importe également de
percevoir les situations particulières des élèves et les
difficultés auxquelles ils font face en classe. C'est à la fois
l'analyse des problèmes posés par les conduites des redoublants
et l'attention particulière que les enseignants portent à leurs
égards que nous allons aborder dans cette partie.
· Caractéristiques scolaires de
l'élève redoublant au CM2
L'analyse des données recueillies met en
évidence l'apport de différents facteurs dans l'identification
des différents effets négatifs du redoublement sur la
réussite au CEPD. Les tableaux ci-dessus ne visent qu'à donner un
aperçu des caractéristiques générales des rapports
qui déterminent un redoublant dans son établissement scolaire.
Quelques unes de ces caractéristiques que sont la distance que parcoure
un redoublant pour arriver à l'école, l'âge d'entrée
du redoublant au CP1, la disponibilité des manuels scolaires, la
régularité et la ponctualité du redoublant en classe,
être enseigné par une femme, etc...permettent de se faire une
idée des probables résultats de l'instruction de ce dernier. Ce
type d'analyse s'inscrit dans le cadre d'analyse contextuelle de la
scolarisation formulé par Duru-Bellat et al. (2004). Ainsi, les
contextes dans
lesquels les redoublants continuent leurs scolarisations au Togo
ne sont pas favorables à leur sortie de ce cycle
diplômés.
Cependant, par rapport à la distance qui sépare
les écoles de nos enquêtés et leurs domiciles, il nous est
donné de constater que la majorité de nos enquêtés
parcourent une distance moins d'un kilomètre pour arriver dans leurs
établissements scolaires. Cette distance, par rapport à la
distance moyenne (500m en milieu urbain et 1000m en milieu rural) ne peut pas
agir de façon significative sur les échecs au CM2 dans ce champ
d'étude. Cet indicateur, même s'il est significatif, il est dans
cette étude peu influençant sur les échecs au CEPD.
D'autre part, l'âge d'entrée au CP1 est un
indicateur relatif aux redoublements et/ou à l'achèvement du
cours primaire. Il peut aussi influer sur les dispositions d'acquisition des
connaissances, et est très déterminant dans les relations entre
le groupe des pairs. Au Togo, l'âge d'entrée au CP1 est de six
ans. D'après l'analyse des données de cette étude, la
majorité de nos enquêtés entrent au CP1 avant l'âge
de sept ans. Ce qui nous permet d'affirmer que le retard scolaire,
malgré son influence approuvée sur les redoublements et les
échecs scolaires n'est déterminant dans le cadre de cette
étude sur les échecs au CEPD. Près de 56% de nos
enquêtés entrent au CP1 avant l'âge de sept ans. Par contre,
nous remarqué également que certains élèves,
environ 33% de nos enquêtés ont pris de l'avance sur les autres.
Ils sont entrés au CP1 avant l'âge proprement dit. Par ailleurs,
le groupe minoritaire dans cette analyse (près de 44% des
enquêtés) a concédé un retard scolaire en moyenne de
deux ans sur leurs scolarisation. Mais ces distinctions qui déterminent
le groupe minoritaire dans cette étude, n'influencent pas
significativement la réussite de nos enquêtés dans
l'ensemble.
A la suite de cette analyse, la proportion
d'élèves constituant notre échantillon qui ont
été enseignés au cours de leurs scolarités par les
enseignantes ne sont pas nombreux. Il est conseillé au cours d'une
scolarité d'un enfant, qu'une femme enseignante encadre ce dernier dans
les classes de base préparatoires et élémentaires (CP1et
CE1). Dans ce contexte, il est recommandé une attention
particulière et une affection significative aux élèves,
surtout à ceux qui sont en
difficulté de réussite dans ces classes de base.
Or au Togo, les femmes ne sont pas privilégiées dans
l'enseignement des classes préparatoires et élémentaires.
Elles sont d'ailleurs mal appréciées dans l'enseignement du CP1
et du CE1 (entretien avec les enseignants et les directeurs). Néanmoins
le préscolaire leur est confié. Par rapport à cette
étude, nous avons observé que moins de la moitié de nos
enquêtés ont rencontré dans leur cursus scolaire les
enseignantes. Près 41% de nos enquêtés ont
été instruits au préscolaire par les enseignantes. Ils
sont moins nombreux à être enseignés par les institutrices
au CP1 et au CE1. Par contre, ils sont plus représentatifs à
rencontrer les enseignants-femmes dans les classes de CP2 et CE2. Ceci
témoigne le fait que les femmes ne sont pas très
appréciées dans l'enseignement des classes de base (CP1et CE1) au
primaire. Par ailleurs les établissements publics emploient les
enseignantes plus que les écoles privées. Ici, ces
résultats peuvent influencer les performances des redoublants au CM2.
Mais ces impacts sont moins explicatifs que les redoublements précoces
des échecs de nos enquêtés au CEPD.
Un autre indicateur est très explicatif des
performances des élèves au niveau primaire. C'est la
disponibilité des manuels scolaires. Les livres sont les supports des
cours ou des prestations des enseignants pour les élèves. La
disponibilité des livres scolaire au niveau des élèves
permet à ces derniers de s'appliquer en classe et de s'exercer à
la maison. Au-delà de leurs aspects pratiques, les livres constituent
une source de motivations scolaires aux élèves du primaire au
Togo. Il est ainsi remarqué que les élèves qui ne
disposent pas de livres ne sont pas actifs en classe et ne sont pas souvent
intéressés par l'école. Ceci est plus significatif dans
les premières classes du primaire c'est-à-dire dans les classes
de CP et CE. Au Togo, les manuels scolaires mis à la disposition des
élèves ne sont pas très suffisants. Ceci est encore plus
observable dans les écoles publiques. Au Togo, dans les écoles
primaires les livres de lecture sont exigés de chaque
élève. Mais, les disparités socioéconomiques des
familles mettent des différences dans la disponibilité des livres
scolaires entre les élèves issus des familles nanties et les
enfants des familles pauvres. Les élèves des milieux
favorisés possèdent plus que les élèves des milieux
défavorisés les livres de lecture. Ce qui explique le fait que
ces livres sont plus utilisés par les élèves des
écoles privées que les élèves des
établissements publics. Hormis cette
différence, les livres de lecture sont utilisés
par la plupart des élèves de niveau primaire. Par contre les
livres de calcul quotidien sont moins utilisés par nos
enquêtés. Dans les écoles publiques, à peine 30% de
nos enquêtés ont faits usage de ce type de livre avant les classes
de CM, alors que les élèves des écoles privées qui
disposent de ce livre représentent plus de 46% de nos
enquêtés. En général, les livres de calcul quotidien
sont moins disponibles au niveau des élèves que les livres de
lecture. Par ailleurs, on peut retrouver chez une minorité de nos
redoublants enquêtés d'autres types de livres comme celui des
sciences de la vie et de la terre, les livres de géographie et
d'histoire, certains manuels conçus pour aider les élèves
en difficulté. Nous pouvons ainsi déduire que les redoublants
enquêtés n'ont pas manqué de manuels scolaires quand ils
étaient aux niveaux inférieurs de l'école primaire. Ce qui
suppose que cet indicateur ou la non disponibilité des livres au CP et
au CE n'influe pas de manière significative sur la performance des
redoublants au CM2.
En s'interrogeant sur ces facteurs contextuels, nous nous
sommes intéressés également aux comportements scolaires de
l'élève redoublant au CM2. Nous entendons par ces comportements
scolaires, la régularité et la ponctualité en classe des
redoublants que nous avons enquêtés. Ces indicateurs
décrivent d'une part l'adhésion ou la non adhésion des
redoublants à la pratique du redoublement et expliquent d'autre part la
performance des redoublants au CM2. Dans le contexte de cette étude, en
évoquant les raisons de ces comportements, les redoublants expriment
l'état psychologique qui oriente leurs comportements. Au moyen de cette
étude, nous constatons que les redoublants sont moins réguliers
en classe. Moins de 46% des redoublants enquêtés sont
réguliers en classe. Ils sont ainsi plus nombreux dans les
établissements publics à manquer les classes que les
élèves qui fréquentent les écoles publiques. Et, en
justifiant leurs absences en classes, ils sont plus nombreux à accepter
qu'ils s'absentent parce qu'ils possèdent déjà les cours
dispensés en classe. Ce qui explique que beaucoup d'enseignants, surtout
dans les écoles publiques ne changent pas de fiches des cours au fil des
années. C'est ce qui confirme les mêmes cours que possèdent
les redoublants les années suivant son année de redoublement.
D'autres parts, 55,52% des redoublants enquêtés expliquent leur
absence par l'ennui en classe. Ce qui montre qu'ils ne seraient pas
impliqués dans la
participation des cours. Ils se sentent nul en classe et
préfèrent l'école buissonnière que de s'ennuyer en
classe. Ils ne sont pas non plus les moindres à se sentir mal
appréciés par leurs enseignants en classe. Ces tendances sont
plus exprimées dans les écoles publiques que dans les
écoles privées. En fait, cet indicateur pourrait être un
facteur très influant sur les performances en classe de CM2 expliquerait
significativement l'échec des redoublants au CEPD. Ces redoublants ne
seraient pas nombreux à être en retard aux cours. Ceux qui sont
souvent en retard ne représentent que 6,21% de nos
enquêtés. Ils sont rarement en retard surtout dans les
écoles privées. Ces derniers expliquent cette situation par leur
occupation à la maison, et par l'amusement qu'ils font en route. Ainsi
nous découvrons, après cette analyse que les redoublants
enquêtés ne sont pas réguliers en classe, mais ils sont
souvent à l'heure en classe. Ils sont alors moins influencés dans
leurs performances par le retard en classe que par les redoublements successifs
concédés dans les classes antérieures.
· Qualité des relations en classe entre les
enseignants et les redoublants L'attitude de l'enseignant, ses valeurs
éthiques et ses choix pédagogiques influencent la réussite
des élèves qui lui sont confiés. L'enseignant ne doit pas
être indifférent aux différences. Ce qui va l'amener
nécessairement à surveiller ses attitudes et à rechercher
des solutions pour ses propres pratiques. Au risque d'adopter de la
pédagogie différenciée il faut s'efforcer d'enseigner
parfois autrement que ses sentiments incitent à le faire. On favorise,
faute de quoi, les élèves avec lesquels il existe une entente
culturelle ou ceux qui répondent à ses attentes. P. Perrenoud
(1995) évoque à ce sujet : « Dans ce métier de
l'humain, on
entre en relation avec des enfants [...] qu'on n'a pas
choisis. Certains vous plaisent, vous
attirent, vous font du bien, d'autres vous irritent, vous
mettent mal à l'aise, éveillent en vous des sentiments troubles
ou agressifs. ». Il faut ainsi identifier ses sentiments sans les
nier pour s'efforcer de les maîtriser et de ne pas les laisser guider son
action.
Malheureusement, au Togo en général les
élèves surtout les redoublants réveillent souvent en leurs
enseignants les sentiments de colère allant parfois aux sentiments de
haine par leurs comportements scolaires négatifs et leurs mauvaises
performances en classe. Ce qui s'exprime souvent dans les rapports
qu'entretiennent ces enseignants envers leurs élèves. Nous avons
pris en compte les insultes, les coups de bâtons et la négligence
que subissent les redoublants
enquêtés dans cette étude. Dans notre
champ d'étude, les enquêtés ne sont pas souvent
insultés par leurs enseignants. Peu d'élèves sont parfois
insultés tandis que la majorité des redoublants
enquêtés ne sont jamais insultés. Cependant, nous avons
constaté que dans les écoles publiques beaucoup de redoublants
sont parfois insultés par les enseignants alors que dans les
écoles privées la majorité des élèves ne
sont jamais insultés par leurs enseignants. Cette tendance positive
explique d'une part que les enseignants de l'école primaire au Togo ne
détestent pas les redoublants de leurs classes. D'autre part, on peut
penser que ces enseignants mettent en pratique les normes pédagogiques
de leur profession. Par ailleurs, les enseignants ne tapent pas souvent les
redoublants enquêtés. Environ 65% de nos enquêtés ne
sont jamais tapés par leurs enseignants. Ceux qui sont souvent
tapés ne sont pas nombreux que ce soit dans le public que dans les
privées. Nous pouvons confirmer par cette analyse que les redoublants ne
sont pas tellement inquiétés par les enseignants au Togo. Ce qui
ne pourrait pas être la cause d'une mauvaise performance des redoublants
au CM2. D'ailleurs, pour s'en convaincre les redoublants enquêtés
reconnaissent qu'ils sont parfois sollicités à participer aux
cours en classe. Ceux qui, parmi les redoublants qui ne sont jamais
sollicités à participer aux cours sont moins nombreux que les
premiers. Ils sont ainsi considérés ou vus de la même
manière que les non redoublants par leurs enseignants. En s'interrogeant
ainsi sur leurs sentiments en classe, plus de la moitié des
enquêtés se sentent préoccupés par leurs
enseignants. Presque le tiers des redoublants reconnaissent être
abandonnés par leurs enseignants. Nous pouvons alors définir
comme bons comportements pédagogiques les relations que nouent les
redoublants enquêtés avec leurs enseignants en classe. Ces
indicateurs, en définitive n'ont de mauvais impacts sur les mauvaises
performances des redoublants au CM2. Du coût, leurs échecs au CEPD
ne pourraient être déterminés par les relations
qu'entretiennent les enseignants avec les redoublants enquêtés.
2-2-2/ Caractéristiques individuelles et sociales
des redoublants au CM2 L'appartenance sociale des élèves
est une des causes les plus souvent évoquées pour expliquer la
réussite scolaire. Dès 1966, Bourdieu montre une forte
corrélation entre l'origine sociale d'un élève et ses
chances de réussite à l'école. Cette corrélation a
ensuite été régulièrement vérifiée et
elle reste toujours
importante aujourd'hui. On peut interpréter ce
phénomène selon plusieurs facteurs. En invoquant les
déficiences du milieu familial (handicap socioculturel),
l'héritage culturel (intérêt pour la lecture et les
activités intellectuelles, etc...) est parfois fort
éloigné des normes scolaires. Aussi l'écart entre le
langage à l'école et le langage à la maison est parfois
important, en particulier lorsque la langue maternelle est différente.
D'autre part, le système des valeurs de la famille détermine
l'attitude de l'élève vis à vis de l'école.
Certains parents accompagnent la scolarité de leurs enfants. D'autres
l'ignorent, ou sont bloqués par des obstacles (activité
professionnelle, tâches domestiques). A l'inverse, d'autres parents, du
fait de leurs exigences « entravent la volonté propre de leurs
enfants ». (G. Chabert-Ménager, 1996). Il apparaît donc
que du fait de leur origine familiale, certains enfants doivent faire un
travail d'apprentissage beaucoup plus important que d'autres. Jacques
Lévine (2001) exprime ces difficultés familiales en ces termes ;
« il devient de plus en plus fréquent de voir des enfants
envahis par les problèmes familiaux, qui arrivent donc en classe en
étant ailleurs, qui ne sont pas disponibles pour les apprentissages
».
· Caractéristiques démographiques de
l'élève redoublant aux CM2
Les caractéristiques démographiques de
l'élève redoublant que nous considérons dans le cadre de
cette étude sont l'âge, le sexe, résidence en famille ou en
tutorat.
L'âge de l'élève redoublant au CM2 peut
influencer ces performances en classe et lors des examens. Un enfant de seize
ans n'aurait pas les mêmes réactions qu'un élève de
onze ans face aux exactions de leurs enseignants. Il serait moins soumis que le
second, et n'est donc pas disposé à apprendre comme ses pairs. Ce
sont les élèves plus âgés qui deviennent les
élèves perturbateurs, dont l'influence serait imitée par
les autres redoublants (Duru-Bellat, 2004). Au Togo, surtout dans cette
étude nous avons constaté que la majorité des
élèves de CM2 ont moins de seize ans. Moins de 50% de nos
enquêtés ont entre 6 ans et 11 ans, et moins de 50%
également ont un âge situé dans l'intervalle de 11 ans et
16 ans. Le croisement de cette donnée avec les données de
l'âge règlementaire au CP1 nous permet d'affirmer que cette
seconde moitié de notre échantillon a un retard scolaire qui peut
être dû à un retard d'entrée au CP1, ou aux
redoublements
précoces successifs. Dans cette seconde moitié,
nous avons observé plus d'élèves dans les
établissements publics que dans les établissements
privés.
De même, le sexe est déterminant dans la
réussite scolaire au Togo. Au Togo, comme dans la plupart des pays de
l'Afrique la fille est plus proche de sa mère que le garçon. Elle
aide plus souvent sa mère dans les tâches ménagères.
Chaque matin, avant d'aller à l'école, une fille au Togo a
l'obligation de rendre la maison propre avec sa mère avant de se
préparer pour l'école. Dans l'exécution de ces
tâches, elle se fatigue avant d'arriver à l'école, elle est
souvent en retard ou elle se réveille vite et ne dort donc pas
suffisamment, elle n'a pas autant de temps que le garçon pour la
révision de ses cours. Cette étude nous confirme que la
majorité des redoublants au CM2 sont de sexe féminin. Elles font
plus de la moitié de nos enquêtés. Elles
représentent 56,90% des élèves enquêtés. Ce
fait est observé tant dans les écoles publiques que dans les
écoles privées.
Par ailleurs, nous avons également identifié un
autre facteur qui influence significativement la réussite à un
examen, ici le CEPD. Il s'agit de la résidence de l'enfant. Dans cette
étude, nous nous sommes intéressés à la
résidence des élèves avec leurs parents ou avec les
tuteurs. Il a été prouvé par d'autres études que le
suivi des élèves en classe par leurs parents soit un facteur de
réussite des enfants. Ainsi selon que l'enfant réside avec ses
parents est un facteur de motivation scolaire. Ces derniers, qu'ils soient du
milieu favorisé pour la réussite scolaire ou pas transmettent
à l'enfant leur vision ou leur attente de ce dernier. Ce qui constitue
une motivation pour les performances scolaires des enfants. Dans le contexte de
cette étude, un élève redoublant a beaucoup plu besoin
d'un soutien financier, d'affections et d'encouragement pour pouvoir s'adapter
aux conditions requises pour la réussite scolaire. En interrogeant les
redoublants enquêtés dans cette étude, nous constatons que
la plus part des redoublants résident avec leurs parents. Ils seraient
alors suffisamment protégés, motivés et soutenus par leurs
parents pour réussir au CEPD. Cependant, s'ils reprennent plusieurs fois
le CEPD, il serait plus raisonnable d'identifier les causes plus dans les
redoublements successifs que dans une manque de soutien familial.
· L'origine sociale des redoublants qui échouent
au CM2
Certaines approches théoriques ont essayé
d'expliquer, par le passé la réussite et/ou l'échec
scolaire au moyen de leurs disciplines respectives comme la psychologie, la
sociologie, la philosophie, la biologie et autres. Certaines tendances
utilisent le déterminisme social pour expliquer la réussite et/ou
l'échec scolaire des élèves. Ces courants de pensée
tiennent pour principales responsables des redoublements les familles des
redoublants. Les redoublements ont pour origine essentielle l'environnement
socioculturel du redoublant. Même si ces théories ont
été nuancées par Duru-Bellat et Mingat cités par
Francine Best (1997), force est de constater après analyse de cette
étude que les redoublements sont plus fréquents dans les familles
en situation défavorisée pour réussir à
l'école. Dans le cadre de cette étude les indicateurs tels la
profession du père et de la mère de famille, le niveau
d'instruction du père et de la mère de famille et la langue
parlée à la maison sont très déterminants pour la
réussite au CEPD des redoublants enquêtés.
La profession du père de famille conditionne la
réussite scolaire des enfants au Togo. Le père étant le
premier responsable de la famille, sa profession détermine sa
disponibilité et sa capacité de financement pour
l'éducation des enfants. Au moyen de cette analyse, on compte sur le
champ de cette étude presqu'autant de redoublants dans les
catégories professionnelles considérées. Ces
résultats n'infirment pas les résultats des études
antérieures qui ont vérifié que certaines
catégories professionnelles sont plus favorisées dans la
réussite scolaire des enfants que d'autres. Dans le champ de cette
étude, certaines catégories professionnelles sont sous
représentées. Les catégories professionnelles
considérées sont les commerçants, les enseignants, les
bureaucrates, les cultivateurs et d'autres (le zémidjan, le travail
domestique, la menuiserie, la coiffure, la couture, ect...). Aussi, nous avons
considéré la profession des mères de famille. Ce sont les
mères de famille qui sont plus en contact avec les enfants au Togo.
Ainsi leurs professions pourraient aussi déterminer la performance, la
motivation et la persévérance des redoublants. Elles sont celles
qui apportent plus d'affection aux enfants surtout ceux qui sont en
difficulté. Or dans le champ de notre étude la majorité
des redoublants ont pour mères ou tutrices des commerçantes.
Cette fonction qui est libre par définition, demande des mères
ou
tutrices un sacrifice de temps pour suivre leurs enfants
redoublants à l'école. Ces analyses nous permettent d'affirmer
que la profession des parents, malgré qu'elle soit déterminante
pour la réussite scolaire, n'est pas très significative dans
cette étude. Nous avons compté presqu'autant de redoublants des
les catégories des pères, et enquêté plus de
redoublants dont les mères ou tutrices sont des commerçantes.
D'autre part le niveau d'étude atteint par les parents
surtout les mères de familles a été démontré
très déterminant pour la réussite scolaire des
élèves. Il l'est encore plus pour les enfants en
difficulté de réussite. Le niveau d'étude du père
et de la mère de famille oriente et définit une vision
d'instruction et de formation pour les enfants de la famille. Cet indicateur
permet également de suivre la scolarité des enfants. Il peut
également déterminer le niveau et les types de soutien que
peuvent apporter les parents aux enfants en difficulté de
réussite scolaire. C'est ce que Pierre Bourdieu et Jean Claude Passeron
ont démontré à travers le concept du capital culturel. Ils
définissent le capital culturel comme « les biens culturels qui
sont transmis par les différentes actions pédagogiques
familiales » (Bourdieu et Passeron, 1970). Ce capital culturel
agirait sur les performances scolaires de l'enfant par un processus de
développement de compétences et de dispositions logiques
préparant à la réussite scolaire, ou encore par la prise
en compte des comportements des parents envers l'école (Dumais Susan,
2002). Dans notre champ d'étude, la majorité des redoublants ont
au moins des pères de niveau d'instruction primaire. Seulement peu des
redoublants enquêtés ont des pères qui n'ont aucun niveau
d'instruction. Ce qui suppose que les pères des redoublants
enquêtés ont la compétence et la capacité de les
suivre du moins à ce niveau d'instruction. Et si nous considérons
le niveau d'instruction des mères de nos enquêtés, la
majorité d'entre elles ont un niveau d'instruction limité au
primaire. Elles sont également plus nombreuses que les pères
à n'avoir aucun niveau d'instruction. Elles sont néanmoins
disposées à suivre et à soutenir leurs enfants en
difficulté de réussir au CEPD. Par ailleurs, la langue
parlée à la maison est également mis en corrélation
avec les performances scolaires des élèves. Au Togo, la langue
d'instruction est le français. Les familles qui pratiquent cette langue
comme langue maternelle disposent avantageusement leurs enfants à
l'école que les familles qui parlent à la maison les langues
locales. La langue étant un véhicule de transmission des
valeurs culturelles, les élèves issus des
familles qui pratiquent le français comme langue maternelle
possèdent avant leur entrée à l'école d'un
vocabulaire français leur permettant de communiquer avec l'enseignant.
Ils sont ainsi plus proche des enseignants et bénéficient de leur
estime, et de leur affection. Aussi le français parlé à la
maison permet aux élèves de ces familles de vite et mieux
comprendre les enseignements que les élèves qui n'utilisent pas
cette langue à la maison. Au Togo, plus de la moitié des
élèves ne parlent pas le français à la maison. Ils
partagent avec les parents la langue locale. Nous observons ces
élèves plus dans les écoles publiques que dans les
écoles privées. Parmi les élèves qui partagent la
langue française avec leurs parents, les écoles privées
abritent plus de 30% de nos enquêtés. Ceci dit, la langue
parlée à la maison n'influence pas de trop les performances des
redoublants au CM2 dans le contexte de cette étude. C'est ainsi que
d'autres facteurs d'analyse comme les redoublements précoces pourraient
plus éclairer sur les échecs des redoublants au CEPD.
2-2-3/ Effets du redoublement précoce sur la
performance des redoublants au CM2
Il nous semble que plus le redoublement intervient tôt
dans la scolarité plus il est associé à une faible
réussite ultérieure. Au fur et à mesure que le
redoublement survient plus tardivement, les difficultés de
réussite diminuent en conséquence. Le redoublement entraine un
retard scolaire qui constitue un handicap dans la scolarité d'un
élève. Plus un enfant redouble précocement, plus il
accumule les difficultés de réussir plus tard. Ces
difficultés sont plus appréciées au niveau des disciplines
de français et des épreuves de mathématique. Ces
difficultés accumulées dans les classes antérieures
constituent des handicapes à la réussite des épreuves au
CM2, et surtout à l'examen de CEPD.
· La performance des redoublants précoces au
CM2
En s'intéressant au nombre de redoublements connus par
nos enquêtés dans les classes antérieures, nous avons
observé que les élèves en difficultés de
réussite au CEPD sont nombreux à redoubler le CP1 et le CE1. Ces
classes de base sont des classes d'initiation aux sous cycles. Ainsi les
élèves qui accumulent des handicaps dans ces classes pourraient
les garder tout au long de leur scolarité. Par l'analyse des
résultats des tableaux 6 et 8, nous constatons que les
élèves en
difficulté au CM2 sont moins nombreux à
concéder de redoublement dans les classes de CP2 et de CE2.
Les élèves qui ont redoublé une fois le
CP1 auront moins de difficultés de lecture que ceux qui aurait
redoublé deux fois la même classe. De même, ceux qui ont
passé plus d'années au CE1 connaitraient plus de
difficultés dans les exercices mathématiques que les
élèves qui avaient connu un seul redoublement à ce niveau
de scolarité. C'est ainsi qu'il est constaté que les redoublants
précoces qui arrivent au CM2 ont beaucoup de difficultés de
lecture. Ils déchiffrent difficilement les mots et font difficilement
des liaisons en lecture. Ils ont également des difficultés
à faire des liaisons. Ces carences en lecture sont plus observées
dans les écoles publiques que dans les écoles privées. Ces
difficultés de lecture déterminent alors les difficultés
rencontrées par les redoublants au CM2 à comprendre les textes
étudiés en classe. Parmi l'ensemble des redoublants
enquêtés, à peine 17% de l'échantillon ont
affirmé qu'ils comprennent aisément un texte qui est soumis
à leur étude. D'autres parts ils ont des freins dans les
exercices de grammaire. Les élèves en difficultés au CM2
ont des problèmes dans la rédaction d'un texte en français
à accorder les verbes aux sujets. Ils accordent difficilement aussi les
participes passés. Dans l'accord des noms aux articles, les redoublants
au CM2 se débrouillent dans cet exercice. Presque la totalité de
nos enquêtés reconnaissent leur difficulté à
accorder les adjectifs aux sujets. Ces difficultés en français
sont l'expression des lacunes accumulées dans les classes
antérieures au cours des redoublements successifs.
Non seulement nos enquêtés connaissent des
difficultés de compréhension d'un texte de leur niveau
rédigé en français, mais aussi ils ont des handicapes
à satisfaire aux épreuves de mathématique. Alors que ces
élèves redoublants ont bénéficié des
années de scolarité dans les classes de base, ici au CE1, ils
arrivent au CM2 avec des niveaux d'acquisition en mathématique
inférieurs à ceux des élèves qui n'ont pas connu de
redoublement dans ces classes. Le tableau 12 de notre analyse nous informe que
la majorité de nos enquêtés n'ont pas souvent la moyenne en
calcul rapide. Ceux qui obtiennent rarement la moyenne cumulés à
ceux qui n'ont jamais obtenu de moyenne représentent plus de 82% des
redoublants enquêtés. Leurs performances en calcul mental et dans
la résolution
d'un problème mathématique ne sont pas si
différents de ce que nous avons observé en calcul rapide. En
générale, les mauvaises performances sont plus observées
dans les écoles publiques que dans les écoles privées.
· L'impact du nombre de redoublement précoce sur
la réussite au C EPD
L'examen du CEPD sanctionne les élèves qui ont
satisfait aux épreuves qui définissent les compétences
exigées de la scolarité primaire. Les difficultés que
rencontrent les redoublants à satisfaire à ces épreuves
sont certainement des lacunes accumulées dans les classes de base
après plusieurs redoublements. Le nombre de redoublements
précoces connus détermine quelque part le nombre de CEPD
passé au CM2. En croisant le nombre de redoublement connu au CP1 et le
nombre de CEPD passé, on peut conclure que la plus part des
élèves qui ont redoublé une seule fois au CP1 ont
passé le CEPD une seule fois également. Et, la majorité
des élèves enquêtés qui ont connu deux redoublements
au CP1 ont échoué aussi à leur deuxième examen de
CEPD. Ces résultats confirment notre hypothèse qui stipule que
beaucoup de redoublements d'un élève au cours primaire influence
sa réussite au CEPD. Par ailleurs cette hypothèse reste
vérifiée en croisant le nombre de redoublement au CE1 et le
nombre de CEPD passé. D'après ce croisement, la majorité
de ceux qui ont redoublé le CE1 plus d'une fois ont passé
également l'examen du CEPD plus d'une fois. Tout comme les
redoublements, les élèves qui fréquentent les
établissements publics accumulent beaucoup d'échec au CEPD que
les élèves rencontrés dans les écoles
privées.
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